Débat du CNR et de l'Académie du gaullisme,

le 7 octobre 2019

Organisé par Jacques MYARD,

Présidé par Gérard-François DUMONT

« Les enjeux et défis de la démographie française »



Par Christine Alfarge

« La question démographique majeure, le renouvellement des générations »

En ce début du 21ème siècle, où en est la situation de la population mondiale ? C’est le rôle essentiel que la démographie va jouer en termes d’informations sur les réalités immédiates, celui de connaître à tout moment le nombre d’individus vivant dans tel pays, affiner jusqu’à l’âge moyen, la répartition hommes/femmes ou l’espérance de vie.

Au-delà, la démographie joue aussi un rôle de prospection, quelle sera l’évolution du nombre d’habitants dans les années à venir ? Cela devient alors une question politique abordant deux sujets majeurs auxquels il faudra trouver des solutions, les régimes de retraite et les politiques d’immigration. La démographie a donc un rôle fondamental pour les futures générations, soulevant les problèmes, suggérant les solutions, avec les bons leviers pouvant être mis en place, indispensables pour éclairer l’avenir.

Quelle vision a-t-on du vieillissement à l’échelle européenne ?

Pendant des siècles, la France est la plus peuplée d’Europe, son rayonnement est immense, à travers la langue française très prisée, l’éducation domine vers 1800. Le pouvoir démographique va basculer au 19ème siècle, concernant la France, la fécondité va baisser aux alentours de 1866 et l’Allemagne devient la plus peuplée. S’il existe un problème de renouveau après-guerre, la France a un peuplement égal à l’Allemagne, la parité explique les évolutions géopolitiques.

La révolution démographique.

Le niveau de fécondité en Europe s’observe à des dates différentes selon les pays. Avant l’année 1960, les bébés naissent de façon aléatoire liée à des facteurs de contraception, la fécondité va devenir un projet rationnel.

A la question posée : « souhaitez-vous avoir un enfant ? » 45% des personnes interrogées disaient « ce n’est pas programmé ». Le changement, c’est les bébés qui naissent dans la durée, la liberté de choix, expliquant la baisse de natalité en Europe, d’abord en Europe du nord puis en France et en Espagne avec la diffusion de la contraception. On constate également une chute importante de

la natalité en Italie, quant au Royaume-Uni, la natalité est plus forte que celle de la France.

Comparaisons méditerranéennes.

La natalité est clairement en hausse en Algérie par la remontée de l’islamisme et les Frères musulmans, une situation supérieure à la France, elle-même identique au Maroc, montrant une évolution en Turquie. Selon Gérard-François Dumont : « En général, quand on donne les chiffres pour la France, s’agit-il du territoire ou avec Mayotte ? », depuis l’accession de Mayotte au statut de département en 2009, le nombre d’habitants est compris dans le territoire de la France (intégré en réalité à partir de 2014).

Au 1er janvier 2019, la France compte 67,19 millions d’habitants dont 65 millions en France métropolitaine, la différence des 2,19 millions d’habitants représentant uniquement les départements français d’Outre-mer.

La politique familiale.

Elle exerce des effets, le renouveau est plus intense en France que dans d’autres pays. Gérard-François Dumont cite « l’exemple de la Sarre faisant partie de la France, entité créée au lendemain de la première guerre mondiale entre 1920 et 1935 comme dédommagement de guerre, qui va connaître la même fécondité de 1946 à 1955 puis la Sarre vote son rattachement à l’Allemagne grâce aux accords de Luxembourg conclus le 27 octobre 1956 et voit sa fécondité baisser à l’instar de la République fédérale allemande

Concernant le niveau de fécondité des pays européens, on constate une corrélation parfaite. Les pays ayant peu de politique familiale, la fécondité est faible. Pour

Gérard-François Dumont : « l’exemple de l’Allemagne qui verse des allocations familiales pour le premier enfant, démographiquement, ce n’est pas efficace ! il ajoute : « l’Allemagne continue d’avoir une mentalité qui n’apprécie pas que les femmes veuillent revenir au travail. »

En France, le point important de la politique familiale est l’effort portant aussi sur la fiscalité, les services dans tous les domaines et pas seulement sur les allocations.

La politique familiale est mise en œuvre par l’Etat, les communes, les crèches. Selon Gérard-François Dumont : « Que ce soit un maire de gauche ou un maire de droite, il y a une véritable pérennité au-delà des étiquettes politiques. »

Depuis cinquante ans, la fécondité n’est pas stable, en baisse ou en hausse dans l’inconscient collectif, les Français se rendent compte de l’avenir et sont confortés ou non d’avoir des enfants.

La période de 1997 est essentielle.

L’universalité des droits concernant les allocations familiales est remise en cause, les communistes sont contre, le gouvernement Jospin fait marche arrière quelques mois plus tard, rétablissant le principe d’universalité tout en abaissant le quotient familial.

Qu’est-ce qui peut expliquer la crise de la natalité en France après 2014 ?

Les quatre années de baisse de la natalité postérieure à 2014, ce n’est pas la crise économique, moins il y a de femmes, moins il y a de naissances. La diminution des mariages est-elle en corrélation avec la baisse des naissances ? Selon Gérard-François

Dumont : « La baisse de la natalité n’est pas liée à la diminution de mariages, cette explication ne vaut pas pour la France. » Dernière explication : est-ce le souhait d’avoir des enfants plus tard ? « La fécondité des 25-29 baisse, on est à un âge de plus en plus avancé, ce retard de l’âge au mariage n’explique pas non plus la baisse de la natalité. » pense Gérard-François Dumont.

Que s’est-il passé alors ?

La diminution des allocations familiales sous le quinquennat Hollande, la baisse du quotient familial pour les plus aisés avec une modulation des aides à l’accueil des jeunes enfants poursuivie au-delà avec un nouvel abaissement du plafond des ressources donnant droit au versement de l’allocation de base pour les parents de jeunes enfants, vont pénaliser les classes moyennes très durement. Selon Gérard-François Dumont : « Les évolutions de la natalité depuis quarante ans suivent celles de la politique familiale. Les effets des mesures prises depuis 2012 ont commencé à se faire sentir en 2016 et cela s’aggrave en 2017. Il ne faut pas oublier la baisse des dotations aux collectivités locales réticentes à développer l’accueil des jeunes enfants. Les difficultés, pour concilier vie familiale et vie professionnelle, sont très grandes. »

Peut-on espérer un retour à la fécondité ?

Selon Gérard-François Dumont: « Le gouvernement ne s’inquiète pas, il n’y a pas un mot sur la politique familiale dans la letter du 13 janvier 2019 du président de la république aux Français. La fin de la taxe d’habitation est une catastrophe, avec des enfants, l’abattement est supprimé. Il y a aussi la décision d’allonger le congé paternité, le prélèvement à la source remettant en cause la solidarité dans le couple, l’objectif de supprimer le quotient familial, perte de la logique et de la complémentarité, l’impôt est lié à l’individu mais pas à la situation familiale. Il ne faut pas oublier non plus les pensions de réversion. Il ajoute : « Derrière tout ça, les politiques sociales sont de plus en plus coûteuses, il est essentiel de faire un diagnostic, cela révèle surtout une mauvaise situation pour espérer un retour à la fécondité. »

« L’histoire de l’INED (Institut national d’études démographiques) de 1945 à 1962 montre que la politique familiale a besoin à la fois d’être portée par des hommes politiques ayant le sens de l’Etat et de s’appuyer sur des analyses scientifiques. Face au risque de rabotage auquel est confrontée aujourd’hui la politique familiale de la France, il importe de raviver l’esprit et la flamme de ces hommes exceptionnels que furent le Général de Gaulle et Alfred Sauvy. Au regard du renouvellement, le système a un problème démographique mais il n’a pas un problème de retraite », conclut Gérard-François Dumont.

 

© 09.11.2019