CITOYEN OU IMMIGRÉ ? Christine Alfarge - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
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CITOYEN OU IMMIGRÉ ?    
« En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l’homme.
C’est l’homme qu’il s’agit de sauver, de faire vivre et de développer »
 Charles De Gaulle
                  
par Christine Alfarge,    
Notre société vit une crise profonde où l’ignorance déclenche la haine. Cette crise qui secoue notre société a brouillé tous les repères, ce   qui a engendré en premier lieu un malaise identitaire. « Le jour viendra où la couleur de la peau d’un homme n’aura pas plus d’importance que   celle de ses yeux ! » chantait Bob Marley.
Que veut dire être citoyen ?
Chacun doit être considéré en fonction de ses devoirs mais aussi de ses droits quelle que soit son origine ou sa condition sociale. Il faut être fier de ses racines permettant à chacun de faire connaître et de transmettre sa culture, une valeur emblématique et vitale pour s’adapter aux circonstances. Fondamentalement, le débat est plus   compliqué dans l’espace public puisque l’on y parle de Français d’origine immigrée et Français de souche.
Face à l’injustice raciale, comment redonner de   l’espoir ?
La première chose est la prise de conscience collective afin de lutter contre toutes formes de discriminations dans l’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé, au logement, etc…, sans tomber   dans la victimisation.
En effet, la difficulté majeure est de se demander à partir de quand on n’a plus la perspective de l’immigration ? Sans aucun doute, lorsque l’on est fier d’être français. Cela implique qu’il faut une politique plus combative à l’égard du racisme et des discriminations pour aider les jeunes issus de l’immigration à trouver leur place dans le monde du travail et la vie sociale. Renforcer le dispositif existant auprès des pouvoirs publics concernant le traitement de dossier de personnes victime de discrimination raciale en attribuant un rôle prépondérant aux associations et aux syndicats pour qu’ils puissent agir en connaissance de cause, afin qu’il y ait une véritable prise en compte par la justice qu’il existe réellement une discrimination à l’embauche en raison de la race.
Face à des pratiques douteuses, les personnes issues   de l’immigration ont plus de difficultés pour défendre leur droit. La justice   est souvent perçue comme laxiste, cela entretient un climat d’impunité   interprété comme un signe d’encouragement par les personnes malveillantes. « Puisque   la haine, la sottise, le délire ont des effets durables, je ne voyais pas   pourquoi la lucidité, la justice, la bienveillance n'auraient pas les leurs.   » écrivait Marguerite Yourcenar, (Mémoires d’Hadrien.)
Il apparaît clairement que seule une volonté politique peut faire évoluer les choses, notamment par la mise en place de structures efficaces d’investigation veillant à ce que la loi soit appliquée. On ne doit pas juger un homme sur la couleur de sa peau, mais sur ses qualités. « Le racisme est une peur devenue folle, et c'est ce qu'il   faut éviter à tout prix si l'on veut que l'humanité survive. » écrivait   la résistante Germaine Tillion reposant au Panthéon parmi les grands. On ne répètera jamais assez à l’usage de nos concitoyens les plus obtus que la France n’est pas et n’a jamais été, sauf sous le sinistre régime de Vichy,   une nation ethnique racialement pure. La France est une nation de citoyens unis   par des valeurs communes et non par la pigmentation de la peau.
La France est une République qui a pour mission de par sa Constitution d’assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine de race ou de religion. Notre devise est « liberté, égalité, fraternité », une devise qui ignore le racisme et son corollaire, le communautarisme. Une devise qui s’oppose à toute exclusion et à toute discrimination envers n’importe quelle catégorie de   citoyens. Cette devise est à la base de notre organisation sociale.
La laïcité, la liberté de croire ou de ne pas   croire.
La laïcité est considérée comme une liberté et ses fondements apparaissent comme sacrés. Une grande partie de la population française la définit comme la possibilité laissée à chaque citoyen de pratiquer sa religion, la République étant garante de la liberté de chacun, devant protéger toutes les consciences et toutes les fois au niveau des religions ou au niveau des traditions locales. Une autre partie y voit l’interdiction de manifester son appartenance religieuse dans les services   publics, par tout ce qui représente un signe distinctif permettant   d’assimiler une personne à une communauté.
La laïcité triomphe lorsque le citoyen n’a plus peur d’autrui mais peur pour autrui. La laïcité est devenue un facteur de paix civile et une valeur reconnue par la communauté nationale dans la mesure où elle protège à la fois la religion et la non-religion en restant attachée aux principes fondamentaux de la République laïque, démocratique et sociale en référence à l’article 1er de la Constitution qui assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de race ou de religion ». Le non-respect ou entrave de cette règle fondatrice de la démocratie constitue une menace ou atteinte pour la paix civile.
Entre la morale et le civisme.
Indépendamment des religions et choix de chacun, la laïcité représente la culture commune nécessaire au ciment d’une société. Face au délitement du lien social, la laïcité doit donc tenter de s’imposer entre le fait religieux et la question sociale. D’autre part, la question liée au développement des flux migratoires et de la décolonisation a sans doute pu générer des incompréhensions voire des tensions entre les valeurs républicaines françaises et les valeurs portées par les peuples immigrés ou issus de l’immigration.
Au-delà de l’enseignement d’une morale laïque sur les valeurs de tolérance, de coopération, de solidarité créant un code commun des comportements pour vivre en bonne harmonie, l’enjeu du débat doit aussi porter sur la transmission d’une instruction civique basée sur le respect de toutes les convictions, de toutes les croyances, ce que nous portons   en nous-mêmes et qui doit promouvoir l’art du vivre ensemble.
Comment vivre en harmonie ?
Le vivre ensemble repose sur la manière dont nous voulons faire exister le lien social. Ne pas être indifférent, aller à la rencontre de l’autre. Il faut s’insurger contre les inégalités. Le principe de laïcité représente une garantie d’égalité et d’unité entre les citoyens. La laïcité permet donc la liberté de croyance et le vivre ensemble, elle fait en sorte qu’autrui est accepté dans sa différence.
Notre activité quotidienne ne doit pas nous laisser aller à la facilité, mais au contraire amener à la réflexion, à une ouverture d’esprit sur ce que notre condition pourrait être demain. Éprouver un sentiment profond de se comprendre pour redonner l’envie de construire une autre société plus fraternelle, plus créative. La précarité n’est pas seulement la fragilité de certains instants, c’est la vie elle-même qui est précaire. C’est ce qui devrait nous faire réagir par rapport à ce que nous laisserons à la jeunesse dans l’avenir.
Notre lourde tâche est de préparer le futur en tenant compte de tout ce qui doit être amélioré et enrichi à l’instant   présent. Nous devons être garants des valeurs du présent afin de les transmettre au-delà des générations. L’école de la république doit être en mesure de transmettre le savoir et la culture aux jeunes en les conduisant à la citoyenneté. À travers l’enseignement, nous devons être conscient du rôle essentiel d’écouter, de l’attention portée aux autres afin d’aider chacun à se réaliser dans son humanité et vivre pleinement son identité. « Soyez   comme l'arbre, changez vos feuilles, mais jamais vos racines. Vous pouvez   changer vos opinions, mais jamais vos principes. » écrivait Victor   Hugo.
Qui sommes-nous, où voulons-nous aller ?
La laïcité permet à chacun de préserver son histoire, ses racines et de s’inscrire dans le partage d’un avenir commun qu’il soit national, européen ou mondial. Il ne faut pas confondre la foi et la citoyenneté. Une culture, une religion ou une nation ne peut survivre si elle pratique l’exclusion au lieu de l’attirance, si sa légitimité se borne à vouloir une place dans l’Histoire, elle doit vouloir une place dans l’avenir. C’est pourquoi, au lieu de parler de l’héritage légué par chaque religion, on devrait plutôt évoquer la façon dont la civilisation de notre pays, alimentée du fait religieux, peut répondre aux grandes questions du futur et encourager   ceux qui la construiront.
La laïcité incarne le seul rempart face aux dangers de tous les fanatismes et la tolérance est devenue une des valeurs essentielles de la démocratie. Le fait religieux européen n’est pas seulement une caractéristique des civilisations du passé mais une réalité bien présente à l’instar de notre pays. Dans cette Europe sécularisée, si le constat d’un affaiblissement de la fréquentation des lieux de cultes existe, il n’en demeure pas moins qu’une importante quête de spiritualité exprime le souhait de chacun de se retrouver dans son humanité, apprendre à porter un autre regard sur autrui et agir pour ne pas être en repli sur soi-même.
Changer le regard sur l’immigration.
La société française est une société de diversité fondée sur des faits historiques et scientifiques. Depuis deux siècles, notre société s’est enrichie de toutes les cultures, les religions, les philosophies et les idées. La première période va de la fin du 19ème   siècle jusqu’aux années 1930. L’événement important est la loi de 1889, qui donne la nationalité française aux jeunes étrangers nés en France et qui, à l’époque de leur majorité, sont domiciliés en France, à moins qu’ils aient décliné la nationalité française dans l’année précédant leur majorité. C’est en référence à cette loi que tous les codes de la nationalité vont être élaborés jusqu’à maintenant. À cette époque, le manque de main-d’œuvre conduira à une vague migratoire de proximité venant des pays frontaliers comme la Belgique, l'Italie, la Suisse ou l'Allemagne. De nombreux Russes blancs fuiront à leur tour ainsi que des Juifs d'Europe de l'Est pour   échapper aux pogroms. Des centaines de milliers de Polonais mais aussi des   réfugiés politiques fuiront la montée du fascisme.
Avec la deuxième période de 1935 à 1944, l'immigration devient un enjeu dans le débat public. Il apparaît alors une politique d'immigration pensée et structurée prônant une sélection ethnique, professionnelle et sanitaire des étrangers. Le droit d'asile pour les réfugiés ne sera pas remis en cause jusqu'à l'arrivée du régime de Vichy, qui   soutiendra une politique xénophobe.
La Libération symbolise la troisième période où le   contrôle de l'immigration devient une priorité politique. Aucune ordonnance ne prône la discrimination ethnique, le droit d'asile est maintenu et le regroupement familial est autorisé sans restriction. Les trente glorieuses qui suivront, feront apparaître une main-d’œuvre très importante venue du Maghreb, d'Espagne et du Portugal.
La dernière période qui commence en 1974 jusqu'à aujourd'hui vise à suspendre théoriquement l'immigration en dehors du droit d'asile et regroupement familial. Les partis politiques s'affrontent sur une multitude de lois et l'instrumentalisation qui en est faite occulte un débat qui devrait être plus serein car au regard de l'histoire, l'immigration   constitue un apport constructif pour la société.
Comment faire évoluer les consciences ?
Au nom des libertés individuelles et de la protection des personnes, plus les crises sont multiples, plus on a du mal à les contrôler et à les maîtriser. Les libertés individuelles sont toujours réduites quand le besoin de protection collective est impératif, comme pendant cette pandémie mondiale par exemple, et les français l’ont bien compris en respectant les règles de distanciation sociale. Le risque, par contre, est grand de voir une partie des mesures liberticides perdurer après la fin de la pandémie, sous le prétexte imparable d’une meilleure sécurité, comme lors des crises précédentes. Avec le recul,   les événements violents qui se sont déroulés dans les banlieues étaient la traduction à la fois d’une souffrance de la jeunesse, d’un sentiment d’abandon, d’un appel à la république pour lui dire, « nous existons, nous sommes nés en France et nous sommes capables de porter les couleurs de notre pays, notre souhait est d’être acceptés en tant que français à part entière et non comme immigré d’une énième génération ! Quoi qu’il en soit, la donne a changé en France, partout la jeunesse s’exprime pour éveiller nos   consciences. Inlassablement, notre souci est de lui transmettre nos valeurs républicaines et de lui préparer son devenir.    
Le souci de l'autre, vers une humanité retrouvée, est essentiel à nos vies. Nous apprenons sur nous-mêmes et notre   environnement, tout ce que nous avons besoin de surmonter, aujourd'hui, dépendra de notre état d'esprit, de notre volonté, de notre persévérance !
En ces temps difficiles qui ont subitement entraîné la perte de notre confort, les mots « liberté, égalité,   fraternité » ont été ressentis avec encore plus de force en chacun de nous. Ils raisonnent à nouveau dans nos esprits pour nous rappeler que rien n’est acquis, le manque est une plaie, la souffrance augmente, inlassablement   la fraternité doit incarner le souci de l’autre, ce qu’il advient du plus   exclu.  
Aller vers une réelle égalité des chances est la question capitale au centre de toutes les interrogations. Elle est l’élément clé pour articuler liberté, égalité et mérite garantissant à niveau égal de talent et de compétence tout un chacun aux mêmes perspectives de succès quel que soit son milieu social et familial d’origine.
À travers les mots d’André Malraux, la question « citoyen ou immigré ? » peut se développer ainsi : « L’homme   moderne appartient à tous ceux qui vont tenter de le créer ensemble. L’esprit ne connaît pas de nations mineures. Il ne connaît que des nations fraternelles. »
  
               *Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
               

© 01.09.2023

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