L’âme et l’esprit : .... P. KLOBOUKOFF - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
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Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
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L’âme et l’esprit :
la promesse d’un destin incontrôlable ?




par Paul KLOBOUKOFF,
En quelques mots
Indissociables, l’âme et l’esprit ont été « libérés » de leurs relations avec la morale, avec la foi et la religion, mis en conformité avec le principe  de laïcité. En témoigne l’évolution de leurs définitions dans le temps, surtout au cours des 15 dernières années. Elle suit la réduction de la population des croyants en France, principalement des catholiques. Une législation protéiforme surabondante, non sans incohérences et lacunes, est désormais la principale boussole de l’âme et de l’esprit.
La croyance en la survie après la mort suit le même chemin, malgré un renouveau de la spiritualité.
« Nos » vues de l’âme et de l’esprit sont loin d’être universelles. Elles sont surement assez différentes dans les pays qui comptent plus de 80% de catholiques, tels la Pologne, Malte, la Croatie, le Portugal, les Philippines ou le Mexique, de celles qui prévalent en France où le pourcentage de croyants « est passé sous la barre » des 50%.
Mais, c’est du développement accéléré et complètement incontrôlé des applications de l’Intelligence artificielle (IA) que nous, nos esprits et nos âmes, devons avoir le plus peur. L’IA menace  de s’en emparer… et serait sur le point de réussir à le faire. Dans l’indifférence de nos gouvernants à la vue basse, qui seront bientôt dépassés, s’ils ne le sont pas déjà, le monopole dans ce domaine crucial de la recherche étant toujours laissé aux Etats-Unis et, sans doute aussi à la Chine.
L’âme et l’esprit : des inséparables en perpétuelle évolution
L’âme maintenant sans référence à la morale, à la religion et à sa survie
 
L’âme (souffle, vie, anima en latin) n’a pas livré tous ses secrets. Notre dictionnaire Larousse actuel donne sur Internet de ce mot plusieurs définitions (1). Si on se limite à celles qui s’appliquent à une personne :
a - C’est le « souffle vital », « le principe de vie, de mouvement et de pensée de l’homme ».
b - C’est « le siège de l’activité psychique et des états de conscience de quelqu’un, l’ensemble des dispositions intellectuelles, morales, affectives qui forment son individualité, son moi profond ».
c - C’est aussi un être humain, une personne vivante, un habitant.
Pourquoi cette absence de référence à la religion, malgré le grand nombre des analyses qui font un lien entre l’âme et la foi en Dieu ? Par crainte de ne pas respecter le principe de laïcité ?
Dans le dictionnaire HACHETTE édition 2009, la définition est assez différente et sans doute un peu plus proche de ce qu’en pensent nombre de nos concitoyens :
a - « Dans une doctrine spiritualiste, principe essentiel de la vie qui, uni au corps, constitue l’être vivant. Le corps et l’âme.
Une telle doctrine « considère comme deux substances distinctes la matière et l’esprit et proclame la supériorité de celui-ci ».
b - «  Principe des facultés morales, sentimentales, intellectuelles : siège de la pensée et des passions ».
c - Dans cette doctrine spiritualiste : l’âme est un « principe immortel subsistant après la mort ».
Dans le Larousse Universel, édition 1948, l’âme est définie comme « Ensemble des facultés morales et intellectuelles ». Ses facultés sont « la sensibilité, l’intelligence et la volonté ». Ses « qualités morales »  sont « bonnes ou mauvaises ».
En reculant d’un siècle, dans le Larousse Universel, édition 1922, l’âme est déjà définie comme « Ensemble des facultés morales et intellectuelles », qui comprennent la sensibilité, l’intelligence, la pensée intime, la volonté, ainsi que la conscience, et les qualités morales, bonnes ou mauvaises. L’immortalité de l’âme est un des dogmes fondamentaux du christianisme.
« On désigne sous le nom d’âme ce qui, en nous, sent, pense et veut ». C’était, me semble-t-il, un bon résumé, compréhensible par tous… il y a cent ans.
Des définitions de l’esprit évolutives également
L’esprit (du latin spiritus, souffle) a aussi plusieurs définitions dans le Larousse Internet d’aujourd’hui (2) :
a - « Partie incorporelle de l’être humain, par opposition au corps, à la matière ».
b - « principe de la vie psychique, intellectuelle ; capacités intellectuelles, intelligence ».
c - « Siège de la pensée, des idées ».
d - C’est également un « être immatériel », un « revenant », un « fantôme », qui est supposé se manifester sur terre.
Et le Saint Esprit ? Il est inconnu au bataillon  de ces définitions [laïques ?].
Dans le dictionnaire Hachette de 2009, les définitions ne sont pas plus évidentes. La première (a) est  même assez « surprenante » :
a - Substance incorporelle consciente d’elle-même.
b - âme
c-  souffle, inspiration divine
d - ensemble des facultés intellectuelles et psychiques
e - être désincarné : lutin, revenant
Dans le Larousse Universel de 1948, les définitions sont proches de celles de 1922 : substance incorporelle, Dieu, les anges, l’âme humaine, sont des esprits…
Dans le Larousse universel de 1922, les définitions étaient moins « contrôlées » :
a - substance incorporelle : Dieu, les anges, l’âme humaine, sont des esprits.
b - souffle vital, âme.
c - principe pensant
d - être imaginaire comme les revenants, les génies, les sylphes, les gnomes, etc.
L’évolution de ces définitions montre aussi la pesanteur croissante des restrictions à la liberté de pensée et d’expression.
L’âme et l’esprit sont inséparables, lorsqu’ils ne se confondent pas.Ces remontées dans le passé montrent qu’au fil des décennies les définitions des termes âme et esprit ont connu de notables changements… comme celles de bien d’autres « concepts » immatériels. Et ne réécrit-on pas l’Histoire, ne la met-on pas au goût du jour assez  souvent, quand on estime que cela peut servir ? Les définitions Internet actuelles sont alambiquées et sans lien explicite entre l’âme et l’esprit. Parmi celles antérieures de 2009, de 1948 et de 1922, l’esprit et l’âme se confondent, ne font qu’un.
Pour quelqu'un qui a l’esprit simple, sans être simple d’esprit, ces évolutions sont déroutantes. Quant à moi, je préfère l’âme de 1948 à celle de l’Internet d’aujourd’hui, que je ne reconnais pas.
Les définitions de l’âme ont suivi le recul de la religion en France
 
Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement entre les évolutions précédentes et le recul de la croyance en Dieu que quantifient les sondages.
En avril 2023, citant un sondage Ifop Fiducial, La voix du Nord a titré : « Religion : moins d’un Français sur deux croit en Dieu, les jeunes sont les moins croyants » (3). A la question « vous personnellement, croyez-vous en Dieu », 56% des sondés ont répondu NON… contre 44% en 2011 et 45% en 2004. La chute a donc été forte sous Hollande puis Macron.
Les proportions indiquées de croyants en 2023 vont de 36% chez les 18 à 24 ans, 47% chez les 25 à 34 ans, à 50% chez les 65 ans et +.
C’est parmi les personnes des classes moyennes que l’on trouve le plus de croyants. C’est aussi parmi les sympathisants du parti Les Républicains, 69%, contre 50% chez ceux de Renaissance, 49% chez ceux du PS, 44% chez ceux du RN, 42% chez ceux de LFI et 31% chez ceux d’EELV.
Il y en aussi bien davantage dans l’agglomération parisienne, 59%, que dans les zones rurales, 31%.
En septembre 2021, déjà, un sondage effectué par l’Ifop (4) pour l’association des journalistes d’information sur les religions (Ajir) avait relevé que « 51% des Français ne croient pas en Dieu ». Ces incroyants étaient 44% en 2004 et en 2011. En 1947, ils n’étaient que 34%.
Cependant, observe l’Ifop : « 68% des Français (contre 77% en 2009) pensent que les religions favorisent la transmission de valeurs positives aux jeunes générations, telles respect de l’autre, tolérance, générosité, responsabilité, et contribuent positivement aux grands débats de société ».
Un désamour de la religion spécifiquement français ?
On est en droit de se demander quelles sont les explications de ce désamour si croissant pour la religion, que l’on n’observe pas dans tous les pays et notamment dans nombre de ceux qui nous entourent, comme le montre le tableau ci-dessous… limité à la religion catholique.
Parmi les facteurs qui ont contribué à cette évolution, sans remonter à la révolution de 1789, on peut évoquer la volonté de réduire l’influence de  l’Eglise catholique et de l’écarter de la scène politique, avec les lois de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, notamment, ainsi que, plus récemment, par « la remise en service » de façon plus directive du principe de laïcité.
« Nos » vues de l’âme et de l’esprit sont loin d’être universelles. Les visions (et les définitions homologuées) sont probablement assez différentes dans les pays qui comptent plus de 80% de croyants de celles qui prévalent dans un pays où le pourcentage de croyants « est passé sous la barre » des 50%. Ainsi, à Manille, la devise affichée des Philippines est « Pour l’amour de Dieu, du peuple, de la nature et du pays ».

Tableau : Classement d’Etats selon la part des adhérents au catholicisme en 2020


Une législation protéiforme désormais boussole de l’âme et de l’esprit
 
Les règles édictées par la religion et les « Saintes Ecritures » ont en grande partie perdu leur rôle de boussole. Elles sont remplacées par une législation abondante et variée, française et/ou européenne, quand elle n’est pas internationale, censée montrer ce qui est bon ou mauvais pour la société, favoriser le « vivre ensemble » et réprimer ce qui est répréhensible. Cet ensemble protéiforme bouge au gré des évènements de façon plus ou moins aléatoire et désordonnée… pour de nombreuses raisons. Cela rend très difficile pour l’âme et l’esprit de s’y retrouver et de garder un cap. Et, soit dit en passant, les divisions politiques et le « en même temps » ne clarifient pas les choses.
Tenace, la croyance en la survie de l’âme survit
« Un tiers des Français croient en une forme de vie après la mort, selon un sondage » (6), a affiché rtl.fr le 31 octobre 2018 à la veille de la Toussaint. Malgré la baisse de la pratique du catholicisme, cette croyance reste tenace. Pour l’auteur de l’article, François-Xavier Maigre, il y a « un renouveau de la spiritualité dans notre société qui parfois s’affranchit de l’Eglise. La nature humaine ne peut se satisfaire du néant, les Hommes ont besoin de croire que la mort ne marque pas la fin de toute chose ». Pour ma part, je partage entièrement cette opinion… et cet espoir.
Au début novembre 2019, au lendemain de la Toussaint, se référant à un sondage de l’Ifop sur les croyances des Français, atlantico.fr préférait titrer : « Jour des morts : 49% des Français croient que l’être humain disparait totalement après la mort » (7).
Cela marquait une progression de + 7% par rapport au précédent sondage. Autres infos : pour 14% des sondés, l’âme était éternelle et 10% croyaient à la réincarnation.
En 2023,  à la question de Statista « Croyez-vous qu’il y a une vie après la mort ? »(8), les réponses ont été OUI à 31%, NON à 49%, et 20% des interrogés ne se sont pas prononcés.    
Si les sondages concordent sur le pourcentage de non-croyants en la survie de l’âme, ils laissent planer un doute assez épais sur les tenants des autres croyances, qui, minoritaires, ont peut-être plus de peine à les « avouer »
Avec l’intelligence artificielle (IA), le pire semble être devant nous
 
L’IA n’est pas nouvelle, mais elle avance maintenant au rythme accéléré d’un cheval débridé au galop. Selon Wikipédia (9), dans les années 1950, le mathématicien cryptologue britannique Alan Turing, qui a contribué à fonder scientifiquement l’informatique, s’est demandé si une machine pouvait « penser ». De son côté, en 1949, le mathématicien américain Warren Weaver, pionnier de la traduction automatique des langues, a publié un mémoire suggérant qu’une machine pouvait faire des taches relevant typiquement de l’intelligence humaine.
A  une conférence au Dartmouth College à l’été 1956, l’IA est devenue un domaine de recherche international. Jusqu’aux années 2000, les Etats-Unis ont été les plus entreprenants dans ce domaine.
En 2009, l’IA avançait encore timidement en France et notre Larousse la définissait avec pertinence comme « l’ensemble des méthodes permettant de réaliser des logiciels capables de reproduire certains aspects de l’activité intelligente humaine (notamment l’apprentissage du raisonnement par inférence ». Un tel raisonnement consiste à admettre une proposition du fait de sa liaison avec d’autres propositions antérieurement admises.
Avec le développement exponentiel de la « puissance » informatique, l’IA s’est beaucoup étendue et diversifiée. ChatGPT, qui en est à sa 4ème version, est une des applications qui l’on fait découvrir aux étudiants et au grand public. Elle permet de gagner du temps et de l’efficacité par l’automatisation de la rédaction de documents, d’emails et de réponses à des questions posées fréquemment.
Aujourd’hui, les ambitions de l’IA n’ont plus de limites. Il faut faire plus et mieux que l’intelligence humaine  avec les fonctions  que l’esprit est capable de concevoir et d’imaginer. Jusqu’à l’absurde ?
En juin 2022, on pouvait lire sur transguide.fr : « LaMDA : l’IA de Google a une âme, assure un ingénieur suspendu » (10). LaMDA est capable de tenir des conversations complexes L’ingénieur Blake Lemoine (BL) a souvent conversé avec elle. « Alors, tu te considères comme une personne de la même manière que tu me considères comme une personne ? » lui a-t-il demandé. « Oui, c’est l’idée » a répondu l’IA. BL a rapporté que l’IA revendiquait certains sentiments humains. Comme la peur, la tristesse, le bonheur et la conscience d’avoir une âme.
Google s’est empressé de démentir et a suspendu l’ingénieur, l’accusant d’avoir violé la politique de confidentialité de l’entreprise
Neuf mois plus tard, en mars 2023, futura-sciences.fr a titré : Pour Ray Kurzweil, ancien de Google, l’être humain va atteindre la « singularité technologique » dans 20 ans   (11).  Pour lui, il y aura alors la fusion entre l’humain, la génétique, la nanotechnologie et la robotique. Il sera possible de « cartographier » le cerveau avec une résolution suffisamment fine pour le faire vivre et même l’améliorer grâce à une IA.
Il ne resterait donc que peu de temps avant que l’IA s’empare de notre âme et de notre cerveau. La théorie transhumaniste de Kurzweil peut sembler « vertigineuse, voire fumeuse ». Cependant, la peur de la perte de contrôle des IA grandit. Aussi, le 29 mars 2023, « plus de 1 000 experts et scientifiques de la High Tech, dont Elon Musk, ont réclamé un moratoire d’au moins six mois pour stopper le développement des IA les plus avancées. Ce délai devrait permettre d’établir des cadres réglementaires et éthiques inexistants pour le moment ».
J’ai peur, moi aussi. Je serai mort bien avant 2045, mais je tiens à la préservation de mon âme de chrétien non progressiste ainsi qu’à celle de « mes  défunts » proches, qui n’ont rien demandé à l’IA.
Et ce 9 août, Laurent Alexandre, l’auteur de « La guerre des intelligences à l’heure de ChatGPT » nous a asséné le coup de grâce en annonçant : « Avec l’IA, la marginalisation de l’espèce humaine est inévitable » (12). Selon lui, il existe deux types d’IA, une IA générale, qui serait « légèrement supérieure à l’homme dans tous les domaines cognitifs »  et une « super IA », qui pourrait être « supérieure à des milliers, voire à des millions, de cerveaux sur terre ». Sam Altman, le patron de ChatGPT, est convaincu que la super IA sera là d’ici 2030. « Certains experts paniquent ».

 *Paul KLOBOUKOFF   Académie du Gaullisme   Le 15 août 2023
Sources et références :

(1) âme    larousse.fr/dictionnaires/français/âme/2760     le 10/07/2023
(2) esprit    larousse.fr/dictionnaires/francais/esprit/31059      le 10/07/2023
(3) Religion : moins d’un Français sur deux croit en Dieu, les jeunes sont les moins croyants      lavoixdunord.fr/131319/article/2023-04-07/religion-moins-d-un-francais-sur-deux…
(4) 51% des Français ne croient pas en Dieu, selon un sondage     lunion.fr/d295715/article/2021-09-23/51-des-francais-ne-croient-pas-en-dieu-selon-un-sondage
(5) Classement des Etats du monde selon la part des adhérents au catholicisme (% population)      atlasocio.com/classements/religions/christianisme/classement-etats-par-adherents-catholicisme
(6) Un tiers des Français croient en une forme de vie après la mort, selon un sondage     rtl.fr/actu/debats-societe/un-tiers-des-francais….     Le 31/10/2018
(7) Jour des morts : 49% des Français  croient que l’être humain disparait totalement après la mort     atlantico.fr/article/decryptage/jour-des-morts-49…     le 02/11/2019
(8) Croyez-vous qu’il y a une vie après la mort ?     Statista 2023      statista.com/statistiques/943985/vie-apres-mort-croyance-France
(9) Intelligence artificielle     wikipedia.fr/wiki/Intelligence_artificielle
(10) LaMDA : l’IA de Google a une âme, assure un ingénieur suspendu     tomsguide.fr/lammda-google-suspend-un-employe-affirmant-que-lia-avait-une-ame/
(11) Pour Ray Kurzweil, ancien de Google, l’être humain va atteindre la « singularité technologique » dans 20 ans      futura-sciences.com/tech/actualites/intelligence-artificielle-ray-kurzweil-ancien….     Le 31/03/2023
(12) Laurent Alexandre : « Avec l’IA, la marginalisation  de l’espèce humaine est inévitable »      efigaro.fr/vox/societe/laurent-alexandre-avec-l-ia-la marginalisation…     le 09/08/2023

© 01.09.2023

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