alfarge christine Le mécénat, dernier rempart - academie du gaullisme

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   LA LETTRE du 18 JUIN  n° 217 - Mai 2019

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LA LETTRE du 18 JUIN - N° 217 - Mai 2019
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Par Christine Alfarge
 LE MÉCÉNAT, DERNIER REMPART
DE NOTRE PATRIMOINE ?

« Les grands périls ont cela de beau qu’ils mettent en lumière la fraternité des inconnus. »
Victor Hugo (Les Misérables).
 
Au-delà du temps, si le pouvoir de la poésie unifie les hommes, l’émotion envers notre patrimoine est intacte et nous lie éternellement au divin. Toute sa vie, Victor Hugo a voulu décrire avec des mots forts les sentiments humains avec la volonté de mener une autre bataille, « la guerre aux démolisseurs ». « L’architecture est le grand livre de l’humanité, l’expression principale de l’homme à ses divers états de développement, soit comme force, soit comme intelligence » écrivait-il et nous l’aimons aussi à travers l’histoire de Notre-Dame de Paris qu’il a su magnifier.
Son génie est d’avoir su mener le combat pour la sauvegarde du patrimoine face aux démolisseurs de l’époque et la lutte contre la pauvreté. « Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre », s’adressait-il ainsi le 9 juillet 1849 devant les députés dans un discours vibrant et fort. Des paroles bouleversantes toujours d’actualité, sans doute parce que l’âme de la résistance française plane toujours, elle nous murmure que la grandeur de la France s’est bâtie par les solidarités, le courage et la passion pour un pays libre.
Victor Hugo écrivait sans relâche pour arrêter le marteau qui mutilait la face du pays détruisant nos édifices historiques. Il dénonça le vandalisme des spéculateurs jetant à bas nos monuments nationaux avec l'assentiment des municipalités.
Aujourd’hui, nos monuments continuent de s’abîmer inexorablement.
Si la tragédie de Notre-Dame a fait resurgir une dimension spirituelle du monde, le degré de solidarité qui s’établit au sein de notre société dépendra de nos propres choix, à condition de ne pas tout mélanger. Il est inconcevable de comparer le sort d’une cathédrale et la crise sociale que nous connaissons, même si dans les deux cas, le besoin de restaurer est un dénominateur commun.
Le mécénat qui a toujours existé, est capital, participant à la grandeur du pays il est plus que jamais précieux pour la préservation de notre patrimoine et de notre histoire commune, malgré le tabou sur la question de l’argent et le doute installé depuis longtemps sur l’aspect spéculatif.
A travers le mécénat, on voit le pouvoir des puissants qui aiment laisser leur empreinte et ça ne date pas d’hier. Un des plus grands mécènes de l’Antiquité, Alexandre le Grand, fera rayonner la culture hellénique de l’Egypte à l’Inde.
Au Moyen Âge, Charlemagne encouragera l’activité des ateliers d’art dans les monastères et celles des architectes.
La plus belle réalisation de l’art carolingien demeure le palais d’Aix-la-Chapelle dont il ne reste que la chapelle.
La Renaissance italienne sera l’épanouissement d’un mécénat princier incarné par les Médicis.Le roi François 1er fera venir en France, à Fontainebleau, les artistes italiens dont Léonard de Vinci qui séjournera au château du Clos-Lucé, à Amboise où il finira ses jours, le 2 mai 2019 marquant les 500 ans de la mort de ce génie.
Pourquoi cette polémique sur les dons pour restaurer Notre-Dame ?
La société se définira toujours par rapport aux gens les plus fortunés, ceux qui ont réussi par leur travail ou les héritiers, les classes moyennes et les plus démunis. Cependant, les plus riches vivent une époque de plus en plus dangereuse parce que les écarts se creusent avec le reste de la population. Ils représentent moins de 1% de la population environ quelques dizaines de milliers de personnes.
Aujourd’hui, l’aide aux artistes et aux monuments prestigieux devient de plus en plus un partenariat public et privé, à travers de nombreuses fondations. A titre personnel, le mécénat se fait rare, il existe surtout à travers des associations de donateurs ou société d’amis en France ou à l’étranger comme par exemple The American Friends of Versailles, contributeur à l’embellissement de l’ensemble du domaine du Château de Versailles.
Le mécénat d’entreprise n’en est pas moins remarquable à travers des fondations engagées dans la préservation du patrimoine que ce soit au Louvre à travers la galerie d’Apollon financée par l’entreprise Total, la François Pinault Foundation et la Fondation Louis-Vuitton parmi les plus connues.
On peut aussi se demander, où étaient tous ceux qui poussent des cris d’orfraie au sujet des dons des mécènes pour Notre-Dame, pour s'indigner de la défiscalisation massive concernant des futurs Jeux Olympiques dépassant les 6 milliards ? Nous n’avons sans doute pas les mêmes valeurs sur l’urgence de la défense de notre patrimoine, à travers Notre-Dame de Paris, nous sommes nécessairement engagés dans une affaire collective qui nous amène à redéfinir les rapports entre foi et richesse.
Pour l’Archevêque de Paris, Monseigneur Michel Aupetit : « la polémique sur les grands donateurs n’a pas lieu d’être, les plus démunis sont chez eux à la Cathédrale. Ce n’est pas un édifice de riches. Je vois des gens modestes qui veulent, eux aussi, contribuer. Lorsque je m’y rends, ce sont des personnes modestes qui viennent me saluer. C’est leur maison !»
Gloire à tous nos monuments.
L’idée que les monuments représentent l’art et la civilisation dont la France peut s’enorgueillir est née au Siècle des Lumières. Il faudra inlassablement répertorier, protéger et entretenir tous ces trésors transmis au fil de l’histoire.
Dès 1830, Prosper Mérimée, nommé inspecteur des monuments historiques par un ministre du roi Louis Philippe, contribuera au sauvetage du patrimoine national en faisant de la France la première destination touristique du monde.
Il aura pour mission de « parcourir successivement tous les départements de la France, s’assurer sur les lieux de l’importance historique ou du mérite d’art des monuments, recueillir tous les documents qui se rapportent à la dispersion des titres ou des objets accessoires qui peuvent éclairer sur l’origine, les progrès ou la destruction de chaque édifice, éclairer les propriétaires et les détenteurs sur l’intérêt des édifices dont la conservation dépend de leurs soins et stimuler, enfin, en le dirigeant, le zèle de tous les conseils de département et de municipalité de manière à ce qu’aucun monument d’un mérite incontestable ne périsse par cause d’ignorance et de précipitation … »
« Il y a deux choses dans un édifice, son usage et sa beauté, son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde.  C’est donc dépasser son droit que le détruire » écrira Victor Hugo dans son pamphlet « Guerre aux démolisseurs » en 1832.
Nous avons tous l’amour de notre patrimoine chevillé au corps, par respect de notre bien commun, veillons inlassablement à le préserver, le restaurer comme les tailleurs de pierres accomplissant leur œuvre en travaillant corps et âme.
De Victor Hugo à Prosper Mérimée, nous sommes tous les descendants d’une histoire patrimoniale nationale, un héritage qui doit nous survivre !

© 02.05.2019
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