L’Union européenne, la fuite en avant : un échec certain
Par Jacques MYARD.
L’Europe au sortir de la Seconde Guerre mondiale a
suscité un immense espoir et est apparue comme un destin commun inéluctable,
afin de sortir des conflits européens.
Malheureusement l’idéologie fédéraliste soutenue par
des groupes de pression technocratiques, avides de pouvoir l’ont conduite dans
une impasse.
En dépit de toute raison la présidente de la
Commission et certains politiques pratiquent la fuite en avant.
Il est urgent de revenir à la réalité, construire une
organisation de coopération européenne non exclusive dans le village
planétaire.
Le destin de la France se joue certes en partie en
Europe mais aussi en Méditerranée, en Afrique et dans le monde. Elle a tous les
atouts pour assurer et tenir son rang dans le concert des Nations.
I / Du Traité de Rome à la constitution de Valéry
Giscard d'Estaing (VGE): une dérive dangereuse
Rappel
9 mai 1950 : Déclaration de Robert Schuman Salon
de l'horloge au Quai d'Orsay : production. Charbon, acier de la
France et de l'Allemagne sous autorité commune, « La Haute
autorité ».
1952 : Création de la Communauté européenne du
charbon et de l'acier, CECA.
1954 : échec de la CED, qui devait être placée
sous tutelle OTAN.
1957 : Traité de Rome des 6 communautés
économiques européennes.
Le Traité de Rome est un traité de coopération des peuples.
1958 : De Gaulle en prend acte « Ils sont
plus forts qu'ils ne le pensent » Adresse aux patrons français.
À partir de 1957, la construction européenne se
développe selon un double processus :
l'élargissement et l'approfondissement.
L’élargissement de l’Union européenne
• 1973 : 1er élargissement Royaume-Uni,
Irlande, Danemark (9 Etats)
• 1981 : 2ème élargissement la Grèce
(10 Etats)
• 1986 : 3ème élargissement, l’Espagne
et le Portugal (12 Etats)
• 1995 : 4ème élargissement,
l’Autriche, la Suède, la Finlande (15 Etats)
• 2004 : 5ème élargissement, l’Estonie,
la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, la
Slovénie, Chypre, Malte (25 Etats)
• 2007 : 6ème élargissement : la
Bulgarie, la Roumanie (27 Etats)
• 2013 : 7ème élargissement : la
Croatie (28 Etats)
Pour mémoire Brexit : référendum 23 juin 2016, 51,99%
quitter l’UE
Article 88-5 Constitution, réforme du 23 juillet 2008.
Toute nouvelle adhésion doit être soumise à référendum ou 3/5ème du
Parlement (article 89)
L’approfondissement des compétences
Volonté d’obtenir une Europe de plus en plus intégrée
• 8 avril 1965 : Traité de Bruxelles
fusionne CEE, Euratom et CECA. Traité fut abrogé par le traité d’Amsterdam
• 17-28 février 1986 : acte unique.
Harmonisation législative pour le marché intérieur : 300 règlements et
directives adoptés
Institution du Conseil européen, regroupe chefs d’Etat
et Premier Ministres sur l’initiative de Valery Giscard d’Estaing
• 7 février 1992 : Traité de Maastricht
• Union économique et monétaire : vers la
monnaie unique
• Institution politique étrangère et sécurité PESC
• Nouvelles compétences pour l’UE : justice
• 2 octobre 1997 : Traité d’Amsterdam
intègre dans compétences de l’UE Schengen qui fut d’abord un accord
intergouvernemental
• 26 février 2001 : Traité de Nice adapte
les institutions à l’élargissement
• Traité constitutionnel : échec en 2005.
Référendum France – Pays-Bas
• 13 décembre 2007:Traité de Lisbonne reprend des
dispositions du « Traité Constitutionnel ».
Le Traité de Lisbonne est composé
• Traité sur l’Union Européenne (TUE)
• Traité sur le Fonctionnement de l’UE (TFUE)
L’UE demeure une organisation internationale.
Les Etats gardent la compétence de la compétence
Il prévoit que tout Etat peut quitter l’UE (article
50).
Mais l’UE acquiert de multiples compétences
Le vote par voie parlementaire du Traité de Lisbonne
qui reprend de multiples stipulations du Traité constitutionnel de VGE - pas
toutes cependant - a été perçu comme une trahison démocratique alors que le
référendum l'avait rejeté et a ruiné la confiance des Français dans les politiques.
Je n'ai pas voté le traité de Lisbonne en dépit de
multiples appels de Nicolas Sarkozy !
L’UE devient omnipotente
80% des lois nationales ont pour origine l’UE (Etude
de la diète fédérale)
II / L’UE une usine à gaz
Avec le Traité de Lisbonne, l’UE est frappée de
boulimie sous l’action de la Commission qui prends très souvent l’ascendant sur
les Etats, elle sait les manœuvrer, les diviser pour arriver à ses fins.
Parfois d’ailleurs avec la complicité de certains
fonctionnaires français qui « poussent » à Bruxelles des projets
rejetés par le Parlement français.
L’UE traverses de multiples crises :
• Crise agricole
• Crise de l’euro
• Atermoiement du Parlement sur les données des
passagers aériens (PNR)
• Crise des migrants RFA accueille 800 000
migrants de manière unilatérale
• Crise des travailleurs détachés
• Accord de commerce : Italie refuse de
ratifier le CETA
• Tensions franco-allemandes sur l’énergie
nucléaire.
La RFA soutient les écologistes français
• Crise linguistique : l’UE devient une
machine à angliciser au mépris de l’égalité des langues, recul du français.
L’Union Européenne est menacée d’implosion :
« Qui trop embrasse mal étreint »
III / Les Etats doivent reprendre la main
« Ce n’est pas en fusionnement les souverainetés
au bénéfice des technocrates, en ignorant la réalité séculaire des Nations que
l’on peut construire l’Europe » Raymond ARON
• L’UE est financée par les Etats
RFA 20,6% France 15,6% soit en 2017 : 21,113
Mds €
• Recentrer le périmètre de l’UE :
subsidiarité
• Recadrer la Commission notamment en matière de
concurrence.
Ex Pechiney Alcom en 2000
Scheinder-Legrand 2001
• Recadrer le Comité des Régions qui préfigure l’Europe
des Habsbourg : la Commission joue les régions contre les Etats Nations.
• La sécurité et la défense
Le Traité de Lisbonne dans son protocole 4, article 2
e, met en place une coopération de programmes européens d’équipements dans le
cadre de l’agence européenne de défense.
En 2019-2020 l’UE met en place un fonds européen de
défense pour financement de la recherche en matière d’armement, prévision 20
milliards pour période budgétaire
2021-2027 : il ne s’agit en réalité que de la
mutualisation des moyens nationaux.
Rappel
Article 42-7 du Traité sur l’UE TUE
« Les engagements et la coopération dans ce
domaine (PESC) demeurent conformes aux engagements souscrits au sein du traité
de l’Atlantique nord qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le
fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. »
Aucun État européen n’a remis en cause cette
disposition.
L’Europe de la Défense ou plus exactement la Défense
de l’Europe restera-t-elle une idée d’avenir qui le restera longtemps ou Trump
va-t-il réveiller l’Europe comme le pense Emmanuel Macron ?
IV / Le Réveil de l’UE ou la fuite en avant ?
La guerre en Ukraine.
Donald TRUMP est décidé à négocier avec la Russie de
Poutine sans les Européens. Il s’agit là d’un revirement complet des
Etats-Unis.
La guerre en Ukraine n’est pas bleu-blanc. Les
anglo-saxons notamment les Anglais ont agi de manière permanente contre la
Russie.
Il faut lire l'article de George Kennan ancien
ambassadeur américain à Moscou dans les années 1950 et inventeur alors de la
politique du "Containement". Il donne un entretien à Foreign
affairs en 1998 qui met en garde les Etats-Unis contre leur politique
aventureuse à l'égard de la Russie qui va conduire à un affrontement certain :
"Warning on NATO expansion" !
Refus de Boris Johnson d’autoriser le projet d’accord
d’Istanbul de mai juin 2022.
Déclaration de la chancellerie Merkel (Décembre 2023),
confirmé par Hollande sur le leurre des accords de Minsk, qui
nous nous ont été présentés en commission des Affaires étrangères comme la
solution politique par excellence au conflit; alors que ces accords n'avaient
qu'un but : gagner du temps pour armer l'Ukraine !
5 mars 2025 : L’Alarme d’Emmanuel Macron
Dans son discours radio et télé diffusé aux Français,
E. Macron sonne le tocsin :
« Au-delà de l’Ukraine, la menace russe est là et
touche les pays d’Europe. Nous touche. »
La Russie est désignée comme la menace.
La Russie ne nous fait pas de cadeaux et agit de
multiple façon pour effectuer des rétorsions à nos sanctions, il ne s'agit pas
d'embrasser Poutine sur la bouche !
Le discours du Président français est abondamment
moqué de Moscou.
La Russie est-elle pour autant une menace pour la
France ?
« Est-on toujours à l’époque de la guerre froide
avec des chars soviétiques à deux étapes du Tour de France ? » disait de
Gaulle
Il est indubitable qu’Emmanuel Macron a volontairement
utilisé cette guerre pour reprendre pied en politique alors qu’il est
décrédibilisé au niveau national et international.
Son discours anxiogène s’apparente à la fabrication de
l’ennemi pour tenter de souder l’opinion publique.
De plus il joue les apprentis sorciers avec la dissuasion
nucléaire française.
« Répondant à l’appel historique du futur chancelier
allemand, j’ai décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre
dissuasion de nos alliés du continent européen. »
Tout en affirmant « que la décision a toujours été et
restera entre les mains du Président de la République, Chef des armées. »
C’est là une faute, un oxymore.
6 mars 2025 : Conseil européen extraordinaire
Le Conseil du 6 mars
• Réaffirme la solidarité de l’UE avec l’Ukraine
L’UE a fourni 135,4 milliards d’euros à l’Ukraine dont
49,2 milliards de soutien militaire.
• Négocier la Paix
Pas de négociation sur l’Ukraine sans l’Ukraine et
sans la participation de l’Europe. La Paix doit respecter l’intégrité
territoriale de l’Ukraine.
• Défense européenne
• Dérogation au pacte de stabilité
• Proposition de 150 milliards de prêts
• Acquisition conjointe d’équipements militaires
européens
• Zelensky était présent
Coup d’État institutionnel de la Présidente de la
Commission
Avant même que les Chefs d’Etats évoquent les
résultats du Conseil du 6 mars 2025, on a vu et entendu la Présidente de la
Commission Ursula von der Leyen annoncer dès le 3 mars un plan sur 5 ans de 800
milliards d’euros pour la défense, lettre aux Etats le 4 mars, alors que la
Commission n’a pas de compétence en matière de défense, c’est le rôle des Etats
comme l’a rappelé le ministre de la Défense français.
C’est une faute qui crée la confusion.
V / Une parfaite fuite en avant
Le discours tocsin d’Emmanuel Macron, les effets
d’annonce de Ursula van der Leyen, les décisions virtuelles du Conseil européen
du 6 mars sont-ils la prise en compte de la réalité géostratégique de
l'Europe ?
En d'autres termes, l'UE et ses dirigeants
prennent-ils la mesure des enjeux ? Rien n’est moins certain.
Que fera l'Europe, la France en particulier, si
la trêve est conclue entre Trump et Poutine ?
L'UE pourra-t-elle continuer à aider militairement
l'Ukraine ? Le risque est évident, l'UE sera en porte-à-faux avec la
réalité.
L'Union européenne sera même accusée d'être un fauteur
de tensions, pour ne pas dire de guerre.
C'est à juste titre qu’Henri Guaino fustige
cette escalade et dénonce la politique aventureuse d'Emmanuel Macron qui
s’apparente à celle d’un va-t-en-guerre. IL accroît les tensions et rate
l'occasion de retrouver sinon un accord, du moins une entente avec le Kremlin.
Cela ne signifie pas que tout puisse être réglé avec
Moscou, mais une chose est certaine, la France prend le contre-pied de la
démarche de Washington.
C'est là une fuite en avant. Au lieu de garder raison
et de ne pas accroître les risques, les tensions. « Somnambule, l'Union
européenne marche vers la guerre. »
Il est urgent que la France recouvre la raison, le
sens de ses intérêts géostratégiques et surtout conduise une politique
étrangère et de défense indépendante.
La Russie même poutinienne fait partie de l'équilibre
géostratégique de l'Europe. Paris ne peut pas l'oublier.
Quel avenir pour l'UE ?
• La coopération européenne reste une nécessité.
• Bruxelles doit cesser de nourrir une idéologie
intégrationniste.
• La Commission doit être recentrée et ne pas se
substituer aux États.
• Les États doivent reprendre le pouvoir, l'UE
doit être une union des États-Nations.
• Le Comité des régions est inutile et porteur de
dérive.
• La subsidiarité est la clé de voûte d'un
fonctionnement en responsabilité.
Il y a trop de compétences attribuées à Bruxelles.
L’UE s’est élargie, elle doit s’amaigrir
• L'UE ne doit pas contrer les initiatives
françaises en Méditerranée, en Afrique et dans le monde.
• La défense de la France est une défense
nationale, on ne discute pas de nos forces nucléaires avec quiconque,
l'adversaire doit rester dans le doute complet sur son utilisation.
• La dette française ne peut pas trouver de
solution avec la rigidité des Traités
• Il est indispensable de revenir aux avances de
la Banque de France au trésor pour l’investissement conformément à ce qui se
pratiquait jusqu’en 1992, ce qui a été interdit par le traité Maastricht
(article 123 du TFUE)
• Les traités obsolètes peuvent être remis en
cause par le principe du droit international :
Rebus sic Stantibus
• Il est urgent de prendre conscience que la
rigidité des traités de l’UE sont autant de carcans qui mettent en péril nos
intérêts.
• La France doit agir pour une remise en cause de
cette usine à gaz.
À défaut l’avenir de l’UE est en péril, elle doit
privilégier la coopération et non l’intégrisme rigide et autoritaire.
Les États-Nations demeurent le fondement intangible de
l’avenir de l’UE.
*Jacques Myard Maire de Maisons-Laffitte Membre honoraire du Parlement, Président du CNR et de l’Académie du gaullisme.
© 01.04.2025