204alfarge - Académie du Gaullisme

 Président-fondateur
Jacques Dauer

Académie du Gaullisme
La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 204 – février 2018
"Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde."
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204alfarge

par Christine ALFARGE
« La cohésion sociale et le sens des réalités »
Par Christine Alfarge,
Le temps du « chacun pour soi » est revenu dans les esprits, est-ce de la résignation ou une vraie crise de société engendrée par des mutations sociales importantes, des déceptions voire de la défiance vis-à-vis des politiques le tout sur fond de crise économique ? Si certaines caractéristiques de notre nation peuvent s’expliquer par l’histoire, des lignes de fractures nouvelles sont à regarder de près dans notre pays en manque de repères, où règne un comportement quotidien de l’incivilité propice à des affrontements pouvant être redoutables, heureusement un pays capable aussi de surmonter ses divergences quand il doit faire face aux menaces de toute nature. Tout cela doit cependant nous interroger sur la place que nous laisserons aux générations qui vont suivre tant sur le plan de la sécurité des personnes que de la cohésion sociale, les deux étant indissociables pour une vie meilleure.
 
Chaque époque a ses crises de nature différente sur fond de liberté, d’égalité.
Ce qui est admirable pour ne pas dire extraordinaire, c’est la vision du Général de Gaulle, marquée par sa grande connaissance de l’histoire dont il n’ignorera aucun évènement. C’est à travers cette même histoire qu’il a su élaborer et développer les grandes questions qui ont contribué au développement de notre pays. Pour lui, la question d’ordre social était avant tout d’agir pour préserver la cohésion entre les Français. Cela n’empêchera pas une déferlante contestataire de la jeunesse en mai 68 dont l’ampleur s’expliquait notamment par le phénomène démographique de l’après-guerre.

L’aspect démographique, socle de sa politique familiale.
Si l’universalité des droits est un volet important de sa politique familiale, cette dernière repose principalement sur l’évolution démographique de notre pays. En dotant la France d’un institut d’analyses démographiques, l’INED dirigé par Alfred Sauvy, le Général de Gaulle conduira une politique familiale avec tous les moyens matériels et moraux pouvant contribuer à l’accroissement quantitatif et l’amélioration qualitative de la population.
Sachant lire et analyser mieux que quiconque les statistiques démographiques, Alfred Sauvy comprenait et s’exprimait dès 1959 sur le phénomène de l’arrivée d’une « montée des jeunes ». Il y consacrera plusieurs articles dans la presse et un livre du même titre. Il considèrera que cette « montée des jeunes » est le fait le plus lourd de notre histoire » et que la France devra s’y préparer. Fort de son aura auprès du Général de Gaulle, Alfred Sauvy lui adressera son ouvrage dans lequel il annonce les germes de la future révolte de mai 1968.
L’attention du Général de Gaulle sera tellement forte, qu’il lui fera savoir dans une lettre : « Mon Cher Sauvy, Dans la montée des jeunes, il y a, à foison, des données positives, des idées, des espérances. Tout comme vous, je pense que « l’accueil » des jeunes, c’est, pour ainsi dire, tout l’essentiel du problème économique et social français, dès lors que la paix mondiale serait assurée pour une génération. Je vous remercie de m’avoir fait connaître, sous cette forme très bien élaborée, comment vous voyez cette affaire capitale ».

A quoi ressemblait la France en 1968 ?
Il faut rappeler que dans la France de 1968, un tiers des habitants a moins de 20 ans et les 16-24 ans représentent à eux seuls plus de huit millions de personnes soit 16,1% de la population. C’est le baby-boom de l’après-guerre.
Mai 1968 est une réaction en chaîne dont la complexité ne peut être ramenée seulement à un conflit de générations. Force est de constater que la jeunesse en fut toutefois le détonateur, avec la crise étudiante d’abord puis avec la crise sociale qui prend le relais avec l’un des mouvements de grève le plus long du XXème siècle en France, s’achevant sur une crise politique.
Au regard d’une société sereine économiquement, les raisons de mai 68 peuvent paraître surprenantes, la société vacille alors que tous les voyants sont au vert, on parle même de paix, prospérité, plein-emploi. C’est l’incompréhension. Quelles étaient les motivations ? Etaient-elles sociales, religieuses ou politiques ? Sans doute le rejet à la fois du capitalisme, du militarisme et du consumérisme.
En mai 68, Pierre Lefranc qui était aux avant-postes auprès du Général de Gaulle confiera dans un entretien : « Les crises de 1968 échappent à l’analyse, je dis les crises, dès lors qu’elles éclatent presque simultanément dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis, l’Allemagne, le Japon et même la Suisse. Leurs origines sont sans doute diverses. Mais il est malaisé de les définir. Pourquoi, sans motifs semblables, la contestation surgit-elle aussi bien à Los Angeles qu’à Tokyo ? Angoisse des jeunes devant la civilisation technique et mécanique et la course effrénée à la consommation ? Peut-être ».  

Cinquante ans après 1968, où en sommes-nous ?
Comment construire et gérer en même temps le collectif sans que des intérêts supérieurs n’imposent aux individus des comportements, des manières de vivre, des actions dans lesquelles ils ne se retrouvent pas ? C’est la question de fond posée par mai 68 qui continue de s’inviter dans tous les débats sur le libéralisme, la construction européenne et la mondialisation. On sait avec quelle exigence le Général de Gaulle ne mélangeait jamais ses affaires personnelles avec celles de sa fonction. L’époque a changé entend-on mais notre pays, sa cohésion, qu’en faisons-nous ? Contrairement à mai 68, le pays n’a plus de repères et s’enfonce aujourd’hui inexorablement sous le poids de la dette et du chômage dans un immobilisme politique total. Nous vivons sur un volcan qui peut se réveiller à tout moment d’où l’urgence de réformes structurelles à mener si nous ne voulons pas subir le même sort que l’Argentine avec de nouvelles règles imposées par le fond monétaire international (FMI).
Aujourd’hui, la cohésion sociale dépend surtout de quel avenir nous voulons pour notre jeunesse qui sera à la remorque si nous ne faisons rien. La cohésion sociale passe obligatoirement par la formation professionnelle pour plus d’autonomie et l’apprentissage véritable voie de l’égalité des chances pour les plus défavorisés.

A son époque le Général de Gaulle aura tout mis en œuvre pour que toutes les générations puissent bénéficier de la croissance économique. Nous n’avons pas fini d’analyser et comprendre cette période paradoxale qui faisait dire à André Malraux : « Cinquante après sa mort, c’est la jeunesse qui redécouvrirait De Gaulle. Cette jeunesse qui en mai 68 voulait le renvoyer dans sa maison de Colombey ».
Journaliste, barricadiste en 68, Daniel Rondeau dira lui-même : « Ce n’est pas de Gaulle qui a raté la jeunesse, c’est la jeunesse qui a raté De Gaulle ».
La révolte de 68 n’était portée ni par la pauvreté ni par l’exclusion, les baby-boomers qui représentaient la génération de l’après-guerre était aussi celle de la non-guerre. Quoiqu’il en soit c’est en devenant plus politique que cette crise trouvera une issue rapide grâce à la maîtrise du Général de Gaulle conforté par sa victoire aux législatives qui suivront.

© 02.02.2018
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