211 aime - Académie du Gaullisme

La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 211 – novembre 2018
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211 aime

par Georges AIMÉ
FAIRE-PART DE DEUIL ?
«La langue française n'appartient à aucun d'entre nous mais est la propriété de tous. Elle s'est émancipée de son lien avec la nation française pour accueillir tous les imaginaires.» En foi de quoi le Président de la République soutient la candidature de Mme Louise Mushikiwabo, ex ministre des Affaires étrangères du Rwanda, de décembre 2009 à octobre 2018, qui n’a pas dit un mot quand le président de ce pays, Paul Kagamé, en 2009 a décidé d’interdire l’apprentissage du français dans les écoles primaires.
Pour couronner le tout, le 23 mai dernier, sur le perron de l’Élysée, ce francophobe a annoncé dans... la langue de Shakespeare qu’il soutenait la candidature de Mme Louise Mushikiwabo ! Où l’on voit que notre président a moins de difficulté à remanier la tête de la francophonie et de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) que son Gouvernement ! Si autrefois, du temps où la France était un empire, partager une langue permettait d’adhérer à un socle de valeurs communes, on voit bien qu’aujourd’hui tout est mis en œuvre pour que ne soit plus le cas, y compris à l’intérieur de nos frontières. Pour nombre de « décideurs », le français n’a d’intérêt que dans la mesure où il permet de faire des « affaires », ce qui explique le désamour pour notre langue de nos « zélites » gouvernementales qui ne connaissent même pas les mots de français correspondant aux mots anglais qu’ils utilisent.
Ils ne sont pas les seuls d’ailleurs. Je ne sais si les journalistes sévissant à la télévision et sur les ondes radiophoniques ont le souci d’être compris des téléspectateurs et des auditeurs tant ils usent et abusent d’un jargon que 75 % de la population ne comprend pas. Pour être juste il convient d’ajouter que cette préoccupation n’est pas non plus le premier souci de bon nombre de leurs invités et/ou des « experts » qu’ils interrogent. Il n’y a donc pas lieu de dépenser de l’argent dans des instituts et autres alliances françaises. À quoi bon faire la promotion d’une langue qui ne rapporte pas d’espèces sonnantes et trébuchantes. Imaginer que des étrangers ayant appris le français préféreraient faire du commerce avec nous dans notre langue plutôt que d’utiliser un idiome mal maîtrisé n’effleure même pas l’esprit de nos commisvoyageurs.
L’hypocrisie a été poussée à son comble lors du dernier sommet de la francophonie à Erevan où a été célébrée, à juste titre, la mémoire de celui qui a été l’un des chantres de notre langue. Se servir de Charles Aznavour comme d’un produit de consommation mondialisé est une ignominie. Continuons d’analyser les propos jupitériens « Quand je parle de la langue française, je parle de nos langues françaises [son] épicentre est sans doute dans le bassin du fleuve Congo, ou quelque part dans la région. » Ouf ! On l’a échappé belle. Il aurait pu dire dans nos banlieues ! « Notre langue n’est pas installée pour toute éternité à travers nos continents. » Nous espérons le contraire, Monsieur le Président.
La vocation universaliste du français nous pousse à penser que pour pouvoir fleurir ailleurs que sur la terre de France il lui faut les solides racines du continent où elle est née. Avez-vous oublié, Monsieur le Président, que la langue contribue fortement à forger le caractère d’un peuple. (Inutile de rappeler ici que la soi-disant discipline du peuple allemand est due en grande partie au fait que le verbe se trouvant à la fin de la phrase oblige écoute et attention sous peine de ne rien comprendre.) Si aujourd’hui beaucoup de femmes et d’hommes politiques – et vous en faites partie – évoquent à tort et à travers le Général de Gaulle, ils feraient bien de retenir de son action la défense de la France et de la langue française.
Si le peuple sénégalais se souvient du discours de Dakar, c’est parce qu’il était en français. Le discours de Phnom-Penh n’aurait pas eu la même portée s’il avait été prononcé dans une autre langue. Croyez-vous que les Québécois se seraient retrouvés dans un discours en anglais ! Certes, vous parlez correctement le français Monsieur le Président mais vous n’aimez pas notre langue. Elle est pour vous une « vieille » langue, elle n’est pas « moderne », elle est désuète, elle est, comment ditesvous, « hasbeen » et n’a d’intérêt que lorsque l’on fait du théâtre.
Je n’en veux pour preuve que les mots d’anglais dont vous et vos ministres la truffée quand vous vous exprimez librement. Vous enterrez le français comme vous essayez d’enterrer la France dans une Europe, et bien au-delà dans un monde globalisé, que vous aimeriez sans âme, sans identité, sans Histoire. Sous la Ve république, les plus illustres de nos dirigeants ont été de grands écrivains et de grands historiens. Ils savaient, connaissaient et respectaient la culture de leurs homologues et ne cherchaient pas à faire du spectacle à coup de tutoiement, de gesticulations et de grandes tapes dans le dos. Ils ne ne leur parlaient dans leur langue qu’à titre privé, jamais en tant que représentant de la France.
Notre culture, notre Histoire ne sont pas nées outre-Atlantique... notre langue non plus. Cette dernière sait parfaitement, quand le sens en est compris par tous, intégrer des mots venus d’ailleurs. Il n’est cependant pas nécessaire de l’amputer de ceux qui font sens et expriment clairement attitudes, actions, ressentis et autres états d’âme. Non, monsieur le Président de la République, vous ne rédigerez pas le fairepart de deuil de la langue française.

© 05.11.2018
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