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ÉDITORIAL
par
Jacques Dauer
Depuis
quelques
semaines, un certain nombre d’amis et de lecteurs m’écrivent, me téléphonent ou
me font parvenir des courriels en s’étonnant que depuis le mois de mai 2007, je
ne parle pas de Sarközy. La raison est la suivante, je n’ai pas approuvé sa
candidature mais une fois élu, je me dois de le reconnaître comme Président de
la République. C’est la loi démocratique. Certes, je ne suis pas en parfait
accord avec lui, mais pour autant, ainsi que j’ai répondu à quelques-uns d’entre
vous, on ne peut porter un jugement sur ses propositions et ses décisions, au
mieux à la fin de juin 2008, plus précisément à la fin de l’année 2008, voire au
début de l’année 2009.
Nous
sommes des gaullistes, notre priorité, c’est la France et son avenir mais c’est
aussi les Français et leurs préoccupations. Vous qui me lisez depuis tant
d’années, vous savez que mon côté polémiste ne l’emporte pas sur la réflexion à
long terme. Que la méthode de gouvernement, les propositions en tous domaines
demandent, qu’elles vous agréent ou vous déplaisent, d’attendre les
résultats.
Le
Président de la République a donné hier sa première conférence de presse. C’est
un moment difficile, d’autant plus qu’elle est comparée à d’autres plus ou moins
lointaines. J’entends votre question, mais qu’en pensezvous? J’évite toute
comparaison, car comme nous l’apprenaient nos anciens : comparaison
n’est pas raison, d’une
part ce ne sont pas les mêmes époques, d’autre part selon l’âge de chacun,
l’appréciation sera différente. Pourtant, j’estime qu’il a été conforme à
sa
nature, que les sujets traités l’ont été convenablement, que les idées sont
estimables.
Le
débat qui s’est engagé dans les milieux politiques et technocratiques fait
resurgir les vieilles antiennes. La gauche veut un peuple d’assistés, la droite
cultive la bassesse qui se trouve dans chaque être humain. Cela n’est pas
nouveau et le problème qui se pose est de savoir si les partis politiques vont
cesser cette conception réactionnaire à tout le moins ! Le plus choquant, c’est
que de part et d’autre, on en revienne aux vieilles « erreurs » de l’occupation
notamment la délation, en s’appuyant sur les associations de victimes, de
non-fumeurs, des antichiens, de ceci, de cela…
Nous
sommes en face de multiples propositions. La première, le domaine social, par la
relance de l’idée de participation et d’intéressement. Nous avons été ravis
d’entendre le Président de la République reprendre et développer cette idée.
Mais attention, il ne saurait être question de passer à l’acte sans que les
salaires soient garantis sur le plan national. En effet, ni l’intéressement ni
la participation ne peuvent être un substitut aux salaires décidés après
discussion et accords syndicaux. Nous n’avons aucune confiance dans le MÉDEF qui
aimerait bien voir baisser les salaires le plus possible et éviter toutes formes
de participation.
Il est évident que celle-ci ne s’adresse
qu’aux entreprises au-dessus de 150 salariés, sauf cas exceptionnel entre 50 et
150 salariés. Au-dessous de 50, l’intéressement doit être mis en place. Pour que
l’intéressement réponde à nos critères sociaux, il serait nécessaire que la
CGPME ne soit plus sous le contrôle du MÉDEF, comme actuellement. Le chef
d’entreprise que j’étais, ayant mis en place l’intéressement et aidé d’autres
chefs d’entreprise à introduire la participation dans leur société, sait
parfaitement de quoi il parle. Il a, il y a quelques années, donné des cours à
l’ESSEC sur ce sujet important pour éviter les excès du capitalisme, comme ceux
de la lutte des classes de certains syndicats. Nous pensons que c’est un moyen
d’apaiser les esprits mais surtout d’augmenter, non seulement le pouvoir d’achat
des salariés, mais aussi le niveau de vie des Français. De plus, cette grande
idée responsabilise tous les salariés mais, et ce n’est pas rien, une
déconcentration des responsabilités au sein de l’entreprise.
De
plus, il introduit la démocratie dans les sociétés, ce qui n’est pas une mince
affaire. C’est un projet de société, nous trouvons sans conteste une cohérence
de la pensée chez le président. Associer le capital et le travail ne peut que
recevoir notre approbation. Tous ces critères créent des gains de productivité
d’autant plus importants que l’ensemble du personnel y trouve son compte. C’est
une idée qui peut même aller jusqu’au sauvetage d’une entreprise en difficulté,
la sauver des délocalisations, lui donner sur le plan international une vitalité
qui a beaucoup étonné les chefs d’entreprise qui ont choisi cette formule. C’est
gagner plus pour que l’entreprise gagne plus, que le personnel y trouve son
compte comme le capital, que les Français se réjouissent de retrouver la
puissance du travail. Ce que de Gaulle n’a pu faire au milieu des années 60,
parce que Pompidou ne le voulait pas – en accord avec le MÉDEF de l’époque,
c’est-à-dire le CNPF –, le Général l’a proposé au peuple en avril 69, mais
l’ensemble de la classe politique n’a eu d’yeux que pour ce pauvre Sénat qu’on
allait supprimer, ce qui était faux d’ailleurs.
Ce
fut une erreur dulcipompienne grave, qui n’a pas permis une meilleure
compétitivité du travail. Les gaullistes de conviction seront très déterminés
sur ce sujet capital pour l’avenir de la Nation, comme ils le seront pour ce que
l’on appelle malencontreusement la TVA sociale, qui sera un moyen d’abaisser
dans un premier temps, les 40 milliards d’euros de notre déficit commercial,
alors que l’Allemagne a 20 milliards d’euros d’excédents Dans ce domaine social,
nous connaissons notre force et nos possibilités tant politiques que syndicales,
que ce soient patronales, cadres ou ouvriers.
Le
Président a voulu aussi défendre la langue française dans sa proposition
concernant France 5, France 4, France Ô, etc., bien évidemment que nous y sommes
favorables. Mais j’aimerais qu’il nous précise sa position sur le Protocole de
Londres, soutenu par l’ineffable Bockel ; sur la langue française sous-employée
à la Commission de Bruxelles ; sur l’envoi, par les fonctionnaires européens de
nationalité (!) française, de lettres et rapports écrits en anglais, et que
ministres et fonctionnaires y répondent dans la même langue ; encore plus
inadmissible, le ministre des Finances, Christine Lagarde, a décidé que toutes
notes, rapports qui lui sont destinées doivent être rédigés en anglais ;
elle-même ne s’adresse à ses fonctionnaires qu’en
américain.
Que
fait-elle ici, qu’elle retourne à Washington. Dans quelques jours, le Congrès
sera appelé à voter le mini-traité qui reprend en quasi-totalité le traité sur
la constitution européenne de Giscard. Bien évidemment la droite va le voter, la
gauche, toujours aussi courageuse et hypocrite, a décidé de ne pas être
présente, sous le prétexte que c’est au peuple de voter par référendum. Alors
qu’elle dit et agit autrement. Mais comme le Général de Gaulle, les gaullistes
sont pascaliens et ne croient pas à la fatalité. Mais ce n’est pas une raison
pour ne défendre le destin de la France ! Il doit en résulter la destinée de
l’Europe. Cette destinée n’est pas celle des États-Unis, est-elle fatale ?
Certainement funeste… Funeste pour eux-mêmes, funeste pour l’Europe et nous
osons écrire fatal pour la France. Mais pourquoi ? Involontairement, le
Président de la République, exclu du champ politique l’énarchie et, par la
nature des choses, elle est remplacée par la synarchie. Il faut être octogénaire
pour se souvenir de ce mode de gouvernement qui éclot avant-guerre et éclate
pendant l’occupation pour être chassé par de Gaulle en
1945.
Depuis
quelques années, la résurgence de la synarchie s’amplifie prenant appui sur la
synarchie anglo-saxonne. L’origine de cette résurgence provient, dans les années
60, de la création du Club Jean- Moulin. Mais sa réussite fut imparfaite et
l’énarchie fut sa création. Il faudra attendre les années Mitterrand, pour que
le réveil enfin se fasse et que les nouveaux synarques élargissent leur
composition avec des énarques bien évidemment, des intellectuels, de grands
industriels, etc.
Très
curieusement leur référence, pour la plupart, c’est Jean Monnet, celui qui a
trahi la France et de Gaulle et s’est vendu aux synarques américains. Si le nom
de Blair circule de plus en plus pour prendre la présidence européenne après que
le mini-traité ait été accepté, ce n’est pas dû au hasard. Si des socialistes
français refusent leur soutien à Blair, ce ne sont pas des questions doctrinales
qui les meuvent. Si Dominique Strauss-Kahn a pris la présidence du FMI, ce n’est
pas sans raison. La seule défense du peuple-citoyen aujourd’hui, c’est son bon
sens. Combien de temps pour qu’il l’exerce véritablement ? Combien de temps pour
que les pressions qu’il doit supporter aient ou n’aient pas une influence sur
lui. Si François Fillon politilise à outrance les municipales prochaines, ce
n’est pas une idée farfelue. En effet, si le peuple-citoyen, malgré les
difficultés, les pressions, les apparences, récusent aussi bien les candidats du
pouvoir que ceux de l’opposition, cela entraînera des complications que la
synarchie française aura du mal à surmonter.
Avons-nous
une politique étrangère ? Vous me permettrez d’en douter. Pour la plupart, ils
ne sont français que de nom. Prenons un exemple, ils ont abandonné, il y a
plusieurs années l’Afrique aux États-Unis et même pour quelques pays à
l’Allemagne. Aujourd’hui, nos diplomates sont totalement dépassés par
l’intrusion extraordinairement efficace de la Chine. Les Américains aussi, les
Chinois issue d’une vieille civilisation, ne l’oublions jamais, payent leur
conquête de l’Afrique avec l’argent américain et ceux-ci ont du mal à
comprendre. C’est la raison pour laquelle, l’Europe, sous quelque forme que ce
soit, mais toujours aux ordres de Washington, est pour eux une nécessité qu’ils
croient vitale.
Tôt ou tard, les États- Unis perdront
leur primauté et seule la France, si elle se conduit convenablement,
c’est-à-dire refuse cette Europe à la fois mercantile et servile, peut sauver
non seulement l’idée européenne mais être un élément dirimant et efficace dans
le monde de demain. Permettez-moi de reprendre deux phrases du Général : « En
France, la gauche trahit l’État, la droite trahit la Nation. La perfection
évangélique ne conduit pas à l’empire. » « J’entends une Europe formée d’hommes
libres et d’États indépendants, organisées en un tout susceptible de contenir
toute prétention éventuelle à l’hégémonie… Or les questions et les réponses du
Président sur l’Europe du minitraité: est-ce une Europe qui protège ou qui
inquiète. Énoncer que maintenant l’Europe a un cadre et des règles pour décider
est manifestement une contre-vérité. Puisque l’on parle dans les milieux
énarcho-politiques sans cesse de monarchie, rappelons une vérité énoncée par de
Gaulle et toujours vérifiable : « Du jour où la noblesse française consacra son
ardeur à défendre ses privilèges plutôt qu’à conduire l’État, la victoire du
Tiers était d’avance certaine. »
Pour
conclure, je voudrais que l’on n’oublie jamais que la France, à part la Chine,
est une des plus vieille civilisation. Elle est l’héritière de Rome et d’Athènes
et dans une certaine mesure des Empires égyptiens et mésopotamiens. Aucun pays
d’Europe et du monde ne peut revendiquer une telle ascendance.
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15.01.2008
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