|
PÉTITION NATIONALE
POUR TRANSFORMER L’AVENIR
DU RÉSIDENT DE L’ÉLYSÉE-PALACE
par Nicolas Merlot
Le Peuple doit défendre ses lois comme ses
remparts. Héraclite.
Dans le champ de l’Erreur se moissonne la Mort. Eschyle.
Avez-vous déjà entendu parler de l’évêque d’Urgel
? Proclame-t-il devoir être heureux sous la chasuble pour porter dignement la
mitre ? Va-t-il dans le désert prêcher à tort et à travers ? Visite-t-il Disneyland
avec sa poule
le lendemain d’avoir baisé la main du saint Père lors d’une visite ad
limina ? Lorsqu’il bénit les troupeaux de moutons dans les alpages pyrénéens,
insulte-t-il (en catalan) les bergers libres-penseurs qui ne le saluent point ?
Faitil enjoindre par son vicaire général aux curés de
ses paroisses d’enseigner le catéchisme en anglais afin que ses ouailles soient
plus performantes dans la pénombre des confessionnaux ? Contraint-il des
chanoines serviles à valider des mandements contraires à la volonté de son
peuple et au droit canonique ? Se mêlet- il de donner
des ordres aux alcades de son diocèse par-dessus l’ordre judiciaire du Royaume
d’Espagne ? Non, vous n’avez rien entendu de tel ? Moi non plus, et j’ignore
tout de Monseigneur d’Urgel, qui est sans doute un brave homme d’évêque,
soucieux de ralentir la fuite lente des fidèles, d’empêcher la foi de s’éteindre,
et trop heureux d’ordonner deux séminaristes par an. Monseigneur est donc sans
doute à la fois curieux et vaguement inquiet de rencontrer son collègue, co-prince des vallées andorranes, Son Altitude le
Perturbant de la République Française.
Digne successeur de Gaston Phoebus, comte de Foix et de Canard, le co-prince
du Nord va de femme en femme, de fête en fête, de voyage en voyage et de discours
en discours, étalant le faste clinquant d’un féodal propriétaire de son fief.
Il ne lui manque que de composer des chansons, mais d’autres s’en chargent pour
lui. Il ne lui manque que des projets politiques, mais Gaston n’en avait pas
non plus. Si, pourtant : Gaston, pour rester maître chez lui, voulait rendre
son domaine le plus possible indépendant. L’Ipsissime,
lui, vient d’obtenir d’un parlement à sa botte l’abolition de la République et
la vassalisation de la France.
Du jamais vu depuis le honteux
traité de Troyes par lequel, en 1422, le Royaume de France faillit passer sous mainmise
étrangère. Il est vrai, cependant, qu’il fait son boulot. Pas son métier de
Président, sa campagne électorale n’a pas été financée pour ça, mais son boulot
de mini-traitant micro-trottant, d’agent de la finance internationale, chargé
de faire du passé table rase, de soumettre un peuple rétif et de mettre fin à
des siècles d’Histoire. D’agir, en somme, afin que la prochaine agression
décidée par les pays qui sont les bras armés de la finance ne se heurte plus à
aucune opposition.
Les ornements sacerdotaux ne s’accordent
guère aux paillettes du rastaquouère. Mgr d’Urgel et le Vibrion Colérique
forment donc une paire mal assortie, mais fort heureusement pas un couple, de
sorte que la doctrine catholique ne leur interdit pas de se séparer. Cependant,
si un évêque a vocation à la vie solitaire, on n’imagine point un président
esseulé. À qui donc le réassocier ? Quelle autre principauté pourrait-il coprincipiter?
Heureusement, encore une fois
(vraiment, la Providence veille), une autre principauté est disponible, celle
de Monaco, qui jusqu’à présent n’a qu’un seul prince, ce qui avouons-le est un
peu peu pour un territoire grand comme trois fois le
jardin de l’Elysée. Le prince régnant pourrait faire un peu de place, voire
partir (avec la caisse) faire la paire avec le co-prince
ecclésiastique d’Andorre, et laisser régner seul le Pétulant de la Chose Publique.
Tout le monde gagnerait à un si
raisonnable échange : l’évêque un compère mieux seyant, le prince un terrain
plus étendu pour les projets immobiliers, et le Turbulent de la Place Publique
un théâtre à sa mesure. N’a-t-il pas ressuscité la royale coutume d’épouser une
fortune italienne ? Le casino de Monte-Carlo serait une source d’inspiration
sans cesse renouvelée pour le Permanent du Spectacle, qui se ferait introniser
en grande pompe, debout sur le bouclier fiscal porté par un exilé bruxellois,
un banquier londonien, un courtier de bourse nouillorquais
et un ministre-président teuton. Ouvrant la marche, le Barroseur
barrissant de Cancanie brandirait l’arroseur à
chômage et le Grand Tricheur d’Euroland manierait la masse à massacrer l’industrie.
Le Proconsul de Saxonie exhiberait ses dents blanches jusqu’aux gencives.
Les ralliés et les lèche-culs suivraient en rampant comme des loches. Les cocus
politiques de France et de Navarre formeraient une immense haie d’honneur,
tandis qu’une otanesque escadrille de bombardiers
survolerait le cortège. Quelques esclaves chinois et quelques menus spéculateurs
enchaînés égaieraient le défilé de leur larmoyante présence. Les gardes
rabroueraient le peuple. Ce serait très beau.
La suite ne le serait pas moins.
Le tribut attribué au Trépidant triplerait. La pompe à phynances
transatlantique quadruplerait sa puissance, débitant au passage dans de
nombreux petits tuyaux judicieusement branchés sur la conduite forcée
principale. Appliquant les recettes de l’extraordinaire imprésario des Grimaud,
d’un talent très supérieur à celui des Windsor qui peine depuis longtemps à l’imiter,
le staff de pub princier pourrait refaire le coup de la voiture infernale et de la princesse
mourant dans la fleur de l’âge. Devenu veuf, portant le coeur
en écharpe, le Farfouillant de la Foire Publique apitoierait les âmes, et,
tandis que les derniers deniers seraient dilapidés, que les ultimes lambeaux de
l’industrie française seraient bradés dans la gigantesque fête foraine
mondialisée, pour compenser la casse les caisses de l’État seraient renflouées
par la vente de
la Tour Eiffel. Soigneusement
transportée dans des caisses numérotées, elle serait remontée à Las Vegas. Ainsi
serait à jamais pérennisé le rayonnement de la France sur la plus grande
puissance mondiale. Assagi par l’âge, le grave prince de la minuscule principauté
de France porterait désormais dignement le frac lors de ses visites annuelles à
Bruxelles, pour baiser l’anneau du President of the European Union. Les frasques, le fric, le fric-frac et le frac. L’Europe est notre
avenir.
19.04.2008
|
|