205klobo - Académie du Gaullisme

 Président-fondateur
Jacques Dauer

Académie du Gaullisme
La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 205 – mars 2018
"Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde."
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205klobo

par Paul KLOBOUKOFF
RÉFORMES INSTITUTIONNELLES :
DÉFENDRE LA DÉMOCRATIE, LES LIBERTÉS ET LE PLURALISME

Pour aller à l’essentiel
La France file un très mauvais cocon. Trois indices internationaux graves et concordants montrent qu’en matière de liberté et de démocratie, valeurs inséparables, la France a beaucoup reculé et est maintenant au-delà du 27e rang mondial. Et même au 33e dans le classement de l’Indice de la liberté publié par le Cato Institute. Le présent article commence par l’examen de ces performances, que « nos » médias grand public ne semblent pas connaître. Nos représentants doivent cesser de brandir des « valeurs de la République » qui ont perdu leur éclat, de donner des leçons de démocratie, de respect des droits de l’homme à l’étranger ou de vouloir exporter « notre modèle » en Europe (et au-delà), où la majorité des pays ont des régimes plus démocratiques que le nôtre et davantage de libertés que nous. Mieux vaut prendre modèle sur eux, qui se distinguent de la France par une importance plus grande donnée aux régions, et au fédéralisme chez plusieurs pays voisins, par une bien moindre concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’Exécutif, par un pluralisme gagé sur un parlementarisme étoffé et vivant, par un attachement plus marqué à la défense des libertés, de pensée et de religion, d’opinion et d’expression Le pouvoir de notre président et de son Exécutif tient essentiellement aux modes de scrutin des élections présidentielles et législatives, ainsi qu’à la primauté donnée aux décisions de l’Assemblée nationale (AN) dans le processus parlementaire d’élaboration et d’adoption des lois. Un pouvoir quasi absolu depuis 2002 avec le passage au quinquennat et l’alignement du calendrier des élections législatives sur celui des présidentielles, afin, en particulier, de favoriser l’élection d’une « majorité présidentielle » à l’AN.
Or, les observateurs étrangers ont pu constater, comme nous, qu’Emmanuel Macron n’avait obtenu que 24 % des suffrages exprimés au premier tour des présidentielles de 2017, avec 34 % d’abstentions, de votes blancs et nuls (un record historique). Au second tour des législatives, le pourcentage des abstentions, des votes blancs et nuls a atteint 61,6 % (inimaginable jusque-là), et l’association LREM + Modem a pu obtenir 348 sièges sur les 577 de l’AN, soit une majorité de 60,3 % pour seulement 8,927 millions de suffrages, soit 18,9 % du nombre des inscrits. Il n’est pas interdit à ces observateurs de s’interroger sur la légitimité du « pouvoir présidentiel » et la conception de la démocratie en France. Je reviens ici sur un sujet auquel j’avais consacré un article de la Lettre du 18 Juin d’octobre 2017, intitulé « Préserver le pluralisme parlementaire, la décentralisation et la démocratie locale », en apportant des infos complémentaires sur les régimes politiques de nos voisins. Pour « enfoncer le clou » sur des réformes institutionnelles qui se mijotent, et dont certaines semblent déjà presque cuites, qui vont encore restreindre la liberté et la démocratie. Des changements qui tendent avant tout à renforcer le parti et les pouvoirs du président. Au détriment de ce qui reste d’un parlementarisme déjà très affaibli, en réduisant d’un tiers les nombres des députés et des sénateurs. Ils visent aussi à faire reculer la décentralisation, les pouvoirs locaux et leurs capacités d’initiatives.
Aux restrictions des ressources des collectivités locales, s’ajoutent des projets de modifications des calendriers électoraux ainsi que l’abandon du scrutin interrégional aux européennes et le retour, dès 2019, au mode de scrutin à liste nationale. La passivité, sinon l’approbation, de certains leaders de partis « peu représentés » à l’AN peut étonner. Bien sûr, l’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives leur permet d’espérer y gagner quelques sièges. Mais, réduire d’un tiers le nombre des députés, c’est l’abaisser de 577 à 385. Introduire 25 % de proportionnelle signifie que 96 députés seront élus à la proportionnelle au premier tour des prochaines législatives et que les 289 autres seront élus au scrutin majoritaire à deux tours… dans 289 circonscriptions électorales. Le nombre de circonscriptions actuel serait alors divisé par deux, et les nouvelles circonscriptions seraient, en moyenne, deux fois plus peuplées que les actuelles. Je n’ai rien entendu ni lu à ce propos.
Ces « détails » semblent avoir échappé aux médias, à nombre de politiciens, ainsi qu’aux citoyens électeurs… et notamment à ceux qui pourraient penser (comme l’indiquent des sondages) que la représentation de la population en sortirait renforcée. Une conséquence quasi mathématique en serait de favoriser les partis « les plus représentés », et en premier lieu ceux de la majorité présidentielle, au détriment des partis « peu représentés ». Avec le risque supplémentaire que le sort de ces partis soit « aggravé » lors de l’exercice, rarement neutre et serein, du dessin d’une nouvelle carte électorale. J’ai illustré ce risque, non négligeable, avec cinq exemples de regroupements d’actuelles circonscriptions.

Des procédés divers servent à des partisans des réformes de Macron à les promouvoir, à les justifier et à convaincre les électeurs qu’elles n’apporteront que des progrès et des bienfaits.  Deux sont très utilisés depuis plus d’un an.  
Le premier est le dénigrement des parlementaires, leur abaissement. Il s’est avéré très efficace pour pousser au dégagisme et au renouvellement, au rajeunissement des députés en juin dernier. Il se poursuit et prend de nouvelles formes. Ainsi, le président de l’AN, François de Rugy, en personne, fait son possible pour discréditer les députés en faisant force bruit sur les sanctions financières qui seront désormais infligées aux « multirécidivistes de l’absence», qu’il entend frapper au porte-monnaie. Comme si l’AN en était remplie. Or, enquête et comptes faits, depuis juin, seulement 3 députés sur les 577 n’ont pas rempli l’exigence de présence aux séances conclues par un vote solennel. Alors pourquoi ce tintouin, ces « rugyssements », sinon pour abaisser les députés aux yeux de l’opinion et préparer le terrain à une réduction des effectifs. Très critiqué à l’AN, il a été taxé d’antiparlementarisme, même par des députés de son parti LREM. Cette attitude reflète le choix d’une présence massive à l’AN qui décourage les députés d’aller dans leurs circonscriptions, ce dont pâtit LREM, très mal implanté localement.  
Le second est la diffusion de résultats de sondages ad hoc montrant que l’immense majorité des Français est très favorable aux réformes proposées par Macron. Dans le but évident d’influencer les Français, de leur montrer aussi qu’au fond, l’Exécutif ne fait que décider ce que les citoyens eux-mêmes lui demandent. Ces sondages prennent l’apparence et la dimension
de votes avant l’heure. Ils rendraient presque inutiles les concertations, les discussions et les votes au parlement. Pourquoi ne pas en profiter ? « La classe politique » serait tellement mal vue que l’heure de la gouvernance à l’aide de sondages avec des « échantillons représentatifs » serait venue. Plus besoin de Représentation nationale, alors ? Des scribes rédigeant en termes appropriés les lois qu’on leur dicte suffiraient. Ne sommes-nous pas déjà engagés dans cette voie, et voulons-nous vraiment aller plus loin ?
Des modifications institutionnelles d’ampleur doivent s’inscrire dans un cadre d’ensemble cohérent, clair, explicite. Si on considère qu’elles sont urgentes, il faut aussi inclure dans la liste des questions à examiner :   
- la reconnaissance du vote blanc au même titre que les autres votes. Elle pourrait aider à relever la participation ;  
- l’abandon du quinquennat renouvelable une fois, et  le retour au septennat. C’est un point capital ;
- l’institution d’élections législatives à mi-mandat, comme aux États-Unis. Elles pousseraient l’exécutif et sa majorité à être plus attentifs aux  (vraies) opinions des Français pendant toute la durée du mandat présidentiel.  
Il ne faudrait aussi pas s’interdire de rechercher un « meilleur » équilibre entre les pouvoirs politiques, entre le parlement et la « technostructure », chapeautée par les cabinets de l’Elysée, du Premier ministre et des autres 29 ministres et secrétaires d’État. 409 hauts personnages, au total.
Ce sont des propositions que j’avais faites en octobre 2017 et qui me paraissent particulièrement d’actualité.

Malmenées, notre démocratie et nos libertés sont en danger
Au 29e rang mondial,  la France est une « démocratie imparfaite »
Depuis 2008, le groupe de presse britannique The Economist publie chaque année un indice de démocratie pour 167 pays du monde. Ce baromètre très commenté (dont nos médias nous parlent très peu) est établi sur la base de 60 critères regroupés en 5 catégories : le processus électoral et le pluralisme, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique et la culture politique. Selon sa note globale, un pays est une « démocratie pleine », une « démocratie imparfaite », un « régime hybride » ou un « régime autoritaire ».  
Dans le classement de l’année 2017, 19 pays, notés entre 10/10 et 8/10 sont des démocraties pleines. 14 sont européennes : la Norvège (9,87), l’Islande (9,58), la Suède (9,39), puis, notées de 9,22 à 8,08 figurent le Danemark, l’Irlande, la Finlande, la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Autriche, Malte et l’Espagne. 5 démocraties pleines ne sont pas en Europe : la Nouvelle Zélande (classée 4e), le Canada (7e), l’Australie (8e), Maurice (16e) et l’Uruguay (18e).
Parmi les 57 démocraties imparfaites, se trouvent notamment les États-Unis, à la 21e place, avec 7,98/10, et la France, 29e avec une note de 7,88/10 (en baisse de 0,12 point par rapport à 2016), mais aussi l’Italie, la Belgique, l’Inde, le Japon, l’Afriquedu-Sud… Puis viennent 39 pays aux régimes hybrides et 52 aux régimes autoritaires (1).  
Le rapport souligne l’atteinte croissante à la liberté d’expression. Il précise que « la liberté d’expression est confrontée à une triple menace. L’État dans les pays démocratiques et autoritaires utilise la diffamation, la protection contre le terrorisme, le blasphème et d’autres lois pour restreindre la liberté d’expression ». « Les acteurs non-étatiques, y compris les militants islamistes, les gangs criminels et les groupes d’intérêts utilisent l’intimidation, les menaces, la violence et le meurtre pour étouffer la liberté d’expression. Ceux qui revendiquent le droit de ne pas être offensés réclament des ‘’espaces sûrs’’, des sonnettes d’alarme, des lois sur les ‘’discours de haine’’ et le contrôle des médias sociaux pour nettoyer l’espace public d’un prétendu  contenu  offensant .»  C’est  effectivement  le cas dans dans notre beau pays, où le chef de l’État lui-même est demandeur de ce type de contrôle et de nettoyage ! The Economist note aussi que « malgré la propagation de fausses nouvelles et le fait qu’elle n’est pas une démocratie pleine, l’Amérique est toujours en tête des classements sur la liberté d’expression ».
La chute de l’Indice de liberté de la France
Un rapport annuel sur l’Indice de la liberté est publié par le Cato Institute américain. Il est établi en collaboration avec le Fraser Institute canadien et l’Institut libéral allemand de la Fondation Friedrich-Naumann. Celui de 2017, portant sur 2015, analyse les libertés individuelles, publiques et économiques dans 159 pays (2). Il fait état d’une forte corrélation entre la liberté et la démocratie, ainsi que d’une influence des niveaux de revenus dans les pays sur leur classement mondial. Dans le « top 10 » de la liberté, on trouve, dans l’ordre : la Suisse, Hong-Kong, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande, l’Australie, la Finlande, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
La France a reculé de la 21e place en 2008 à la 33e en 2015. C’est en matière de liberté religieuse ainsi que liberté d’expression et d’information qu’elle a perdu le plus de points. Devant elle sont classés 17 pays d’Europe de l’Ouest et de l’Est (dont la Pologne). Parmi nos voisins, seule l’Italie est à un petit pas derrière la France.    
« Démocratie en Crise »
C’est, traduit en français, le titre du rapport « Liberté dans le Monde 2018 » publié, comme chaque année depuis 1973, par Freedom House (FH), un centre de réflexion et institut de recherche indépendant qui est basé à Washington et financé par des fondations américaines ainsi que des particuliers. Ce rapport
embrasse 195 pays et 14 territoires indépendants en 2017. Sa préparation a fait appel à une expertise diversifiée, dans les pays concernés, notamment, comprenant plus de 100 analystes et 30 conseillers. Pour chaque pays, sont analysés : le processus électoral, le pluralisme et la participation politique, le fonctionnement du gouvernement, la liberté de pensée et d’expression, le système judiciaire, ainsi que les droits des associations, des organisations et des individus (3).
45 % des pays étudiés sont qualifiés de « libres », 30 % sont « partiellement libres », et 25 % « non libres ». Les chiffres correspondants en termes de populations sont de 39 %, 24% et 37 %. Et la situation évolue très défavorablement. Globalement, la liberté a accusé un notable recul en 12 ans. Depuis 2006, 113 pays ont connu un net déclin tandis que seulement 62 ont connu une amélioration.  
Selon les critères de FH, qui auraient pour référence la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, plus du tiers de la population mondiale, essentiellement d’Eurasie (Chine et Russie comprises), du Moyen-Orient et d’Afrique, ne serait ainsi pas libre. Et seulement près de 40 % vivrait dans des pays libres, sans doute qualifiables de démocraties. Parmi ces 94 pays (ou territoires) libres, le haut du pavé est tenu par la Norvège, la Suède et la Finlande, des modèles notés 100 sur 100, puis par les Pays-Bas, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Uruguay, le Danemark, le Portugal, l’Irlande, la Suisse, le Japon, la Belgique et l’Islande, dont les notes sont supérieures ou égales à 95. Parmi les pays libres de 1 million d’habitants ou plus, la France est au 27e rang, avec une note de 90, derrière une vingtaine de pays européens. Le Chili, Taïwan et le Costa-Rica la devancent aussi. C’est également le cas d’une dizaine de pays (ou territoires) moins peuplés. En revanche, les États-Unis n’ont qu’une note de 86 et sont placés juste devant la Grèce, la Pologne et la Mongolie. Maigre consolation pour nous !
Concentration des pouvoirs au sommet de l’État, centralisation et représentation parlementaire inférieure à celle des autres Européens
La France est un des rares pays d’Europe où le président est élu au suffrage universel direct et exerce, de fait, le pouvoir exécutif. Un pouvoir quasi monarchique beaucoup plus important que ceux dont disposent les chefs d’État et de gouvernement des pays d’Europe, des États-Unis, ainsi que de la grande majorité des pays occidentaux.  
Dans la plupart des pays voisins, les systèmes politiques sont parlementaires, fédéraux et/ou beaucoup plus décentralisés qu’en France. Ils accordent aux échelons « régionaux » des pouvoirs législatifs que ceux-ci partagent avec les institutions nationales. Les populations bénéficient ainsi d’un double représentation, au niveau national et au niveau régional. Les représentations parlementaires des citoyens y sont nettement supérieures à la nôtre.  
Or, « nos » particularités n’ont pas été le sésame ouvrant les portes de l’efficacité aux gouvernants dotés de tels pouvoirs
depuis 2002. Ne doit-on pas reconsidérer la question et réfléchir à une gouvernance plus « participative », plus consensuelle, faire quelques pas dans la voie de l’harmonisation (si chère à nos européistes) en matière institutionnelle… plutôt que vouloir accroître les déséquilibres  entre les pouvoirs, qui minent notre démocratie ?  
Décentralisation, parlementarisme  et séparation des pouvoirs en Europe
L’Allemagne est un état fédéral et parlementaire organisé selon le principe de séparation des pouvoirs. Le chef de l’État est élu au suffrage indirect par l’Assemblée fédérale. Le Chancelier, qui exerce l’essentiel du pouvoir exécutif fédéral est élu par le Bundestag, qui compte 630 députés, tandis que le Conseil fédéral (Bundesrat) a 69 membres.
Elle est divisée en 16 länder. Chacun a un gouvernement et une assemblée législative. En principe, « le pouvoir législatif appartient aux länder lorsque la compétence législative de l’État fédéral n’est pas expressément réglée par la Loi fondamentale ». Aussi, l’Allemagne compte 699 parlementaires fédéraux et des centaines (plus de 1 000 ?) de députés des lander. Le land de Bavière, par exemple, est peuplé de 13 millions d’habitants. Un ministre-président y est élu par l’Assemblée du lander (Landtag). Son Gouvernement comprend 17 ministres et secrétaires d’État. Il a l’initiative des lois et doit assurer l’exécution de celles-ci. 180 députés siègent au Landtag (19).  
Le Royaume-Uni (RU) est une monarchie parlementaire qui comprend 4 nations, l’Angleterre, l’Écosse, le Pays-de-Galles et l’Irlande-du-Nord, et est peuplée de 65,6 Mi h (en 2016). La reine nomme le Premier ministre. Dans la pratique c’est le leader du parti majoritaire à la Chambre des Communes, dont il est membre. Cette Chambre compte 650 députés. Elle partage le pouvoir législatif du RU avec la Chambre des Lords, forte de 800 Lords (20). Trois des nations constitutives ont une assemblée législative et un gouvernement autonome. Les pouvoirs de leurs assemblées sont octroyés et peuvent être révoqués par le Parlement de Westminster (Londres). Le Parlement élu de l’Ecosse compte 129 membres, l’Assemblée nationale du Paysde-Galles, 60 membres, l’Assemblée de l’Irlande-du-Nord, qui a des compétences très étendues (vie économique, social, culture…), réunit 108 députés. Au total, le Royaume-Uni compte ainsi 1 747 parlementaires, contre 925 en France. Presque 2 fois plus !
L’Italie, peuplée de près de 60 Mi h (en 2017), est une République démocratique parlementaire décentralisée. Elle est régie par une Constitution héritière de celle de 1948, marquée par la crainte de la réapparition d’un régime fasciste et la méfiance envers un exécutif fort. Le président du Conseil des ministres, chef du Gouvernement, est nommé par le président de la République (lui-même élu par les deux chambres du Parlement et un collège de 58 représentants des 20 régions), et ce choix doit être confirmé par le Parlement. À la Chambre des députés siègent 630 élus. Les sénateurs sont au nombre de  315. Parmi les 20 régions, 5 (dont le Val d’Aoste, la Sardaigne et la Sicile) bénéficient d’un statut d’autonomie spécial. Depuis la réforme constitutionnelle de 2001, les compétences des régions en matière législative sont larges. Les régions sont dotées d’une Junte (leur Exécutif), dont le président est élu au suffrage universel direct, ainsi que d’un Conseil régional, qui exerce le pouvoir législatif. Suivant les régions, ce Conseil comprend de 40 à 80 conseillers. Au total, l’Italie compte donc au moins 1 745 parlementaires (et sans doute plusieurs centaines de plus).  
L’Espagne, monarchie parlementaire constitutionnelle, a une population de 46 Mi h. Elle est très décentralisée et connaît des tensions séparatistes insistantes, au Pays Basque et en Catalogne, en particulier. Au niveau central, son pouvoir législatif est exercé par une Chambre de 350 députés et un Sénat avec 266 membres. Elle est structurée en 50 provinces faisant partie de 17 Communautés autonomes aux dénominations diverses. Celles-ci disposent d’une large autonomie dans les domaines législatif et exécutif et ont des
parlements monocaméraux plus ou moins étoffés. Ainsi, par exemple, la Généralité de Catalogne, avec ses 7,5 Mi h (en 2015) est dotée d’un Gouvernement et d’une Chambre de 135 députés.  
Le Royaume de Belgique, est une monarchie constitutionnelle et parlementaire de 11,4 Mi h (en 2017). Le chef du gouvernement est désigné par le roi après consultation des deux chambres et des partis politiques. Le pouvoir législatif est exercé par une Chambre des représentants de 150 députés et un Sénat comptant 50 membres. C’est un état fédéral composé de trois Communautés (flamande de Belgique, française  de Belgique, germanophone de Belgique) liées à la langue et à la culture, ainsi que de trois Régions (flamande, de Bruxelles-Capitale, wallonne), qui ont chacune une plus grande autonomie économique. Les Régions et les Communautés ont des compétences bien définies et disposent toutes d’un parlement et d’un Gouvernement propres. Les organes législatifs de ces six communautés et Régions comptent 524 membres. Au total, la représentation de la population dans les institutions législatives est assurée par 724 élus.
Chez les Scandinaves : - Au Royaume de Suède, le chef du Gouvernement est choisi par le Parlement, sur présentation du candidat par le monarque. Les 10 Mi h peuvent compter sur 349 députés au « Rikstag » pour les représenter (1 député pour 28 650 habitants) ; - les 5,72 Mi h du Royaume du Danemark, aussi monarchie parlementaire, ont un chef de gouvernement, choisi par le chef de l’État, qui doit être soutenu par l’Assemblée. Celle-ci compte 179 députés (1 député pour 32 000 habitants) ; - la Finlande est une république « mixte », présidentielle et parlementaire. Le président est élu au suffrage universel direct, mais le Parlement désigne le chef de gouvernement que le président va nommer. Ses 5,5 Mi habitants (en 2016) élisent 200 membres du Riksdag, soit 1 député pour 27 500 habitants.
Nous y sommes très loin de notre représentation, de un parlementaire pour 72 400 habitants, que Macron veut abaisser à 1 représentant pour 108 000 habitants, soit 4 fois moins que les pays scandinaves… que nos gouvernants nous présentent comme des modèles de toutes sortes de vertus, quand ça les arrange. Non, la France n’est pas au diapason de l’Europe ! Ni des États-Unis, d’ailleurs.
Les États-Unis ont un régime présidentiel. Le président y détient le pouvoir central. Il nomme les juges de la Cour Suprême et les hauts fonctionnaires. Il est élu, pour 4 ans, par un collège de « Grands électeurs », eux-mêmes élus par les populations des états. Et son pouvoir est bien contrôlé par le Congrès et le Sénat, dont les membres sont élus au suffrage universel. En outre, des élections à mi-mandat permettent de renouveler les occupants des 435 sièges de la Chambre des Représentants (Congrès) et de ceux du tiers des 100 sièges du Sénat. Elles maintiennent une saine pression sur l’Exécutif et peuvent donner lieu des modifications des rapports de force dans les deux assemblées. Les États-Unis sont une Fédération qui comprend 50 états. Chacun possède son propre régime politique avec une Constitution et un gouverneur, chef  de  l’exécutif, une  Chambre des représentants et un Sénat, ainsi qu’un pouvoir judiciaire. Ainsi, la Californie, qui compte 39,1 Mi d’habitants (en 2015) élit 80 députés et 40 sénateurs. Le Wisconsin, peuplé de moins de 6 Mi h, compte 99 députés et 33 sénateurs. Au total, le nombre de parlementaires aux États-Unis serait de plusieurs milliers.
En France, le pouvoir de l’Exécutif est poussé à l’excès  
Ainsi, dans la plupart des pays d’Europe, la nomination du chef de l’Exécutif (souvent le Premier ministre) requiert l’approbation de sa candidature par le parlement ou résulte d’un consensus entre les partis, souvent basé sur les résultats d’élections parlementaires. Et le parlement est vraiment en mesure de contrôler la politique de l’Exécutif.
En France, conformément à la Constitution de la Ve République de 1958, après l’abandon du régime parlementaire et l’élection du président au suffrage universel direct en 1962, le président a eu un rôle prédominant et une indépendance promue par de Gaulle, qui voulait « un président au-dessus des partis ». En la matière, les choses ont beaucoup changé, surtout depuis les réformes concoctées à l’approche des élections présidentielles de 2002 (pour prolonger J. Chirac de cinq ans), comportant le passage du septennat au quinquennat et l’alignement du calendrier des élections législatives sur celui des présidentielles et les plaçant immédiatement après. De la sorte, une part conséquente des électeurs a tendance à « confirmer » aux législatives le choix précédent et/ou à élire à l’AN une « majorité présidentielle ». C’est ce qui s’est produit en 2017, comme en 2012 et en 2007.  Ainsi, pas de menace de changement de majorité à l’AN et/ou de cohabitation comme il y en a eu sous Mitterrand.
Autre « particularité », l’Exécutif (le chef de l’État et son gouvernement) a l’initiative presqu’exclusive en matière de proposition des projets de loi. Dans la procédure parlementaire conduisant à la définition précise des textes des lois puis à leur adoption par le parlement, l’Exécutif est aussi maître du jeu, puisqu’au Parlement, l’Assemblée nationale (AN) « a le dernier mot » et que le président de la République y dispose d’une large majorité. Les Sénateurs peuvent contribuer à « améliorer » les lois, mais seulement si leurs propositions et les amendements qu’ils soumettent conviennent à la majorité présidentielle à l’AN. Nous l’avons encore observé au dernier trimestre de 2017 avec le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui a vu s’opposer les majorités de l’AN et du Sénat sur la très controversée majoration de 1,7 % du taux de la CSG. Sans surprise, le Sénat n’a finalement pas été entendu. Un recours a
été adressé au Conseil constitutionnel. Celui-ci a censuré plusieurs dispositions de la loi, mais a jugé conforme à la Constitution l’article 7 contenant la hausse de 1,7 % de la CSG. Oui, dans le contexte constitutionnel actuel, le Sénat est un contrepouvoir législatif très mal armé. Et l’Exécutif  « a un boulevard devant lui » !  
Dans les missions du parlement figure aussi le contrôle de l’exécution de la politique publique. Il n’y consacre pas assez de temps et manque de moyens. Il faut dire que la Cour des comptes a beaucoup avancé sur ce terrain et est une concurrente, davantage, semble-t-il, qu’une assistante à son service. Avec une force de frappe de 1.800 agents, elle est devenue une conseillère écoutée de l’Exécutif (quand cela l’arrange) et un appui pour la justification de ses décisions. Les retraités peuvent la remercier pour sa contribution au traitement de faveur dont ils bénéficient.
Sans parler des attentes d’une plus grande indépendance de la justice… ainsi que des médias grand public, ces spécificités institutionnelles et les intentions exprimées par l’Exécutif suffisent sans doute à déclasser la France par rapport à ses voisins et partenaires en matière de démocratie. Et les observateurs extérieurs ont pu constater dans quelles conditions et avec quels « scores » aux présidentielles et aux législatives, Macron est devenu président et l’association LREM + Modem a pu obtenir 348 sièges sur les 577 de l’AN pour seulement 8,927 millions de suffrages, soit moins que le nombre de voix obtenues par Marine Le Pen au second tour des présidentielles (10,638 millions).
On peut comprendre que des Français respectueux des institutions n’accordent pas une forte légitimité au président et à sa « majorité présidentielle ». « Fort » de ces résultats électoraux, le président peut imposer, à grands renforts de « com », ses réformes, pratiquer le passage en force (avec ou sans ordonnances) et ne rechercher le consensus que lorsqu’il craint l’échec ou des contestations et des défaillances trop gênantes dans son propre camp.  
Macron a créé En Marche, devenu LREM. La plupart des députés de la majorité présidentielle ne doivent leur siège qu’à lui. De son côté, il est « prisonnier » des députés LREM + Modem (et de « compatibles ») pour faire approuver ses projets de lois à l’AN, où leur « fidélité » ou « soumission » de « godillots (?) » a été remarquée, même par des médias « bienveillants ». De Gaulle n’aurait surement pas apprécié une telle « interdépendance » partisane.
Qu’attendre des réformes annoncées… et de celles qui éclosent ?
Les citoyens savent que le président « a promis » de réduire d’un tiers les effectifs des deux chambres. Par contre, ils sont moins informés de plusieurs autres « réformes » désirées par l’Exécutif, pour lesquelles les manœuvres ont commencé. Elles ne conduiraient pas moins qu’à modifier le calendrier électoral
pour retarder les élections locales, d’un côté, et à changer de mode de scrutin des élections européennes en leur faisant perdre la dimension régionale, de l’autre côté. Ces réformes, qui rencontrent des oppositions, ne sont pas dénuées d’arrière- pensées politiciennes.
Réduire d’un tiers le nombre de députés  et de sénateurs + introduire  une dose de proportionnelle aux législatives
De telles mesures réduiraient de 577 à 385 le nombre des députés et de 348 à 232 celui des sénateurs. La représentation de la population serait abaissée à 1 député pour 174.000 h et à 1 sénateur pour 288.800 habitants.  
« La réduction du nombre de députés n’est pas conciliable avec la démocratie et le pluralisme », pour l’un de leurs défenseurs, un éminent spécialiste du droit public (4). « Elle relève d’une pâle logique de gestionnaire » qui conduit à une « obsession réductionniste » à l’égard des instances politiques. « Outre la diminution du pluralisme des opinions, c’est à une déterritorialisation que l’on risque d’assister tant tout est mis en œuvre pour couper le député de sa circonscription électorale ». C’est aussi diminuer l’expertise liée à la connaissance des problèmes locaux et des citoyens. « C’est surtout ignorer la fonction locale du parlementaire dans les zones périurbaines comme rurales ». Bref, il s’agit avant tout de renforcer la majorité en place afin d’accélérer l’adoption des réformes par la diminution d’une potentielle contestation parlementaire.  
Dès le lendemain du premier tour des législatives, le mode de scrutin a immanquablement été mis en cause (5). Un sondage a confirmé que « Les Français plébiscitent la proportionnelle » (6), 71% étant tout à fait ou plutôt favorables. Au demeurant, la France est, avec le Royaume-Uni, une exception en Europe dans ce domaine aussi (7). Dans  les autres états de l’UE, le mode de scrutin aux législatives est la proportionnelle.  
« Objectivement, le mode de scrutin de nos élections législatives est antidémocratique », a déclaré le politologue Thomas Guénolé (8), réfutant les allégations selon lesquelles ce serait le prix à payer pour avoir une majorité parlementaire stable et ne pas voir les Gouvernements sauter les uns après les autres. Il est tout à fait possible de poser des garde-fous, comme l’a fait l’Allemagne, par exemple, avec le mécanisme de « la motion de défiance constructive », « qui impose aux députés de se mettre d’avance d’accord sur le nom du prochain chef de Gouvernement s’ils veulent renverser le Gouvernement..  
J’avais déjà fait part de ces observations et de ces sages réflexions dans mon article de la Lettre d’octobre 2017.  
Dès les résultats des législatives connus, des « simulations » ont été faites pour estimer les impacts qu’auraient pu avoir sur l’AN la diminution du tiers de ses membres sous plusieurs hypothèses de « doses » de proportionnelle introduites. J’ai refait la simulation avec une dose de 25 %, L’exercice est « théorique », puisqu’il suppose (comme les précédents) qu’en cas d’élections intégrant les changements de mode de scrutin et de dimension des circonscriptions, les votes des électeurs exprimeraient les mêmes préférences partisanes qu’en juin 2017. De ce fait, son principal intérêt est de donner des indications sur la portée de l’introduction de la dose de proportionnelle.  
La dose de 25 % n’aurait pas été suffisante pour inquiéter l’Exécutif. LREM + Modem auraient « perdu » un peu plus 7 % des sièges, mais conservé une majorité absolue, dépassant 53 % des sièges. L’ex groupement LR + UDI + DVD en aurait perdu de l’ordre de 0,5 %. Sans surprise, les « gagnants » auraient été les partis les moins représentés à l’AN actuelle. Egalement en % du total des sièges de l’AN, les gains  auraient été de + 1,4 % pour le PS + PRG + EELV + DVG, de + 2,3 % pour LFI + PCF, de + 3 % pour le FN, qui fort de 22 députés, aurait pu constituer un 8e groupe parlementaire à l’Assemblée. Un peu plus de place aurait aussi laissée aux « petits » partis.  
Configuration de l’Assemblée nationale à 385 députés et 25 % de proportionnelle/situation actuelle



On peut donc comprendre que des membres des partis « bénéficiaires » ci-dessus puissent se montrer favorables à la double réforme. Mais la réduction de moitié du nombre des circonscriptions, et la « construction » de nouvelles unités deux fois plus peuplées, en moyenne, (que les simulations n’ont pu incorporer) vont inévitablement leur faire perdre des sièges.  C’est mathématique. L’élaboration d’une nouvelle carte électorale comportant le regroupement de circonscriptions actuelles ou des redécoupages, dans le cadre des départements ou des régions serait déjà en cours de « discussion ». Avec qui ? Un tel exercice prend du temps et se fait rarement en pleine lumière, dans la concorde et avec la plus grande objectivité. L’expérience nous l’a appris, et ce sont les partis les moins représentés qui risquent le plus d’y laisser le plus de plumes (voir plus loin).

Aujourd’hui, des prévisions sur la composition de la prochaine AN sont d’autant plus difficiles à esquisser que la « configuration » politique a déjà beaucoup changé depuis mai 2017. Elle est très instable et va encore évoluer d’ici que ces (éventuelles) réformes soient mises en pratique… c’est dire probablement en 2022. Car il faudrait des circonstances très exceptionnelles pour que Macron décide de « casser la baraque » avant la fin du quinquennat, de dissoudre l’AN et de provoquer des législatives anticipées (modifiant, du même coup, le calendrier électoral des législatives, et le décrochant de celui des présidentielles).
Un redécoupage électoral  à risques pour des partis «sous-représentés »
Un redécoupage électoral n’est jamais neutre. Et les partis « sous-représentés » peuvent s’inquiéter de tentations de regroupements de circonscriptions « astucieux » qui pourraient leur retirer des sièges. Pour illustrer ce risque, voici, en résumé, 5 cas d’école (que j’avais présentés avec le détail des calculs dans mon article d’octobre 2017).  
Allier : Si on « regroupe » la 1re circonscription avec la 2e ou la 3e, un député LREM sera l’élu de cette nouvelle circonscription et l’élu communiste de l’actuelle 1re circonscription passe à la trappe.  
Seine-et-Marne : En cas de regroupement de la 1e et des 11e circonscriptions (mitoyennes) un candidat commun LREM + Modem a la majorité. L’actuel élu PS de la 11e circonscription est éliminé.
Essonne : En cas de regroupement de la 8e et de la 9e circonscriptions, un candidat LREM est élu et le député DLF de l’actuelle 8e  circonscription éliminé.
Pas-de-Calais : En cas de regroupement des 9e et 10e circonscriptions, un candidat Modem + LREM est élu, et le FN perd le siège de l’actuel député de 10e circonscription.
En regroupant la 11e et les 12e circonscriptions, on élimine 1 des 2 députés FN actuels.  
Ces exemples montrent comment (à votes inchangés par rapport à ceux de 2017) 5 « regroupements » peuvent faire éliminer 5 députés de partis minoritaires. A bon entendeur…  
Remodeler le calendrier électoral dans l’intérêt du Pouvoir en place ?
En septembre 2017, des médias ont fait état d’idées de stratèges proches du président préconisant de regrouper les dates des élections municipales, départementales et régionales le même jour, en 2021. Ces idées ont assez vite fait long feu. Mais, la graine du tripotage du calendrier électoral avait germé. Comme je l’ai indiqué dans mon article de février, le Pouvoir a souhaité « remodeler » le calendrier électoral à sa convenance, en le centrant davantage sur les présidentielles de 2022. En fin d’année 2017, le ministre Gérard Collomb avait dit que les prochaines élections municipales pourraient être décalées de 2020 à 2021, pour faire de 2020 « une année blanche ». C’était aussi une façon de donner un an de plus à LREM, mal implantée localement, pour consolider ses positions. Cela devait permettre également de rapprocher les dates des élections locales de celles des présidentielles et des législatives suivantes, concentrant ainsi le calendrier (et les campagnes électorales) autour de l’élection reine, celle du président, qui deviendrait alors l’élection déterminante (que Macron entend bien gagner) de l’ensemble des élections nationales. Des élections « tout en un » de mauvaise augure pour le pluralisme et la démocratie.
Or, si les municipales étaient déplacées en 2021, les sénatoriales devraient l’être aussi, car le Sénat ne peut être renouvelé deux fois par le même collège électoral. De surcroit, avec le changement calendaire envisagé, les élections municipales, départementales et régionales seraient toutes trois programmées en 2021. Six ans plus tard, en 2027, terme du mandat de leurs élus, et terme aussi des mandats quinquennaux du président et des députés, se tiendraient alors les 6 élections, sénatoriales comprises. Inimaginable ! Aussi, en janvier 2018, at-on pu lire « Municipales : l’idée d’un report du scrutin à 2021 s’éloigne » (9). Des ministres s’en seraient ouverts aux médias. Mais, depuis 2017, on n’est pas à l’abri des surprises. Il est donc recommandé de ne pas baisser la garde.  
Qui va profiter  du changement du mode de scrutin  des élections européennes dès 2019 ?
Début février, le Conseil des ministres a décidé que le mode de scrutin avec 8 circonscriptions régionales, institué en 2004, sera abandonné, et que les prochaines élections européennes de mai 2019 se dérouleront sur la base d’une circonscription nationale unique. C’est à dire avec une liste unique pour chaque parti. La sélection des « têtes de listes » et la constitution des listes sont en cours. Des sondages donneraient déjà LREM en tête devant le FN.
Jannick Alimi (Le Parisien) (10) est un de ceux qui voient plusieurs « avantages » que tireront Macron et LREM de ce changement : - il tracera une ligne de clivage claire entre les groupes pro-européens, LREM et Modem, et les eurosceptiques, LFI et FN ; - il mettra dans l’embarras les partis comme LR et le PS chez lesquels les deux tendances cohabitent, et certains de leurs électeurs pourraient se trouver hésitants ; - il forcera leurs leaders à clarifier leurs positions sur l’UE ; - il compensera pour LREM le manque de leaders locaux et la faiblesse de l’implantation locale.
Ces « avantages » sont sans doute des motifs majeurs de ce choix. Mais, il n’est pas sûr que la majorité des électeurs aient des opinions très tranchées, soit « contre l’Europe », soit pour l’UE de Macron (une belle inconnue). Entre les deux, il y a « beaucoup de nuances de gris », auxquelles pas mal de Français pourraient se rallier. En outre, baser  les  élections  européennes  

sur un tel clivage pourrait déplaire aux chefs des instances de l’UE et aux chefs d’État et de gouvernement européens qui n’auraient pas oublié le Brexit et le référendum français de 2005, et seraient plutôt à la recherche d’arguments consensuels. C’est pourquoi, le « clivage » risque de se rétrécir avant même la campagne.
Que Macron cherche à affaiblir les partis de droite et de gauche « conservateurs et rétrogrades », et puisse donner un « coup de pousse » à LFI et au FN, ne devrait pas surprendre. Cela pourrait même être une dominante de sa stratégie d’ici 2022… dans le dessein et l’espoir de se retrouver face à Marine Le Pen au 2e tour de présidentielles, à nouveau sans surprise. Mais, « la mariée n’est-elle pas trop belle », et sera-t-elle encore au rendez-vous ?  
À l’exception des Républicains, qui dénoncent « une vulgaire tentative de tripatouillage institutionnel dont le seul objectif consiste à aider LREM »,  la « classe » politique soutiendrait cette décision. A voir, cf. ci-dessous ! Et, Edouard Philippe a souligné que le modèle est « largement majoritaire » dans l’UE. C’est vrai uniquement si on compte en  nombres de pays. Mais, la plupart des 22 pays « à liste unique » sont de « petits » pays :  
12 ont moins de 6 Mi habitants et chez 6 autres en ont entre 6 et 11 Mi h. Leurs populations sont à l’échelle de celles de nos régions (en moyenne de 8,4 Mi h). C’est faux si on compte les populations des pays. Sur les 512 Mi h de l’UE à 28 en 2017, 57 % vivent dans des pays  à listes régionales (Allemagne, Belgique, Irlande, Italie, Royaume-Uni) ou interrégionales (France), tandis que 43 % vivent dans des pays à liste unique (1). L’argument de Philippe est donc spécieux. Un de plus ! Mais pourquoi les Français en douteraient-ils si personne ne rétablit, entièrement, la vérité ?
En catimini, serait-on tenté de dire, l’AN a voté en première lecture le 20 février le projet de loi prévoyant une seule circonscription. Le texte a été approuvé par 376 voix (le groupe LREM-Modem occupant maintenant 382 sièges). Les opposants, au nombre de 155, ont été les députés LR, Nouvelle-Gauche et Communistes. Les règles fixant les temps de parole (clips de propagande) pendant la campagne ont aussi été modifiées, largement au profit de LREM, et conduisent « à un déséquilibre patent », selon les contestataires (12). Nos médias audiovisuels ont été plus que discrets sur ce sujet, qui ne nous concerne évidemment pas. La Macronie, c’est aussi cela !
Abaisser les parlementaires et intensifier la propagande
Inefficaces, absentéistes, grassement rémunérés, indemnisés sans justifications, accrochés comme des teignes à leurs privilèges, à leurs postes et sclérosant les deux chambres du parlement, cumulant les mandats, payant des assistants parlementaires membres de leurs familles, à des emplois réels ou fictifs… sont des vertus et des qualités dont ont été parés les sénateurs et les députés pendant les longues campagnes de 2017.  
De tels comportements appelaient évidemment une sévère moralisation de la vie publique (dont nous pouvons observer les bienfaits) et un renouvellement, un rajeunissement faisant appel aussi largement que possible à des candidats de la société civile. Qu’importe qu’ils aient ou non des connaissances du droit public et des milliers de lois qui nous régissent, qu’ils n’aient pas été formés aux tâches qui les attendent. Des petits stages entre amis mettraient, vite-fait-bien-fait, les « novices » au-dessus du niveau de ceux expérimentés (mais nuls) qu’ils remplaceraient. Dommage que de nombreux nouveaux élus n’aient pas d’attaches solides et de « réseaux » dans leurs circonscriptions, qu’ils y soient peu ou pas connus des populations. Mais, pas trop gênant.  
La proximité avec leurs électeurs, la connaissance de leurs problèmes et de leurs aspirations ne sont pas essentielles. Ce qui compte, c’est de faire acte de présence à l’Assemblée et de rester « groupés », de voter sans état d’âme les textes que l’Exécutif propose. Comme des godillots !? A cet égard, peu de défaillances sont signalées, même si certaines mesures promues par leurs chefs sont difficiles à avaler, comme en témoignent les discussions actuelles sur le projet de loi asile et immigration.  
Faire mousser indûment l’absentéisme  à l’Assemblée et la désinvolture des députés
Qui peut porter davantage tort à la réputation, déjà très écornée, des députés qu’un  président de l’AN qui fait mousser leur absentéisme et les menace publiquement de sanctions financières. Une menace aussitôt relayée  par  des médias heureux de faire savoir au bon peuple que les députés « multirécidivistes de l’absence » devront payer jusqu’à 4 320 euros d’amende pour les « frapper au porte-monnaie », et que le président François de Rugy compte « faire appliquer strictement le règlement Interne de l’Assemblée » (13). Pas comme ses prédécesseurs !
Et des sondeurs ont fait leur possible pour « populariser » une telle mesure. Ainsi, le 6 février, mesopinions.com demandait : « Assemblée Nationale : pour ou contre une amende aux députés trop souvent absents ? Le 10 février à 9 h 40, sur 6.370 participants, 98 % étaient pour (14). Dans la question, le « trop » était, évidemment, de trop. Mais c’était un moyen de les sensibiliser à un grave problème. Surtout s’ils ignoraient que des sanctions existaient déjà.  
De Rugy, lui-même, a admis que jusque-là des sanctions sont « appliquées » en commission « s’il y a plus de deux absences consécutives, avec un prélèvement effectif de 360 euros par réunion manquée ». C’est prévu par l’article 42 du règlement intérieur (RI) de l’AN, et cela concerne les commissaires convoqués aux travaux des commissions (15). R.A.S. de ce côtélà, donc. Par contre, pour les séances conclues par un vote solennel, pour lesquelles « il est facile de s’organiser », selon de Rugy, cette amende « n’a jamais été appliquée par mes prédécesseurs ». Et de « préciser », à l’attention des médias : « Pour une session entière d’octobre à juillet, la règle est simple : s’il y a une absence à plus de deux tiers des scrutins, ce sera 4.320 euros d’amende ». La présidence de l’AN a ensuite jugé utile de corriger et de  préciser que les 4.320 euros d’amende, « c‘est en cas d’absence non justifiée à plus d’un tiers des votes solennels », et qu’en cas « d’absence à plus de la moitié, cette retenue est doublée », comme le stipule le règlement. Ce qui est conforme à l’article 159 du RI de l’AN (15). Plaidant pour des députés « irréprochables », de Rugy a ajouté que « l’échelle des sanctions » allait être revue (13).
Capital a enquêté pour savoir combien de députés tomberaient sous le coup des sanctions. Il s’avère que « sur 11 votes solennels recensés entre le 3 octobre 2017 […] et le 13 février 2018, seuls 3 élus ne remplissent pas à ce stade  les critères de présence ». De Rugy l’a confirmé le 19 février au micro de Léa Salamé (16). Alors pourquoi tout ce tintouin sur l’absentéisme ? Sinon pour jouer au redresseur de torts, pour abaisser, discréditer davantage les députés et faire comprendre aux citoyens que s’il y en moins, l’AN n’en pâtira pas. Bref, pour soutenir la réforme voulue par Macron. Si elles s’en donnaient la peine, les oppositions pourraient utilement dégonfler la baudruche.
Sa démarche, ses menaces de sanctions aggravées et de suppression de la délégation de vote ont provoqué des remous. Elles ont déplu à des députés de tous les camps. Pour Christian Jacob, président du groupe LR, «  C’est assez invraisemblable. Quand on est député, on n’est pas fonctionnaire, on n’est pas salarié de M. Rugy ou du bureau de l’Assemblée nationale… ». Pour lui, « les seuls auxquels on a des comptes à rendre, ce sont nos électeurs… ». Il a fustigé des « méthodes de petit comptable », et expliqué que « La qualité d’un élu de la nation ne se mesure pas à être un Playmobil dans l’hémicycle, à lever ou baisser la main pour voter, ni aux heures de présence en réunion, mais à sa capacité à faire remonter les attentes de la population, les retranscrire dans la loi ». Boris Vallaud, un porte-parole des députés socialistes a déclaré : « On attend du président de l’Assemblée nationale qu’il défende l’Assemblée, la place du Parlement dans l’équilibre institutionnel » et ne cherche pas seulement à « conforter une présidentialisation du régime qui a atteint un point considérable ». Plusieurs députés LREM ont abondé dans le même sens, suggérant de « réorganiser le travail parlementaire », avec « des sessions mieux organisées » (17).
Des propos plus virulents ont été rapportés. Clémentine Autain, a dénoncé « un antiparlementarisme écœurant agité par un tout petit président de l’Assemblée ». En privé, des marcheurs auraient parlé d’une « connerie » du président de l’AN, demandant : « lui-même est-il très présent ? ». Certains ont rappelé qu’il était « un marcheur de la dernière heure » issu des rangs écologistes (18). Bien sur, des députés et d’autres membres de LREM sont venus à son secours, ont tenté de calmer le jeu, de limiter la polémique. Cependant, il n’est pas évident que l’AN retrouvera la sérénité propice à un travail fructueux… si un président contesté continue de « rugyr » au perchoir.
Des députés LREM particulièrement  « discrets » à l’Assemblée. Incompétents ?
« 60 % des députés mais 1 % des propositions de loi : que font les élus d’En Marche ? ». Bonne question ! Et réponse sans équivoque rapportée par Contrepoints en janvier 2018 (19). Selon les données détaillées de l’Open Data recensées par l’équipe de nosdeputes.fr, pendant les 5 premiers mois de la législature, de juin à novembre 2017, ressortent nettement : - l’homogénéité entre les groupes en matière de présence des députés ; - la sous-activité des députés LREM en ce qui concerne la production législative, à tous points de vue (propositions de lois signées, interventions longues dans l’hémicycle, amendements, propositions de lois écrites, questions écrites et orales). Ils n’ont rédigé que 3 des 212 propositions de lois examinées de juin à novembre. Un même profil « effacé » a été observé pour les députés du Modem. Au contraire, le groupe AGIR et les non-inscrits ont produit (relativement) beaucoup  de propositions de lois, tandis que les groupes LFI et LR ont été très actifs, notamment en matière d’amendements ou de signatures en appui à des propositions de lois.   
Pour les auteurs de l’étude, une première explication vient de la « jeunesse dans le métier » et le manque de formation. « Beaucoup de nouveaux députés découvrent le palais Bourbon, voire la vie politique tout court. Et, c’est vrai, écrire un texte de loi ne s’improvise pas. Bien technique, bien aride, le style législatif est impénétrable au commun des mortels, même en simple lecture. Alors en écriture… », rappelle François Lainée, auteur de l’article de Contrepoints. « Des députés godillots bridés par le gouvernement et le parti », serait une deuxième explication. « Une activité nouvelle, mal mesurée encore » en serait une troisième, avec, après les promesses de Macron, la déception d’un déséquilibre marqué entre trop de temps passé à élaborer, à voter des lois, et bien trop peu à suivre leur application (souvent partielle), à en évaluer l’impact ainsi que la pertinence. Une insuffisance devenue notoire !
Sur le site nosdeputes.fr, des données actualisées au 23 février 2018, montrent une forte montée de l’activité parlementaire et une participation constructive toujours modeste des députés LREM, limitée, notamment, à 4 % des 372 propositions de lois  (rien que ça !) examinées depuis le mois de juin (20).  
Les choses sont claires : le dégagisme promu par la Macronie et l’entrée massive à l’AN de novices aux compétences « limitées » (voire nulles), leur « improductivité » et les cafouillages qu’à connue l’Assemblée ont aussi porté des coups bas à la réputation des députés. Au plan des compétences et de l’efficacité, la nouvelle AN est plus mal vue que l’était la précédente. C’est un fiasco ! On a voulu faire croire aux citoyens que député (ou sénateur) n’était pas un métier, technique et exigeant, qui, pour être exercé correctement, nécessitait une formation appropriée, et un minimum d’expérience (comme beaucoup d’autres métiers). Ce petit jeu politicien est néfaste à la France !
« Les députés macronistes  négligent-ils le terrain ? ». Pourquoi ?
Pour répondre à cette question, en octobre 2017, Mathilde Siraud de France Inter avait recueilli des témoignages et des avis instructifs (21). Pour commencer, « Les élus locaux, échaudés par les mesures d’économies annoncés par le Gouvernement pour les collectivités prétendent ne jamais voir les députés LREM sur le terrain ». Un « grand élu » socialiste lui aurait dit : « Ils ne pensent qu’à être à Paris, ils sont complètement hors sol et ne connaissent absolument pas les dossiers ». Et un cadre du mouvement lui aurait confirmé « On les a biberonné pendant leur campagne, maintenant c’est à eux d’être présents sur leur territoire ». Un jeune député macroniste reconnaissait que cela l’ennuyait terriblement d’aller inaugurer une maison de retraite ou remettre des décorations à des anciens combattants le samedi. Pour d’autres, LREM n’ayant pas d’élus locaux, ses députés seraient « mis à l’écart sur leur territoire ». En effet, l’absence d’implantation locale ne facilite pas la présence des députés LREM sur le terrain.
Pour  sa  part,  l’auteur  d’un  article  de  pressreader  de  janvier,intitulé « Législatives partielles : le ‘’nouveau monde’’ atterrit » (22), estime que les résultats obtenus aux deux élections partielles récentes sont « un signal d’alarme, notamment pour les députés LREM qui négligent aujourd’hui leur circonscription au profit du travail législatif » ; « des députés sont encore inconnus de leurs propres électeurs ». Il pointe une contradiction ou un dilemme auquel est confronté l’Exécutif : les députés ne peuvent pas être en même temps au palais Bourbon, pour ne pas être punis, et dans leurs fiefs électoraux. Tant que le train des « réformes » ne ralentira pas, rien ne permet de penser que les chefs de LREM décideront de modifier leur priorité, la présence massive de leurs députés à l’Assemblée.
Cependant, une adaptation de la « stratégie » s’amorce. « A peine élus, des députés En marche prêts à lâcher l’Assemblée pour devenir maires », a indiqué lefigaro.fr le 23 février. Leurs motivations combineraient un sentiment d’inutilité au sein de leur groupe pléthorique à l’AN, un désir de se rapprocher de leur famille et de renouer avec le terrain, ainsi qu’une anticipation [déjà !] de la réduction du nombre de fonctionnaires pour la prochaine législature (23). Les dirigeants du parti s’y résoudraient, voulant investir des grandes villes lors des prochaines municipales.  
Des sondages pour nous dire ce que les Français veulent vraiment ?
Nos deux principales sources d’infos quantitatives se trouvent dans les résultats des élections et, plus fréquemment, dans ceux, moins fiables, des sondages. Si ces derniers servent à renseigner sur « l’état de l’opinion », ils sont aussi, souvent, utilisés pour influencer les choix et les comportements. S’ils n’avaient pas cette « vertu », ils seraient moins nombreux et ils ne feraient pas partie de la panoplie des instruments de la « communication », devenue un ressort déterminant de la promotion politique en France, presque dominant en ce moment. L’examen de ce que révèlent trois sondages des 10 derniers mois sur les questions institutionnelles pourrait permettre de tirer des infos utiles.
Avertissement : les deux sondages les plus récents affichent des pourcentages énormes de Français répondant à des questions auxquelles pas mal d’entre eux ne s’intéressent que de loin ou pas. En témoigne l’abstention record qui était montée jusqu’à 51,3 % (64 % chez les moins de 35 ans) au premier tour et à 57,4 % au second tour des législatives. Aussi, lorsque je lis que 93 % des Français voudraient limiter à trois le nombre de mandats des parlementaires et que 92 % approuveraient la réduction d’un tiers de leurs effectifs, le doute sur la « représentativité » et la crédibilité du sondage m’envahit. Et quand, dans les chiffres présentés, tous les Français sont sympathisants d’un parti ou d’un autre, le doute s’épaissit. J’ai tout de même étudié ces sondages et ajouté quelques commentaires.
En avril 2017, avant l’élection présidentielle, un sondage de l’IFOP (24) avait porté sur des propositions des candidats : - 40 % des Français étaient favorables à « quelques réformes comme le non-cumul des mandats dans le temps ou la réduction du
nombre de parlementaires » ; - 30 % préféraient « Organiser une Assemblée Constituante à l’automne prochain, tout remettre à plat et créer une VIe République » ; - 18 % voulaient « Organiser un Grenelle de la démocratie française… pour rénover nos institutions et moderniser la vie politique… » ; - pour 12 %, « Rien de tout cela, garder le système institutionnel et politique tel qu’il est, il fonctionne bien ».
Au début d’octobre 2017, dans un sondage de BVA (25), l’investigation s’était centrée autour des propositions de Macron et de LREM, et élargie à 8 questions. Le sondage faisait apparaître une forte montée « Des Français favorables aux réformes permettant d’accroître leur représentation et de renouveler la vie politique ». 86 % étaient tout à fait ou plutôt favorables à « réduire d’un tiers le nombre de députés et de sénateurs ». Pour accroître leur représentation ! Inexplicable ! Afin de renouveler, 84 % étaient d’accord pour « interdire aux parlementaires d’accomplir trois mandats identiques dans le temps », 72 % étaient pour « désigner l’ensemble des députés au scrutin proportionnel et non plus au scrutin majoritaire », 71 % pour créer un « référendum véto » d’initiative citoyenne, 69 % pour « regrouper le même jour » les prochaines élections municipales, départementales et régionales qui auront lieu en 2021, 61 % pour « Rendre obligatoire le vote aux élections locales et nationales (chiffre apparemment farfelu, vu les proportions des abstentionnistes multirécidivistes ?).     Les résultats « redressés » du sondage réalisé en ligne auprès de 1 065 personnes par Harris interactive le 31 janvier 2018  (26), indique des positions favorables aux réformes encore plus affirmées.  Mais, les explications sur les motifs des choix sont absentes ou manquent de clarté. Evitant toute question relative à l’Exécutif et à son pouvoir quasiment absolu, « débordant » sur le législatif et le judiciaire, ce sondage a privilégié huit questions :
. « La limitation du nombre de mandats consécutifs des députés et des sénateurs à trois au maximum ». 66 % des Français y seraient « tout à fait favorables » et 27 % « plutôt favorables ». 93 % de favorables, donc, contre environ 40 % en avril 2017. Seuls 7 % y seraient opposés. Et « l’unanimité » des réponses « tout à fait favorable » est remarquable ! Les scores vont de 62% chez les sympathisants du FN, 65% chez ceux du PS, 66% chez ceux de FI/PCF, à 78 % chez ceux de LREM. Aucune explication sur les raisons d’un tel choix « favorable », qui ne semble viser qu’à renouveler et rajeunir (encore !) les parlementaires. Il revient à interdire de se représenter à des élus expérimentés et appréciés de leurs électeurs, puisqu’ils ont été élus trois fois de suite. Il revient aussi à priver de liberté de choix les électeurs, à les forcer à voter pour des candidats avec moins ou pas d’expérience, alors que la matière juridique à traiter est très aride et complexe. Les Français n’auraient pas tiré de leçon des cafouillages à l’AN et de la faible productivité des nombreux députés « novices », « issus de la société civile », notamment, investis en juin 2017.  
. « La réduction d’un tiers du nombre de députés et de sénateurs ». 92 % de réponses favorables, dont 65 % de « tout à fait favorables ». Et parmi celles-ci, 75 % chez les partisans du FN… dont le parti risque fort d’être un des perdants d’un tel rétrécissement. En ce qui concerne les motifs de ces réponses « favorables », le choix soumis aux sondés a été très restreint et orienté… et les résultats, de peu de signification. Il leur a été demandé :
1 - si « Cela permettrait de réduire les dépenses publiques ». Qui pourrait répondre non à une telle question si elle est prise au pied de la lettre ? Malgré cela, lucides, 7 % ont répondu « Non, plutôt pas », considérant sans doute que cette réduction ne serait qu’une goutte d’eau dans l’océan des dépenses publiques, et aussi que des économies nettement plus substantielles et moins discutables devraient être faites autrement (cf. les milliards € de cadeaux fiscaux très contestés faits aux plus riches, l’absence de réduction significative du nombre de fonctionnaires…) ;
2 - si « Cela rendrait plus efficace le travail des députés et des sénateurs ». 38 % ont dit « Oui, tout à fait ». Moins assurés, 46 % ont répondu « Oui, plutôt ». Que peut apporter cette réduction des effectifs s’il s’agit d’élaborer de meilleures lois et de mieux contrôler l’efficacité du gouvernement ? Cette dernière mission étant délaissée, faute de temps et de moyens, il serait plus logique de ne surtout pas diminuer le nombre des parlementaires ; 3 - si « cela désorganiserait le fonctionnement de l’Assemblée nationale et du Sénat ». 73 % ont répondu non, pas du tout ou plutôt pas. En quoi le nombre de parlementaires peut-il « désorganiser » le fonctionnement ?  Mystère ! 4 - si « Cela diminuerait le lien des députés et des sénateurs avec les citoyens »… et  5 - si « Cela affaiblirait la bonne représentation de l’ensemble des territoires ». Vu la faible présence des députés de la majorité présidentielle sur le terrain, ces questions semblent saugrenues. Malgré cela, sans surprise, les réponses sont « non », à 71 % et 73 %. Moins il y aura de parlementaires, mieux les Français seront représentés ! Un défi de plus à la logique cartésienne ; 6 - « Selon vous, un projet de réforme des institutions visant à modifier le nombre de parlementaires, le nombre de mandats consécutifs qu’ils peuvent exercer et le mode de scrutin aux législatives devrait-il être plutôt… : – Voté par les députés et les sénateurs ? ou – Soumis au vote des Français via un référendum ? ». Vu la haute estime des Français pour les politiciens, la préférence pour le référendum n’étonne pas. Même si le taux de 85% est « excessivement » élevé. Mais, pourquoi cette question à la réponse sans surprise ? Parce que Macron n’est pas assuré d’obtenir une majorité « qualifiée » au Parlement et craindrait d’y essuyer un échec. Le référendum serait regardé comme une solution de secours possible. Il est même brandi comme une menace par certains de ses proches partisans. Une solution à risques, tout de même. Surtout si les oppositions se mobilisent réellement.
Il serait bienvenu que les « conservateurs rétrogrades » qui n’acceptent pas « n’importe quelles » réformes, soient plus actifs et « communiquent » davantage pour que les électeurs soient plus objectivement et complètement informés. Car il semble que les tentatives d’abaissement du parlementarisme et, plus largement, la propagande insistante, ne sont pas sans effets.

Sources et références :

(1) « Sachez que la France et les Etats-Unis ne sont pas sur la liste des meilleures démocraties du monde »,mashable.france24.com/monde/20180131-listeindice-meilleures…, le 31/01/2018 + Democracy Index 2017, Free speech under attack, The Economic Intelligence Unit.
(2) Indice de la liberté, la chute de la France    contrepoints.org/2018/02/06/309135-indice-de-liberte… + Human Freedom Index – 2017    cato.org/human-freedom-index. (3) Freedom in the World 2018  Democracy in Crisis, freedomhouse.org/report/freedom-world/freedom-world-2018.
(4) « La réduction du nombre de députés n’est pas conciliable avec la démocratie et le pluralisme », lemonde.fr/idees/article/2017/07/24…
(5) « Législatives : le mode de scrutin mis en cause après la déferlante macroniste », lefigaro.fr/2017/06/12/38001…
(6) » Sondage législatives : les Français plébiscitent la proportionnelle », contrepoints.org/2017/06/15/292186…
(7) « Législatives ; le mode de scrutin de nos élections est-il antidémocratique ? », lefigaro.fr/vox/politique/2017/06/12/31001…
(8) « Proportionnelle : la France est-elle une exception en Europe ? », franceinter.fr/emission/le-vrai-du-faux-de-l-europe…  le 06/03/2015.
(9) « Municipales : l’idée d’un report du scrutin en 2021 s’éloigne », rtl.fr/politique/municipales-l-idee…, le 16/01/2018.
(10) « Élections européennes : le nouveau mode de scrutin chamboule les partis », leparisien.fr/politique/elections-europeennes…, le 05/01/2018.
(11) « Comment les députés européens sont-ils élus ? », vie-publique.fr/decouverte-des-institutions/fonctionnement/institutions/comment…, le 19/02/2016 + « Croissance de la population dans dix-huit Etats membres », ec.europa.eu/eurostat.
(12) « Européennes : l’Assemblée vote le projet de loi prévoyant une seule circonscription », actu.orange.fr/France/européennes-l-assemblee…, le 20/02/2018 + « Bidouillage opportun, élections européennes : le Gouvernement se prépare à… diminuer le temps d’antenne de l’opposition »,    marianne.net/politique/elections-europeennes…, le 12/01/2018. + blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/150118…, le 15/01/2018.
(13) « Vers une amende de 4.320 euros pour les députés ‘’multirécidivistes de l’absence’’ », rtl.fr/politique/vers-une…, le 05/02/2018.
(14) « Assemblée Nationale : pour ou contre une amende aux députés trop absents », mesopinions.com/sondage/politique/assemblee-nationale…, le 10/02/2018.
(15) « Assemblée buissonnière : votre député est-il pénalisé pour ses absences ? », slate.fr/story/75502/assemblee-nationale-retenues-indemnites, le 15/09/2017.
(16) « Absentéisme à l’Assemblée : voici les députés qui pourraient être sanctionnés », capital.fr/economie-politique/absenteisme, le 19/02/2018.
(17) « Absentéisme de députés : remous à l’Assemblée après des propos de Rugy sur des sanctions », actu.orange.fr/politique-absenteisme…, le 06/02/2018.
(18) « Absentéisme : le président de l’Assemblée en zone de turbulences », actu.orange.fr/politique/absenteisme- le-president…, le 09/02/2018.
(19) « 60 % des députés mais 1 % des propositions de loi : que font les élus d’En Marche ? », contrepoints.org/2018/01/12/306539…
(20) « Répartition de l’activité des députés depuis le début de la législature par groupe politique », nosdeputes.fr/synthèse groupes, le 23/02/2018.
(21) « Les députés macronistes négligent-ils le terrain ? », franceinter.fr/emission/histoires-politiques/histoire-politique-18-octobre-2017.
(22) « Législatives partielles : le ‘’nouveau monde’’ atterrit », pressreader.com/France/opinion/20180130/28156947…, le 30/01/2018.
(23) « À peine élus, des députés En marche ! prêts à lâcher l’Assemblée pour devenir maires », lefigaro.fr/2018/02/23/01002…
(24) « Sondage Ifop pour Synopia : Les Français et les réformes institutionnelles », synopia.fr/sondage-ifop-pour…, le 12/04/2017.
(25) « Les Français et la réforme des institutions – sondage BVA pour Atlantico », bva-group.com/sondage/francais/reforme-institutions…, le 05/10/2017.
(26) « Le regard des Français sur la réforme institutionnelle », harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2018/02/RapportHI-Les-Français-et-lareforme

© 16.03.2018
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