Qui porte encore la passion de la France ?
« On ne sait plus ce qui nous unit »
par Christine Alfarge,
« Et comme rien de grand ne se fait sans la passion, et bien, pour réaliser la grandeur à laquelle le devoir nous a voués, oui, c’est vrai, il nous faut la passion de la France », disait le Général de Gaulle le 18 juin 1942.
C’est une question qui soulève à la fois l’aspect institutionnel et démocratique. Jamais depuis la fondation de la Ve République l'élection présidentielle n'a été aussi décisive. Face à une croissance économique insuffisante, la persistance du chômage, le pouvoir d’achat, la montée en puissance de la violence urbaine, une menace terroriste omniprésente, un risque de faillite financière avec une dette publique de 3305,3 milliards d’euros à la fin 2024 selon les chiffres publiés par l’Insee, la position délicate de la France dans l’Union européenne et sur la scène internationale, un choix déterminant pour notre pays se dessine, soit la France sort de l'histoire ou bien elle renoue avec la croissance et le plein-emploi répondant aux sollicitations de la mondialisation et l’exigence des citoyens vis-à-vis du pouvoir. Il y a des personnes avec peu de convictions à droite comme à gauche. La classe politique dans son ensemble n’a plus de principes à cause de sa communication.
Une République gaullienne, parlementariste avec un gouvernement se référant à l’article 20 de la Constitution :
C’est une question qui soulève à la fois l’aspect institutionnel et démocratique. Jamais depuis la fondation de la Ve République l'élection présidentielle n'a été aussi décisive. Face à une croissance économique insuffisante, la persistance du chômage, le pouvoir d’achat, la montée en puissance de la violence urbaine, une menace terroriste omniprésente, un risque de faillite financière avec une dette publique de 3305,3 milliards d’euros à la fin 2024 selon les chiffres publiés par l’Insee, la position délicate de la France dans l’Union européenne et sur la scène internationale, un choix déterminant pour notre pays se dessine, soit la France sort de l'histoire ou bien elle renoue avec la croissance et le plein-emploi répondant aux sollicitations de la mondialisation et l’exigence des citoyens vis-à-vis du pouvoir. Il y a des personnes avec peu de convictions à droite comme à gauche. La classe politique dans son ensemble n’a plus de principes à cause de sa communication.
Décomposition ou non, il faut une analyse institutionnelle.
Presque soixante-sept ans après sa fondation, la Vème République est en crise. A-t-elle atteint le point limite de son dysfonctionnement ? Établie en 1958 par un état souverain et centralisé, la Constitution de la Vème a aujourd’hui de plus en plus de mal de s’accommoder de la démultiplication des niveaux de décision. En reprenant la question de la Constitution de la Vème République qui connaît une rupture majeure depuis 1958, on peut évoquer trois phases dans l’évolution de nos institutions :Une République gaullienne, parlementariste avec un gouvernement se référant à l’article 20 de la Constitution :
« Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.
Il dispose de l'administration et de la force armée.
Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.
Quant au Président de la République, il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. » Selon l’article 5 : « Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. »
C’est bien ce que le général De Gaulle a toujours su incarner, pour la politique, il laissait le premier ministre et les ministres gouverner.
Lorsque Georges Pompidou arrive au pouvoir en 69, la grande question, c’est : Ce qui a tenu par la figure charismatique de De Gaulle, va-t-il tenir avec Georges Pompidou ? En fait ça apporte une légitimité démocratique à Georges Pompidou qui voyait dans la Vème République, deux qualités : la stabilité et la souplesse institutionnelle.
Il disait, c’est un régime semi-présidentiel, ce n’est pas un régime présidentiel pur. Il trouvait que la souplesse de la Vème permettait à ce régime d’évoluer graduellement. Revenir à une pratique qui donne toute sa place au Parlement. La figure gaullienne est évidemment une figure monarchique, tous les présidents derrière lui courent après cette figure charismatique. Il n’y a pas un seul président qui n’a pas été à un moment ou un autre, comparé à un monarque. Dès que l’on parle de la Vème, on ne sort pas de cette monarchie républicaine.
« Je souhaiterais que les historiens n’aient pas trop de choses à dire sur mon mandat, pas de guerre, pas de révolution. Je souhaiterais en revanche qu’on lise dans les manuels d’histoire de 1969 à 1976, la France a connu une période d’expansion, de modernisation, d’élévation du niveau de vie, que grâce à ce progrès économique et social, elle a connu la paix extérieure, que l’étranger l’a respectée parce qu’il voyait en elle un pays transformé, économiquement fort, politiquement stable et dans l’action extérieure, était entièrement tourné vers la paix et le rapprochement des peuples ». disait Georges Pompidou en 1969.
Après ce tour présidentialiste, l’Elysée s’est mis à diriger très directement, sous François Mitterrand tout remontait à la présidence, des affaires partisanes comme des affaires de moindre importance.
La troisième phase voit l’entrée de l’oligarchie, le passage à l’euro, le quinquennat changeant l’équilibre institutionnel, un super premier ministre, des premiers ministres chefs de cabinet, une responsabilité politique qui n’est pas reconnue dans notre pays, un pouvoir institutionnel perçu au service de l’image et non de l’action.
C’est par l’exemple et la cohérence qu’on arrive à convaincre.
Aujourd’hui, il faut recomposer les rapports entre citoyens mais aussi les rapports de pouvoir et les rapports économiques. On peut le faire de différentes manières par des propositions nouvelles, le débat s’engage dans une stratégie de la main mise, il ne faut jamais oublier le plan humain. À l’issue du 27 avril 1969, lorsque le général De Gaulle décide de mettre fin à ses fonctions, Georges Pompidou retenait deux traits essentiels de l’attitude du peuple français : « C’est d’abord le calme absolu dont il a fait preuve et c’est ensuite l’intérêt passionné qu’il a marqué pour l’élection, je crois pouvoir dire qu’elle est la preuve de l’adhésion nationale à la Vème république » … « Il est souhaitable et même essentiel que toutes les formations politiques, à l’exception de celles qui poursuivent purement et simplement la révolution, situent désormais leur action et leur espérance à l’intérieur et dans le cadre de nos institutions. Il y aura dans l’avenir des évolutions, il y aura dans l’avenir fatalement des changements de majorité. Tout cela ne doit en aucun cas poser la question du régime, ni ne paraît devoir déboucher sur des crises de régime. C’est essentiel pour la stabilité politique et nationale de notre pays ».
« La politique, quand elle est un art et un service, non point une exploitation, c’est une action pour un idéal à travers des réalités » écrivait le général De Gaulle.
Les partis peuvent disparaître, les institutions restent.
Avec une droite qui a tourné le dos au Général, le gaullisme semble s’effacer dans les mémoires. Bien qu’il incarne une histoire commune, c’est un héritage lourd à porter. Mais en réalité qu’en est-il de cette droite républicaine ? La droite a changé, on pensait qu’elle allait se réveiller saisissant qu’elle était en train de perdre les classes populaires. Dans un parti qui se revendique gaulliste, on n’a du mal à se dire gaulliste. Pourquoi avoir renié les racines historiques, la droite incarnait un projet gaulliste.
« Qu’appelle-t-on le problème de l’après gaullisme sinon la conviction si répandue que ce qui tient par De Gaulle ne tiendra plus sans lui et qu’une fois encore nous sommes voués à la crise de régime ?disait Georges Pompidou.
L’esprit de compagnonnage parle encore à certains, mais les autres ?
À travers Charles De Gaulle, c’est un capital historique unique et incomparable auquel les hommes politiques qui se sont succédés après lui ne cesseront de se référer comme toute la classe politique aujourd’hui, encore faut-il se souvenir du sens de l’histoire politique à partir de la deuxième Guerre mondiale jusqu’à la Vème République.
Que s’est-il produit ?
Au regard de l’histoire, la dépendance du pouvoir exécutif s’est manifestée dès la mise en place en 1944 de l’Assemblée consultative provisoire, puis de celle de l’Assemblée nationale constituante en novembre 1945, lesquelles permirent la reconstitution des partis politiques. Bien que renouvelé par cette dernière comme chef du gouvernement provisoire de la République, le général De Gaulle se heurte à des manœuvres d’opposition et donne sa démission le 16 janvier 1946 refusant « le régime exclusif des partis ».
La Constitution.
À travers ce grand projet du général De Gaulle mûri de longue date, il s’agissait de remédier à l’entière dépendance du pouvoir exécutif par rapport au législatif.
En mai 1946, alors qu’il a quitté le pouvoir, un premier projet de Constitution d’une IVème République, proposé par voie de référendum est rejeté. La même année, le 16 juin, dans un discours prononcé à Bayeux, le Général définit quelles seraient, selon lui, les grandes lignes d’une Constitution adaptée à son temps : suprématie du chef de l’Etat au-dessus des partis et garant de l’indépendance nationale.
Il appellera les électeurs à refuser le second projet de Constitution voté malgré tout en octobre 1946, donnant naissance à la IVème République mais il n’en démord pas, pour lui les institutions sont mal bâties.
Le 27 avril 1947, création du rassemblement du peuple français, le RPF.
Il fallait réformer les institutions face aux turbulences de la IVème République, le général De Gaulle avait prévu que de grandes crises étaient à venir, les faits lui donneront raison en mai 1958 avec son possible retour à une condition pour lui que la capacité lui soit donnée par le Parlement de présenter aux Français le projet de nouvelles institutions de la République. La nouvelle Constitution sera adoptée le 28 septembre suivant à plus de 79%. Le général De Gaulle élargira notamment aux maires et conseillers municipaux, en fonction de l’importance des communes, le collège électoral qui désignerait le chef de l’Etat. Très important pour la suite, le président ne dépendait plus des parlementaires, son élection le 21 décembre 1958 en témoigne et dans la foulée, le général De Gaulle annoncera son projet d’élection au suffrage universel direct du chef de l’Etat.
Les institutions ont fonctionné normalement pendant plus de quarante ans puis elles ont été détournées de leur objectif principal, c’est-à-dire la séparation des pouvoirs exécutif et législatif. L’exécutif ne devait pas relever du parlement mais du peuple. Cependant l’esprit de la Constitution sera profondément altéré par le quinquennat réduisant le mandat du chef de l’Etat pour mener à bien la politique qu’il s’est fixée.
À partir de ce changement, la référence au gaullisme est abandonnée à droite, il faut remonter à sa source, la victoire de Jacques Chirac. Il a gagné le combat contre Séguin et Pasqua. La grande erreur reste l’UMP. La conséquence, c’est que le débat s’est ensuite refermé, les voix dissidentes ont été éliminées. Tout cela pour mener une politique immobile qui a découragé une partie de la droite.
Aujourd’hui, il s’agit de se demander si le courant gaulliste existe encore au sein des Républicains, bon nombre y voit sa disparition depuis la fin du RPR et la création de l’UMP. « Faut-il redire combien la notion de patrie a perdu toute valeur pour beaucoup de jeunes et souligner l’illusion de ceux qui voudraient lui substituer purement et simplement la notion de l’Europe, notion qui n’a d’attrait pour cette jeunesse que dans la mesure où elle reste abstraite et n’implique aucune obligation ? »écrivait Georges Pompidou.
En réalité, quelles sont les marges de manœuvre par rapport à l’Europe ?
C’est la rigueur, un système ne permettant plus de souveraineté. La France est fracturée, subissant la baisse du coût du salaire. Nous sommes dans une situation où le système institutionnel ne fonctionne plus, il est remis en cause par les décisions de Bruxelles et l’abandon de souveraineté.
La première priorité pour la France est de mener à bien chez elle les réformes nécessaires. Dans ses Mémoires d’espoir, le général De Gaulle écrivait : « J’ai ressenti de tous temps ce qu’ont en commun les nations qui peuplent l’Europe, toutes étant liées entre elles par d’innombrables relations de pensée, d’art, de science, de politique, de commerce, il est conforme à leur nature qu’elles en viennent à former un tout, ayant au milieu du monde son caractère et son organisation ».
Depuis de très nombreuses années, la France plaide pour l’instauration d’un gouvernement économique de la zone euro, sans pour autant en tirer toutes les conséquences. L’Allemagne a toujours exprimé des réticences face à ce qu’elle pensait être une volonté de la France de ne pas respecter les règles communes. Aujourd’hui, la donne a changé, les bases d’un accord existent pour un meilleur équilibre entre solidarité et responsabilité au sein de la zone euro. Reste à savoir si les Européens comprendront où est leur intérêt, leur avenir, autrement dit, l’abandon de toute vision supranationale. Selon la pensée du général De Gaulle, « les Alliés européens doivent conserver leur indépendance et son élément essentiel, la défense nationale. »
On vit un moment où la patrie s’effondre à travers deux principes, responsabilité et autorité. « le fascisme n’est pas si improbable…» écrivait Georges Pompidou.
En 40, on a failli disparaître, en 58, on était proche de la guerre civile, on a passé des années à reconstruire le pays et en 68 en quelques semaines, on est prêt à mettre tout à bas.
Les Français sont-ils prêts à long terme de continuer à écrire l’histoire ?
Pour Georges Pompidou, c’est avoir le courage de parler aux Français du monde tel qu’il est et non pas tel qu’ils aimeraient qu’il soit. Une droite d’espoir pour les amener avec lui vers la modernité, vers les transformations radicales parce que c’est la condition pour que la France continue d’écrire l’histoire et l’avenir de l’Europe également.
Georges Pompidou est le premier président à développer une vraie vision sur la qualité de vie et considérer que l’homme ne peut se satisfaire du consumérisme et du bien-être matériel mais comment on crée un environnement pour lui qui est favorable à son épanouissement, derrière c’est une certaine idée de l’homme et une vision humaniste.
«La seule question qui vaille est celle de l’homme» pour Charles De Gaulle.
La classe politique dans son ensemble s’est éloignée du peuple français, sans analyser en profondeur la défiance des citoyens face aux pouvoirs qui se sont succédé, par manque de lucidité autant que par manque de courage. Le système politique est à bout de souffle, le peuple l’a compris et a décidé de prendre son destin en main en tirant la sonnette d’alarme avec un courage magnifique, plein d’espoir. « La république doit être celle des politiques au sens vrai du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l’emportent sur tous les autres, ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les hommes, non d’une analyse abstraite ou pseudo-scientifique, de l’homme. C’est en fréquentant les hommes, en mesurant leurs difficultés, leurs souffrances, leurs désirs et leurs besoins immédiats, tels qu’ils les ressentent ou tels parfois qu’il faut leur apprendre à les discerner, qu’on se rend capable de gouverner, c’est-à-dire effectivement d’assurer à un peuple le maximum de bonheur compatible avec les possibilités nationales et la conjoncture extérieure » écrivait Georges Pompidou.
Le général De Gaulle s’exprimait ainsi en mai 1943 : « À l’heure du désastre, si j’ai pu relever la nation, c’est grâce au tronçon d’un glaive et à la pensée, je dis bien la pensée française. »
Inspirons-nous alors avec la plus grande reconnaissance de ce grand témoin de l’épopée gaullienne, Pierre Lefranc, toujours aux avant-postes des moments cruciaux de la résistance à la naissance de la Vème République qui s’exprimait ainsi : « De Gaulle a donné cet exemple du désintéressement et de l’honnêteté en politique. Ce sont les plus précieuses vertus pour prétendre guider les autres. Cette rigueur, il l’a observée dans sa vie privée comme dans sa vie publique, vis-à-vis de lui-même, de sa famille, de ses gouvernements, de ses collaborateurs. Il veillait notamment sur l’honneur et le respect de l’Etat. »
Par des moments forts de notre histoire, la fin de la IIIème République, la défaite de 1940, la France libre, l’organisation du gouvernement provisoire à la Libération, le début de la IVème République, nous sommes les héritiers d’un état restauré par Charles de Gaulle pour notre liberté. Il n’y a jamais eu une plus belle ambition que celle du Général de Gaulle pour le redressement de la France, pour l’honneur de la France. Celui qui a toujours su s’adapter aux circonstances, façonnera la Vème République par la primauté présidentielle, le concours direct du peuple contre les partis politiques avec pour toile de fond les référendums, l’élection du Président de la République, le suffrage universel.
Aujourd’hui, une simple révision constitutionnelle du régime politique de la Vème République ne suffira pas à la France pour maîtriser le changement de société auquel elle est confrontée. Il faudra qu’elle redéfinisse les rapports de l’Etat avec les collectivités territoriales ainsi qu’avec l’Union européenne, qu’elle opère une véritable reconversion de ses relations avec la société civile à l’image de la citoyenneté renouant avec la confiance envers le politique capable d’accepter de se remettre en cause comme toute personne responsable de ses actes.
« L’évidence ne suffit pas toujours à convaincre » disait Charles de Gaulle. Il reste le problème du leader qui peut entraîner tout le monde car il ne faut pas sous-estimer les logiques de classe…Il n’y a pas de fatalité, restons résolument optimistes sur la fidélité à la pensée gaulliste, qui pourrait l’incarner ? Dans l’honneur et le respect, ne cessons pas d’être unis pour le bien de notre pays.
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 01.04.2025