210 chastanier - Académie du Gaullisme

La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 210 – octobre 2018
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210 chastanier

par Pierre CHASTANIER
LE RENOUVEAU GAULLISTE,
troisième partie  
Les propositions que nous propose Pierre Chastanier dans son dernier ouvrage,  Le Renouveau gaulliste, méritent d’ ê tre soumises à la réflexion et à l’analyse de tous les lecteurs de La lettre du 18 Juin. Nombreux sont ceux qui se retrouveront dans ces écrits et partageront le même souhait de voir renaître une « certaine idée de la France » . N’hésitez pas à faire part d e vos remarques à l’auteur. (L a publication s’étendra sur plusieurs numéros.)
8. - La Participation dans l’entreprise
Lorsque le Gouvernement, habilité par le nouveau Parlement à légiférer par ordonnances sur la révision du code du Travail, a débattu superficiellement avec les syndicats en espérant que les « colères » ne se manifesteraient pas trop dans la rue, cette vieille question de la Participation dans l’entreprise a-t-elle refait surface ? Evidemment non !
L’évolution actuelle de la société vers un ultra capitalisme mondialisé fait apparaître la vieille idée du Général comme une « généreuse utopie » et malgré la faillite du communisme et son seul maintien là où il s’est transformé en dictature coercitive, elle ne représentera sans doute plus demain un modèle enviable propre à maintenir la cohésion sociale. Relevons pourtant que la participation, idée que sous le nom d’Association il chérissait depuis trente ans, a tenu une grande place dans ses projets. « Car c’est une révolution, la plus grande de son histoire, que la France, trahie par ses élites dirigeantes et par ses privilégiés, a commencé à accomplir » (discours prononcé le 1er avril 1942).
Le préambule de l’ordonnance de 1945 créant les comités d’entreprises confirmait « la nécessité d’associer les travailleurs à la gestion des entreprises … pour que le travail y ait les mêmes droits que le capital ». Et, dans l’esprit du Général qui fit pression sur le Gouvernement pour que soit promulguée l’ordonnance du 17 août 1967, la participation était loin de n’être qu’un simple partage du profit entre patrons et salariés.
C’était aussi une gestion participative de l’entreprise, une association aux responsabilités et au management. Pour de Gaulle, le système social « qui relègue le travailleur - fût-il convenablement rémunéré - au rang d’instrument et d’engrenage est en contradiction avec la nature de notre espèce voire avec l’esprit d’une saine productivité ».
Il est convaincu qu’entre le régime communiste et le capitalisme libéral « tout commande à notre civilisation de construire un nouveau modèle qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun, pour sa part, soit responsable de l’œuvre collective dont dépend son propre destin ». Mais, ni le projet de « nouvelle société » qui écarta pourtant Chaban-Delmas en 1974, ni le libéralisme avancé prôné en 1984 par l’ex-président Giscard d’Estaing, n’eurent, par la suite, l’ampleur du vaste dessein de la participation gaulliste et les arguments « contre » étaient clairement affichés : « Il ne faut pas politiser les ateliers ! » « On introduirait inévitablement les Syndicats dans le débat ! » « L’autorité de la hiérarchie sera sapée ! »
On mesure l’ampleur du renoncement qui aujourd’hui encore, selon les nouvelles Ordonnances, présume mal des débats à venir tous tournés vers la flexisécurité : - ne remettant pas en cause l’inévitable mondialisation qui désindustrialise la France ; - constatant qu’une plus grande faculté de licenciement reste le moyen le plus aisé sinon le plus juste de s’adapter aux variations des carnets de commande ; - ne protégeant pas les salariés français d’une concurrence faussée socialement, fiscalement, réglementairement, environnementalement aussi bien à l’intérieur de l’Union (travailleurs détachés) qu’avec les pays émergents. Et aussi invraisemblable que cela puisse paraître c’est plutôt du côté de la « France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon malgré ses ineffables débordements qu’on pourrait trouver des prises de position apparemment plus proches de celle de la doctrine sociale de l’Église ou de la pensée Gaulliste ! Un comble ! Il faut donc que nous autres, Gaullistes, nous nous remettions à notre tour « En Route » !
9. - de Gaulle cryptocommuniste ou visionnaire ?
Nous venons de rappeler qu’après sa démission le 20 janvier 1946 du Gouvernement provisoire de la République Française, de Gaulle, dans d’innombrables discours, s’était fait le « champion de l’association » donnant à l’Action ouvrière une place significative au sein du RPF. « La solution humaine, française, …(c’est celle) de ceux qui mettrait en commun, à l’intérieur d’une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens et qui en partageraient, en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques » disait-il en 1947 à Strasbourg. En 1949 il condamne « l’humiliante condition dans laquelle une organisation économique périmée tient la plupart des travailleurs ».
Il résume ainsi l’avènement de l’ultra capitalisme : « Un jour la machine a paru, le capital l’a épousée, le couple a pris possession du monde…dès lors beaucoup d’hommes et de femmes, surtout les ouvriers, sont tombés sous sa dépendance ». Certes, à l’influence du catholicisme social de sa jeunesse, à la fréquentation des résistants de gauche qui l’avaient rejoint à Londres, au profond sentiment de justice qui l’habitait, s’ajoutaient sans doute quelques considérations plus politiciennes telles que battre le PC, si influent à l’époque, sur son propre terrain et se distinguer de la droite conservatrice. Mais, « et tout est là », c’est surtout la nécessité de rassembler durablement les Français pour donner au Pays la cohésion qui lui manquait pour tenir son rang dans le monde qui inspira si profondément le Général. Jusqu’en 1953, au sein du RPF, l’Action ouvrière sous l’autorité de Louis Vallon allait fédérer un effectif de plus de 140.000 adhérents, venus du syndicalisme chrétien, de la SFIO, des gaullistes de Gauche et même du PC. Mais les oppositions ne manquèrent pas dès que le projet prît quelque consistance.
Celle de Raymond Aron affirmant, péremptoire, que « la participation aux profits risquait tout à la fois de réduire les investissements et de décevoir les bénéficiaires ». Celle plus sournoise d’une large majorité de parlementaires gaullistes, l’ironie des socialistes et des communistes, l’incompréhension des syndicats, et bien sûr l’influence déterminante d’un patronat frileux qui voulait surtout que rien ne change. Mais dès son retour au pouvoir en 1958, le Général relança l’idée d’une réforme du statut des salariés et Louis Vallon et René Capitant, à la tête des « Gaullistes de gauche » reprirent le thème de la libération de la classe ouvrière, dénonçant les ultras du conservatisme social et du conservatisme colonial. Dès lors, l’affrontement allait être inévitable ! En 1965, le patronat, dans une « Déclaration en 14 points » rappela que le progrès économique et social ne pouvait reposer que sur une doctrine libérale intransigeante, liberté des prix, libre concurrence, non intervention de l’État.
Les actionnaires en particulier, comprirent vite que tout partage de l’autofinancement qui avait été particulièrement important dans les années d’après-guerre, allait les priver d’une bonne partie de la valeur acquise spontanément par leur capital en raison de l’effervescence économique due à la reconstruction de la France. Après les élections législatives, le nouveau gouvernement dirigé par Georges Pompidou et son prédécesseur, Michel Debré, devenu Ministre des finances, se proposa de « dissuader le Général de cette mascarade… (Afin de) … le protéger contre certaines de ses propres idées particulièrement hasardeuses » !
Faut-il rappeler, en raison de l’actualité, que Georges Pompidou, fortement imprégné par ses années passées à la Banque Rothschild et puissamment « parrainé » par Ambroise Roux, le patron des patrons de l’époque, était farouchement opposé à toute modification de la répartition des pouvoirs au sein de l’entreprise ce qui fit dire à certains « C’est une manœuvre concertée conduite intelligemment mais sans scrupule moral qui a fait partir De Gaulle de l’Élysée ». Chaban, quelques années plus tard, avec un projet pourtant bien plus modeste fut combattu avec autant de détermination par les mêmes « modérés ». Il allait découvrir à son tour que « faire une politique de gauche avec des méthodes de droite » ne pouvait convenir à un électorat conservateur incapable de voir autrement qu’à court terme !
10. - La Trahison des clercs
De 69 à 81, les oppositions parfois frontales, parfois à fleurets mouchetés entre la formation dite gaulliste (UDR, puis RPR) et l’UDF (RI, CDS, DD) aboutirent en 1974, à la mort du président Pompidou à l’arrivée de Valéry Giscard d’Estaing flanqué de Jacques Chirac comme Premier ministre, lui-même « cornaqué » par les inévitables Alain Juillet et Marie-France Garaud. La discorde à droite, alors que le Premier ministre qui lui succéda, Raymond Barre, s’estimait « suffisant » pour ne pas avoir besoin d’un parti, allait favoriser l’Union de la Gauche (PS MRG, PC) permettant enfin à François Mitterrand après des années de lutte contre ce qu’il qualifiait de « coup d’État permanent » d’accéder au pouvoir. Les années Mitterrand, malgré les cohabitations de 86 et de 93 entamèrent une dérive de l’économie française qui ne fera que s’accroître au fil du temps (la dette de la France qui dépasse aujourd’hui les 2.200 Milliards d’euros n’était alors que de 81 milliards) !
L’unité nationale à part quelques moments de fortes revendications, en 1984 (lutte contre la loi Savary), en 1986 (contre la loi Devaquet), en 95 (grèves générales contre les lois Juppé) ou en 2016 (la Manif pour tous) n’aurait plus guère l’occasion de se manifester et l’apogée de cette division des Français malgré la brillante élection au second tour d’Emmanuel Macron contre Marine Le Pen se retrouvera dans l’abstention record aux législatives séparant pour la première fois la France en blocs irréconciliables (FN, LR d’opposition, LR constructifs, LREM, PS Constructifs, PS d’opposition, FI, PC, divers). Le vote massif en faveur de la majorité présidentielle ne fut donc pas un véritable vote d’adhésion, une faible fraction du peuple français ayant finalement choisi de donner une majorité de gouvernement au nouveau président, jusqu’à ce que le débat ne réapparaisse dans la rue, à la première occasion (zadistes, cheminots, personnels hospitaliers, étudiants…).
Une politique de la main tendue et non une politique de débauchage aurait sans doute permis qu’il en soit autrement. Mais la majorité présidentielle sûre d’ellemême préfèrera s’imposer plus que rassembler, imitant en cela son chef jupitérien. Certes le renouvellement auquel nous avons assisté était plus que nécessaire et la sociologie de l’Assemblée Nationale (plus de femmes, moins de fonctionnaires) est davantage à l’image du pays que celle qui s’autoreproduisait depuis quarante ans mais les forces populaires menacées par le chômage, menacées par l’Europe, menacées par la mondialisation n’y trouvent plus leur compte et délaissées, elles réagiront tôt ou tard même si dans leurs rangs de vives dissensions apparaissent (FI, PS, PC et même FN). Rassembler le peuple français !
L’espoir du Général sera sans doute encore déçu car le peuple ne peut pas se résumer aux classes privilégiées mêmes flanquées de représentants des classes moyennes. Soit le Président Macron le comprendra et répondra aux attentes des plus défavorisés. Soit, en digne banquier, il restera persuadé que son choix européiste, mondialisé et libéral est le meilleur pour la France et le réveil risquera d’être brutal. Un exemple : Si les promesses de campagne faites aux Whirpool ou aux GM&S se transforment après coup en « Je ne suis pas le Père Noël » la déception sera d’autant plus grande dans les chaumières qu’on aura un instant rallumé l’espoir ! Est-ce à dire qu’une solution populiste aurait fait mieux ? Certainement pas ! Et c’est bien là le drame !
Rassembler le peuple exige de réunir des fractions naturellement inconciliables : des riches qui abandonnent une partie de leur boulimie ploutocratique, des pauvres qui comprennent que l’entreprise a ses lois et que l’apport seul du travail, même s’il est incontournable, est insuffisant sans les capitaux des actionnaires et les talents des managers.
Souhaitons comme nous venons de le dire que le nouveau président, appuyé par une forte majorité entende le désarroi des sans-voix, ceux qui ont choisi l’abstention. Qu’il puise dans la pensée gaulliste une inspiration nouvelle.
- L’Europe oui, mais qui protège la Nation.
- Le libéralisme, oui mais limitant l’appétit insatiable des puissants,
- La mondialisation, oui mais compensée par un équilibre des échanges,
- La fiscalité, garante de la solidarité, oui mais n’oubliant jamais le principe de progressivité,
- L’ordre oui, mais n’ignorant pas les causes qui doivent être combattues pour que force reste à la Loi. Soit la société française, conduite par un homme d’État pour qui l’œuvre seule comptera et non de méprisables avantages personnels, reprendra confiance persuadée que tout sera fait au sein de la Nation, au sein de l’Europe, pour trouver un nouvel équilibre de liberté, de solidarité mais aussi de responsabilité, ne laissant personne au bord du chemin, soit la tentative de régénération de la vie politique par le mouvement « En Marche » sera un échec de plus sur le chemin de l’espoir.
Au moment les plus sombres de son histoire, la France a toujours su trouver en elle-même les forces nécessaires au sursaut salvateur. Et toujours, un homme ou une femme se sont levés parmi les siens pour porter cette espérance. Sera-ce Emmanuel Macron ? Pourquoi pas ? À lui de montrer s’il est un homme politique au service de sa propre carrière ou un homme d’État au service de son peuple. Mais le chemin risque d’être encore long car l’oligarchie, quelle qu’elle soit, accepte mal de se dessaisir de ses privilèges. Rappelons-nous la nuit du 4 août !
C’est la noblesse elle-même et non le peuple qui réclame l’abolition des droits seigneuriaux… il est malheureusement trop tard ! Avec six millions de chômeurs dont plus de trois en catégorie A, la France s’est progressivement adaptée à un système d’assistanat social, d’ailleurs très efficace, il faut bien le dire, si on le compare aux petits boulots mal rémunérés de nos voisins anglais ou allemands mais l’addition est trop lourde et nous la finançons exclusivement par l’emprunt !
J’ai démontré que depuis trente-cinq ans la croissance de la dette française (environ 2.200 milliards d’euros) correspondait très exactement au coût cumulé de l’aide sociale.
Autrement dit, depuis trente-cinq ans nous finançons la paix sociale à crédit ! On a vu chez les Grecs ce que cela pouvait entraîner comme conséquence. C’est pourquoi j’aurais aimé entendre de la bouche du nouveau président, lors de la convocation du Parlement en Congrès à Versailles un discours tel que celui qui va suivre : NDLA : Au discours imaginaire qui va suivre j’ai ajouté quelques commentaires :
Monsieur le Président du Congrès,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Premier Ministre,
Mmes et MM. les Membres du Gouvernement,
Mmes et MM. les Députés,
Mmes et MM. les Sénateurs, Conformément à l’article 18 de la Constitution, j’ai l’honneur et la joie de me présenter devant vous après une campagne présidentielle et législative particulièrement longue et mouvementée.Notre pays en cette occasion s’est profondément divisé en quatre grands blocs et si, selon les dispositions électorales qui ont consolidé notre Vème République depuis sa création, un large consensus national est apparu au second tour de mon élection, si une majorité présidentielle décisive a pu être constituée aux législatives qui suivirent malgré une trop forte abstention, nous sommes désormais en marche, tous ou presque réunis par ce qui nous est le plus cher, l’amour et le service de la Patrie. Je m’adresse tout d’abord à vous, Chers Amis de « la République en Marche » ainsi qu’à vous tous venant de droite, du centre et de gauche qui avez bien voulu vous engager auprès de moi, au-delà de vos appartenances partisanes antérieures, afin de m’apporter votre soutien. Notre Assemblée est profondément renouvelée, plus de femmes, moins de fonctionnaires, plus de représentants de la société civile. Le Sénat suivra demain. Vous voulez vous engager, vous voulez que notre Pays connaisse enfin le sursaut salvateur qui le sortira de la crise, vous voulez qu’au sein d’une Europe protectrice nous luttions ensemble contre le chômage, contre le terrorisme, et tous ces maux du monde moderne. Alors, ensemble, nous réformerons notre Education pour ne laisser aucun jeune au bord du chemin.
Nous modifierons les règles de fonctionnement de nos entreprises pour leur donner les marges de manœuvre dont elles ont besoin dans un monde concurrentiel sans sacrifier pour autant la nécessaire sécurité à laquelle ont droit tous les salariés. Nous mettrons en place la vieille idée gaullienne, plus que jamais d’actualité, de la Participation. Celle-ci concernera toutes les entreprises de plus de vingt salariés. Nous accentuerons une politique active de solidarité concernant notamment la santé, les retraites, la politique familiale, les handicapés et les personnes dépendante en faisant appel à la règle sacrosainte de la progressivité de l’impôt (art. 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) qui cessera de prendre pour seule et unique cible l’indispensable classe moyenne (1).
Nous protègerons le Pays, sans sombrer dans l’amalgame ou le délit de faciès, des menaces multiples d’où qu’elles viennent et notamment du radicalisme islamique dont les musulmans sont partout dans le monde les premières victimes. Nous participerons à une politique de développement dans les pays émergents persuadés que seul un investissement économique massif et une politique coordonnée par l’ONU en faveur de la paix permettront de lutter efficacement contre des vagues migratoires indomptables chassées par la misère et par la guerre et, ne pouvant accueillir toute la misère du monde, nous demanderons au Parlement de déterminer chaque année le nombre d’étrangers que notre pays peut convenablement assimiler (2).
Nous restaurerons l’Europe qui s’est empâtée dans des règles obsolètes, avec le secours des pays fondateurs, quitte à restreindre momentanément l’accès à la zone euro et à l’espace de Schengen aux pays qui le peuvent, tout en aidant les autres à nous rejoindre progressivement au fur et à mesure de l’avancée des politiques de convergence sociales et fiscales qu’ils mèneront. Nous exigerons pour nos politiques nationales le strict respect du principe de la subsidiarité gravé dans les traités mais constamment violé par Bruxelles et si nous devions ne pas être écoutés nous poursuivrions avec les seuls pays qui le veulent l’indispensable dialogue. Sans votre aide notre mouvement aurait été voué à l’échec et cette refondation si nécessaire doit s’inscrire dans la durée pour que demain l’Union Nationale que vous représentez s’amplifie encore largement si nous savons être accueillants et modestes envers tous ceux qui voudront nous rejoindre. Mais je m’adresse également à vous, Mmes et MM. les Députés qui estimez être sous-représentés au sein de cette Assemblée et qui, pourtant, m’avez fait l’honneur de vous déplacer : une réforme des Institutions sera immédiatement mise en chantier qui arbitrera entre la nécessité de donner au pays une majorité de gouvernement et celle de représenter plus équitablement les différents partis par une dose de proportionnelle significative, analogue par exemple à celle qui régit nos scrutins municipaux ou régionaux.
En attendant puisque vous avez été élus pour cinq ans je proposerai au Gouvernement de faire voter une modification de l’article 19 du Règlement de l’Assemblée Nationale pour réduire à dix le nombre de députés nécessaires pour constituer un groupe parlementaire. Mmes et MM. les Députés, Mmes et MM. les Sénateurs, le temps nous est compté. Les finances de la Nation sont dans le rouge. Notre croissance est insuffisante.
Le chômage nous ronge. Nous sommes cependant la cinquième puissance mondiale, forte d’un peuple inventif, productif, intelligent et frondeur. Notre dette publique est trop forte. Les dérapages budgétaires de l’État et de la Sécurité Sociale doivent être définitivement maîtrisés, la retraite des fonctionnaires progressivement abondée, les régimes spéciaux supprimés tout en prenant en compte pour l’âge du départ à la retraite, l’espérance de vie restante, si variable du mineur au banquier, de l’égoutier au cadre supérieur ! Nous devons faire face, ensemble, à de nombreux défis :
Raviver la flamme d’un enseignement de qualité, dès l’école maternelle, pour que faute de dominer les savoirs fondamentaux personne ne sorte sans diplôme de la scolarité obligatoire. Redonner à l’apprentissage ses lettres de noblesse pour qu’aucun des emplois non délocalisables ne reste vacant faute de candidats et serve d’appel d’air aux travailleurs détachés. Réformer l’entrée dans les universités et les grandes écoles par une sélection au mérite jumelée pour les plus modestes avec un salaire étudiant fiscalisé comme le seront dorénavant les Allocations nationales à nouveau universalisées et permettre à ceux qui n’ont pas les capacités requises pour intégrer d’emblée l’enseignement supérieur de suivre pendant une année de grâce un enseignement complémentaire de deuxième chance.
(1) La fiscalité touche exagérément la classe moyenne, trop riche pour être exonérée de nombreux impôts et taxes, trop pauvre pour bénéficier d’optimisations fiscales inouïes que nos lois successives, au gré des lobbies, ont accumulées. Vouloir réserver l’ISF, par exemple, sur le seul patrimoine immobilier c’est taxer d’abord et avant tout le petit cadre qui à force d’économies a fini par acheter son logement alors que les riches ont eu tous les moyens de placer hors ISF leurs biens immobiliers dans les actifs des sociétés qu’ils contrôlent. (2) Vouloir lutter contre les vagues migratoires sans agir sur le développement économique des pays pauvres et l’arrêt des conflits, c’est faire preuve d’une grande naïveté.
Favoriser l’embauche des jeunes en rapprochant l’école des entreprises par des stages généralisés et une meilleure connaissance réciproque. Développer la recherche et l’innovation par des dispositifs intelligents contrôlant a posteriori les résultats obtenus et favorisant par une politique de crédit envers les start-up un déploiement industriel nouveau du type de la Silicon Valley californienne.
Réformer le code du Travail, comme je l’ai proposé au cours de la campagne car nos entreprises ont besoin de flexibilité mais dans le même temps favoriser aussi leur compétitivité, source de commandes donc d’emplois, en réduisant les prélèvements obligatoires qui pèsent sur elles et dont nous sommes les champions du monde. Mais dans le même temps rénover l’assurance chômage et la formation professionnelle pour que tout salarié soit assuré d’une indispensable sécurité, seule façon de faire accepter les mutations industrielles et l’inévitable mobilité qu’impose le monde moderne, lui permettant dès son licenciement de percevoir automatiquement une indemnité compensatoire décente même si elle doit être plafonnée pour les hauts revenus, et de bénéficier d’une véritable formation réservée aux chômeurs qui le remettra en selle le plus rapidement possible.
Revoir notre politique de santé pour que chacun puisse recevoir au meilleur coût, des soins appropriés tout en nous débarrassant du stupide numerus clausus qui fait que 25 % des nouveaux médecins installés en France sont diplômés d’une université étrangère pas toujours fiable (ce qui permettra par exemple d’ouvrir aux généralistes, surtout dans les petits hôpitaux, nos services d’urgences où la grande majorité des entrants ont en réalité besoin de consultations sans gravité).
La France enfin doit être présente au monde. D’abord dans son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité et dans sa tradition universaliste. Elle doit participer au niveau de l’Union Européenne à la mise en place, enfin, d’une politique étrangère concertée sinon commune et d’une contribution des autres nations à sa politique de défense (dissuasion nucléaire, interventions en Afrique ou au Moyen-Orient) en attendant que le rapprochement des peuples permette l’avènement d’une véritable Europe confédérale à l’instar de nos voisins Suisses (3).
Voilà, Mmes et MM. les Parlementaires, le cap que je souhaite fixer à notre pays. Je ne cherche à rallier personne de force mais soyez assuré que ma seule et unique préoccupation pendant les cinq années de mandat que le peuple m’a confié sera de me dévouer totalement au service de l’État et de nos concitoyens avec votre aide et vos conseils. Le Gouvernement, Premier ministre en tête, dans la plénitude de ses fonctions et le Parlement restitué dans l’intégralité de ses pouvoirs par une profonde modification des modalités d’application du projet de gouvernement par ordonnances. Sans sous-estimer l’indispensable débat démocratique, il nous faudra regrouper les amendements par thèmes significatifs afin de travailler vite pour qu’ensemble, car nous en avons la force, nous puissions tirer la France de l’ornière où nous l’avons laissée s’enfoncer (4).
Vive la République, Vive la France.
(3) Chacun comprend bien qu’il est grand temps de renégocier les Traités européens en essayant de préserver tout ce qui sert la Paix, l’Union, la Coopération entre les Peuples, l’Organisation intelligente du Continent, la défense de nos frontières tout en ne bâtissant pas une usine à gaz budgétivore qui oublie vite les Peuples qu’elle doit servir. La France aux côtés de ses partenaires de 1957 peut jouer un rôle majeur dans cette remise à plat de la Communauté Européenne car sans la France et sans l’Allemagne il n’y aura plus d’Europe, tout juste un espace économique vite submergé par la concurrence faussée de l’Asie du SudEst. L’Allemagne qui profite le plus de cette dérégulation (passoires douanières, travailleurs détachés, concurrence intra-communautaire et extra-communautaire, absence de convergence économique sociale, fiscale et environnementale, normes appliquées en dépit du principe de subsidiarité, serait la première à souffrir d’un départ de son premier client La France. (4) Les Institutions doivent être modifiées lorsque cela est nécessaire mais avec prudence. Certes la situation qui fait qu’aujourd’hui le Front National n’a pas de groupe parlementaire, alors que la France Insoumise qui a fait beaucoup moins de voix que lui aux Présidentielles en a un, a quelque chose d’incongru ! La représentativité des Députés varie de 1 à 7. Ce n’est pas bon pour la démocratie et il convient donc de faire en sorte par une dose significative de proportionnelle de rapprocher la représentation nationale de la représentativité de chaque courant politique sans faire perdre à la majorité une avance suffisante pour qu’on ne revienne pas au régime insensé de la IVème où les Gouvernements successifs ne passaient parfois pas la semaine ! L’exemple des Municipales et des Régionales pourrait être repris. Il permet d’assurer une large majorité à la liste arrivée en tête en lui attribuant d’abord 50 % des sièges puis en répartissant entre tous l’autre moitié des sièges à la proportionnelle intégrale. En attendant, abaisser à 10 par exemple le nombre de Députés requis pour constituer un groupe parlementaire serait un geste apaisant pour le FN qui rétablirait une certaine justice. À suivre.

© 05.10.2018
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