Allocution de Jacques Myard 11 novembre 2022 Jacques MYARD - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
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Allocution de Jacques Myard 11 novembre 2022




Par Jacques MYARD.
         
« C’était une colline qui ne se différenciait   en rien des collines voisines.
... il n’y avait plus de trace de végétation,   la terre convulsée, bouleversée n’offrait plus au regard qu’un spectacle de   désolation.
... là, de la chair humaine avait été broyée,   déchiquetée ;
aux endroits ou la terre avait bu du sang des   essaims de mouches tourbillonnaient.
... Partout des débris de toutes sortes, fusils   brisés, sacs éventrés d’où s’échappaient des lettres tendres...que le vent   dispersait. »
Louis Barthas, tonnelier
La défense de Verdun. La Cote 304.
« Toute la détresse de la guerre se   concentrait dans la grande salle d’opération. Les médecins remplissaient   devant une file de tables leur sanglant office. Ici c’était un membre qu’on   sectionnait, là un crâne qu’on trépanait, ou un pansement collé au corps qu’on   défaisait. Des gémissements et des cris de douleur remplissaient la pièce   inondée d’une lumière impitoyable, tandis que des infirmières en blanc   couraient affairées d’une table à l’autre, portant des instruments ou de la   charpie. »
Ernst Jünger, Orages d’acier
Stahlgewitter.
  
« Des poings dressés. Furie. Rage.   Tout vocifère,
Un seul cri, un seul mot, dans l’air passe et   repasse,
En galop furieux chargeant la populace,
Un cri qui la fouaille en plein cœur :   Guerre, guerre. »
Henry Bataille, Le Départ.

« La haine du monde est dans l’air. »
Emile Verhaeren.
  
« Rolande est en usine et va dans les fumées,
Ployant le dos, l’air sombre et les lèvres   fermées
Autour d’elle, le feu, la fonte en fusion
Tout crépite et flamboie dans le rouge   arsenal
Où le fer est vomi pour le terrible bal. »
Jean Rateau – Landeville.
  
« Les obus miaulaient un amour à mourir
Un amour qui se meurt est plus doux que les   autres
Ton souffle nage au fleuve où le sang va   tarir
Les obus miaulaient
Pourpre amour salué par ceux qui vont périr. »
Guillaume Apollinaire.
  
« Nous avons dix-sept ans, vingt ans ou   vingt-cinq ans
Bouquet d’avril ou bouquet de mai, peu   importe
Le jeune siècle est quelque peu notre cadet,
Hier nous posions deux doigts légers sur son   épaule...
L’orage l’emporte...
Il écrase d’un coup nos roses dispersées...
Nous sommes le blé vert qui n’aura pas d’épi,
Les jeunes filles qui ne seront pas épousées. »
Jeanne Perdriel Vaissière.
  
Le 28 juin 2016, Willi Lutz adjudant au   246ème régiment d’infanterie de la Reichwehr écrit à sa sœur :
« Je ne supporte plus cette maudite   artillerie, il faut que je me maîtrise et que je fasse un effort sur moi-même   pour rester un exemple pour mes hommes. »
Le 30 juin 1916, deux jours après, il est tué   près de LORGIES.
14-18 restera à jamais des vendanges   sanglantes ! ...
Ils sont tombés à la rentrée des classes   comme Charles Péguy ou Alain Fournier.
Un sixième des tués de la Grande Guerre sont   tombés pendant les deux premiers mois de la guerre, qui dura plus de 4   années. 27000 Français sont tombés pour la seule journée du 22 août 1914,   c’est la journée la plus meurtrière de l’Histoire de France.
Ils sont tombés par l’incompétence de la   hiérarchie militaire, adepte de l’offensive de l’infanterie, baïonnette au   canon, face à l’artillerie et aux mitrailleuses.
14-18 fut une guerre totale, embrasée par le   génie destructeur des hommes qui invente et développe pour toujours des armes   nouvelles, les gaz, les sous-marins, les chars, les avions, les canons.
1,4 million de soldats français
885 000 Britanniques
651 000 Italiens
1,8 million de Russes
1,1 million d’Autrichiens et Hongrois
2 millions d’Allemands
800 000 Turcs
Plus de 9,7 millions de soldats sont tombés   et près de 9 millions de civils tués.
L’Europe se couvre de croix blanches,   d’étoiles de David et de croissants.
Chaque village français érige un   monument à ses enfants tombés au champ d’honneur.
Ce ne sont là que des chiffres, des   statistiques terribles mais anonymes.
Paul Moutard est né le 24 avril 1892   chez ses parents à Maisons-Laffitte, 9 rue des Canus.
Paul Moutard fait partie de la classe 1912,   il doit un service militaire de trois ans.
Il est incorporé en octobre 1912 et affecté   au 129ème régiment d’infanterie stationné au Havre à la caserne Kléber.
Le 9 juillet 1913 Paul Moutard réussit son   brevet d’aptitude militaire, il est nommé Caporal.
Le 4 août 1914 Paul écrit à sa mère.
« Chère maman je n’ai rien de   nouveau à te dire si ce n’est que l’on dit que nous partons jeudi soir.
J’ai reçu près de deux cents réservistes en   deux jours pleins d’entrain, l’active sera bien soutenue. »
Le 29 août 1914 Paul Moutard est tué à la   bataille entre Guise et d’Audigny.
Ce n’est qu’en août 1916 que le Comité international   de la Croix rouge informe son père que Paul est tué au combat et enseveli au   cimetière de la Désolation à Guise.
Le 25 juillet 1919 Paul Moutard est cité à   l’ordre du Régiment.
Il reçoit la médaille militaire le 26   septembre 1919.
« Bon gradé a fait vaillamment son devoir   dès les premiers combats de la campagne.Tombé glorieusement pour la France à   la bataille de Guise. »
Une seule question se pose :
Pourquoi ?
Pourquoi cette hécatombe ?
Dont Paul Valéry dit avec angoisse « Nous   autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »
Avec plus de cent ans de recul historique   essayons de comprendre,
Essayons de comprendre en gardant en mémoire   les événements tragiques du siècle dernier, conséquences de 14-18 :
- La terreur du régime des bolcheviks en   Russie avec leurs goulags en Sibérie.
- La Seconde guerre mondiale voulue par Adolf   Hitler qui s’adresse le 22 août 1939 aux généraux de la Wehrmacht :
« Agissez brutalement, le plus fort a raison.   »
- La trahison du pacte germano-soviétique qui   dépeça la Pologne.
En ayant à l’esprit ces événements   tragiques, oui essayons de comprendre ce qui arriva en juin et juillet 1914.
Comprendre pourquoi et comment les Nations   européennes, ces Nations dites les plus civilisées, se sont laissé emporter   avec enthousiasme dans ce cataclysme.
Du côté français :
Il est vrai que l’Etat major voulait la   revanche de la défaite de 1870.
L’Etat major a recherché des alliances de   revers, il conclut un accord avec la Russie.
Poincaré, Président de la République, et   Viviani, Ministre des Affaires étrangères, effectuent un voyage officiel à   Saint Pétersbourg le 16 juillet 1914.
Jaurès refuse de voter les crédits pour ce   voyage. Il dénonce à la chambre des députés les « Traités secrets. »
« Il nous paraît inadmissible que la France   puisse être jetée dans des aventures naissant de l’obscurité des problèmes   orientaux par des Traités dont elle ne connait ni le texte, ni le sens, ni   les limites, ni la portée. »
Prescience totale que Jaurès paya de sa vie à   trois jours de la déclaration de guerre le 3 août 1914.
Du côté allemand, il est non moins vrai que   le Reich se sent et se sait fort, il est convaincu de sa supériorité   militaire.
Guillaume II, le Kaiser, se confie à   plusieurs reprises en 1913 au roi des Belges Albert 1er. Il lui dit « la   guerre est inéluctable. »
Les tensions entre la France et l’Allemagne   sont nombreuses.
Dès 1911 la course aux colonies faillit   conduire à la guerre avec le coup d’Agadir pour le contrôle du Maroc.
Un accord est signé in extremis : l’Allemagne   ne s’oppose pas au protectorat français sur le Maroc, Berlin reçoit en   échange une partie du Congo français qui est rattaché au Cameroun allemand.
Tout s’enclencha à Sarajevo, en Bosnie   Herzégovine sous domination austro-Hongroise.
- Le 28 juin 1914, François-Ferdinand   d’Autriche-Hongrie est assassiné avec sa femme par Gavrilo Princip, un serbe   membre de la main noire, qui veut le regroupement de tous les Serbes dans un   état indépendant de l’Autriche-Hongrie.
- L’Autriche-Hongrie accuse la Serbie.
- Le 7 juillet 1914, Vienne envoie à Belgrade   un ultimatum pour enquêter en Serbie.
- Le 25 juillet 1914, les Serbes refusent.
- Le même jour Berlin apporte son soutien à   Vienne.
- Du 23 au 29 juillet, Poincaré et Viviani de   retour de Saint Pétersbourg sur le cuirassé France sont privés de toute   information en mer, les Allemands brouillent les communications.
- Le 30 juillet, la Russie mobilise.
- Le 31 juillet l’Allemagne adresse un   ultimatum à la Russie et à la France : la Russie doit cesser sa mobilisation,   la France rester neutre et livrer aux Allemands en gage les forteresses de   Verdun et Toul.
- Le 2 août 1914 la France mobilise.
- Le 3 août l’Allemagne exécute son plan   Schlieffen et envahit la Belgique, le Luxembourg.
- Le 3 août l’Allemagne déclare la guerre à   la France.
- Le 4 août le Royaume-Uni déclare la guerre   à l’Allemagne.
Le domino infernal des alliances précipite   les Nations européennes porteuses de la civilisation dans la guerre, un   commun désastre.
Plus de cent ans après, avec l’historien   australien Christopher Clark, nous devons reconnaître que toutes les   puissances européennes ont une responsabilité partagée.
L’attentat de Sarajevo a bien été l’étincelle   dans le baril de poudre des Balkans dont l’explosion a embrasé l’Europe.
Au moment où les hostilités s’enclenchent   pour plus de 4 années, n’oublions pas que l’attaque de la Russie en Prusse   orientale et en Galicie, sur le front de l’Est – qui mobilisa en contre-offensive   plusieurs corps d’armée de la Reichswehr sous le commandement de Von   Hindenburg, permit au Général Joffre de sauver Paris grâce au concours des   taxis parisiens pour gagner la bataille de la Marne.
Face à ces événements implacables et   tragiques, une question nous tenaille :
Toute similitude avec la situation   internationale en Ukraine n’est-elle que fortuite ?
L’Histoire toujours tragique va-t-elle nous   repasser ses plats ?
« Quand les mortels s’emploient à   leur perte - nous dit Eschyle dans les Perses – les dieux viennent les aider.   »
Guerre d’agression et guerre préemptive,   guerre par proxy et terrorisme d’Etat, crimes de guerre et manipulations sont   désormais de retour avec leur cortège de morts civils et militaires.
Soyons sans illusions, la violence destructrice   des Hommes est consubstantielle à l’humanité, les guerres en Syrie, en Irak,   en Afghanistan, en Iran sont autant de guerre d’agression, de guerre   préemptive et de crimes de guerre.
La paix perpétuelle rêvée par Kant n’existera   jamais !
Gardons à l’esprit avec lucidité que les   mêmes causes dans l’ordre international produisent toujours les mêmes   conséquences dramatiques et terribles.
Gardons toujours à l’esprit que la logique de   guerre d’un conflit peut conduire là où nous ne voulons pas aller.
Souvenons-nous de la mise en garde de   Jean-Jaurès.
Assurons toujours par nous-mêmes notre   défense qui demeure plus que jamais l’ardente obligation de la Nation.
Ne ménageons aucun effort pour assurer   l’efficience de nos services de renseignement ; les manipulations, les   provocations, même entre alliés sont une réalité.
Elles sont une constante des siècles passés   et à venir.
« A la guerre, nous avertit Eschyle, la   première victime est la vérité. »
Plus d’un siècle s’est écoulé.
14-18 nous étreint de ses souffrances et   sacrifices.
14-18 sonne toujours le tocsin des terribles   batailles de tous ces héros fauchés à la fleur de l’âge.
Gardons précieusement en mémoire le courage   jusqu’au sacrifice de Paul Moutard et de tous ses camarades tombés au champ   d’honneur pour notre liberté, l’indépendance de la Nation.
 
Vive nos Alliés
Vive la République
Vive la France !

Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
Président de l'Académie du Gaullisme

© 01.12.2022

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