206klobo - Académie du Gaullisme

 Président-fondateur
Jacques Dauer

Académie du Gaullisme
La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 206 – Avril 2018
"Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde."
Aller au contenu

206klobo

par Paul KLOBOUKOFF
MIEUX VAUT MOINS DE RÉFORMES, MAIS DE BONNES RÉFORMES
Pas mal de promo et d’autosatisfaction sur les performances brillantes de notre économie depuis qu’Emmanuel Macron est président et « a donné un nouvel élan » au pays ! Une croissance de + 1,9 % en 2017, « du jamais vu depuis 10 ans », un déficit public passé sous le seuil fatidique des 3%, descendu, même, à 2,6 %. Grace à un effort de « diminution des dépenses publiques ». Voilà le côté pile de l’info copieusement relayée sur les ondes. Le côté face, sur lequel les médias s’étendent peu, mais qu’il est difficile de cacher, est moins lumineux. La France n’a pas profité autant que les autres états européens du contexte international particulièrement favorable, qui a permis au PIB des pays de la zone euro réunis de progresser de + 2,5 % et à l’Allemagne d’avancer plus vite que nous. Malgré les difficultés rencontrées par Mme Merkel pour former un gouvernement, on peut le noter.
Quant au dynamisme retrouvé des investisseurs, on n’en voit pas le reflet dans l’évolution de l’indice boursier « phare », le CAC 40, et le plus ouvert SBF 120, qui accusent tous deux des baisses de – 4 % à – 5 % entre le 8 mai 2017 et le 30 mars 2018.
Contrairement aux déclarations de Gérald Darmanin, les dépenses publiques n’ont pas baissé. Elles ont augmenté de  + 31,1 milliards (Mds) € entre 2016 et 2017, le principal responsable étant l’État. Et, la réduction du déficit est essentiellement due au matraquage fiscal, qui  s’est traduit  par une hausse des impôts et des cotisations sociales de + 46 Mds €. Le déficit public a ainsi pu diminuer de - 16,7 Mds €. Un vrai miracle ! La France reste la championne des prélèvements obligatoires, avec un nouveau record de 45,4 % du PIB, ainsi que des dépenses publiques, qui se montent à  56,5 % du PIB.
Autre gros point noir, la dette publique continue d’augmenter très dangereusement, de + 65,9 Mds €, atteignant 97 % du PIB à la fin 2017, sans qu’un allègement puisse être envisagé. Il exigerait une baisse importante de la dépense publique (DP) et une réduction des effectifs de la fonction publique, qu’on ne voit pas poindre à l’horizon.  
Parmi les autres causes évoquées de l’importance de la DP, auxquelles il serait bon de s’attaquer, figurent notamment, l’étendue démesurée des domaines investis par l’État, un interventionnisme affamé, un refus de la concurrence, qui nuirait à l’amélioration de la productivité et des performances,
l’inefficacité de la dépense publique, l’inflation des normes et des réglementations, le transfert à la collectivité de la prise en charge de trop de risques et de problèmes, un égalitarisme virant à l’obsession et une redistribution massive, omniprésente, et en partie aveugle. Un système de redistribution, complexe, bâti et ciselé au fil des ans, qui a reçu beaucoup de coups de pieds dans ventre depuis neuf mois. Qui s’en soucie ?
----------------------
Le plus important pour la France et ses citoyens n’est pas le nombre des réformes et des autres mesures, mais leur opportunité et leur qualité. Il est moins utile de multiplier des « réformes » que l’on a « promises » que d’en adopter qui soient justifiées et bonnes, acceptables par les agents économiques et le corps social. Autant commencer par les plus nécessaires et/ou urgentes. Réduire la dépense et la dette publiques, alléger et « stabiliser » la fiscalité, font indubitablement partie des priorités… qu’il est néfaste de reporter, d’éviter ou de contourner. Ce n’est pas le cas, à mon avis, de la diminution plus « politicienne » du nombre de députés, dont  l’application n’est, d’ailleurs, sensée intervenir qu’en 2022.  
La « pédagogie » et la méthode Coué ne peuvent pas remplacer un dessein clair et de valables raisons. Les supercheries, les filouteries servant à justifier des mesures inappropriées, injustes ou vouées à l’échec finissent presque toujours par être démasquées. Parfois, trop tard, hélas. Dans la deuxième partie de ce document j’ai introduit deux exemples de « ratés » impopulaires de ce type, la pénalisation injustifiée de retraités et la limitation uniforme de la vitesse à 80 km/h sur les nationales et les départementales. Difficile aussi de ne pas évoquer le couac de l’instauration précipitée, sans filet de sécurité, de la gestion des cartes grises, qui montre qu’il peut être judicieux de ne pas confondre vitesse et précipitation. J’aurais aussi pu parler de la « réforme » de la SNCF, qui au-delà des déclarations d’intentions et des dénégations du pouvoir, manque cruellement de précision quant aux mesures concrètes qu’il entend mettre en œuvre. Question « méthode », je pense qu’il serait de bonne guerre de ne pas organiser de « concertations » prolongées dont le but ultime non avoué est « d’user »  les oppositions… sans les convaincre et les rallier. Il ne me paraît également pas recommandé de céder à la tentation des « abus de position dominante », dont notre système institutionnel a trop largement ouvert les accès à notre exécutif.
Le mauvais traitement infligé aux retraités déplait à la population. Pour le justifier, l’exécutif n’a pas trouvé d’autre argument que de prétendre que leur niveau de vie est très élevé par rapport à ceux des autres Français et qu’il est donc logique, normal, de faire appel à leur solidarité, par la fiscalité, entre autres, à un moment difficile… pour les autres et pas pour eux, sans doute. Je montre ici pourquoi le concept statistique complexe du niveau de vie (NDV) est inadéquat pour apprécier correctement les différences de NDV entre les différentes catégories de population. Il détonne avec ce que montrent des indicateurs plus directs, plus simples et, en définitive, plus fiables. Ainsi,  d’après les statistiques les plus récentes, en 2015, le montant mensuel moyen net des pensions des retraités de droit direct était de 1 283 €, très inférieur aux salaires moyens nets dans le privé et le public, allant de 1 891 € à 2 495 €, et même plus faible que le SMIC brut 35 heures, qui était alors de  1 457,50  €.  
Il serait temps que les Français sachent ce qu’il en est réellement et que l’exécutif cesse d’agresser les retraités sans justification valable, pour le motif qu’ils sont les moins aptes à se défendre.
----------------------
Non, M. Philippe, ce n’est pas bien de dramatiser et de gonfler des nombres de victimes, ainsi que des vies qui seraient épargnées pour justifier la mesure impopulaire et inadaptée de limitation à 80 km/h, de manière uniforme, sur les 400 000 km des routes secondaires (nationales et départementales) à double sens qui ne sont pas pourvues de séparateur central. Non, il n’y a pas de « hausse persistante du nombre de morts sur les routes ». La mortalité routière a reculé de façon considérable, de – 58 % en Métropole entre 2000 et 2017.    
Non, il ne faut pas laisser entendre qu’il y a eu 3 500 à 3 700 morts en 2016 sur les routes « incriminées ». En métropole, ont été dénombrés 2 317 personnes tuées sur des nationales, des départementales, des communales et d’autres voies hors des agglomérations. Et il y a eu 1 338 tués sur les autoroutes et dans les agglomérations.
De l’ordre du tiers des morts sont attribués à la vitesse. Et bien d’autres causes des décès sont pointées : la conduite de « novices », l’alcool, les stupéfiants, la fatigue et les malaises, le non usage des ceintures de sécurité, la responsabilité de conducteurs de poids lourds, la pluie, la neige, le verglas, le mauvais état des routes… faute de moyens financiers suffisants, notamment.
Aussi, parler de réduire de 300 à 400 le nombre annuel de tués par l’abaissement de la vitesse à 8O km/h n’est vraiment pas réaliste. C’est littéralement « incroyable » !
Mieux vaut ne pas s’entêter et suivre les préconisations des présidents des conseils généraux, faire du « coup par coup » en fonction de la dangerosité réelle des divers tronçons routiers.
----------------------
L’expérience en cours de la « gestion » par Internet des cartes grises (et des permis de conduire), qui a viré au cauchemar pour des centaines de milliers d’automobilistes dont les dossiers sont bloqués depuis des mois, en raison de « bugs » à répétition, devrait inciter à moins de précipitation, plus de discernement et de modération dans la diffusion du « tout numérique ». Des craintes peuvent être éprouvées quant à l’application redoutée du prélèvement à la source, d’une utilité très contestable.  
1 - Croissance et déficit public : ne pas trop se fier aux apparences
Les grèves, les manifestations et la bourse  contrastent avec l’engouement du Gouvernement  
Depuis le mois de décembre et les annonces insistantes sur une croissance plus forte que prévu en 2017, le dynamisme de l’investissement et les bonnes dispositions des entreprises à l’égard de l’emploi, le soleil brille, brille, brille sur la France. C’est en tout cas l’avis des représentants du gouvernement, et le sentiment que la population est invitée à partager, malgré les protestations, les manifestations de mécontentement qui  se propagent, touchant maintenant aussi le milieu étudiant, et les grèves qui commencent à perler, à se répéter, à se répandre sur les fronts des activités de transport, de distribution, de santé…   
La bourse ne semble pas du tout convaincue que la situation est aussi brillante et que les perspectives sont aussi prometteuses depuis que Macron est président qu’on nous le claironne. Elle a baissé de – 4% à – 5% depuis la présidentielle, et, après une « embellie » à la fin de l’année 2017, elle a même chuté de – 6% à – 7% à fin mars.
Pour être plus précis, notre indice « phare », le CAC 40 était à 5 427 points le 8 mai 2017. Il est ensuite tombé jusqu’à 5 034 points au 30 août 2017, avant de remonter à un « sommet » de 5 537 points le 3 novembre 2017. Le 30 mars 2018, il était descendu à 5 167 points, soit - 4,8% en dessous du niveau du 8 mai 2017, et – 6,7 % en dessous de celui de novembre 2017.  
Pour mémoire et comparaison, le sommet atteint avant la crise financière était à 6 109 points le 2 mai 2007,  et l’Annapurna  du 1er août 2 000 était à une altitude de 6 658 points.  
L’indice SBF 120, qui compte 3 fois plus de sociétés que le CAC 40 et auquel on se réfère trop rarement, a connu un parcours comparable. De 4 311 points le 8 mai 2017, il est monté à 4 437 points le 22 janvier 2018, puis, en deux mois, il a perdu – 6,5 % pour se trouver à 4 147 points le 30 mars 2018… soit à – 3,8 % de son niveau du 8 mai 2017.
Si l’on excepte les quelques fleurons à l’exportation dynamiques des secteurs de l’armement, des transports, avec Airbus, leurs sous-traitants et les industries du luxe, le panorama est nettement plus attristant encore.
Nos investisseurs en bourse ne sont pas des rêveurs, et cette évolution n’est pas la confirmation « en chiffres » d’une appétence retrouvée pour l’investissement productif et d’une confiance sereine dans l’avenir. Le comportement « fiscal » erratique de l’exécutif, le pataquès de la sur-taxation des grandes sociétés, ainsi que la fuite en avant dans la dépense publique et l’endettement ne sont sans doute pas étrangers à cette réserve.   
La faiblesse des cotes du Président et du Premier ministre, sont aussi des signes d’un désamour et d’un manque de confiance croissants envers l’exécutif. À cet égard, les sondages se suivent de près et les présentations de leurs résultats  ne se ressemblent pas.
Un article de fin mars sur actu.orange.fr intitulé « La popularité de Macron au plus bas depuis son entrée en fonction » a donné le 23 mars les résultats d’un sondage BVA réalisé en ligne les 21 et 22 mars (1). Celui-ci a indiqué que 40 % seulement des Français ont une « bonne opinion » d’Emmanuel Macron, qu’il a perdu 12 points depuis décembre, et que 57 % des personnes interrogées ont désormais de lui une « mauvaise opinion ». De plus, si une toute petite minorité des Français interrogés, 17 % (comme ne janvier), soutiennent « l’action menée par Emmanuel Macron et le gouvernement », ils sont désormais  40 % à s’y dire opposés, soit 8 points de plus. Ceux qui attendent de voir quels seront les résultats ne sont plus que 41 % (- 7 points). En ce qui concerne Edouard Philippe, 43 % des Français ont une bonne opinion de lui, et 54 % une mauvaise.  
Peut-être dans l’espoir de remettre un peu de baume au cœur de l’exécutif et de ses supporters (?), sur le point.fr, le 28 mars, un article a titré « Sondage : hausse de popularité pour Emmanuel Macron » et a présenté les résultats d’un sondage Odoxam réalisé en ligne les 22 et 23 mars (2), soit à un jour d’intervalle du sondage BVA. Et c’est fou comme les opinions des Français peuvent changer en 24 heures ! En effet, dans ce dernier sondage, pour 45 % des Français interrogés, Emmanuel Macron est un « bon président ». 54% sont d’un avis contraire. Les scores d’Edouard Philippe sont les mêmes que ceux du Président. En hausse également.  
Les écarts entre les résultats des deux sondages, 40 % contre  45 % en ce qui concerne la popularité du président, sont de 5 points, soit de 11 %. C’est beaucoup. Et les sondeurs précisent que la marge d’erreur de leurs estimations est de 1,4 à 3,1 points. Faut-il vraiment croire à une telle versatilité des Français ou simplement constater des marges « d’erreurs » nettement plus grandes et, peut-être, penser à une insuffisante objectivité « politique » ?   
Les hausses fiscales au secours  du déficit budgétaire excessif en 2017
Le 26 mars 2018, l’INSEE a publié une première évaluation des comptes des administrations publiques de l’année 2017, utilisés pour notifier la dette et le déficit public à la Commission européenne. Ces comptes font apparaître que le déficit public a été réduit de 16,7 milliards (Mds) €, et qu’il est descendu à  2,6 % du PIB, c'est-à-dire sous le seuil fatidique des 3 %.  Cela
reste tout de même un déficit de 59,3 Mds €, qui représente  4,8 % des recettes publiques (3).
Aussitôt, Gérald Darmanin s’est félicité : « Pour la première fois depuis longtemps, la France atteint son objectif de sortie des  3 % de déficit en 2017. Excellente nouvelle due à nos efforts pour moins dépenser et aux recettes du nouvel élan inspiré par @EmmanuelMacron ! » Et les ondes ont vibré d’un retentissant hymne à la joie avec de flatteuses louanges sur l’efficacité du nouvel exécutif, qui évite ainsi à la France (dans l’immédiat) des sanctions financières de l’UE pour déficit excessif. Relever la cote de notre état et redorer le blason de nos dirigeants auprès de leurs amis des instances de l’Union était bien un objectif prioritaire du président Macron.  
Mais cette « performance » a été obtenue essentiellement grâce à une majoration considérable des impôts et des cotisations sociales (+ 46 Mds €), qui sont montés de 1 017 milliards (Mds) € en 2016 à 1 063 Mds en 2017, soit de + 4,5 %. Le taux de prélèvements obligatoires (TPO) rapportés au PIB a atteint le niveau record absolu de 45,4 %, contre 44,6 % en 2016 (4). « On est les champions ! » a-t-on pu entendre à la télé, sur un air ressemblant à celui de la victoire à la coupe du monde de foot de 1998. Inconscients !
En revanche, contrairement aux allégations de Darmanin et d’autres marcheurs, la dépense publique (DP) n’a pas baissé. Elle a cru de + 31,1 Mds €, soit, de + 2,5 %, pour s’élever à  1 291,9 Mds € en 2017, et représenter 56,5 % du PIB, contre 56,6 % en 2016. La légère diminution de ce taux (un autre triste record que conserve notre pays) provient surtout d’une augmentation de la valeur du PIB un peu plus forte, + 2,7 %, que celle de la DP. Les très faibles taux d’intérêt ont aussi continué à limiter le service de la dette publique et la DP. Il n’est pas évident que cela perdurera, car les injections monétaires massives de la Banque centrale européenne dans le système bancaire ne seront pas éternelles, d’une part, et les taux d’intérêt ont recommencé à monter aux États-Unis, d’autre part.
C’est précisément l’absence d’effort significatif de maîtrise de la DP, et particulièrement de réduction des effectifs de la fonction publique, que les oppositions et des économistes reprochent à l’exécutif. Et l’État « central » est le principal responsable du déficit public. Son seul déficit s’est monté à - 64,3 Mds € en 2017, c’est à dire plus que le déficit public total. Le compte de la Sécurité sociale montre un excédent de  + 5,1Mds, essentiellement dû à l’augmentation des ressources de la Sécu. De gros efforts ont été imposés aux collectivités locales, qui ont vu les dotations de l’État se rétrécir et ont restreint leurs dépenses.  
Quant à la « fabuleuse » croissance de notre PIB en 2017  (+ 1,9 % en volume), elle est en grande partie due à un contexte mondial favorable, qui a profité davantage à d’autres pays européens, dont l’Allemagne, puisque le taux de croissance du PIB des 19 pays de la zone euro a atteint + 2,5 %. Nos médias n’ont pas pu l’ignorer complètement.  
Autre point très noir, le niveau de la dette publique a encore augmenté en 2017. Il a « gagné » + 65,9 Mds € entre le début et  la fin de l’année, atteignant un nouveau record de 2 218,4 Mds €, soit 97 % du PIB. Et, tant qu’un déficit public subsistera, que la dépense publique ne baissera pas, il ne semble pas y avoir de raison majeure pour que l’endettement de la France se résorbe. Rappelons que la limite supérieure « autorisée » par les traités européens est de 60 % du PIB. Mais l’UE fait montre de beaucoup de tolérance, ou de complaisance, à l’égard des pays membres surendettés. L’endettement n’est-il pas l’un des moteurs principaux de notre croissance ?
Pourquoi la France  est-elle championne des dépenses publiques ?
Voilà une bonne question posée à nouveau, cette fois dans le titre d’un article sur contrepoints.org du 28 mars (5). La première réponse est l’étendue démesurée des domaines investis par l’État, qui vont de l’exercice des fonctions régaliennes (politique étrangère, défense, police, justice..) à l’éducation, à la santé, au transport, au travail et au chômage, aux retraites, au logement, à la culture, à l’énergie, à l’environnement, etc. Cette expansion est doublée d’un interventionnisme croissant, nous pouvons le constater. L’auteur de l’article pointe aussi le refus de la concurrence, très nuisible, selon lui, à l’amélioration de la productivité et des performances. A plusieurs reprises j’ai insisté sur l’inefficacité des dépenses publiques. L’éducation, au premier rang de cellesci, en est une illustration reconnue. Pourtant, il s’y exerce une concurrence, « contrôlée », entre public et privé. Mais, c’est un terrain miné par les « modes », la politique et l’idéologie, ainsi que par la propension des Autorités à vouloir élargir sa mission bien au-delà de l’enseignement des différentes disciplines, de la transmission du savoir et des méthodes d’acquisition des connaissances. Ils insistent sur le rôle sociétal, de préparation au « vivre ensemble » qu’elle doit jouer, non sans verser dans un certain « formatage », de plus en plus précoce. En témoigne encore cette dernière initiative d’en haut consistant à rendre obligatoire la maternelle à partir de 3 ans. La presque totalité des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés. Alors, pourquoi cette décision « symbolique » ? Urgente ?
La croissance exponentielle du nombre des normes et des réglementations, qui doit beaucoup à l’UE, est accusée d’étouffer nombre d’activités. Elle exige aussi toujours plus de contrôles (coûteux) par les services publics.
L’auteur souligne, à juste titre, que l’on transfère « à la collectivité la prise en charge de tous les risques, de tous les problèmes réels ou supposés, voire de la charité individuelle et les populations finissent par demander à être indemnisés de tout par l’État ». L’emprise de l’État s’accroit ainsi, les individus perdent responsabilités et initiative. Cette tendance s’accentue actuellement. La « prise en charge fiscale » (partielle) de l’assurance chômage, en lieu et place des cotisations des bénéficiaires potentiels des indemnisations, en est une des dernières manifestations.
Un autre facteur explicatif est la volonté des États de « gérer les inégalités », avec une confusion permanente entre l’égalité des chances, conforme à la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen, et « l’égalité des résultats que d’aucuns voudraient identité totale des situations » conduisant à édicter des règles et des exigences. Pour s’étendre et s’intensifier, cet égalitarisme use volontiers de la « discrimination positive », des quotas, des limitations… qui restreignent les libertés des citoyens (des électeurs, notamment, par les quotas femmes - hommes ainsi que par la tentative en cours de limiter le nombre de mandats des élus, par exemple). Cet égalitarisme use et abuse aussi de la redistribution. Une redistribution massive, omniprésente, et en partie aveugle et/ou inconsciente, qui est l’une des spécificités majeures en Europe et dans le monde de notre système de « protection sociale »… et économique. C’est un sujet que j’ai abordé plusieurs fois car il me semble très sousestimé ou volontairement ignoré, en raison de  ses ressorts, souvent associés à des préoccupations politiques (ou politiciennes).  
Notre système de redistribution comprend des « acquis sociaux » obtenus après de longues luttes, des opérations de répartition et de solidarité qui relèvent du bon sens, ainsi que des niches fiscales, nettement plus changeantes dans le temps (très imprégnées du souci de protéger l’environnement et économiser l’énergie, ces dernières années). Il s’exprime par nombre de dispositions, fiscales en particulier (dont la progressivité de l’impôt sur le revenu et les multiples exonérations, dégrèvements, réductions…), ainsi que par des allocations et « prestations » monétaires ou en nature variées, que l’on retrouve dans presque tous les domaines de la vie économique et sociale. Après avoir regroupé beaucoup d’informations de sources diverses portant sur l’année 2012, j’avais rédigé un article intitulé « Insatiable, inchiffrable et indéchiffrable redistribution » publié dans la Lettre du 18 juin d’octobre 2014. J’avais calculé que la somme des aides sociales aux ménages quantifiables (qui ne constituent qu’une partie de la redistribution) pouvait être estimé à environ 150 Mds €, ce qui représentait 7,5 % du PIB, 17 % du montant des prélèvements obligatoires, 13 % de celui des dépenses publiques et un peu plus que la moitié de la totalité des pensions brutes versées aux retraités.  
Il est peu probable que ces proportions aient diminué depuis 2012. Par contre, les composantes de la redistribution ont bougé et, depuis plusieurs mois, le grand chambardement est en marche, malheureusement, comme un éléphant dans un magasin de porcelaines. Hausse de la CSG, sans compensation pour des retraités, introduction de la « flat tax » sur les revenus financiers, profitable surtout aux plus riches, transformation de l’ISF en IFI, au profit des détenteurs de patrimoines financiers importants et au détriment des propriétaires de leurs logements, suppression de la taxe d’habitation pour une partie seulement des ménages et hausses de la taxe foncière (TF) sur des résidences secondaires, en attendant d’autres augmentations sur les résidences principales, sinon une « réforme » plus vaste, pour laquelle certains caressent l’idée folle de faire de la TF un nouvel impôt de plus sur le revenu, suppression de la part salariale des cotisations chômage, baisse de la cotisation maladie, sauf pour les retraités, menaces de suppression ou de nouvelles restrictions concernant le quotient familial, modifications du mode de fixation des indemnités de licenciement, changement des règles d’indemnisation des chômeurs… : toutes ces mesures impactent les revenus des personnes et modifient notre système de redistribution.
Sans que personne ne semble se préoccuper des perturba- tions que ce « patchwork » de décisions va provoquer  dans les équilibres entre les catégories de population.  
Comme si cela n’avait pas d’importance.  C’est attristant !Et, vu qu’en la matière, les statistiques et les comptes nationaux ont deux ans de retard sur les évènements, nous ne disposerons pas avant 2020 d’une évaluation (partielle) des impacts de ces mesures. Alors que d’autres seront intervenues entretemps, déstabilisant davantage notre système social.

2 – Des « filouteries » pour justifier des mesures impopulaires ?
Comment abuser les Français sur l’opulence des retraités
A - Ignorer les écarts conséquents  entre les niveaux des salaires et ceux des pensions
La récente édition 2018 d’Insee Références nous montre qu’en 2015 :
. En France (hors Mayotte), dans les entreprises non agricoles, les montants mensuels moyens nets (des prélèvements sociaux) ont été de 4 141 € pour les cadres, 2 271 € pour les professions intermédiaires, 1 637 € pour les employés, 1 717 € pour les ouvriers et 2 250 € pour l’ensemble des salariés.  
. Les salaires mensuels moyens nets ont été de 2 495 € dans la fonction publique (FP) d’Etat, de 1 891 € dans la FP territoriale et de 2 239 € dans la FP hospitalière. Les plus forts écarts séparent les salaires moyens des personnels médicaux, 5 417 €, et ceux des fonctionnaires de la FP territoriale, 3 277 €, aux sommets, de ceux des contractuels de la FP hospitalière, 1 604 €, et des nonfonctionnaires de la FP territoriale, 1 585 €, les moins rémunérés.
. Au 1er janvier 2015, le montant mensuel brut du SMIC (pour 35 heures de travail par semaine) était de 1 457,50 €.  
. Retraites : en 2015, les 15,980 millions de retraités de droit direct (tous régimes confondus) ont reçu des pensions dont le montant mensuel brut moyen a été de 1 376 €. Net, le montant est de 1 283 €. Il avait alors aussi plus de 800 000 retraités recevant seulement des pensions de droits dérivés plus modestes, des réversions aux veuves et aux veufs, principalement.  
Le montant moyen des pensions est donc très inférieur à ceux des salaires dans le public et dans le privé. Il est même « en dessous » du SMIC. C’est clair et compréhensible par tous. Aussi, prétendre que les pensions des retraités sont « anormalement » élevées par rapport aux salaires des travailleurs est un non-sens absolu.  
B – Recourir « abusivement »  au concept alambiqué de niveau de vie  
Afin de justifier son choix « assumé » de surtaxer les retraités, l’Exécutif, épaulé par la Cour des comptes, use et abuse d’un concept statistique complexe, le niveau de vie (NDV), pour affirmer à l’envi que le niveau de vie moyen des retraités est plus élevé que celui de l’ensemble de la population et qu’il
dépasse celui des « actifs ». Mais, les « Autorités » et les médias se gardent bien d’expliquer la signification et le mode de calcul des NDV.
Selon l’Insee : « Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (uc). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont généralement calculées selon l’échelle d’équivalence dite de l’OCDE modifiée qui attribue 1 uc au premier adulte du ménage, 0,5 uc aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 uc aux enfants de moins de 14 ans. Un ménage est constitué par les personnes, parentes ou non, vivant dans le même logement.
Point fondamental, dans les statistiques, la catégorie dans laquelle est classé un ménage (retraité, actif, salarié, chômeur, étudiant…) est celui de «  la personne de référence » du ménage. Jusqu‘en 2004, « il s’agit le plus souvent de la personne de référence de la famille quand il en a une, ou de l’homme le plus âgé, en donnant priorité à l’actif le plus âgé ». Depuis 2004, « l’Insee a adopté dans la grande majorité de ses enquêtes auprès des ménages une nouvelle définition de la personne de référence d’un ménage, qui ne tient pas compte du sexe des personnes composant ce ménage. Seuls importent le fait d’apporter ou non des ressources au ménage, le fait d’être actif ou non, et l’âge ». A noter que, par définition, un « actif » est une personne en emploi ou au chômage.  
Dans une partie des ménages dont un retraité est la personne de référence, se trouvent aussi des personnes occupant un emploi, des chômeurs et/ou des personnes inactives. Le revenu de tels ménages « mixtes » comprend des pensions et des salaires ou d’autres revenus. L’assimiler à un revenu de retraités pour calculer le NDV constitue une « d’approximation » non négligeable. A l’inverse, des retraités peuvent aussi se trouver « classés » dans des ménages dont la personne ce référence n’est pas retraitée, mais active, en emploi, voire au chômage… et les pensions de ces retraités seront comptées dans les revenus de ces différentes « catégories » de ménages.
Ainsi, dans un ménage comprenant un retraité et son conjoint, plus jeune, mais ayant un emploi et une rémunération supérieure à la pension du retraité, la personne de référence serait ce conjoint, « actif » et non le retraité, « non-actif ». Les membres du ménage (retraité compris) seraient alors classés dans les « actifs »… et leurs revenus seraient comptés avec ces ceux des actifs.
Au contraire, ménage « mixte » comprenant un retraité et son conjoint, employé, mais avec une rémunération inférieure à la pension du retraité (et à ses autres gains, s’il en a) serait classé dans la catégorie des « retraités ».
Rien ne semble, par ailleurs, interdire qu’un chômeur  (personne « active ») soit la personne de référence d’un ménage comportant, avec lui, une personne retraitée. Surtout si cette dernière a une pension modique. Ce ménage et ses membres (retraité compris) seraient alors classés dans les « chômeurs ».  
De tels cas sont devenus assez fréquents, avec la baisse des pensions en valeur réelle, la précarisation de nombreux retraités, ainsi qu’avec l’emprise du chômage et la multiplication des emplois à temps partiel.  
Cette « porosité des frontières » entre les catégories de ménages ne concerne pas que les retraités. C’est une faille importante qui complique les analyses et risque de fausser les comparaisons qui font un usage des NDV inconsidéré et sans les explications appropriées. Combinée à la redistribution pharaonique pratiquée en France, elle réduit considérablement les écarts de revenus entre ces catégories statistiques de ménages. Au point qu’en 2015, le NDV annuel moyen le plus élevé, celui des « actifs employés » de 18 ans et plus est estimé à  25 990 €, tandis que le plus bas, celui des « chômeurs » est chiffré à 16 180 €, celui des étudiants, à 22 130 €, et celui des autres inactifs, à 18 250 € (70 % de celui des actifs employés !). Quant au NDV moyen de l’ensemble de la population, il est de 23 440 €. Et celui des « retraités », de 24 540 €.
Ce NDV présente une image « en trompe l’œil » de la réalité décrite par des indicateurs moins « alambiqués ».  
Qui peut comprendre, en effet, que le NDV moyen des retraités soit évalué à 24 540 € en 2015, alors que le niveau moyen de leurs pensions nettes des cotisations sociales n’a été que de  15 396 € (1 283 € x 12) ? Sans compter que dans le calcul des NDV, les revenus (pensions et autres) sont amputés des impôts directs payés par les ménages (CSG, CRDS, Impôt sur le revenu et taxe d’habitation). Ce n’est pas le cas de celui des 15 396 €. J’ai lu des (rares) tentatives d’explication de cet écart géant dans des articles de médias qui mettaient en avant les revenus additionnels des « retraités ». C’est sans doute en partie vrai, surtout en raison de la porosité entre les « catégories de ménages » (cf. ci-dessus). Mais, une explication majeure de cet écart est l’augmentation des revenus qu’induit l’introduction des « unités de consommation » dans le calcul du NDV.
Exemple : le revenu disponible brut d’un ménage composé d’un couple de retraités est de 36 000 €. Le revenu disponible brut moyen (RDBm) des 2 individus est alors de 18 000 € (= 36 000 € /2). Pour les personnes de ce même couple, le  niveau vie moyen (NDVm) est, lui, de 24 000 € (= 36 000 € / (1 + 0,5)). Si une troisième personne (de 14 ans ou plus), sans revenu, fait partie du ménage, le RDBm des trois personnes est de 12 000 €, et le NDVm est de 18 000 €.  
Par construction, dans le calcul du NDV, la composition du « ménage » est déterminante. Et, le recours aux unités de consommation « majore » les revenus des ménages de façon différenciée, et  brouille l’observation des écarts de NDV entre les « catégories » de ménages.
Pourquoi s’en prendre aux retraités et non aux « étudiants » alors que le NDV moyen des étudiants, est aussi élevé : 22 130 €, soit  85 % de celui des personnes en emploi, 90% de celui des retraités et inférieur de 5,6 % seulement à la moyenne nationale. Pourquoi ne pas pointer cette « anomalie »… que l’on peut expliquer (au moins en partie, comme pour les retraités) par la majoration provenant de l’usage des unités de consommation. Ainsi, 3 étudiants en colocation forment un « ménage » de 2 uc. Si, avec « petits boulots », bourses, allocations, autres aides publiques et familiales, ils totalisent un revenu disponible de 30 000 €, soit un RDB moyen de 10 000 €, le NDV de chacun d’eux sera de 15 000 €. Le même type de majoration vaut pour 2 étudiant(e)s qui se mettent en ménage. Elle n’est pas belle la vie d’étudiant… en colocation ou en cohabitation ?
Des réserves doivent aussi être faites sur l’évaluation des niveaux de vie des « retraités ». Les enquêtes annuelles diligentées à cette fin portent sur les « ménages ordinaires ». N’en font pas partie les retraités hébergés dans les « collectivités », et notamment dans les Etablissements d’hébergement des personnes âgées, EHPA ou EHPAD, dont nous entendons depuis peu déplorer la triste situation. La DREES avait décompté 728 000 résidants en 2015. Ce ne sont pas les retraités les plus aisés. Leur prise en compte réduirait un peu l’estimation du NDV des « retraités ».  
Il faut préciser aussi que le revenu disponible d’un ménage « comprend les revenus d’activité (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage) nets des impôts directs ».  
Les impôts directs principaux payables ici par les ménages ne comprennent pas l’ISF, remplacé maintenant par l’IFI, et la taxe foncière, considérés comme des « impôts sur le capital ». En 2015, d’après les données présentées dans « Les collectivités locales en chiffres 2017 », les taxes sur le foncier bâti acquittées par les ménages se sont élevées à 30,4 milliards d’euros. Sachant que le nombre de résidences principales et secondaires était de 32,2 millions, on peut avancer que l’ordre de grandeur de la taxe foncière  moyenne par habitation a été proche de 1 000 €. Ce n’est pas rien ! Et les retraités, qui sont propriétaires de leurs logements davantage que les autres ménages ont donc été davantage taxés aussi. Réputés disposer de patrimoines « enviables », supérieurs à la moyenne, les retraités ont contribué en conséquence aux 5,2 milliards d’ISF.  La prise en compte de ces impôts aurait aussi minoré un peu le NDV « réel »  des retraités.
C – Par conséquent…
Cet ensemble d’observations me conduit à réprouver l’usage de cet indicateur non significatif pour justifier la répression fiscale des retraités. Le NDV, un outil complexe, doit être laissé aux spécialistes qui le connaissent bien.
De plus, comparer les niveaux de vie sans tenir compte des modes de vie, de la santé, de la condition physique, de la capacité à répondre aux difficultés, de l’aptitude à « profiter » des agréments de la vie… et se limiter à l’aspect monétaire, me paraît très réducteur. Surtout, en ce qui concerne les personnes âgées, dont il ne faut pas négliger, non plus, le rôle social, de « roues de secours », par l’assistance qu’elles apportent à leurs enfants et petits-enfants (lors de grèves, notamment, on vient de le voir à nouveau) et par leur dévouement en tant que bénévoles d’associations œuvrant dans les secteurs sanitaires et sociaux, souvent en faveur des plus démunis.
Limitation à 80 km/h sur les routes secondaires :  un entêtement injustifié  
Pour appuyer cette décision qui est jugée mauvaise par la grande majorité des Français et qui pénalise surtout la France de province (hors Ile-de-France) avec son réseau routier proche de 1 million de kilomètres, plusieurs « subterfuges » sont utilisés. Le premier consiste à prétendre que le but est d’enrayer la hausse persistante du nombre de morts sur les routes. Dramatisation injustifiée : d’après les statistiques de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), en métropole, la mortalité routière a reculé de - 51,1 % entre 2000 et 2010, puis de - 12,9 % de 2010 à 2016. Elle encore baissé de - 1,2 % en 2017, selon un très récent bilan provisoire. Dans les DOM, les baisses correspondantes des nombres de tués ont été de - 43,6 %, puis - 1,7 %, et enfin – 9 %.   De la sorte, en 2016, les nombres de personnes tuées sur les routes ont été de 3 477 en métropole, de 178 dans les DOM, et de 3 655 en France. C’est à ces chiffres que le Premier ministre se réfère quand il parle de sauver entre 300 et 400  vies grâce à l’abaissement de la limitation à 80 km/h. Autre « approximation » : il omet de préciser que sur les 3 477 tués en métropole, 1 067 l’ont été dans des agglomérations (hors autoroutes), 271 sur des autoroutes et, finalement, 2 317 personnes ont été tuées sur des routes nationales, des départementales, des communales et d’autres voies hors agglomérations.  50,9% de moins qu’en 2010.
La vitesse n’est pas la seule responsable des accidents de la route. De l’ordre du tiers des morts lui sont attribués en 2015 et 2016, soit environ 1 160. Mais, dans les accidents impliquant un conducteur en 2016, 718 étaient des « novices » (permis de moins de 2 ans), 819 avaient un taux d’alcool supérieur à 0,5 g/l, 488 avaient un test positif aux stupéfiants, 285 avaient eu une attention perturbée, 310 étaient fatigués ou avaient eu un malaise, 493 étaient des conducteurs de poids lourds. En outre, 354 usagers étaient mal ceinturés ou ne l’étaient pas. Ces chiffres montrent que les responsabilités des accidents mortels
sont souvent plurielles. Dans la précédente liste, manquent aussi au moins deux « facteurs de risques » importants : des conditions météo « défavorables », avec brouillard, pluie, neige, verglas… et l’état des routes, dégradées faute d’un entretien suffisant.
« Faute d’investissements, l’état du réseau routier français a dérapé », pouvait-on lire en décembre 2017 (6).  La baisse des dépenses d’entretien et de mise à niveau des routes a fait reculer de 30% le chiffre d’affaires des entreprises de travaux publics. Et l’avenir se présente mal, car, selon le gouvernement, 10 Mds € de plus que les ressources disponibles seraient nécessaires pour assurer correctement l’entretien.  
Aussi, parler de réduire de 300 à 400 le nombre annuel de tués par l’abaissement à 8O km/h sur les 400 000 km des départementales et des nationales à double sens sans séparateur central concernées, sur lesquelles de l’ordre de 2 300 morts (au maximum, en métropole) sont dénombrés, paraît optimiste, présomptueux, une erreur d’appréciation ou un subterfuge. Surtout, sachant qu’un seul décès sur trois est attribué à la vitesse sur les routes.
D’ailleurs, une étude du professeur émérite d’économie Rémy Prud’homme, intitulée « Modification des limitations de vitesse : bénéfices et coûts », avait été publiée en 2014, lorsque le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) avait proposé une telle limitation.  Il y était établi qu’un abaissement de 10 Km/h sur les 380 000 Km des départementales engendrerait une réduction de 4 km/h de la vitesse moyenne sur ces routes et permettrait d’éviter 538 accidents et de sauver 71 vies (7). Très loin des centaines de vies préservées annoncées par Édouard Philippe.  
L’étude établissait aussi que l’économie attribuable à cet abaissement (moins de pertes de vies humaines et d’hospitalisations) serait de 190 millions €, alors que les pertes de temps en déplacement des automobilistes (203 millions d’heures, au total) coûteraient 3,7 Mds €. Critique, la présidente de la Ligue contre la violence routière avait rétorqué que les accidents de la route coûtaient 40 Mds € [en 2016, il a eu 59 432 accidents corporels en France,  3 655 tués, 28 376 personnes hospitalisées et 46 751 blessés légers] et que chaque année, 6 millions de jours de travail étaient perdus à cause des accidents de la route. Elle aurait pu préciser que la majorité des accidents ont lieu, non sur les départementales, mais dans les agglomérations (38 250 en 2016), et que les blessés y sont majoritaires aussi (45 601 en 2016).  
Concernant la diminution de la vitesse à attendre (ou espérer) de l’abaissement à 80km/h, le rapport de l’ONISR sur l’expérimentation effectuée sur des tronçons de la RN7 dans Drôme, la RN 57 dans la Haute-Saône et la RN151 dans la Nièvre et l’Yonne, fait état d’une réduction moyenne observée des vitesses des véhicules de 4,7km/h. La baisse de l’accidentalité relevée a été jugée « pas statistiquement représentative ». Cela n’a pas empêché des partisans de l’abaissement de se servir de cette expérimentation pour soutenir la position du Gouvernement.
La décision de fixer cette limite de façon « généralisée et indifférenciée » sur 400 000 kilomètres de « routes secondaires » a provoqué une « fronde » de trente et un présidents de conseils départementaux qui, dans une lettre ouverte au Premier ministre le prient d’abandonner l’abaissement à 80 km/h pour faire plutôt du « cas par cas », notamment sur les axes accidentogènes (8). Ils connaissent bien les tronçons les plus dangereux de leurs départements, où la vitesse devrait être limitée à 70 km/h, voire à moins, et celles où circuler à 90 km/h ne présente pas de danger particulier.  
Nous verrons si l’Exécutif se ralliera à cette sage proposition, qui correspond à l’avis de beaucoup de Français, ou s’il préfèrera « faire preuve d’autorité », camper sur sa position, afin de pouvoir continuer à dire qu’il « tient ses engagements » et qu’il est assez fort, quelles que soient les oppositions, pour ne pas céder, reculer.  
Vive le « tout numérique » à fond la caisse !
« Cartes grises : cauchemar pour des centaines de milliers d’automobilistes » (9), et « Carte grise : 300 000 dossiers en ligne bloqués » (10), a-t-on pu lire sur actu.orange.fr le 28 mars.  
Depuis le 6 novembre, finies les démarches en préfecture pour obtenir ou modifier son certificat d’immatriculation. Tout doit être fait « directement » par internet. Et, pas d’oral de rattrapage. Or, des « bugs » informatiques à répétition se produisent sur le site dédié à ces « transactions » de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). La galère pour les automobilistes et les concessionnaires, qui voient leurs livraisons retardées, les délais qui s’allongent et, à la mi-mars, 300 000 dossiers bloqués (c’est 14 % du nombre d’immatriculations de véhicules neufs en 2017), d’après les infos fournies par le Conseil national des professionnels de l’automobile. Il y avait déjà 187 000 dossiers « virtuels » en attente fin novembre. Selon Le Parisien (9), au total, il y en aurait maintenant entre 400 000 et 450 000 en souffrance. Et les choses ne s’arrangent pas. Aujourd’hui, six « préfectures virtuelles » sont en service et il est prévu de porter leur nombre à neuf. Les professionnels sont sceptiques. On peut s’étonner (ou non) que les chaînes de télévision grand public aient été et soient encore si discrètes (muettes) sur le sujet. Une fois de plus, ce sont les sites Internet qui donnent accès à une information utile… et déplaisante pour le Gouvernement.     Le même type de « gags », pardon, de « bugs », s’est produit pour la délivrance des permis de conduire. Mais, « Globalement, cela va mieux », selon un président de réseau d’auto-écoles.
Ces « défaillances », et/ou « erreurs de jeunesse », montrent que pour recourir au tout-numérique, mieux-vaut ne pas sousestimer les difficultés à attendre (aucun système n’est infaillible), et bien préparer le terrain.  
A ce propos, des inquiétudes s’expriment sur la mise en place prochaine du « prélèvement à la source ». Le MEDEF a demandé récemment un moratoire d’un an pour permettre aux entreprises, et notamment aux PME et aux TPE, de se préparer convenablement. Cela se comprend. Les administrations et les autres organismes concernés sont-ils fin prêts à faire fonctionner sans « bugs » divers cette « usine à gaz » en gestation… inutile et coûteuse.

Sources et références :
(1) « La popularité de Macron au plus bas depuis son entrée en fonction »,  actu.orange.fr/politique/la-popularite…, le 23/03/2018.
(2) « Sondage : hausse de la popularité pour Emmanuel Macron »,    lepoint.fr/politique/sondage-hausse…, le 28/03/2018.
(3) Publication des comptes nationaux des administrations publiques pour 2017 par l’Insee  performance-publique.budget.gouv.fr/ actualites/ 2018/publication…
(4) « Comptes publics 2017 : la France toujours en tête pour taxer et dépenser »    par Nathalie MP,    contrepoints.org/2018/03/29/312875comptes-publics…
(5) « Pourquoi la France est-elle championne des dépenses publiques »   par Yves Buchsenschutz,     contrepoints.org/2018/03/28/312775-pourquoi...
(6) « Faute d’investissements, l’état du réseau routier a dérapé »,   lexpansion-lexpress.fr/actualite-economie/faute…, le 18/12/2017.
(7) « Limitation de vitesse à 80 km/h : un coût exorbitant ? »,   capital.fr/economie-politique/limitation…, le 09/01/2018.
(8) « La fronde des 31 départements contre la limitation à 80 km/h »,   capital.fr/economie-politique/la fronde…, le 09/03/2018.
(9) « Cartes grises : cauchemar pour des centaines de milliers d’automobilistes », actu.orange.fr/france/cartes-grises-cauchemar…, le 28/03/2018.
(10) « Carte grise : 300 000 dossiers en ligne bloqués », actu.orange.fr/ france/carte-grise-300…, le 28/03/2018.


© 06.04.2018
Retourner au contenu