Ukraine : Donald Trump,
pacificateur providentiel ?
par Paul KLOBOUKOFF,
En avril 2024, la RTBF dévoilait « Le plan secret, ou presque, de Donald Trump (DT) pour mettre fin à l’Ukraine en 24 heures » (1). Trump s’était vanté d’être capable de cette prouesse s’il était élu aux présidentielles de novembre. Sa solution présumée, « la cession à la Russie de la Crimée et du Donbass », a été démentie par l’intéressé.De toute façon, une telle annexion par la Russie, qui a envahi l’Ukraine en févier2022, serait inacceptable pour Kiev, pour les états qui lui apportent leur appui, ainsi que pour l’OTAN.
Mais DT semble peu disposé à continuer à dépenser sans compter pour protéger le pays agressé. Après sa prise de fonction, très attendue, en janvier 2025, il pourra « négocier » la paix avec Poutine. Mais, depuis avril, la situation a considérablement empiré. Les troupes russes ont gagné du terrain dans le sud du pays, et occupent maintenant près de 20% du territoire ukrainien (en comptant la Crimée, annexée en 2014). La tension internationale est montée de plusieurs crans, au point qu’une guerre nucléaire (synonyme d’extermination) mondiale peut être redoutée. Certains va-t-en guerre jusqu’auboutistes, comme notre président, ne semblent pas convaincus de l’intensité du danger.
La recherche de la paix plombée par un lourd contentieux
Pour convaincre Volodymyr Zelenski, DT dispose de solides arguments militaires et financiers. Sans la protection des Etats Unis et de l’OTAN, Kiev ne peut résister à Moscou. De l’autre côté, il parait difficile de remettre en question la mainmise de la Russie sur la Crimée, et, les choses sont plus compliquées pour trouver un terrain d’entente avec son « ami » Poutine. Celui-ci n’a toujours pas digéré l’affront qu’il a subi il y a vingt ans, le 22 novembre 2004, jour du déclenchement de la Révolution Orange. Celle-ci a permis aux Ukrainiens de se libérer de l’influence russe en élisant à la présidence Viktor Iouchtchenko avec le soutien de nombreux gouvernements européens, des Etats-Unis et d’ONG qui ont financé l’opposition. A ce sujet, ce 22 novembre 2024, huffingtonpost.fr a rappelé : « Comment la Révolution Orange, « une insulte personnelle » pour Poutine, avait en germe la guerre en Ukraine, il y a 20 ans » (2).
Analyse de Reuters sur les positions des parties avant négociations
Le 20 novembre, dans un article intitulé : « Exclusive : Putin, ascendant in Ukraine, eyes contours of a Trump peace deal », l’Agence mondiale Reuters a fait part des infos dont elle disposait sur les positions russes et ukrainiennes relatives à une éventuelle cessation des hostilités en Ukraine (3). Du côté russe, ses principales sources sont cinq « Officiels » actuels ou ex, qui ont voulu garder l’anonymat. Des représentants de Zelensky et de Trump ainsi que des « experts »internationaux ont aussi été interrogés. D’un rapport des cinq Officiels, il ressort que lors de discussions avec Trump, le Kremlin pourrait accepter de geler le conflit le long des lignes de front. Poutine a dit en novembre qu’un accord de cessez-le-feu doit refléter les « réalités » du terrain, mais qu’il craignait une trêve de courte durée qui permettrait seulement à l’Occident de réarmer l’Ukraine.Moscou clame que les quatre régions de l’est, Donetsk, Lougansk, Zaporizhzhia et Kherson, font partie intégrante de la Russie. Les forces russes y contrôlent 70% à 80% du territoire, tandis qu’environ 26 000 km² sont encore tenus par des troupes ukrainiennes. Au total, la Russie tient plus de 110 000 km² en Ukraine. Ses troupes ont beaucoup avancé dans le sud du pays, sans atteindre Odessa. Selon l’un des experts, Dimitri Simes, qui a quitté l’Union soviétique en 1973 pour émigrer aux Etats-Unis, « Cruelle vérité : la Russie est en train de gagner » (traduction de l’auteur).
Selon les 5 Officiels, il pourrait y avoir une place pour négocier sur les délimitations précises des quatre zones concernées.La Russie pourrait aussi envisager de se retirer des relativement petits espaces détenus dans les régions de Kharkiv et de Nicolaiv.
La Russie tient à la « neutralité » de l’Ukraine, et ne veut absolument pas voir l’OTAN s’installer jusqu’à sa frontière sur ce flanc aussi. L’Organisation est déjà à ses portes en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne et, depuis peu, en Finlande. Poutine avait déjà dit en juin 2014 que l’Ukraine devait abandonner ses ambitions d’adhésion à l’OTAN et retirer toutes ses troupes des régions réclamées et en grande partie contrôlées par la Russie. En face, le président Volodymyr Zelensky a redit cette année que son pays n’aura pas de repos tant que le dernier soldat russe n’aura pas été éjecté de ces quatre régions. Le 16 novembre, le président américain Joe Biden a autorisé Kiev à utiliser des missiles ATACMS de moyenne portée contre des cibles situées en Russie. Aussi, dans la nuit du 18 au 19, l’Ukraine a tiré 6 missiles sur un dépôt de munitions à Briansk, à 115 km de la frontière entre les deux pays. 5 missiles auraient été détruits en vol, le 6ème aurait fait mouche.
Juste avant le tir des missiles ATACMS, le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov avait fait savoir que l’autorisation américaine était « une très dangereuse escalade de la part des Etats-Unis ». Il est certain que ce n’est pas un pas en avant vers l’apaisement. Certains observateurs ont soupçonné le Démocrate Joe Biden de vouloir savonner la planche à son successeur, et adversaire politique Républicain Donald Trump, avant que celui-ci prenne ses fonctions de président et commence à négocier la paix avec Poutine. Une telle « hypothèse » n’est pas à exclure. Un autre obstacle à la paix est venu s’ajouter récemment, l’accord entre Poutine et Kim Jong-un, président de la Corée du Nord, accompagné de l’arrivée de soldats nord-coréens, stationnés en Russie. C’est encore plus d’internalisation du conflit avec un « partenaire » qui n’est pas en odeur de sainteté dans le monde occidental.
Malgré cela, Steven Cheung, directeur de la Communication de Trump, s’est montré optimiste et a assuré à propos de l’entrée en fonction du nouveau président des Etats-Unis : « C’est la seule personne qui peut amener les deux parties à négocier la paix, à œuvrer à l’achèvement de la guerre et de la tuerie » (traduction de l’auteur).
Ce qu’on pourrait espérer
Espérons en la réussite des démarches à venir de Donald Trump, en de meilleurs sentiments de son « ami » Poutine en, et en l’arrêt définitif de cette guerre entre deux peuples frères. Les Etats-Unis, leurs alliés occidentaux, ainsi que la Russie ont en commun des inquiétudes et des intérêts à défendre face à l’expansionnisme de la Chine. Cela devrait être un argument de dimension suffisante pour qu’ils enterrent la hache de guerre, fument le calumet de la paix et, solidaires, fassent un bout de chemin côte à côte.
*Paul KLOBOUKOFF Académie du Gaullisme le 27 novembre 2024
Sources et références
(1) Le plan secret, ou presque, de Donald Trump (DT) pour mettre fin à l’Ukraine en 24 heures rtbf.be/article/le-plan-secret… le 09/04/2024
(2) « Comment la Révolution Orange, « une insulte personnelle » pour Poutine, avait en germe la guerre en Ukraine, il y a 20 ans » about:reader?url=https%3A%2F%2www.hufingtonpost.fr… le 22/11/2024
(3) Exclusive : Putin, ascendant in Ukraine, eyes contours of a Trump peace deal reuters.com/world/europe/putin-ascendant-ukraine-eyes… le 20/11/202© 01.12.2024