L’indépendance, entre souveraineté Christine ALFARGE - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
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 L’indépendance,   entre souveraineté
et liberté des peuples

« C’est   beau, c’est grand, c’est généreux la France »
(Charles De Gaulle)
       
   
par Christine Alfarge,
« Il   n’y aurait aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n’en profitaient pas moralement, matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez   eux à la gestion de leurs propres affaires » écrivait Charles De Gaulle.
Il adaptait ses orientations politiques selon les circonstances, la vocation qu’il reconnaissait à la France, le conduisait   dans deux directions, il disait : « Pour être elle-même, c’est-à-dire indépendante, elle devait garder les mains libres, mais pour être fidèle à elle-même, elle devait soutenir aussi une grande querelle ; son génie est d’éclairer l’Univers. » Ainsi, le cheminement de sa pensée en termes d’indépendance, développait à la fois l’idée de souveraineté de la nation et la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
« Placés devant l’élévation et la légitimité de ses motifs d’action, écrira Pierre Lefranc sur le général De Gaulle, ses interlocuteurs même les plus coriaces, jugés par l’opinion publique, ne pouvaient que céder. Il en fut ainsi des affaires les plus sérieuses concernant le Liban et la Syrie en 1941, Saint-Pierre-et-Miquelon en 1942, Madagascar en 1943, finalement de la défense de la souveraineté nationale contre l’AMGOT (Gouvernement militaire allié des territoires occupés) lors du débarquement de 1944. N’oublions pas aussi la défense de Strasbourg en 1945, et enfin fruit de sa constante rigueur, la présence de la France aux côtés des vainqueurs. »

La France, ardent défenseur de toutes les indépendances.
Contrairement à bon nombre de ses pairs, le général De Gaulle n’a pas été un officier colonial. « Nous voyons naître des mouvements d’idées, de passions, d’intérêts, dont le but manifeste est la fin de notre domination », écrira-t-il dès 1934, il mesure à cet instant la force des nationalismes indigènes. Le général De Gaulle aimait le continent africain avec lequel il a toujours entretenu de bonnes relations réciproques. Il organisera la France Libre à Brazzaville, le 29 octobre 1940, avant le transfert de son siège à Alger en 1943.
Le 30 janvier 1944, son célèbre « Discours de Brazzaville », annonce le prélude à l’autonomie et à l’indépendance de l’Afrique noire française. Il apparaît alors qu’à la fin du conflit mondial, le général De Gaulle pense que le mouvement de décolonisation est inéluctable.
Le 4 mars 1953, alors qu’il n’est plus aux affaires françaises, le général De Gaulle entamera une grande tournée des pays africains au Sénégal, Soudan, Guinée, Côte d’Ivoire, Togo, Dahomey, Haute-Volta, Niger, Tchad, Oubangui-Chari, Congo, Gabon et Cameroun, puis dans la même année Madagascar, La Réunion, les Comores, la Côte des Somalis, leur témoignant ainsi sa reconnaissance à l’effort de guerre, mesurant leur souhait en tant qu’anciennes colonies à marcher vers leur indépendance.
Dès son retour au pouvoir, il débutera, en août1958, une tournée africaine pour promouvoir l’idée d’une Communauté française régissant les rapports entre la République française et les Territoires d’Outre-mer, la France gardant les secteurs clé de décision (défense, politique étrangère, commerce extérieur et monnaie), un projet devant être soumis au référendum le mois suivant.  

Que   s’est-il passé en Indochine ?
En 1946, la décolonisation de l’Indochine aurait pu se faire sans heurts, par la négociation. Français et Vietnamiens n’ont pas réussi à éviter le conflit, la volonté du général De Gaulle était de garder son « balcon sur le Pacifique ». Pour lui, la reconquête de l’Indochine était la dernière étape de la libération de la France. Il écrivait en 1951 : « La   guerre où nous sommes engagés en Indochine est la guerre de la liberté… » Mais à partir de 1953, cette obstination allait faire place à une idée réfléchie, la reconnaissance qu’une autre politique s’imposait en Indochine et l’acharnement militaire ne menait à rien.

Quand les   peuples s’unissent.
Face au vent de décolonisation qui soufflait, la guerre avait aussi donné l’espoir en Algérie que l’ordre colonial pouvait être renversé. Le 1er juin 1958, à la suite de la crise de mai et porté par les partisans de l’Algérie française, Charles De Gaulle revient aux affaires comme nouveau chef du gouvernement.
Mais, le 16 septembre 1959, une autre voix inattendue, celle de De Gaulle, devenu président de la République, sera entendue par tous : « Grâce au progrès de la pacification, au progrès démocratique, au progrès social, on peut maintenant envisager le jour où les hommes et les femmes qui habitent l’Algérie seront en mesure de décider de leur destin… Je considère comme nécessaire que ce recours à l’autodétermination soit aujourd’hui proclamé. »   
Le cœur et la raison commandent alors d’aller dans le sens du général De Gaulle laissant les Algériens choisir eux-mêmes leur propre avenir !
 
L’indépendance, clé de voûte de la pensée gaulliste.
Ce qui inspirait avant tout le général De Gaulle dans son action extérieure comme dans sa vision historique de la France, c’était la certitude que la seule réalité, dans l’histoire et les sociétés, c’est la nation. « C’est cet attachement viscéral à la nation que redoutent ceux qui ont choisi de faire approuver le traité de Lisbonne par le Parlement, et non par le peuple. » disait Pierre Lefranc.« De plus, ce qui conforte ma conviction, je le constate à nouveau, c’est qu’il pousse en avant nombre de peuples du monde. Chez nous, ce sentiment national ne se manifeste pas visiblement, sauf sur les terrains de football, mais cela tient à ce que nos dirigeants ne nous parlent pas de la France. De Gaulle, lui, nous la rappelait constamment, elle était présente, et sous un beau visage, il n’y avait pas alors de snobisme à ne pas l’aimer   ouvertement. »
La politique gaullienne est avant tout celle de la légitimité. Pendant onze années à la tête de l’Etat entre 1958 et 1969, la stratégie diplomatique française repose sur l’indépendance. D’où la nécessité   de posséder une force de frappe nucléaire, de quitter le commandement intégrer de l’Otan et d’exprimer une voix différente, refusant la confrontation des blocs tout en restant fidèle à l’Alliance atlantique et à l’Occident. Cette politique initiée par le général De Gaulle se situe dans le contexte de guerre froide afin de lutter contre l’hégémonie des super puissances américaine et soviétique. Cela n’empêche pas la France de s’émanciper de la tutelle américaine tout en restant son allié lors de la   crise de Cuba en 1962.
Dans ses Mémoires d’espoir, pour qualifier l’action internationale de la France, le général De Gaulle écrivait : « Il est indispensable que ce que nous disons et ce que nous faisons, le soit indépendamment des autres. Dès mon retour, voilà la règle ». « Durant la période présidentielle, les occasions n’ont pas manqué d’affirmer la France et son indépendance vis-à-vis de l’étranger, ainsi que la primauté du social face au conservatisme et au poids des corporatismes » dira Pierre Lefranc. Le général De Gaulle récusait la vision fédéraliste préconisée par Jean Monnet et ses adeptes : « On n’intègre pas les peuples comme on fait de la purée de marrons » disait-il.
L’Europe doit avant tout être basée sur la coopération des nations qui partagent certaines valeurs comme la démocratie. Mais l’Europe doit s’affirmer dans une perspective de puissance et d’indépendance. Le 13 juin 1963, s’adressant à Alain Peyrefitte, le général explique : « Notre politique, Peyrefitte, c’est de réaliser l’union  de l’Europe. Mais quelle Europe ? Il faut qu’elle soit européenne ; si elle est confiée à quelques organismes technocratiques plus ou moins intégrés, elle sera une histoire pour professionnels et sans avenir. L’Europe doit être indépendante. Il s’agit de faire l’Europe sans rompre avec les Américains, mais indépendamment d’eux. »
C’est précisément ce qui va changer la donne au niveau international en particulier dans notre histoire française et européenne. Dès son retour en 1958, la notion d’indépendance va jalonner le cheminement de sa pensée sur l’idée européenne. Fin 1962, institutionnellement, le principe de l’élection du président au suffrage universel est adopté, le redressement économique est réussi, le problème algérien est réglé. L’objectif qui paraît marquer davantage ses intentions, est l’affirmation européenne à travers le plan Fouchet, appelé « Traité établissant une Union d’Etats » dont le général De Gaulle veut faire du rapprochement franco-allemand, la pierre angulaire d’une construction d’un ensemble indépendant. Les objectifs du général De Gaulle étaient d’avancer sur la politique internationale et de défense ainsi que par rapport aux Etats-Unis.
La France n’était pas divisée, elle affichait ses différences avec les Etats-Unis montrant la volonté pour un rôle mondial, contrairement à l’Allemagne qui exerçait un rôle de médiateur avec les Etats-Unis. Jusqu’à la guerre froide, les Allemands n’ont pas disputé le premier rôle à la France tout en veillant à défendre leurs intérêts. Le but du général De Gaulle était de redonner à la France un statut de puissance ayant un rôle incontournable, redevenir la première puissance militaire en   Europe.
Pour être une puissance économique et diplomatique, la France assurera sa propre défense par la mise en place de forces nucléaires au service d’une stratégie de dissuasion face aux grandes hégémonies. Elle deviendra la cinquième puissance mondiale et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.
Quant à l’union économique et monétaire, c’était avant tout un projet politique impulsé par les échanges intergouvernementaux. Il faut rappeler que l’Allemagne par la voix d’Helmut Kohl a demandé la création de la monnaie unique pour des raisons de politique intérieure. Dans la culture politique de l’Allemagne fédérale, la stabilité de la monnaie a toujours été perçue comme la condition indispensable de la stabilité politique. Cependant l’Allemagne qui a toujours souhaité l’union politique, refusait d’augmenter sa participation financière à l’Union européenne. Il existe une ambiguïté constante de la position allemande face à l’Europe politique idéologiquement plus fédéraliste que la position française qui a toujours souhaité un gouvernement économique en dehors de toutes institutions supranationales.
  
Il y a toujours un impérialisme allemand, la question de fond qui demeure.
L’Allemagne a commencé la rigueur salariale avant les autres, donnant la priorité à la réunification. Puis en 2002, tout en veillant à garder une protection sociale de qualité, elle a commencé un ensemble de réformes importantes afin de renforcer la compétitivité de son industrie représentant 25 % de son Produit intérieur brut, lui permettant ainsi de peser parmi les quelques pays développés compétitifs dans la mondialisation. L’Allemagne a fait le choix de garder les outils de production, lui permettant d’avoir un avantage dès le départ sur les concurrents. La crise, que nous connaissons, est surtout due à l’ultra concurrence, au libre-échange, sans protectionnisme européen, c’est d’ailleurs le facteur majeur, peut-être décisif, de cette crise et nous restons à appliquer les règles de la concurrence que nous impose la Commission européenne et qui sont absolument catastrophiques sur les plans industriel et agricole et par voie de conséquence, sur le plan social.
Aujourd’hui, l’Allemagne voudrait être dans l’espace pacifié mais la France dans tout cela ? Elle n’a plus de politique industrielle, une croissance en berne, la possibilité de réduire y compris dans les problèmes de défense. Quels sont ses atouts ? Il existe de bonnes multinationales et une bonne recherche. La France est le deuxième pays d’Europe qui sera le plus peuplé des pays européens en 2050. Le sens de l’intérêt général est de retrouver notre souveraineté financière par des réformes majeures nécessaires au redressement de notre pays notamment sur les déficits publics.
En revanche, ce qui est plus préoccupant, c’est que nous sommes loin des objectifs de coopérations européennes nécessaires engendrant des dérives nationalistes. Il ne faut pas confondre coopération et transfert de souveraineté, le redressement de la construction européenne à partir de ses nations reste un enjeu crucial sur la base d’un projet d’Europe européenne pour lequel le général De Gaulle a œuvré inlassablement.
À ce titre, il condamnait le projet de « Communauté européenne de Défense » qui prévoyait l’institution d’une armée européenne sous une autorité supranationale. Les fondements de la politique extérieure et militaire mis en œuvre pendant sa présidence seront notamment « dégager la France de sa soumission aux Alliés, pour lui rendre avec une défense nationale, sa liberté d’action, c’est-à-dire son indépendance, et en faire à nouveau une puissance au moyen d’un armement nucléaire approprié à ses ressources. »
« Les peuples ne désirent pas perdre leur indépendance. Ils se battent même un peu partout sur la planète pour la conserver. C’est ainsi qu’en mai 2005 les Français, consultés, ont repoussé à une large majorité le projet de traité constitutionnel européen qui portait   atteinte à leur souveraineté. Rappelons que le traité de Maastricht de septembre 1992 n’a été ratifié par voie de référendum que par un tiers des inscrits et que si l’on avait pris en compte les votes blancs et nuls exprimés, le résultat du référendum eût été négatif » disait Pierre Lefranc.

L’Europe des nations voulue par le Général de Gaulle incarne la voie moderne de l’indépendance qui s’inscrit dans la continuité comme le but essentiel et l’instrument permanent de la politique française ayant ouvert la voie à toutes les indépendances conférant à notre pays un rôle de partenaire naturel auprès de tous les pays accédant à leur indépendance.
Tout au long de sa vie, le général De Gaulle a montré une politique cohérente qui est devenue plus qu’une référence, un équilibre stratégique guidé par les intérêts de la France, sans jamais soumettre l’autre, prônant la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, parlant d’égal à égal, qui lui vaudra cette admiration indéfectible partout dans le monde, marquée par un profond respect pour « l’homme du 18 juin 1940 ». Inlassablement, il aura toujours combattu pour la France, pour lui redonner une place de premier plan parmi   les grandes puissances. Nous savons ce que nous lui devons !  
               *Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
               

© 01.03.2024

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