Réforme des retraites 2023 Arnaud Benedetti - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
Président Jacques Myard
Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
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Réforme des retraites 2023



Arnaud Benedetti,
 
Au fur et à mesure que se déploie le récit de la réforme des retraites, l’incertitude grandit. Non pas en raison du contenu de la réforme, mais parce que l’agenda et la symbolique se conjuguent pour susciter une atmosphère de pré-crise.
 
Rarement ces dernières années autant de colères se seront concentrées en une même temporalité : du petit commerce aux ménages en proie à l’inflation en passant par de nombreux segments de la fonction publique, le spectre du mécontentement s’élargit et pourrait se mettre en mouvement sans autre mobile que celui d’être mécontent “en même temps”. Ce “en même temps” a peu à voir avec celui, présidentiel, qui en appelle à la synthèse du centre-gauche et du centre-droit, des sociaux-démocrates et des libéraux au nom d’une implicite complexité du monde. Ce “en même temps” est le boomerang du “en même temps” élyséen, celui qui jusqu’à présent n’est jamais parvenu à s’agréger mais qui aujourd’hui est en mesure de s’ossifier au point de bloquer le pays par refus d’un projet qui lui paraît inutile et injuste : inutile parce qu’il existe dans le moment, aux yeux d’une large partie de l’opinion, d’autres priorités qu’une initiative cosmétique sur le fond mais symboliquement lourde d’aspérités, injuste parce que perçu comme la régression, ou la transgression, de trop…
  
A ce   sentiment collectif, dont les études d’opinion confirment la prégnance majoritaire,   le pouvoir répond par l’inflexibilité d’une part, et la rhétorique récurrente   de la pédagogie d’autre part.
 
La première relève de la posture psychologique afin d’accréditer l’idée d’un volontarisme sans faille malgré la rue et le rejet dominant quand la seconde persiste à réduire la résistance à la réforme à un déficit d’explication. D’où la mobilisation de quelques éditorialistes autour du Président afin de procéder à l’infusion de la parole élyséenne. Cette réactivation d’une technique de communication, qui n’a rien de fondamentalement nouveau, participe néanmoins de ce qui grippe dans les tréfonds du pays.
  
Tout   se passe en effet comme si cette réforme témoignait de l’inaptitude du haut à   comprendre le bas qui ne s’approprie plus le narratif de dirigeants perçus   comme l’expression oligarchique de mandataires d’un ordre imposé par la   globalisation.
 
Il se pourrait à l’aube d’une nouvelle mobilisation, dont les syndicats unis et revigorés espèrent qu’elle sera amplifiée au regard d’une première étape réussie, que les digues parlementaires commencent à céder. Dans tous les groupes censés soutenir le texte, des voix se font jour pour dire leurs doutes, leurs réserves, voire leurs oppositions ; à ce stade le gouvernement qui pouvait exciper voici quelques jours une majorité pour porter le projet n’est désormais plus sûr de rien. Les confédérations syndicales marquent ainsi des points dans une bataille dont la dimension psychologique n’est pas à sous-estimer.
  
Si   doute il y a, nonobstant des déclarations de détermination, c’est dorénavant   du côté de l’exécutif qu’il parait s’installer.
 
A vouloir passer en force, à modifier aussi à plusieurs reprises leurs arguments justificatifs quant à la nécessité d’allonger l’âge de départ à la retraite, à prétendre contre tout bon sens que les Français leur auraient électoralement donné quitus, le risque est grand pour les gouvernants de s’enfermer peu à peu dans une impasse qui pourrait encalminer la législature moins d’un an après le début de celle-ci.
 
Mal engagée une affaire n’a généralement que très peu de chances de se donner les moyens d’une issue favorable. Force est de constater que toutes les conditions potentielles d’une crise sociale et politique sont en passe d’être réunies, comme si un engrenage sourd se mettait en mouvement de manière irréversible. Si le 31 janvier la bataille de la mobilisation tournait en faveur des syndicats, il n’y aurait plus d’autre alternative pour l’exécutif que de revoir sa copie. Reste à savoir comment.
 
 
 
                                      
 
                                        *Arnaud Benedetti
                                                                                                                         Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire

                                                                                                         Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne
 

© 01.02.2023

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