Après les législatives, le réveil du franc-parler ? P. KLOBOUKOFF - Académie du gaullisme

Académie du Gaullisme
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Secrétaire générale Christine ALFARGE
Président-fondateur Jacques DAUER
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Après les législatives, le réveil du franc-parler ?





par Paul KLOBOUKOFF,
En quelques mots
La « majorité présidentielle relative » à l’Assemblée nationale (AN) est une fiction, une arnaque au service de la Macronie pour tenter de justifier une prééminence en matière législative (en grande partie perdue) du président et de son camp. En effet, l’AN fait partie d’un système parlementaire associant le Sénat et l’AN où les lois doivent être votées à la majorité absolue. La majorité relative y est « inconnue au bataillon ». De plus, parler de majorité alors que les élus de celle-ci ne représentent pas plus de 1 électeur votant sur 4 et de 1 électeur inscrit sur 8 est une insulte à la raison. Pour « parler vrai », les responsables politiques et les commentateurs doivent donc commencer par rejeter cette « appellation » trompeuse. Oui, les partisans de Macron ont plus de sièges à l’AN que chacun des autres partis. Non, le président n’a pas de majorité à l’AN. Ni au Sénat d’ailleurs, où les Républicains sont dominants.
 
Pour pouvoir parler vrai, nos gouvernants doivent être « évalués », jaugés pour ce qu’ils font. Cela peut permettre, notamment, d’ouvrir les yeux sur les pratiques politiciennes du parti qui a disposé du pouvoir absolu pendant 5 ans et sur des échecs et des bévues graves de membres du gouvernement que les Autorités et les médias complaisants ont eu tendance à glisser sous le tapis. J’ai abordé ici deux cas exemplaires de ministres « choyés » et récompensés après des fautes dommageables. Il s’agit de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, avec sa promotion stade de France, et d’Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé. Celle-ci a été mise en examen le 10 septembre 2021 pour « mise en danger de la vie d’autrui » et placée sous le statut de témoin assisté pour « abstention volontaire de combattre un sinistre » pendant la crise du Covid 19. Ses erreurs ne l’ont pas empêchée d’être « propulsée » directrice académique de l’OMS début 2021, et sa mise en examen n’a pas retenu Emmanuel Macron de la promouvoir Chevalier de la Légion d’honneur le 1er janvier 2022 puis, avec Elisabeth Borne, de la faire accéder à la Cour des comptes à partir du 1er septembre 2022 pour 5 ans en tant que « conseillère maître en service extraordinaire ».
 
N’est-il pas temps de se demander s’il n’y a pas quelque chose de faisandé dans les hauteurs de notre République ?
 
Parler de majorité présidentielle relative est une absurdité
 
Pour un observateur un brin sagace, les résultats des législatives de juin sont peu surprenants. Respectant « l’ordre des choses », ils s’inscrivent dans la continuité de la fin du quinquennat 2017-2022,
 
Au 1er tour des présidentielles, quatre candidats s’étaient partagés plus de 80% des votes des électeurs : Emmanuel Macron en avait recueilli 27,85%, Marine Le Pen, 23,15%, Jean-Luc Mélenchon, 21,95%, et Eric Zemmour, 7,97%.
 
En finale, après une campagne d’entre deux tours consacrées pour l’essentiel à dénigrer son adversaire et à diaboliser le Rassemblement national (RN), menace effroyable pour la République et ses habitants, Macron a vaincu. Il a triomphé sans gloire, abandonnant 13,3 millions de voix, soit 41,45% des votes, à Marine Le Pen. Un record historique ! Avec un score enviable de + 25% supérieur à celui de 2017, amputant de - 8,8% celui de son rival.
 
Comme d’hab, les médias ont été très discrets sur deux sondages de BVA pour RTL et Orange d’avril 2022. Le premier indiquait le 22 avril que si Macron était réélu, 66% des Français souhaitaient la formation d’un gouvernement de cohabitation. Le 25, le second montrait que 64% des Français ne souhaitaient pas que Macron obtienne une majorité à l’Assemblée nationale (AN). Aux législatives, les citoyens ont en partie obtenu satisfaction.
 
Ces dernières élections ont été avant tout marquées par une abstention record.  En tenant compte, avec l’abstention, des votes blancs et nuls, le nombre des votes exprimés a été limité à 46,46% de celui des électeurs inscrits sur les listes électorales au 1er tour des législatives, et à 42,70% au second tour. Du jamais vu depuis des lustres. Cette désaffection exprime un désintérêt inquiétant des électeurs pour ce qui est devenu avec le quinquennat un 3ème tour des présidentielles… visant en particulier à consolider l’assise du président en assurant aux partis qui lui sont favorables une majorité plus ou moins large à l’AN.
 
L’obtention par le parti présidentiel de la majorité à l’AN confère au président un pouvoir dominant en matière législative et de gouvernance de la France.  Mais, aux élections législatives de juin, les Français ne l’ont pas voulu.
Au 1er tour de ces législatives, les partis labellisés Renaissance soutenant le président ont obtenu seulement 25,75% des suffrages exprimés (soit 11,97% du nombre des inscrits). C’est à peine plus que la Nouvelle union populaire, écologiste et socialiste (Nupes) opportunément constituée pour la circonstance par l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui en a recueilli 25,66% (11,93% des inscrits). La part du RN a été de 18,68% des votes (8,68% des inscrits). Ensemble, l’Union des indépendants (UDI), les Divers droite (DD) et les Républicains (LR) ont rassemblé 13,62% des votes (6,32% du nombre des inscrits).
 
A l’issue du second tour, Renaissance a obtenu 245 sièges (soit 42,46% des 577 sièges de l’AN), la Nupes en a obtenu 131, le RN, 89 et LR, 61.
 
Les 42,6% de sièges de Renaissance ont aussitôt été gratifiés de l’appellation « majorité présidentielle relative ». Cette désignation propagée par la Macronie est une arnaque. En effet, l’Assemblée nationale fait partie d’un système parlementaire, associant le Sénat et l’AN, où les lois doivent être votées à la majorité absolue. La majorité relative y est « inconnue au bataillon ».
 
En outre, parler de « majorité relative » alors que les élus de celle-ci ne représentent pas plus de 1 électeur votant sur 4 et de 1 électeur inscrit sur 8 est très excessif, sinon débile.
 
Pour « parler vrai », les responsables politiques et les commentateurs doivent donc commencer par rejeter cette « appellation » trompeuse. Oui, les partisans de Macron ont plus de sièges à l’AN que chacun des autres partis. Non, le président n’a pas de majorité à l’AN. Ni au Sénat d’ailleurs, où les Républicains sont dominants.
 
C’est pourquoi la Macronie a fait des pieds et mains pour débaucher des députés, LR, notamment, et atteindre un nombre d’au moins 289 députés acquis à la cause présidentielle. Sans succès jusque-là. Expulsé de l’Olympe, Jupiter ne peut donc décider de tout à sa guise. Il doit se plier aux nouvelles contraintes que lui impose la démocratie et, en l’absence de majorité, procéder pas à pas, loi par loi, en faisant suffisamment de concessions aux partis d’opposition. Au-dessus d’Elisabeth Borne, première ministre, ce n’est pas un exercice auquel Emmanuel Macron est habitué. On peut même dire que ce n’est pas dans son ADN. Il a besoin de se battre contre des ennemis (soigneusement choisis) pour mettre en valeur ses talents. Cela a été Marine Le Pen pour les présidentielles ainsi que les européennes et Jean-Luc Mélenchon pour les législatives. Dans l’Union européenne, le Hongrois Viktor Orban est sa tête de Turc préférée, devant les dirigeants « ultra conservateurs » polonais. En France, entre la NUPES et le RN, le début du quinquennat risque d’être mouvementé et le « cap » très incertain.
 
Promotion stade de France pour Darmanin, ministre de l’Intérieur
 
Transfuge des Républicains, Gérald Darmanin a été ministre de l’Action et des Comptes publics sous Edouard Philippe du 17 mai 2017 au 3 juillet 2020. La croissance vigoureuse du déficit public et celle, vertigineuse, de la dette publique pendant cette période seraient de bons indicateurs de ses compétences et/ou de l’efficacité de son Action… si ce n’était pas Emmanuel Macron, assisté de Bruno Lemaire, qui prenait toutes les décisions.
 
Ministre de l’Intérieur depuis le 6 juillet 2020, d’abord dans le gouvernement Castex puis dans celui de Borne, ses performances peuvent se lire dans les évolutions de la délinquance, du banditisme, de l’antisémitisme et du terrorisme islamique. Non, la France n’est pas devenue un havre de paix. Les zones de non-droit ont même gagné les cœurs des métropoles, à Paris, à Marseille, à Lyon… où Darmanin s’est rendu le 30 juillet dans le quartier de La Guillotière. Les policiers y sont plus en danger que les autres citoyens. C’était une occasion de réaffirmer que leurs assassins « méritent d’être condamnés avec la plus grande fermeté », que les sanctions doivent être « exemplaires ».
 
Il n’est pas toujours écouté avec la plus grande attention par son collègue le Garde des Sceaux Eric Moretti, ex-avocat pénaliste célèbre au surnom parlant de « Acquittator », apparemment très soucieux, comme nombre de juges, du respect de la présomption d’innocence et des droits des délinquants présentés à la Justice. Aussi, nombreux prévenus, même multirécidivistes pris en flagrant délit, ne vont pas encombrer des prisons déjà surpeuplées. Le tonneau des Danaïdes de la délinquance et de la criminalité ne peut se désemplir. Malgré le combat des troupes sous les ordres du ministre de l’Intérieur, premier Flic de France.
Regardé comme un collaborateur méritant et dévoué, sur la fidélité duquel on peut compter, Gérald Darmanin est monté en grade dans le gouvernement d’Elisabeth Borne. Il est maintenant ministre de l’Intérieur et des Outremer. Suivant les traces de son illustre prédécesseur Christophe Castaner, il a déjà marqué de son empreinte la panoplie des fonctions attachées à son poste.
 
Un chaos retentissant a entaché la finale de la Ligue des Champions entre le Real Madrid et Liverpool le 28 mai au Stade de France, où des milliers de supporters des « Reds » de Liverpool n’avaient pas pu accéder au stade et avaient été exposés à des vols et des violences de la part d’autochtones, ainsi qu’à des distributions gratuites de gaz lacrymogènes par la police française. Pour le Sénat, qui a entendu les parties en cause, il s’agit d’un échec imputable aux décisions de la préfecture de police de Paris et à des déclarations du ministre Gérald Darmanin éloignées de « la vérité ». Dès la fin de la rencontre, le ministre Darmanin avait, à tort, fait porter l’essentiel des responsabilités des incidents sur « 30 000 à 40 000 supporters anglais » qui, avait-il affirmé contrairement aux observateurs sur place, s’étaient présentés au stade « sans billets ou avec des billets falsifiés ». Pour les sénateurs, « Ce n’est pas parce qu’il y avait des supporters de Liverpool qui ont accompagné leur équipe que les choses se sont mal passées ».
 
Très critiqué, il avait fini par présenter des « excuses » aux supporters fin juin, lors de son audition au Sénat, et admis « une part de responsabilité » dans les ratés de la soirée (1) ...
 
Les rapporteurs du Sénat avaient aussi souligné l’inadaptation de la gestion des flux de spectateurs arrivés en masse par le RER D en raison de la grève sur le RER B. Ils avaient critiqué la « gestion de la billetterie » par l’UEFA
 
Si Darmanin est sorti indemne (et même promu) après ce Couac de portée internationale, Didier Lallement, le préfet de police de Paris a payé les pots cassés. Il a décidé de quitter ses fonctions le 21 juillet. Avec ces mots : « Je pars avec la fierté du devoir accompli, mais je conserve la blessure de l’échec du Stade de France. Certes, ce soir-là nous avons sauvé des vies, mais la réputation du pays a été atteinte. Que le drapeau tricolore ait été sali est pour moi une douleur et une responsabilité que je dois assumer » (2).
 
L’attitude du préfet a mis en lumière un contraste saisissant avec l’irresponsabilité de membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions.   
 
De graves erreurs de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn très payantes
 
Sous le titre « Mise en examen d’Agnès Buzyn : ce que déclarait l’ex-ministre de la Santé sur la gestion de l’épidémie en 2020 », un article du 11 septembre 2021 sur francetvinfo.fr contient d’édifiants rappels sur les bévues et le parcours de l’ex-ministre de la Santé (3).
 
Le 24 janvier 2020, de premiers cas de coronavirus ont été officiellement recensés en France. Alors que deux cas de coronavirus étaient « confirmés », Agnès Buzyn, ministre de la Santé, expliquait : « Nous avons aujourd’hui les premiers cas européens, probablement parce que nous avons mis au point le test très rapidement et que nous sommes capables de les identifier. Il faut traiter une épidémie comme on traite un incendie, très vite repérer la source », et le « circonscrire le plus vite possible ». Elle s’était voulue rassurante, déclarant que « les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles ».
 
Puis, au cours du point presse du 26 janvier 2020, c’était l’utilité du masque que la ministre contestait, affirmant que les masques dits « chirurgicaux » sont « totalement inutiles » pour les personnes non contaminées. « Ce sont des masques qu’il faut mettre quand on est malade pour éviter d’envoyer des microbes à son entourage ». « Après, il y a des masques de protection pour des personnes en contact étroit avec des personnes malades. Ce sont des masques qui sont essentiellement réservés au personnel soignant, présents dans les hôpitaux ».
 
Il n’y a, alors, « aucune indication à acheter des masques pour la population française ». D’ailleurs, « des dizaines de millions de masques » sont en stock en cas d’épidémie. « Si un jour nous devions proposer de porter des masques à telle ou telle population, les autorités sanitaires les distribueraient » (3).
 
Quand on connait la suite, la pénurie aggravée de masques et les combats qui ont été menés par les uns et les autres pour s’en procurer à l’étranger, cet aveuglement parait incompréhensible.
 
Il importe aussi de se rappeler que du sommet de l’Olympe, le couple Macron est resté longtemps inconscient du danger et a retardé des précautions indispensables. « Emmanuel et Brigitte Macron au théâtre pour inciter les Français à sortir malgré le coronavirus », ont appris les Français le 6 mars 2020 (4). « La vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie », a déclaré le président « sorti » avec son épouse au théâtre Antoine pour assister à une représentation de « Par le bout du nez ».
Entretemps, à la mi-février, Agnès Buzyn avait quitté son poste sans préavis malgré l’épidémie du Covid pour remplacer Benjamin Griveaux, candidat de la Macronie à la mairie de Paris, « affaibli » par un scandale sexuel. Après sa défaite aux élections municipales, elle a provoqué des remous le 17 mars par ses déclarations dans Le Monde : « Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous ». Elle a assuré avoir alerté l’Elysée et Matignon sur le danger potentiel du coronavirus. A propos des municipales, elle a ajouté : «  Depuis le début, je ne pensais qu’à une seule chose, au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade ». Six semaines plus tard, elle a admis que le mot « mascarade » était excessif, et s’est excusée. Des « tractations inappropriés » l’avaient « choquée » (3).
 
Touchée, mais pas coulée, Agnès Buzyn a été « propulsée directrice académique de l’OMS début 2021 », selon les termes d’un article du 29 juillet 2022 sur lefigaro.fr (5).
 
A l’issue de son audition par la Cour de justice de la République (CJR), l’ex-ministre de la santé a été mise en examen le 10 septembre 2021 pour « mise en danger de la vie d’autrui » et placée sous le statut de témoin assisté pour « abstention volontaire de combattre un sinistre » pendant la crise du Covid 19.
 
Très peu pour sa majesté Jupiter, qui a décidé de rendre sa propre justice sans attendre. Le 1er janvier 2022, l’ex-ministre de la Santé a été promue Chevalier de la Légion d’honneur. Et, cerise sur le gâteau, « Sur proposition de la première ministre » Elisabeth Borne, approuvée en conseil des ministres le vendredi 29 juillet 2022, l’ex-professeur d’hématologie sera, à compter du 1er septembre « conseillère maître en service extraordinaire à la Cour des comptes », une fonction de contrôle, d’après l’institution, d’une durée de 5 ans non renouvelable (5).
 
Qu’il est déjà loin le temps où une personnalité de la dimension et de la trempe de Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes du 21 juillet 2004 jusqu’à son décès à 66 ans le 7 janvier 2010, avait porté au sommet cette institution, sa réputation, son rôle de contrôle des comptes publics, ainsi que l’accomplissement de sa mission d’assistance au parlement et au gouvernement dans l’évaluation des politiques publiques.
 
En écrivant ces lignes, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a quelque chose de faisandé dans les hauteurs de notre République. Je ne suis sans doute pas le seul à ne pas pouvoir m’y résigner. Mais faudra-t-il encore longtemps avoir peur de le dire ?
*Paul KLOBOUKOFF  Académie du Gaullisme  le 15 aout 2022
Sources et références
 
(1) Incidents au stade de France : le Sénat charge Darmanin et la préfecture de police eurosport.fr/football/ligue-des-champions/2021-2022/… le 13/07/2022
(2) Didier Lallement quitte ses fonctions de préfet de police de Paros « avec la fierté du devoir accompli » lemonde.fr/societe/article/2022/07/20/le-prefet-de-police…
(3) Mise en examen d’Agnès Buzyn : ce que déclarait l’ex-ministre de la santé sur la gestion de l’épidémie en 2020 francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/mise-en-examen…le 11/09/2021
(4) Emmanuel et Brigitte Macron au théâtre pour inciter les Français à sprtir malgré le coronavirus bfmtv.clm/people/emmanuel-et-brigitte… le 07/03/2020
(5) Après l’OMS, Agnès Buzyn nommée à la Cour des comptes pour cinq ans  /lefifgaro.fr/politique/apres-l-oms… le 28/07/2022

© 01.09.2022

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