Pauvreté en hausse en France au début du quinquennat P. Kloboukoff - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
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Pauvreté en hausse en France au début du quinquennat
En résumé
« Aujourd’hui, on n’a plus le droit ni d’avoir faim, ni d’avoir froid… ». Ce vœu des Restos du cœur depuis 1989 est loin d’être exaucé aujourd’hui en France. Et, la pauvreté a encore augmenté au début de ce quinquennat. Le taux de pauvreté monétaire relative (TP) a augmenté de 14,1% en 2017 à 14,8% en 2018, malgré la croissance du PIB. Le nombre de « pauvres » s’est accru de + 438 000 personnes et est monté de 8,889 millions (Mi) à 9,327 Mi. En 2018, le seuil de pauvreté était fixé à 1 063 €, correspondant à 60% du niveau de vie (NDV) médian de la population.
Ce sont les indicateurs d’ensemble « officiels » les plus récents sur la pauvreté. L’an prochain, à la veille des élections présidentielles, les mêmes infos les plus récentes porteront sur l’année 2019.  
Le champ des statistiques sur les niveaux de vie (NDV), la pauvreté et la redistribution monétaire est partiel. Il couvre la France métropolitaine et exclut notamment les personnes résidant en institutions, une partie des étudiants, ainsi que les personnes sans abri. Sur les 67 Mi de personnes vivant en France en 2018, 3,9 Mi étaient hors de ce champ, dont 2,2 Mi habitants des départements d’Outremer.
Moins tardifs, les tableaux publiés chaque année par l’Insee sur la redistribution monétaire contiennent des données par fractiles de NDV. Les plus récentes portent sur l’année 2019. Elles montrent que les 10% et les 20% des personnes aux NDV les plus faibles (décile 1, ou D1, et quintile1, ou Q1) ont été les parents pauvres de la politique de l’exécutif au cours de ces 1ères années du quinquennat. Les inégalités se sont aussi approfondies, par rapport aux NDV moyens des « plus riches », ainsi que par rapport à celui de l’ensemble de la population.
Sans (ou avant) les apports de la redistribution monétaire, les NDV des 10% les plus pauvres sont très bas, 3 260 € par mois en moyenne en 2017… et pas plus, en euros courants, en 2019. Ces pauvres se sont donc appauvris ces deux dernières années. Cet appauvrissement s’observe sur longue durée, au moins depuis 2007. Il a sans doute permis de dire que « notre modèle socio-économique produit, ou engendre, de la pauvreté ». Pour la réduire, la redistribution en faveur des plus bas NDV est importante. « Sous Hollande », elle a été renforcée, le taux de redistribution en faveur des personnes du décile 1 atteignant + 212,9% en 2017. En fait, la redistribution est très concentrée sur ces 10% des personnes. Celles du 2ème décile reçoivent une aide financière nettement moindre.
Après redistribution, aussi les NDV moyens des plus pauvres se sont affaiblis et les écarts de NDV se sont creusés de 2017 à 2019. En tenant compte des hausses des prix, le NDV moyen du décile 1 a perdu - 1,4%, et celui du quintile 1, - 0,6%. Le rapport très observé NDV D9 / NDV D1 a augmenté de 5,53 en 2017 à 5,83 en 2019, D9 étant le décile des NDV les plus élevés.
Ces chiffres montrent que l’expression des colères populaires, les revendications et les manifestations des gilets jaunes n’étaient ni fortuites ni gratuites. Elles méritaient plus d’écoute et non la répression qui leur a été opposée.
Pour réduire le taux de pauvreté [si cela devient vraiment une priorité], il sera nécessaire de se pencher sur le sort des 6,3 Mi de personnes du 2ème décile et envisager de revaloriser à des hauteurs convenables les minima sociaux.
Très inquiets par la montée du chômage et les autres dégâts sociaux provoqués par la crise Covid, ce sont précisément ces revalorisations que les représentants de 10 associations sont venus demander au Premier ministre Jean Castex le 2 octobre 2020.  Ils n’ont pas été entendus par le pouvoir. Le RSA a été revalorisé de + 0,2% au 1er avril 2021, après + 0,9% en avril 2020. Pour une personne seule, il est de 565,34 € par mois. Pour un couple, il est de 848,01 €. S’il a 2 enfants, il est de 1 187,21 €. Pour les travailleurs, pauvres ou non, le SMIC a été majoré de + 1,0% en janvier 2021, après + 1,2% en janvier 2020. Le SMIC net est ainsi de 1 231 € pour un mois complet de travail.
Le mal-logement est une autre dimension de la pauvreté sur laquelle le 26ème Rapport de la Fondation Abbé Pierre a fait le point en janvier. Il estime que : 1,068 Mi de personnes sont privées de logement personnel ; - 3,050 Mi  vivent dans des conditions de logement très difficiles ; - 10,5 Mi d’autres personnes sont en « situation de fragilité », financière, en particulier ; - au total, ce sont 14,6 Mi de personnes (sans double compte) qui sont en situations de logement précaires et difficiles.  
La Fondation reproche au gouvernement : - sa contribution à la chute de la production de logements, dont celle des HLM à 100 000 en 2019 et 95 000 en 2020, très en dessous des 150 000 de l’objectif souhaité ; - l’effort public pour le logement le plus faible depuis 1984, 1,5% du PIB en 2019, et les attaques incessantes depuis 2017 contre les APL, qui auront permis « d’économiser » plus de 10 Mds € de 2017 à 2021, au détriment des foyers modestes. C’est l’équivalent de 3 années de pertes de recettes dues au remplacement de l’ISF par l’IFI. Les choix semblent clairs.
Pour le Centre d’observation de la société, qui a rassemblé et recoupé (autant que possible) des infos de nombreuses sources, pour la plupart antérieures à 2020, il y aurait en France métropolitaine, hors du champ couvert par l’Insee, environ 1 million de pauvres. Ce chiffre publié en septembre 2020 et assez largement diffusé, a suscité (très temporairement) pas mal d’émotion. Il est vraisemblable, comme l’ont soutenu certains, que la crise Covid ait aggravé la situation et que cette estimation, peut-être valable pour 2018  et 2019, soit inférieure à la réalité en 2020.
Le centre a aussi estimé, à l’aide des données de l’Insee relatives à 2017, que le nombre de pauvres dans les DOM était d’environ 950 000. Si ces ordres de grandeur sont corrects, il y aurait en France, avant la crise Covid, au moins 11 millions de pauvres, soit un habitant sur 6. N’est-il pas temps d’en prendre pleinement conscience et de faire réellement de la lutte contre la pauvreté une priorité, avec les moyens appropriés.
Il faudra sans doute attendre plus d’un an pour avoir une vue plus précise de la situation en 2019… et davantage pour disposer de données d’ensemble officielles sur la pauvreté en 2020. Les infos des tableaux sur la redistribution monétaire en seront d’autant plus précieuses. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai un peu détaillé ici ce que pouvait révéler leur examen.  
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La pauvreté a gagné du terrain en début de quinquennat
Des indicateurs tardifs et partiels de la pauvreté monétaire relative
L’indicateur de pauvreté de référence en France est la pauvreté monétaire relative publié par l’Insee chaque année pour différentes catégories de populations. Une personne est pauvre lorsque son niveau de vie (NDV) est inférieur au seuil de pauvreté. Pendant longtemps, celui-ci a été fixé à 50% du NDV médian, avant que les Hautes autorités statistiques européennes et françaises décident que le fixer à 60% du NDV médian était plus approprié… ce qui a aussitôt fait bondir le taux et le nombre de « pauvres ». Aujourd’hui, avec la crise, sans revenir en arrière, il semble jugé instructif de faire état également du taux à 50% et des nombres de pauvres correspondants. Pour rappeler la relativité du concept, sans doute.
Les statistiques sur les NDV, la pauvreté et la redistribution monétaire ont habituellement pour champ la France métropolitaine et couvrent « les personnes vivant dans un ménage ordinaire dont le revenu est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante ».  L’Insee précise « Il exclut notamment les personnes résidant en institution ainsi que les personnes sans abri, et recouvre une population de 63,1 millions de personnes fin 2018 » (1). D’après les données de l’Insee, au 1er janvier 2019, la population de la France métropolitaine était de 64,812 millions de personnes, celle des départements d’Outremer en comptait 2,181 Mi, et la France entière, 66,993 Mi. Cela signifie que 3,893 Mi de personnes résidant en France, dont 1,712 Mi de métropolitains, seraient hors champ des statistiques sur les NDV, la pauvreté financière relative et la redistribution monétaire.
Pour les NDV et la pauvreté, les sources auxquelles les statistiques font appel (et qu’on trouve au bas des tableaux) sont l’Insee, la Direction générale des finances publiques (DGFIP), la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), les enquêtes annuelles Revenus fiscaux et sociaux (ERFS).
En raison des durées de préparation de l’ERFS (2), en relation avec l’enquête Emploi en continu (EEC), de sa réalisation et de son exploitation, les statistiques sont tardives. En décembre 2020, les données détaillées et confirmées portaient sur l’année 2018. Pour 2019, seule une « estimation avancée » globale sommaire est disponible. C’est pourquoi en ce début de printemps 2021, il n’est possible de faire qu’un point sur la pauvreté limité au début du quinquennat en cours. Et dans un an, à proximité de l’échéance des élections, les infos précises sur cette pauvreté n’iront pas au-delà de 2019… même pas à mi-mandat 2017-2022.
De 2017 à 2018, la pauvreté a nettement augmenté
Tableau 1 : Indicateurs de pauvreté en France métropolitaine en 2017 et 2018

       
« En 2018, le inégalités de niveau de vie augmentent » avait titré Insee Première en septembre dernier. La hausse du taux de pauvreté de 14,1% en 2017 à 14,8% en 2018, soit de + 0,7 points, y était attribuée : - pour + 0,4 points à la baisse des allocations logement ; - pour 0,3 points à « une plus faible progression des revenus d’activité en dessous de la médiane et, dans une moindre mesure »… au  gel du barème et à la baisse de 5 euros des aides au logement, à la réforme de la prestation d’accueil du jeune enfant. L’Insee ajoute qu’une famille monoparentale sur deux bénéficie d’une allocation logement. Etant « très présentes » parmi les ménages pauvres, les familles monoparentales ont particulièrement souffert de ces mesures. Leur taux de pauvreté a atteint 35% en 2018 (4),
De son côté, en novembre 2020, dans « Le tableau de bord de la pauvreté en France en 2020 », l’Observatoire des inégalités a souligné notamment que le NDV d’une personne bénéficiaire du seul Revenu de solidarité active (RSA) (autour de 560 €), ou de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) réservée aux chômeurs en fin de droits, est très en dessous du seuil de pauvreté. Or, le nombre de ménages allocataires du RSA est monté de 1,827 Mi en 2017 à 1,844 Mi en 2018, puis à 1,853 Mi en 2019. Et est estimé à 2,1 Mi en 2020. Les autres minima sociaux alloués aux adultes handicapés et aux personnes âgées (900 €) sont également inférieurs au seuil de pauvreté à 60% du NDV médian. Se référant à des données de l’Insee indiquant que 22% des jeunes de 18 à 29 ans qui vivaient seuls (hors étudiants) étaient pauvres en 2017, et observant que jusqu’à 25 ans ils n’ont pas droit à un minimum social, l’Observatoire voit « Les jeunes en première ligne ».
Dans Insee Références de décembre 2020 sont donnés des Taux de pauvreté par département en 2017. La répartition de la pauvreté était très inégale sur le territoire. Des taux de pauvreté de 25% ou plus étaient observés en Métropole dans : - 4 départements des Hauts de France allant du Pas-de-Calais aux Ardennes ; - 7 départements riverains ou proches de la Méditerranée allant des Pyrénées orientales aux Bouches-du-Rhône et au Vaucluse ; - la Seine-Saint-Denis, la Creuse, le Lot-et-Garonne et la Haute-Corse. La situation était, et reste sans doute, plus grave encore Outremer, avec des taux de 28,6% à la Martinique, 34,5% en Guadeloupe, 38,3% à la Réunion, 52,9% en Guyane et 77,3% à Mayotte. Loin des yeux, loin du cœur des gouvernants ?
Estimation avancée du taux de pauvreté monétaire relative en 2019
Selon « la méthode d’estimation avancée basée sur la microsimulation » du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités présentés dans Insee Analyses de novembre 2020 (5), « En 2019, les inégalités et le taux de pauvreté diminueraient ». Le taux de pauvreté de 14,8% observé en 2018 descendrait à 14,5% simulé en 2019. L’explication majeure avancée est la hausse du montant de la bonification de la prime d’activité décidée à la suite du mouvement des Gilets jaunes. Cette « réforme » a permis d’augmenter les montants perçus et à des personnes aux revenus plus élevés d’en bénéficier. L’effet en serait le plus élevé pour les 40% de personnes aux NDV les plus faibles. D’autres mesures contribueraient à augmenter le NDV des plus modestes et à réduire les inégalités, comme les revalorisations exceptionnelles de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) et du Minimum vieillesse (Aspa).  
Nous verrons ci-après que les données de l’Insee de décembre 2020 sur la Redistribution monétaire en 2019 ne semblent pas en parfaite harmonie avec cette « estimation avancée ».
La pauvreté lue dans les tableaux sur la redistribution monétaire
Comment la redistribution monétaire rebat, ou non, les cartes des NDV
Les informations sur la redistribution monétaire d’une année donnée sont publiées presque un an avant celles sur la pauvreté. Le champ en est le même que pour les NDV et la pauvreté. Traditionnellement, un tableau indique chaque année par fractiles de NDV (déciles et/ou quintiles) les montants moyens (en euros courants) par unité de consommation (UC) : - des NDV avant redistribution ; - des prélèvements sociaux et fiscaux redistributifs supportés et des prestations redistributives reçues ; - des NDV après redistribution.
Les prélèvements sociaux et fiscaux comprennent les cotisations patronales famille, les contributions sociales (hors part de la CSG affectée à la maladie), l’impôt sur le revenu (IR), la taxe d’habitation (TH) et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Les prestations comprennent les prestations familiales, les aides au logement, la prime d’activité et les minima sociaux (6).
Le but principal de la redistribution monétaire est la réduction des inégalités des NDV, aussi vue comme le « nivellement par le bas ». Les tableaux de l’Insee montrent que cette réduction se fait en grande partie : - par de forts prélèvements sociaux et fiscaux redistributifs sur les ménages aux NDV considérés comme élevés, surtout ceux du 4ème quintile et, plus encore, ceux du 5ème quintile ; - par des prestations monétaires redistributives réservées en  [de plus en plus] grande partie aux ménages aux NDV les plus faibles.
Les prélèvements redistributifs ne sont pas consacrés en totalité à la redistribution, puisque pour la population sous revue, le montant total des prestations est inférieur à celui des prélèvements, et le taux de redistribution d’ensemble est négatif : - 7,4% du NDV avant redistribution en 2017, - 7,1% en 2018 et - 9% en 2019 (cf. tableau 2).
Le tableau 2 ci-après rassemble des infos caractérisant la redistribution et les NDV de 5 années (pas choisies au hasard). Les comparaisons inter temporelles sont plutôt rares  et font peu l’objet d’analyses et de commentaires s’adressant au public. De la part de « puristes », cette « retenue » pourrait être motivée par : - les discontinuités liées aux changements de législations et aux politiques, comme, par exemple, la prise en compte à partir de 2018 du nouvel IFI (alors que l’ISF a été ignoré auparavant) ; - les progrès statistiques, qui ont occasionné des (mini) « ruptures » de séries en 2010, avec la mobilisation de l’enquête Patrimoine pour estimer les revenus financiers, et en 2012 avec des modifications méthodologiques (7).  Il ne faut pas ignorer ces ruptures, mais elles sont du second ordre par rapport aux évolutions montrées par les statistiques.
Aggravation de la pauvreté pendant les premières années du quinquennat Macron
En montant de 25 830 € en 2017 à 27 750 € en 2019, le NDV moyen avant redistribution de l’ensemble de la population (sous revue) à cru de + 7% en euros courants et de + 3,7% à prix constants, compte-tenu de la hausse des prix de + 3,2% environ.
Il en a été tout autrement pour les ménages aux revenus les plus bas. Le très faible NDV moyen du 1er décile est le même en 2019 qu’en 2017, 3 260 € en valeur courante. En valeur réelle, il a donc diminué de - 3,2%. Le NDV du 1er quintile, lui, a cru de + 3,1%, pas plus que l’indice des prix à la consommation. En valeur réelle, il n’a pas progressé.
Pendant ce temps, les NDV du quintile 5 et du décile 10, ceux des plus « riches », ont augmenté respectivement de + 8,1% et + 8,9% à prix courants, c'est-à-dire de + 4,7% et + 5,5% en valeur réelle. Ce sont ces 20% de la population qui, en moyenne, ont le plus profité des « fruits de la croissance »… et également de la politique de l’exécutif, puisque la croissance du PIB a été limitée à + 1,8% en 2018 et + 1,5% en 2019.
Aussi, le rapport interdécile très regardé NDV D9 / NDV D1 est monté de 22,4 à 24,4. L’écart entre les NDV avant redistribution des déciles extrêmes s’est creusé. On notera que le NDV moyen du 1er quintile rapporté au NDV moyen d’ensemble est descendu de 25,9% à 25%.
Avant redistribution, les pauvres se sont appauvris, en valeur réelle et par rapport à l’ensemble de la population.
Après redistribution, le NDV moyen du décile 1 a « progressé » de 10 020 € en 2017 à 10 200 € en 2019, soit de + 1,8% en euros courants. Compte tenu de l’inflation, il a perdu - 1,4%. De 2017 à 2019, le NDV du quintile 1 a cru de 11 560 € à 11 860 €, soit de + 2,6% en euros courants, et à baissé de - 0,6% en termes réels.
A l’opposé, les NDV moyens du quintile 5 et du décile 10 sont montés de + 5,2% et + 5,3% en euros courants, gagnant respectivement + 2% et + 2,1% en valeur réelle. Du côté des « classes médianes », le NDV moyen du quintile 3 a augmenté de + 5,6%, croissant de + 2,3% à prix constants.  
Les 20% des personnes aux NDV les plus faibles ont été les parents pauvres de la politique de l’exécutif au cours de ces 1ères années du quinquennat. Les inégalités se sont aussi approfondies : - par rapport aux « plus riches », le ratio NDV D9 / NDV D1 après redistribution étant monté de 5,53 à 5,83 ; - par rapport à l’ensemble des 63,1 Mi personnes sous revue, le ratio NDV D1/ NDV Ensemble ayant baissé de 41,8% à 40,4% de 2017 à 2019.
Une redistribution très concentrée sur les 10% de personnes aux NDV les plus bas
« Sous Hollande » le taux de redistribution en faveur du décile 1 était monté  à un sommet de + 212,9% en 2017. Il a un peu reculé « sous Macron », à + 207,3 en 2018 et + 207,4 en 2019. En faveur du quintile 1, le taux de redistribution a été de + 71% à + 72% de 2017 à 2019. L’aide financière apportée par la redistribution a été très concentrée sur le décile 1 seul. Le décile 2 a bénéficié d’une aide bien moindre, son taux de redistribution étant de + 28% seulement, sauf erreur de calcul de ma part.
En 2018, le seuil de pauvreté monétaire relative, de 1 063 € par mois, soit 12 756 € par an, était supérieur au seuil du 1er décile, égal à 11 210 €. La totalité des 6,31 millions de personnes du décile 1 constituaient la majeure partie des 14,8% de « pauvres ». Le nombre total de pauvres étant de 9,327 Mi, les 3,2 millions de pauvres complémentaires faisaient partie du décile 2. Et la redistribution avait peu amélioré leur sort.  
Abstraction faite de la crise du Covid 19… Si notre « modèle » continue d’accroître la pauvreté avant redistribution, la réduction du taux de pauvreté monétaire (si elle redevient réellement une priorité), exigera une redistribution plus généreuse, envers les personnes du décile 2 en particulier.
Sous les dernières présidences, le NDV des plus pauvres n’a pas cessé de se détériorer
De 2007 à 2012, « sous Sarkozy », les inégalités avant redistribution se sont fortement creusées. Le NDV moyen d’ensemble a augmenté de + 10,2% en euros courants et, inflation déduite, de + 1,2% seulement. Principaux gagnants, les « riches » du quintile 5 ont vu leur NDV moyen augmenter de + 13,9% en euros courants et de + 4,6% en valeur réelle. En même temps, les plus modestes, du quintile 1 ont vu le leur diminuer de - 5,3% en termes réels.
Après redistribution, le NDV moyen d’ensemble a cru de + 2,4%, inflation déduite. L’écart important entre les évolutions des NDV moyens des quintiles 1 et 5 a été un peu réduit. En valeur réelle, le NDV du quintile 1 a reculé de - 0,3%, tandis que le NDV du quintile 5 a augmenté de + 5,1%.  Le ratio NDV Q5 / NDV Q1 est monté de 3,78 à 3,99.
De 2012 à 2017, « sous Hollande », les NDV avant redistribution ont reculé en valeur réelle : de - 1,5% pour le NDV moyen d’ensemble, de - 1,1% pour le quintile 5… et de presque - 10% pour le quintile 1. Pendant ce quinquennat, la croissance très ralentie a été particulièrement défavorable aux NDV des plus modestes.
Une redistribution renforcée, surtout en faveur des personnes du décile 1, mais aussi du décile 2 a permis de maintenir au même niveau en termes réels le NDV moyen du quintile 1 après redistribution. Fait rare, le NDV moyen du quintile 5 a reculé de - 2,3% à prix constants pendant le quinquennat. Le rapport NDV Q5 / NDV Q1 a ainsi légèrement baissé de 3,99 en 2012 à 3,90 en 2017.
Sur les 12 ans de 2007 à 2019, les « inégalités » de NDV se sont nettement aggravées en défaveur des pauvres. Avant redistribution, le rapport NDV Q5 / NDV Q1 est monté de 6,86 en 2007 à 8,76 en 2019. Après redistribution, ce rapport a cru aussi, mais moins, de 3,78 en 2007 à 3,99 en 2019. Autre témoignage de la détérioration pour les personnes aux plus bas revenus monétaires, le NDV moyen du quintile 1 a légèrement baissé en termes réels, alors que le NDV moyen d’ensemble a augmenté de + 3,6%.
Le mal-logement, une autre dimension de la pauvreté
Le 26e Rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur Le mal-logement en France 2021 (9)  indique que 4,118 Mi de personnes sont mal logées et que parmi elles se trouvent : - 1,068 Mi de personnes privées de logement personnel, dont 300 000 sans domicile, et 643 000 en hébergement « contraint » chez des tiers ; - 3,050 Mi de personnes vivent dans des conditions de logement très difficiles, dont 2,090 Mi sont privées de confort, 0,934 Mi vivent en surpeuplement « accentué » et 208 000 sont des « gens du voyage » avec de mauvaises conditions d’habitat. De plus, 10,5 Mi d’autres personnes, modestes, pour la plupart, sont en « situation de fragilité »,  avec des problèmes d’impayés de loyers, de charges, soumis à un effort financier excessif, en surpeuplement « modéré » et ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité énergétique. Au total, sans double compte, 14,6 Mi de personnes sont en situations de logement précaires et difficiles, soit environ 20% de la population de la France.
Les estimations de la Fondation sur l’état (actuel) du mal-logement reposent principalement sur l’exploitation de l’Enquête nationale logement 2013 de l’Insee, sur l’actualisation des données administratives, ainsi que sur celles du Recensement de la population de 2017.     
Le Rapport est sévère à l’égard du gouvernement et de ses actions au cours des dernières années. Parmi les reproches et les chefs d’accusations, figure la chute de la production de logements. Les nombres d’autorisations de logements ont diminué de près de 500 000 en mi 2017 à moins de 440 000 en septembre 2019, ont remonté un peu jusqu’à janvier 2020, puis, avec la crise Covid, ont plongé jusqu’à environ 390 000 à l’automne 2020. Le déclin des mises en chantier a été moins prononcé. La production de logements HLM a baissé de 110 000 en 2016 à 100 000 en 2019 et 95 000 en 2020… alors que « l’objectif souhaité » était de 150 000 par an.
« Depuis 1984, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible ». Les aides à la personne et les aides aux producteurs ont décliné par rapport au PIB, descendant de 1,7% du PIB en 2016 à moins de 1,5% en 2019. « Après des attaques incessantes depuis 2017 contre les APL (coupe de 5 euros par mois, désindexations régulières de l’inflation, réduction du loyer de solidarité dans le parc social, suppression de l’APL-accession) », 750 Mi € d’économies sont encore prévus en 2021 grâce au calcul en temps réel des ressources des allocataires. Entre 2017 et 2021, plus de 10 Mds € auront ainsi été économisés. La Fondation rappelle qu’en 2018, « les ménages bénéficiaires avaient des ressources en moyenne équivalentes 0,73 SMIC et 40% avaient un revenu entre 0 et 0,5 SMIC ».
En 2018, le SMIC brut était de 1 498,47 € par mois. Net, le SMIC mensuel était de 1 173 € (10).
Concernant la crise Covid, le rapport rappelle aussi que : - les demandes d’aides auprès du Secours populaire ont augmenté de + 45% sur un an ; - les Restos du cœur prévoyaient d’accueillir plus de 1 Mi de personnes (contre 0,875 Mi l’an dernier) ; - au 30 juin 2020, les banques alimentaires avaient reçu 20 à 25% de bénéficiaires supplémentaires, et la demande croissait à nouveau depuis l’automne.
Les 2 millions d’absents des statistiques sur la pauvreté
« Plus d’un million de pauvres oubliés des statistiques nationales de l’Insee »
C’est le titre d‘un article daté du mois de septembre 2020 du Centre d’observation de la société (11), qui a essayé d’estimer le nombre total des personnes invisibles de nos statistiques sur la pauvreté.
Il y a d’abord « les pauvres parmi les pauvres ». Les sans domicile en font partie. Le ministère des Solidarités avait chiffré à 132 000 le nombre des personnes accueillies dans les centres d’hébergement pour personnes en difficulté. Mais combien restent à la rue ? En 2020, Paris en a recensé 3 500, pour 21 500 en hébergement d’urgence. De son côté, la Fondation Abbé-Pierre a évalué le nombre des sans domicile à 300 000. Elle a aussi chiffré à 91 000 le nombre des personnes vivant dans des habitations de fortune et à 208 000 les « gens du voyage », dont une partie paie des impôts et est, donc, comptabilisée dans les chiffres de l’Insee. « Enfin, une partie des étrangers sans papiers, les plus récemment arrivés, échappent aussi aux données ».
Il y a aussi les personnes qui vivent du soutien familial. Ces personnes aux revenus insuffisants seraient « pauvres » si l’on ne prenait pas en compte les revenus de ceux qui les aident. Parmi elles se trouvent notamment des femmes inactives qui n’ont aucune ressource propre et dont celles du conjoint ne suffisent pas, ainsi que des jeunes adultes qui, faute d’emploi, vivent chez leurs parents… et font alors partie du même « ménage » statistique que ceux-ci.  
Ne faisant pas partie des ménages « ordinaires », les personnes hébergées en collectivités ne sont pas prises en compte par l’Insee. Elles étaient 1,34 Mi en 2016, selon l’Institut. 1 Mi vivent en maisons de retraite. Elles ne disposent pas toutes des 1 063 € par mois correspondant au seuil de pauvreté de 2018. Il faut ajouter les détenus (70 000), les immigrés vivant dans des foyers de travailleurs (la Sonacotra loge plus de 60 000 personnes, à elle seule), et les personnes lourdement handicapées dans les établissements sanitaires de long séjour.
Les étudiants qui vivent dans un logement indépendant  (578 000 ménages d’après le recensement de 2017) sont aussi hors champ de l’Insee.
Selon les estimations de l’Observatoire, « le nombre de pauvres est supérieur d’au moins un million aux données officielles de la pauvreté »… en France métropolitaine. Il y aurait aussi 950 000 pauvres dans les DOM.
Ainsi, aux 9,327 Mi de pauvres « officiels » en 2018, il conviendrait d’ajouter de l’ordre de 2 Mi d’autres personnes pour s’approcher du nombre total de pauvres en France.
« Covid 19 : la crise sanitaire a fait basculer un million de Français dans la pauvreté »
A son tour, au début octobre 2020, lemonde.fr attirait l’attention sur le million de pauvres supplémentaires (12), laissant penser que cette majoration était attribuable à la crise Covid. « Ce chiffre d’un million supplémentaire de pauvres est malheureusement une estimation basse, compte-tenu des 800 000 pertes d’emplois attendues fin 2020 », redoutait alors Florent Guéguen, DG de la Fédération des acteurs de la solidarité. D’après l’Insee, 715 000 emplois avaient été détruits au 1er semestre.
Dix représentants d’associations (Fondation Abbé Pierre, Médecins du monde, Secours catholique, ATD Quart monde, Emmaüs… » avaient été reçus pour la première fois par le ministre Jean Castex le 2 octobre, et avaient demandé le relèvement des principaux minima sociaux, ainsi que l’ouverture du droit au RSA dès 18 ans.
Il ne semble pas qu’ils ont été entendus. Le RSA a été revalorisé de + 0,2% au 1er avril 2021… après avoir été revalorisé de + 0,9% en avril 2020. Pour une personne seule, il est de 565,34 € par mois. Pour un couple, il est de 848,01 €. S’il a 2 enfants, il est de 1 187,21 €. Merci à nos généreux gouvernants, grands amis des pauvres.
Pour les travailleurs, pauvres ou non, la revalorisation du SMIC au 1er janvier 2021 a été de + 1,0%... après + 1,2% en janvier 2020. Selon le journaldunet.fr du 4 janvier, le SMIC net est de 1 231 € par mois.
Un complément avec la prime d’activité est-il possible ? C’est compliqué ! Plusieurs conditions en limitent l’accès et la prime dépend des revenus ainsi que de la situation familiale, notamment. Pour connaître ses droits, il est recommandé de remplir le questionnaire pour faire une « simulation » en ligne.
Paul KLOBOUKOFF                                                    Académie du Gaullisme                                                      Le 28 /04/2021      
        
Sources et références
(1) Insee Première N° 1813  En 2018, les inégalités de niveau de vie augmentent          septembre 2020
+ Sources d’Insee Première N° 1813 : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav- CCMSA-, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux de 2005 à 2018      09/ 2020
(2) Enquête revenus fiscaux et sociaux ERFS  Document sur la méthodologie   insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1231/documentation…
(3) Le tableau de bord de la pauvreté en France 2020    Observatoire des inégalités    inegalites.fr/Le-tableau…    l’Essentiel  26/11/2020
(4) Pauvreté  Insee Références, édition 2020 - Fiches - Niveaux de vie et redistribution     le 03/12/2020
(5) Estimation avancée du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités     Insee Analyses    insee.fr/fr/statistiques/4964147      11/2020
(6) Redistribution monétaire  Insee Références, édition 2020 - Fiches - Niveaux de vie et redistribution     le 03/12/2020
(7) Niveaux de vie et revenu disponible - Séries longues 1996-2018     Enquête Revenus sociaux et fiscaux (ERFS)      Insee Résultats 16/10/2020
(8) Indice des prix à la consommation - Base - 2015 - Ensemble des ménages France - Ensemble    insee.fr/fr/statistiques/série/001759970
(9) L’état du mal logement en France 2021     fondation-abbe-pierre.fr/actualites/26e-rapport …
(10) Smic 2021 : montant horaire, mensuel, net     journadunet.fr     mise à jour du 04/01/2021
(11) Plus d’un million de pauvres oubliés des statistiques nationales      observationsociete.fr/revenus/pauvreté/pauvresnon…   25/09/2020
(12) Covid 19 : la crise sanitaire a fait basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté     lemonde.fr/société/article/2020/10/06/un-million-de-nouveaux-pauvres-fin-2020   
       
       

© 01.05.2021

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