205 alfarge - Académie du Gaullisme

 Président-fondateur
Jacques Dauer

Académie du Gaullisme
La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 205 – mars 2018
"Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde."
Aller au contenu

205 alfarge

ca
par Christine ALFARGE
« LA SEULE FAÇON DE GOUVERNER,C’EST GOUVERNER POUR LA FRANCE»       

Au moment où l’année 2018 marque les soixante ans de la Vème République, il est indispensable de revenir sur l’action et le cheminement de la pensée du général de Gaulle, infatigable artisan du rôle incontournable et nécessaire des institutions pour gouverner et définir les grandes orientations de la France.
 
Discours de Bayeux du 16 juin 1946, prémisses de la Constitution de 1958.
 
Il faut d’abord resituer le contexte historique de 1946. Le 10 janvier, le général de Gaulle engagé dans la reconstruction du pays, prononce un discours à la radio rappelant ses principes d’action gouvernementale : « Indépendance, production et unité. » Début janvier, s’adressant à l’Assemblée constituante, il lance : « Veut-on un gouvernement qui gouverne ou bien veut-on une assemblée omnipotente déléguant un gouvernement pour accomplir ses volontés ? » Prenant prétexte du refus du vote des crédits militaires par les socialistes, il réunit ses ministres au ministère de la guerre le 20 janvier pour leur annoncer sa démission devant la réapparition du « régime exclusif des partis », marquant son profond désaccord avec le projet constitutionnel établit par la deuxième assemblée constituante.
 
Le Général de Gaulle écrira dans ses Mémoires de guerre (Le salut 1944-1946) : « Le 19 janvier, je fis convoquer les ministres pour le lendemain, rue Saint-Dominique, à l’exception d’Auriol et de Bidault qui se trouvaient alors à Londres et de Soustelle, en tournée au Gabon, tous étaient réunis le dimanche 20 au matin, dans la salle dite « des armures ». J’entrai, serrai les mains et sans que personne ne s’assit, prononçai ces quelques paroles : « le régime exclusif des partis a reparu, je le réprouve. » Mais à moins d’établir une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n’ai pas les moyens d’empêcher cette expérience. Il me faut donc me retirer. »

Pierre Lefranc dira quelques années plus tard lors d’un long entretien : « Cette décision a été mûrement réfléchie. Ce n’est pas un geste d’humeur. Il se trouve en conflit avec les partis qui souffrant de son prestige, de son autorité, de sa popularité, souhaitent regagner une puissance que leur échec, pour ne pas dire leur lâcheté durant la grande époque de l’Occupation, leur a fait perdre. C’est donc l’affrontement. Ou de Gaulle les bouscule, ou de Gaulle s’incline. Eprouvé, refusant de se diminuer en une querelle secondaire alors que le pays se relève tout juste, il démissionne avec une discrétion que l’on peut considérer comme une erreur. Sans doute, s’il avait fait appel au jugement du peuple, aurait-il été presque unanimement soutenu contre les appareils des partis ».

Qu’est-ce que le Général de Gaulle souhaitait ?
 
Le Général de Gaulle voulait un exécutif aux pouvoirs renforcés. Selon lui le Président de la République ne doit pas être dépendant des partis représentés au Parlement.
 
Par rapport à l’instabilité ministérielle et l’impuissance de la IVème République sur la question algérienne, la France se paralyse peu à peu. N’exerçant plus de fonction officielle, le Général de Gaulle reste pourtant, aux yeux de la majorité des Français, l’homme de la France libre sauvant l’honneur du pays, apparaissant très vite comme le recours face au chaos qui s’installe.
 
Reprenant ses idées développées à Bayeux le 16 juin 1946, le Général de Gaulle travaille à l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Son but est de mettre fin aux « régimes des partis » qu’il a tant détesté sous les IIIème et IVème Républiques. Le 4 octobre 58, la nouvelle Constitution sera promulguée et la Vème République le lendemain.

 
Presque soixante ans après sa fondation, où en est la Vème République ?
 
Etablie par un Etat souverain et centralisé, la Constitution de la Vème république a de plus en plus de mal aujourd’hui à s’adapter à la démultiplication des niveaux de décision face à la mondialisation comme aux exigences de la société civile. Dès1986, trois cohabitations successives ont détérioré les pouvoirs que la pratique habituelle du Général de Gaulle avait conférés au Chef de l’Etat. Le fait qu’à trois reprises, les gouvernements aient dû fonder leur légitimité sur le soutien de la majorité parlementaire plutôt que sur la fonction suprême de l’Elysée, a provoqué des dysfonctionnements. Pourquoi ne pas imaginer un retour au septennat pour un seul mandat gage d’efficacité du pouvoir notamment sur les réformes structurelles nécessaires à engager pour le redressement du pays ? Qui sera prêt à le faire ?
 
Par-delà le palier étatique est apparu aussi depuis presque soixante-huit ans, le niveau européen. L’articulation entre les deux n’a jamais vraiment fonctionné. C’est pourquoi, redonner un équilibre entre la France et l’Europe sera un défi majeur, fidèle à l’idée européenne du Général de Gaulle : « L’Europe doit compléter les nations qui la composent et non s’y substituer ». Il est vrai que l’interconnexion des processus de décision nationaux et européens est compliquée à organiser. Il est d’autant plus difficile pour un citoyen de déchiffrer qui fait quoi, d’où une réelle incompréhension voire méfiance à l’égard de l’Europe, la manière dont elle est gouvernée notamment par des institutions tels que la Commission ou le Parlement dont tout le monde s’accorde à dire et à souhaiter qu’il faut bien en redéfinir les contours, leur rôle respectif étant devenu de plus en plus politique.
En référence au passé, 1946 symbolise l’année où après avoir démissionné des fonctions de président du Gouvernement provisoire de la République française, le Général de Gaulle pose les jalons des futures institutions jusqu’à son retour aux affaires en 58. Avant son deuxième discours de Bayeux le 16 juin 46, il viendra se recueillir le 12 mai, sur la tombe de Georges Clémenceau, en Vendée, la rencontre de deux géants de notre histoire avec chacun un sens inné pour gouverner et redonner à la France sa fierté et son honneur face à l’ennemi.
 
Georges Clémenceau « le père la Victoire » en 1918 écrira : « Gouverner, c’est tendre jusqu’à casser, tous les ressorts du pouvoir ».
 
Le Général de Gaulle lors d’une conférence le 31 janvier 1964 résumera ainsi sa manière de gouverner : « Une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique ». « Pour ce qui est de la nôtre, son esprit procède d’assurer aux Pouvoirs publics, l’efficacité, la stabilité et la responsabilité dont ils manquaient organiquement sous la IIIème et la IVème République. C’est pourquoi, l’esprit de la Constitution nouvelle consiste, tout en gardant un Parlement législatif, à faire en sorte que le pouvoir ne soit plus la chose des partisans, mais qu’il procède directement du peuple, ce qui implique que le Chef de l’Etat, élu par la nation, en soit la source et le détenteur. »
 
Tout est dit en pensant pour longtemps à l’avenir de la France et sa cohésion.

© 16.03.2018
Retourner au contenu