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ACADÉMIE DU GAULLISME
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 Jacques DAUER
   LA LETTRE du 18 JUIN  n° 217 - Mai 2019

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LA LETTRE du 18 JUIN - N° 217 - Mai 2019
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Par Paul KLOBOUKOFF,
Plus de 233 Mds de « cadeaux fiscaux »
   paralysent l’exécutif
     En quelques mots
La première et principale partie du présent article est une approche arithmétique, chiffres « officiels » à l’appui, de décisions « pérennes » précipitées très coûteuses prises dés le début du quinquennat : - les considérables cadeaux fiscaux aux amis ultra-riches faits avec la suppression de l’ISF sur les patrimoines financiers et la création de la flat tax (au coût de plus de plus de 25,4 Mds d’ici 2022) ; - l’abaissement de l’Impôt sur les sociétés (au coût de plus de 28,4 Mds €) ; - les importantes subventions accordées sans contreparties aux entreprises, avec la majoration du taux du CICE et la « bascule » en baisse pérenne des charges sociales  (132,3Mds €) ; - la suppression par étapes de la taxe d’habitation (au moins 47,5 Mds €). A elles seules, ces cinq décisions vont amputer les recettes publiques de plus de 233 Mds € pendant la durée du quinquennat… si les annonces faites et les prévisions contenues dans le Programme de Stabilité 2019-2022 que le gouvernement vient de soumettre à Bruxelles ne sont pas démenties.
Les recettes des prélèvements obligatoires (PO) sont très dépendantes de la croissance des activités. Or, la croissance du PIB observée en 2018 et prévue pour les années suivantes est nettement inférieure à celle inscrite dans le Programme de Stabilité 2018-2022. La faute à la conjoncture mondiale ? Non, c’est avant tout la demande intérieure qui s’effrite. Et les « réformes » ainsi que la gouvernance de l’exécutif sont loin d’être innocentes.
L’impact de cet affaiblissement de la croissance sur les recettes publiques peut être estimé à environ - 20 Mds € pendant le quinquennat. C’est autant de « munitions » en moins. L’espoir des Français ne semble pouvoir se fonder, que sur une relance assez vigoureuse de la croissance… que le gouvernement ne prévoit pas actuellement.
Un rapide examen des projections des prélèvements obligatoires, de la masse des dépenses, des déficits et de la dette publique montrent à quel point ces décisions et cet affaiblissement déstabilisent les comptes publics. Ils fragilisent le respect des promesses de Macron concernant la réduction du déficit public. L’Etat n’y contribuera pas. L’atteinte de l’objectif affiché apparait essentiellement tributaire de la maîtrise des dépenses de soins et de celles des collectivités territoriales. Quant à la dette publique, elle continuera d’augmenter en valeur nominale, et une inflexion notable du taux d’endettement par rapport au PIB n’est envisagée qu’à partir de 2021.
Le président Macron a vidé la tirelire en engageant d’emblée « un pognon de dingue » dans des dépenses géantes. Les ressources financières sont donc très limitées pour satisfaire aux demandes de rétablissement du pouvoir d’achat que lui réclament, avec « plus de justice », les gilets jaunes et beaucoup d’autres citoyens. Aussi, « pour ne pas aggraver le déficit public », les éventuels « gestes » en monnaie sonnante et trébuchante « devront être compensés » (voire plus) par des hausses d’impôts, des suppressions de niches fiscales, des baisses d’allocations et d’autres restrictions, ainsi que par plus de « pédagogie ». L’exécutif, des agents de Bercy et des volontaires sont mobilisés depuis plusieurs mois à la recherche d’idées payantes. Le 25 avril, on peut s’attendre aussi à des promesses gratuites ou peu onéreuses, en matière institutionnelle, notamment. Il semble, en effet qu’il ne soit pas question de revenir en arrière sur les mesures les plus critiquées pour retrouver des marges de manœuvre. En revanche, brader des bijoux de famille comme les Aéroports de Paris (ADP), par exemple, apparaît tout à coup un choix très digne d’intérêt.
L’approche « arithmétique » des errements et de l’exécutif ne doit pas empêcher de déplorer la casse de notre système fiscal, de répartition et de protection sociale, que j’ai abordée dans plusieurs articles.
Elle s’effectue par la dépossession des collectivités locales de la taxe d’habitation (TH), sans disposer de solution pérenne « moins injuste » de remplacement… le financement par la TVA revenant en réalité à faire payer la TH par les consommateurs ! Par l’instauration d’un flat tax, imposant moins les revenus financiers que ceux du travail et des retraites. En déresponsabilisant les entreprises et les chômeurs potentiels avec la prise en charge par l’Etat (les contribuables) d’une partie des cotisations chômage.
Altérant ainsi « l’assurance » chômage et installant l’Etat parmi les décideurs en la matière aux côtés, ou au-dessus, des partenaires sociaux. En transformant en impôts sur les revenus : - la taxe d’habitation, dont le dégrèvement dépend du niveau du revenu imposable ; - la revalorisation des pensions pour les retraités aux revenus inférieurs à certains seuils, et pas pour les autres. Même la CSG, qui est un impôt sur le revenu, est maintenant « soumise à conditions de ressources » pour les retraités, avec un seuil fixé à 2 000 € par mois qui sépare ceux qui ont droit aux bienfaits du prince et ceux (présumés « riches » ?) qui sont taillables et corvéables à merci. Le tout conduit, bien sûr, à concentrer davantage encore la charge fiscale et sociale sur les classes moyennes,
Ces démolitions, ces divisions entre les citoyens, ces discriminations punitives pour les uns, enrichissante pour des ultra-riches, doivent cesser. N’est-il pas temps de réveiller le Conseil constitutionnel ?
La seconde partie de l’article, celle de l’après 25 avril, est plus courte. La forme de ce « Grand Oral » du 25, avec un bon acteur, infatigable parleur, a été commentée de long en large. J’ai particulièrement apprécié cette observation attribuée à un gilet jaune : « Il vendrait du sable à un berbère dans le désert » (1). Pas grand-chose à ajouter, sinon que le long monologue de Macron a surtout exalté ses prouesses et celles du gouvernement depuis deux ans, justifiant la poursuite, sans changement de cap de son « programme ». Lors des longues réponses aux journalistes, nous ne sommes pas passés loin d’une séance de psychothérapie assistée de son addiction décomplexée au « Moi Je », sans doute liée à la grandeur et la solitude du pouvoir… absolu. Sur le fond, la grande majorité des Français, qu’ils aient participé ou non au « Grand débat », ont de bonnes raisons de se sentir floués. « Tout ça pour ça ! ».
Quant aux réponses concrètes aux citoyens, elles attendront encore des mois, voire davantage. Et Macron aura gagné le temps nécessaire pour éviter des annonces qui fâchent avant les élections du 26 mai. La campagne aura été polluée par un « Grand débat », qui a accouché d’une souris, et ses suites. Il faut éviter de parler de l’Europe et des positions de Macron « pour plus d’intégration, pour plus de « souveraineté européenne », à contre-courant des évènements et des choix de la plupart des dirigeants et des partis européens, qui préfèrent donner une plus large place aux identités et aux souverainetés nationales. A moins d’un mois des élections, un bref regard mérite, d’autant plus, d’être porté sur les « pronostics » des résultats, encore très incertains des Européennes, et la nouvelle configuration possible du nouveau parlement européen.
Première partie
Croissance inférieure aux prévisions et – 20 Mds € de rentrées fiscales
« Deux ans de gouvernance de la France : un constat officiel d’échecs révélé par les Programmes de Stabilité du gouvernement », aurais-je pu aussi écrire.
Le Programme de Stabilité 2019-2022 (2) à soumettre à la Commission de l’UE a été adopté en Conseil des ministres le 10 avril. Il présente des réalisations 2018 et de nouvelles prévisions économiques et financières en net recul par rapport aux objectifs aux prévisions affichés dans le Programme de Stabilité 2018-2022 (3) transmis à Bruxelles l’année dernière, dont il est le prolongement.
Après une croissance du PIB de + 2,2% en 2017, en avril 2018, les objectifs de croissance étaient de + 2,0% en 2018, de + 1,9% en 2019, et de + 1,7% les trois années suivantes. Dans les Annexes du PDS 2019-2022, à la page 74, un petit tableau récapitulatif montre qu’en avril 2019, la croissance est estimée à + 1,6% en 2018, et les prévisions sont de + 1,4% pour chacune des quatre années suivantes. « La croissance serait toujours robuste à 1,4% », commente sans plaisanter le Trésor (2). C’est évidemment une contreperformance. Avec ses réformes et ses autres mesures, Macron a stoppé l’élan de croissance retrouvé à l’automne 2016. Je l’avais déjà indiqué dans mon article de janvier « Sombre bilan économique et tristes perspectives 2019 ». Le taux de + 1,6% en 2018 n’a été obtenu que grâce à un fort « acquis de croissance » à la fin de l’année 2017. Et + 1,4% par an, avec une croissance démographique de + 0,6%, ce n’est vraiment pas « bézef », en termes de gain réel de pouvoir d’achat, notamment.
D’ailleurs, d’après les chiffres du PDS 2019-2022, la mollesse de la croissance « robuste » du PIB est essentiellement due à la faiblesse attendue de la dépense de consommation intérieure, qui serait de l’ordre de + 1,4% en 2019 et ne dépasserait pas + 1,2% les trois années suivantes. La progression des investissements (formation brute de capital fixe) perdrait aussi de sa vigueur, descendant de + 2,9% en 2018 à + 2,1% en 2020, et se situant à environ + 1,4% par an en moyenne de 2020 à 2022. L’exécutif ne semble ainsi pas fonder beaucoup d’espoirs sur l’efficacité de sa politique économique. En revanche, malgré le ralentissement présumé de la croissance et des échanges mondiaux, une amélioration progressive du solde de notre commerce extérieur soutiendrait un peu la croissance du PIB en France. Heureuse hypothèse, à vérifier !
Par rapport aux prévisions-objectifs de 2018, le « déficit de croissance » cumulé de 2018 à 2022 se monte à – 1,8 points de PIB, Et, puisque notre taux de prélèvements obligatoires est proche de 45% du PIB, l’impact sur les recettes publiques est de l’ordre de – 0,8% du PIB, soit de l’ordre de - 20 milliards d’euros (Mds €) d’ici fin 2022. C’est autant de ressources de moins que prévu.
Des cadeaux et des errements fiscaux géants
ISF et flat tax : plus de 25 Mds € de cadeaux aux « plus riches » d’ici 2022
Non, le cadeau fait aux ultra-riches avec la suppression de l’ISF et la « création » de IFI ne se limite pas aux 3,2 Mds € de l’année 2018 affichés par le gouvernement dans le PDS 2019-2022. Cette « réforme » est destinée à durer… au minimum jusqu’à la fin du quinquennat. D’ici 2022, en 5 ans, le cadeau aux bénéficiaires sera donc d’au moins 3,2 Mds € x 5 = 16 Mds €.  Ce sera probablement plus, car il est attendu que les revenus financiers augmentent.
La réduction fiscale par rapport à l’année 2017 procurée par la mise en place de la « flat tax » (prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus financiers) a été chiffrée à - 1,4 Mds € en 2018. En 2019, avec une baisse supplémentaire de - 0,8 Mds €, la réduction fiscale atteindrait - 2,2 Mds € (par rapport à 2017). Curieusement, et contrairement aux anticipations de nombreux économistes, une remontée de + 0,4 Mds € est prévue en 2020. Cette année là, la réduction fiscale serait de – 1,8 Mds €. En 2021 et en 2022, il ne semble pas que les réductions puissent être plus faibles que - 2 Mds € et - 2 Mds €. Sur la durée du quinquennat, le cumul de ces réductions fiscales annuelles par rapport à 2017 serait ainsi d’au moins – 9,4 Mds € (et sans doute bien d’avantage).
Pendant la durée du quinquennat, le coût de ces deux cadeaux fiscaux devrait donc s’élever à plus 25,4 Mds €.
La baisse des taux de l’IS va coûter plus de 28,4 Mds € d’ici 2022  
En 2017, le taux de l’impôt sur les sociétés était de 28% sur les bénéfices inférieurs à 75 000 € et de 33,3% sur les bénéfices plus élevés. La LDF 2018 a prévu de ramener progressivement ce taux de 33,3% au niveau de 28% en 2020, puis d’abaisser ce taux, pour toutes les sociétés, à 26,5% en 2021 et à 25% en 2022. Des « retouches » destinées à « financer » partiellement les 10 à 11 Mds € concédés aux gilets jaunes en décembre 2018 ont un peu modifié la trajectoire entre 2018 et 2020.
Dans le PDS 2019-2022, la baisse des recettes fiscales correspondantes par rapport à celles de 2017 a été chiffrée à - 1,2 Mds € en 2018, - 2,0 Mds € en 2019, - 5,2 Mds € en 2020. Compte tenu de la poursuite de la baisse du taux d’IS, si la masse des bénéfices taxés ne diminue pas, la perte fiscale serait de l’ordre de - 8,4 Mds en 2021 et de – 11,6 Mds en 2022. Cumulée de 2018 à 2022, la perte de recettes fiscales serait ainsi de l’ordre de – 28,4 Mds €.
C’est considérable, puisque les recettes totales d’IS (nettes des crédits d’impôts) ont été de 35,5 Mds € en 2017 d’après l’INSEE, constituant 3,3% du montant total des PO. Si les bénéfices augmentent autant que le PIB (+ 14,5% de 2017 à 2022 en valeur nominale), le montant de l’IS collecté en 2022 avoisinera 27,4 Mds €. Il ne représentera alors plus que 2,3% du montant des PO de l’année.
CICE et « bascule » en baisse des charges : 132,3 Mds € de 2018 à 2022.
Entré en vigueur en 2014, le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) accordé aux entreprises, sans obligations en matière de création d’emplois, est très critiqué pour son coût élevé et sa faible efficacité en termes d’emploi. Il est remplacé en 2019 par une baisse pérenne des cotisations sociales patronales sur les bas salaires (n’excédant pas 2,5 SMIC). Dans le projet de loi de finances 2018, un tableau présente les prévisions des effets budgétaires du CICE (4) depuis 2014 jusqu’à l’extinction, en 2020, des droits qu’il aura procurés. Au total, pour les 5 années de « pratique » du CICE, de 2014 à 2018, le coût budgétaire de celui-ci se sera monté à 99,3 Mds €. C’est près de 20 Mds € par an en moyenne. Et il se trouve que le montant budgétisé était de 16,5 Mds € pour 2017 et de 21 Mds € pour 2018.
Dans le PDF 2019-2022, le coût de la « montée en charge » et de la hausse du taux du CICE de 6% à 7% a été chiffré à + 3,7 Mds € en 2018, portant de coût à 21 Mds € (cf. ci-dessus). En 2019, avec 0,4 d’allègements fiscaux supplémentaires, le coût annuel du CICE à remplacer par un allègement des charges est de 21,4 Mds €. Pour ces deux ans, le coût du CICE et de l’allègement serait ainsi de 42,4 Mds €. Pour les trois années suivantes, sauf changement de « stratégie », le coût de cet allègement ne devrait pas être inférieur à 21 Mds € x 3 = 63 Mds €. Pendant les 5 ans de 2018 à 2022, le CICE et son prolongement en baisse pérenne des charges coûterait au moins 105,4 Mds €. Mais ce n’est pas tout !
Un reproche adressé par les entreprises au CICE était le décalage d’un an, deux ans, voire plus, entre le versement du salaire par l’entreprise et la perception par elle du crédit d’impôt. A partir du 1er janvier 2019, la baisse pérenne remplaçant le CICE a un effet immédiat d’allègement des charges des entreprises. La même année, les entreprises percevront le crédit d’impôt qui leur était dû au titre de l’année 2018. Le coût « temporaire » de cette « bascule » a été chiffré à 20 Mds € en 2019. Les reliquats encore dus au titre de 2018 seront apurés en 2020 et en 2021.
Un allègement supplémentaire des cotisations sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC serait applicable à partir d’octobre 2019. Aussi, en 2020, « l’effet temporaire » serait de 6,9 Mds €.
Ainsi, au cours des années 2019 et 2020, les entreprises connaîtront une amélioration de leur trésorerie de plus de 20 Mds €, et le coût de la « bascule », majoré par l’allègement supplémentaire ci-dessus, serait de 26,9 Mds €.
De la sorte, la « bascule » du CICE en baisses de charges, la poursuite et le renforcement de ces aides engendreraient un cumul de coûts pour les finances publiques de 132,3 Mds € de 2018 à 2022.
Plus de 47,5 Mds € de pertes de recettes de taxe d’habitation d’ici 2022
Au 23 avril 2019, on ne sait toujours pas quand la taxe d’habitation sur les résidences principales sera supprimée pour les 20% des ménages les « plus riches ». Des ménages dont les revenus imposables annuels « fabuleux » dépassent 27 000 € pour un célibataire, 43 000 € pour un couple et 49 000 € si ce couple a deux enfants… sachant (ou ne sachant pas) que d’après les données de l’INSEE, le revenu disponible brut (après déduction des cotisations sociales) moyen d’un ménage était de 47 000 € en 2017. Autrement dit, les seuils punitifs fixés excluent une bonne partie des classes moyennes du dégrèvement de la taxe d’habitation (TH). Jusque quand ? La promesse initiale de Macron était la suppression pour tous en 2020. Rétropédalage : la question est remise « en débat » et des membres de l’exécutif ont laissé entendre que ce serait plutôt pour 2022.
Les 80% des foyers, les « plus pauvres », ont pu bénéficier d’un dégrèvement de 30% de leur TH en novembre 2018. La LDF 2019 prévoit que le dégrèvement sera de 65 % en novembre 2019 et de 100% en 2020. Les coûts de ces dégrèvements par rapport à 2017 ont été chiffrés à 3,2 Mds € en 2018, 7,0 Mds € en 2019 et 10,1 Mds € en 2020. Au total, sur les 3 ans, le coût pour les finances publiques se sera monté à 20,3 Mds €. A cette somme, il faut ajouter les manques à gagner de 10,1 Mds € en 2021 et en 2022, qui porteront le coût de ces dégrèvements à 40 5 Mds € pendant le quinquennat
Reste à venir le dégrèvement pour les 20% de « riches ». Le montant annuel de TH concerné serait de 7 Mds €. Si le dégrèvement est repoussé à 2022, son coût pendant la durée du quinquennat sera de 7 Mds €. S’il est décidé de « l’accorder » en 2021, la perte de recettes sera de 7 Mds € en 2021 et autant en 2022, soit de 14 Mds €. D’autres hypothèses ne sont pas à exclure. En tout état de cause, dans la plus défavorable (pour les « riches » concernés), celle du report à 2022, la perte de recettes totale pendant le quinquennat ne serait pas inférieure à 47,5 Mds €.
Nous avons vu que ces « cadeaux », bien supérieurs pour les uns que pour les autres, avaient été compensés par des hausses fiscales et des désindexations de salaires et de pensions, notamment. A ce jour, les collectivités territoriales et les contribuables ne savent pas quelles recettes « pérennes » viendront remplacer celles de la taxe d’habitation. En attendant, de lourdes menaces pèsent sur les taxes foncières, notamment.
Une réduction des prélèvements obligatoires (PO) en trompe l’œil ?
Non, le montant total des PO ne diminuera pas… malgré la baisse prévue du taux des PO.
Le taux des PO (nets des crédits d’impôts) a été évalué à 45,7% du PIB en 2017. Le PDS 2019-2022 affiche une baisse du taux des PO à 45% en 2018 et à 44% en 2019. En 2020, il remonterait à 44,4%.
Or, en 2017, avec le taux de 45,7% d’un PIB de 2 353,2 Mds €, les PO se sont montés à 1 063,6 Mds €.
En 2018, avec un taux de 45% d’un PIB de 2 412 Mds €, le montant des PO est de 1 085,4 Mds €.
Entre les deux années, les prélèvements obligatoires ont augmenté de + 21,8 Mds €.
Ceux qui « prétendent » que le montant des PO a augmenté en valeur nominale disent vrai.  Ce n’est pas contradictoire avec une réduction du taux des PO. Pour les mêmes raisons, les PO de 2020 seront (d’après le PDS) de + 63,8 Mds € supérieurs à ceux de 2017, alors que le taux des PO aura diminué de 45,7% à 44,4% du PIB.
Les cadeaux aux ultra-riches et aux entreprises font baisser le taux des PO
Le tableau 7 (page 33) du PDS 2019-2022, montre les impacts financiers en 2018 ainsi que ceux attendus en 2019 et 2020 des principales mesures affectant les prélèvements obligatoires.
En 2018, ces mesures ont :
.allégé les PO  des ménages de – 1,4 Mds €. Mais, la suppression de l’ISF et la flat tax ont réduit de - 4,6 Mds les PO des ménages les plus riches, tandis que les autres foyers fiscaux ont vu leurs PO alourdis de + 3,2 Mds €. A noter que les hausses de la fiscalité sur les carburants, à elles seules, ont coûté + 2,4 Mds € aux ménages. Et, malgré l’insistance de partis « d’opposition », et des Républicains, en particulier, l’exécutif refuse d’annuler ces hausses de 2018 que les usagers sont condamnés à supporter en 2019 et les années suivantes. Un coût pour eux de plus de 12 Mds € d’ici fin 2022.
. allégé les PO des entreprises de – 9 Mds €. En 2017, 320 entreprises au CA de 1 Md € ou plus avaient acquitté, pour un montant total de 4,8 Mds €, une surtaxe exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés destinée à financer en partie les déboires de l’Etat consécutifs à l’annulation de la taxe sur les dividendes indûment payée par les entreprises au cours des années précédentes. Le fait de ne pas leur réclamer un nouvel « effort » de cette nature, conduit à abaisser le PO des entreprises de – 4,8 Mds €. La réduction des taux de l’IS se traduit par une baisse de – 1,2 Mds €, et les cadeaux CICE, de – 3,7 Mds €.
Les grosses sociétés sont donc les principales bénéficiaires de la « baisse » du taux de PO.
En 2019, il est attendu de ces mesures qu’elles :
.allègent les PO des ménages de – 10,6 Mds €, principalement en raison de la poursuite des dégrèvements de la taxe d’habitation (- 3,8 Mds €), de la bascule cotisations CSG (- 4,0 Mds €) et de l’exonération et de la défiscalisation des heures supplémentaires (- 3,0 Mds €).
. réduisent les PO des entreprises sous l’effet de la bascule CICE cotisations, chiffrée à – 20 Mds €.
Mais la croissance (en valeur nominale) du PIB, ainsi que celles de la consommation, des importations, de la masse salariale, des revenus des ménages, des dividendes… vont « spontanément » faire monter la plupart des PO. C’est pourquoi, comme nous l’avons vu ci-dessus, la masse des prélèvements obligatoires continuera d’augmenter. De 2017 à 2022, le montant annuel des PO montera de 1 063,6 Mds € à 1 185,2 Mds €, soit de + 11,4% en 5 ans.
Il est à noter également que des mesures décidées en 2017 ont accéléré les recettes fiscales. Ainsi, dans la présentation des comptes nationaux (provisoires) 2018 (5), l’INSEE observe notamment que les impôts sur le revenu (IR et CSG) et la fiscalité sur le patrimoine (IFI, taxe foncière, droits de succession et de mutation…) ont augmenté de + 6,2% en 2018, après + 5,1% en 2017. Cela montre assez clairement comment les contribuables des classes moyennes (travailleurs et retraités) ont été dépouillés pour payer les cadeaux de Macron aux ultra-riches.
Le déficit public tributaire de la « maîtrise » des dépenses de soins
et de « l’effort » des collectivités territoriales !
Pendant le quinquennat, l’exécutif a prévu que le taux des dépenses publiques baisserait progressivement de 55% du PIB en 2017 à 54,4% en 2018… jusqu’à 52,3% en 2022. Cela permettrait de limiter l’augmentation du montant des dépenses de 1 294, Mds € en 2017 à 1 408,8 Mds € en 2022, soit de + 8,8%.
Les dépenses publiques croissant moins vite que les prélèvements obligatoires, le déficit public (au sens de Maastricht) se réduirait de - 2,8% du PIB en 2017 à – 2,5% en 2018… à – 2,0% en 2020… puis à - 1,2% en 2022.  Avec un « accident de parcours » en 2019, année au cours de laquelle le déficit sauterait à - 3,1% du PIB en raison de « l’effet temporaire de la bascule CICE à cotisations au coût fiscal supplémentaire de 20 Mds € (voir ci-dessus).
Un tableau du Scénario macroéconomique (p. 22) montre que le « mérite » de la réduction du déficit ne revient pas à l’Etat, malgré « la maîtrise de ses dépenses sous norme » [??]. Le déficit de l’Etat, de - 2,9% du PIB en 2017, ne se réduira pas et sera de – 3,1% en 2022. Par contre, les Administrations publiques locales (APUL) sont conviées à continuer « d’effectuer un important effort de modération de leur dépense de fonctionnement comme prévu en LPFP, suite à la contractualisation ». De la sorte, elles dégageront un excédent qui montera de + 0,1% du PIB en 2017 à + 0,6% en 2022. L’exécutif a également inscrit une augmentation de l’excédent des Administrations publiques de la sécurité sociale de + 0,2% du PIB en 2017 à + 1,2% en 2022. Cette performance viendra « notamment de la tenue d’un Ondam [objectif national des dépenses d’assurance maladie] qui redescendra à 2,3% par an de 2020 à 2022 ». Alors que la hausse de ces dépenses a été de + 2,5% en 2018 et serait encore de + 2,5% en 2019, portant ces dépenses à 200,3 Mds € (cf. le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS 2019).
En définitive, la réduction projetée du déficit public repose essentiellement sur la « maîtrise » des dépenses de soins et de celles des collectivités locales. Il semble pourtant que les Français attendent plus et autre chose de nos gouvernants. Bruxelles aussi, peut-être.
Pas de réduction en vue de la dette publique, au contraire.
D’après le PDS, de 98,4% du PIB en 2017 et en 2018, la dette publique est appelée à monter à 98,9% en 2019 et rester à 98,7% en 2020. La décrue commencerait en 2021 et permettrait de descendre à 96,8% du PIB en 2022.
Dans ce scénario optimiste, ou volontariste, le montant de la dette publique augmenterait d’année en année. De 2 315,5 Mds € en 2017, il grimperait jusqu’à 2 608 Mds € en 2022, soit de + 12,6% en 5 ans.
Concernant les charges d’intérêt de la dette, l’exécutif a-t-il voulu se rassurer ? Il a sérieusement [?] réduit ces charges par rapport à celles inscrites dans le PDS 2018-2022. De 1,7% du PIB en 2019, 1,8% en 2020, 1,9% en 2021 et 2,0% en 2022, il les a descendues à 1,5% en 2019 et 2020, à 1,6% en 2021 et 1,7% en 2022. Je n’en ai pas trouvé l’explication. Mais cette « révision » apporte sa modeste contribution annuelle, de 0,2% à 0,3% du PIB, à la « maîtrise » du déficit public. Et de 2019 à 2022, elle abaisse aussi les dépenses publiques de - 1,1% du PIB, c'est-à-dire l’ordre de 28 Mds €. Quand il y a trop de dépenses inconsidérées, il n’y a pas de petites « économies » !
Deuxième partie
Des « mesurettes » et des décisions à effets différés
Les déclarations faites le 25 avril et le « calendrier » qui a été annoncé par Edouard Philippe le lendemain montrent que l’application de la plupart des mesures et réformes évoquées sont différées à 2020 et au-delà. Ainsi en est-il des « dons » aux ménages que Gérald Darmanin a chiffrés à 17 Mds €, qui comprennent les 10 Mds € déjà alloués en décembre 2018 et les 5 Mds € de « baisses » de l’impôt sur le revenu des classes moyennes. A côté de cela, de petites miettes, pour 2 Mds €, ne changeront pas grand-chose au quotidien des bénéficiaires présumés, qui ne seront d’ailleurs pas forcément nombreux. Ainsi, l’annonce faite d’une retraite minimale à 1 000 euros ne concernera que les personnes ayant atteint « l’âge du taux plein » (et non 62 ans, l’âge légal de départ à la retraite). Le 26 avril, la ministre des Solidarités et de la Santé a précisé sur RMC et BFMTV : « Nous essayerons de la mettre en œuvre dès 2020 en en flux, c'est-à-dire pour toutes les personnes qui arriveront à la retraite en 2020 » … à l’âge du taux plein. Et pour les autres retraités, ceinture ! D’un autre côté (par peur du Conseil constitutionnel ?), Macron a annoncé la fin de la sous-indexation de toutes les retraites pour 2021. Pourquoi pas en 2020 ? Ainsi, des retraités seront « rackettés » plus longtemps que d’autres, et jusqu’à une durée de 6 à 7 ans. Brave homme ! Par ailleurs, ce fervent pratiquant de la discrimination punitive n’a pas confirmé que le dégrèvement (total ?) de la taxe d’habitation bénéficiera à « tous les Français » en 2021.  C’est mauvais signe pour nous !
Des réformes institutionnelles à corriger
Davantage de décentralisation ? Non, il est surtout question de « déconcentration », c'est-à-dire de délégations d’initiatives et de responsabilités de l’Etat à ses préfets dans les départements. Pour que les services de l’Etat soient plus « proches du terrain, des administrés. Avec quels moyens supplémentaires, au détriment de qui ?
Nous aurons le temps de reparler des réformes institutionnelles. Celles concernant la réduction de 25% à 30% du nombre des députés et l’institution de la proportionnelle pour seulement 20% des députés restants ne s’appliquera (sauf accident) qu’en 2022, après les présidentielles. Ces changements impliquent la suppression de 40% à 44% des circonscriptions électorales par des regroupements et des redécoupages qui porteront à environ 200 000 le nombre moyen d’habitants par circonscription. Dans ces conditions, la Corse, par exemple, ne conservera que deux élus (sur une superficie montagneuse de 8 680 km²), contre quatre actuellement. Les Alpes de Haute-Provence (6 925 km²), le Cantal (5 726 km²), la Corrèze (5 857 km²) n’auront qu’un député, au lieu de deux. Qu’en sera-t-il pour la Creuse (5 565 km²), qui compte environ 125 000 habitants ? Par contre, les Bouches du Rhône (5 087 km²), avec une population de près de près de 2 millions d’habitants pourront conserver 10 de ses 16 sièges de députés. Paris (105 km²) avec environ 2,2 Mi h pourra garder 11 de ses 18 circonscriptions (6). Le plus gros de la population étant concentré dans les métropoles et les grandes villes, les principales victimes de cette raréfaction de leurs élus seront les zones rurales et les petits centres urbains. Est-ce cela le rapprochement entre les élus et les populations, la décentralisation et la défense de la démocratie représentative ? Il est temps que les Français ouvrent les yeux… et ceux qui les représentent, également.
Les réformes n’affecteront pas les élections municipales prévues pour mars 2020, ni les Sénatoriales de septembre 2020, ni les Régionales de 2021. Pour voir les réformes annoncées entrer en vigueur, sauf agressions sur les calendriers, les gilets jaunes et les autres impatients devront attendre encore des années.
Quelques mots des pronostics sur les européennes en Europe
Les ambitions européennes d’Emmanuel Macron sont contrariées. Il est isolé. Même le couple franco-allemand s’est délité et Angela Merkel est une adversaire. Avec la vingtaine de sièges que peut attendre LREM-Modem, il lui sera difficile de constituer un groupe capable de peser sur les décisions au Parlement Européen (PE). C’est sans doute pourquoi il préfère que ces « réalités » échappent à la campagne des Européennes en France. Mieux vaut la polluer avec un Grand débat et ses suites à rallonge, et, avec l’aide de sa tête de liste, Nathalie Loiseau, la circonscrire à un combat entre LREM-Modem et le Rassemblement national. Entre Macron et Le Pen.
Dans mon article précédent « De grands perdants en vue aux Européennes 2019 », j’avais présenté les groupes européens en concurrence ainsi que les estimations des résultats des élections du 26 mai mises à jour par Poll of Polls (PoP) au 28 mars 2019. Les nouvelles estimations du 30 avril confirment les tendances décrites un mois avant.
Les deux partis les plus importants perdent un peu plus de sièges au Parlement européen (PE). Le Parti Populaire Européen (PPE) auquel sont affiliés le CDU d’Angela Merkel et Les Républicains, conserverait 172 sièges. Le groupe de Socialistes et Démocrates (S&D) en garderait 146. Ensemble, ils disposeraient de 42,3% du total des sièges du PE, temporairement rétabli à 751… en attendant l’issue des grandes manœuvres du Brexit.
Le groupe Alliance des Démocrates et Libéraux Européens (ALDE) serait en 3ème position. Avec 96 sièges, si le parti de Macron décidait d’y adhérer et obtenait bien 21 sièges au PE. Si ce dernier préférait « faire bande à part » et constituer son propre groupe (ce que Nathalie Loiseau a indiqué), l’ALDE aurait 75 sièges, soit 5 de plus qu’en 2014.
Le groupe Verts/ALE gagnerait 8 sièges et en compterait 58.
Le groupe Gauche Unitaire Européenne / Gauche verte Nordique (GUE/NGL) en perdrait 3 et en conserveraient 49.
Au total, les groupes populistes et nationalistes, « très divisés », en nette progression, obtiendraient 153 sièges.
Mais, les pronostics de PoP accordent aussi 77 sièges aux « Nouveaux Partis » et aux « Non Inscrits ». 27 élus seraient des Britanniques, 9, des Espagnols et 30 seraient des ressortissants de l’Europe de l’est. Il n’est pas exclu que le nombre des sièges populistes et nationalistes dépasse les 160… au moins temporairement.
A coup sur, le nouveau PE aura une configuration différente du précédent, et à moins d’un mois du 26 mai, ces élections nous réservent encore des surprises

Sources et références
(1) Enfumage et mesurettes, les gilets jaunes abasourdis par la conférence de presse de Macron    huffingtonpost.fr/entry/ les-gilets-jaunes-abasourdis…     le 25/04/2019
(2) Programme de Stabilité 2019-2022     tresor.economie.gouv.fr/Articles/8793891e…  le 10/04/2019
(3) Le programme de Stabilité 2018-2022…    tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/04/12/le-programme…
(4) Enquête sur le vrai coût du CICE, près de 100 milliards d’euros…   lautrequotidien.fr/gratuit/2017/11/6/ le-vrai…
(5) Insee Informations rapides    Comptes nationaux des administrations publiques – premiers résultats (PIB) – année 2018    le 26/03/2019
(6) Populations légales des circonscriptions législatives     Insee   diffusion 1er décembre 2016
+ Classement des départements français par superficie     France.ouusuisje.com/departements/classement     le 30/04/2019

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