« 2020, sous le signe du Général de Gaulle »

Par Christine Alfarge

 

« La nation retrouvée »

Pour les 130 ans de la naissance de Charles de Gaulle, les 50 ans de son décès et les 80 ans de l’appel du 18 juin 1940, la Monnaie de Paris émet plusieurs pièces euro 2020 marquant ainsi un triple anniversaire historique pour la France.

L’occasion de réfléchir où en est l’unité nationale aujourd’hui ? « Celle qui s’est forgée dans la lutte clandestine contre l’occupant, qui évita à notre pays la guerre civile et la crise profonde qui déchirèrent tant de nations de notre continent » écrivait Jacques Debû-Bridel qui jouera un rôle majeur au sein du Conseil national de la Résistance dont aura lieu la première réunion organisée le 27 mai 1943 sous la présidence de Jean Moulin, délégué par le Général de Gaulle, élaborant malgré le danger, un projet social pour tous les Français.

Cette unité, est-elle encore possible ?

Peut-on espérer une unité nationale à l’image du Conseil national de la Résistance qui permit au Général de Gaulle de consolider ses positions, dont il commentera ainsi le message en 1943 dans ses « Mémoires de guerre » : « Le télégramme de Paris transmis à Alger par les postes américains, britanniques et français libre produisit un effet décisif, non seulement en raison de ce qu’il affirmait, mais aussi et surtout parce qu’il donnait la preuve que la résistance française avait su faire son unité. La voix de cette France écrasée mais grondante et assurée, couvrait soudain le chuchotement des intrigues et les palabres des combinaisons. J’en fus à l’instant même plus fort, tandis que Washington et Londres mesuraient sans plaisir, mais non sans lucidité, la portée de l’événement. »

Pourquoi évoquer le CNR ?

Sans doute parce que nous vivons des temps difficiles, dans un climat de tensions sociales à travers des manifestations d’ampleur qui nous rappellent combien les batailles furent très dures pour l’émergence de la nation des droits de l’homme, la reconstruction du pays après la guerre et combien cet héritage est si fragile.

« L’Histoire est symbolique mais toute entière dans l’action. » (Charles de Gaulle)

Aujourd’hui qui défend vraiment les citoyens ? La droite comme la gauche ont oublié le peuple depuis bien longtemps par manque de vision et d’efficacité sans s’affranchir des élites ni des minorités, adhérant sans hésitation au progressisme, à une mondialisation sans contrainte, abandonnant des pans de notre souveraineté comme l’approbation du vote au Traité de Maastricht en 1992 restant le symbole contraire à l’idée d’une Europe d’Etats-nation indépendants, chère au Général de Gaulle.  

Les partis politiques ne sont plus audibles, il ne suffit pas seulement de critiquer pour être efficace encore faut-il le démontrer par un programme, porter un projet d’avenir fort et indépendant. Au lieu de tout cela, on assiste à une confiscation des idées par une caste qui ne perçoit même pas la réalité du pays avec son cortège de souffrances, d’inquiétudes et de défiance. « La souveraineté et la démocratie sont comme l’avers et l’envers d’une même médaille », disait le Général de Gaulle, nous sommes loin d’être à la hauteur des innombrables défis qui nous attendent, chômage, dette publique, éducation, insécurité, etc…

« Il n’y a plus la gauche et la droite. Il y a les gens qui sont en haut et qui veulent voir les grands horizons parce qu’ils ont une très lourde et lointaine tâche à accomplir, il y a les gens qui sont en bas et qui s’agitent dans les marécages. » déclarait le Général de Gaulle en 1948. N’était-ce pas une phrase prémonitoire ?

Si une part de nostalgie est en nous, il n’y a pas de place au renoncement.

Les leçons du passé sont de mise, les Français ne croient plus en la démocratie et ont perdu la confiance dans les élites. A cet égard le vote du 29 mai 2005 est sans aucun doute la pierre angulaire à cette défiance du citoyen vis-à-vis du pouvoir. S’il faut davantage parler d’affaiblissement que de déclin, la France a besoin de se transformer au risque d’imploser encore plus violemment par des inégalités qui se creusent, le déclassement social qui n’est plus seulement un sentiment mais une réalité pour un grand nombre de citoyens français.

Le risque de voir la nation coupée en deux.

Il ne faut pas y voir forcément les élites contre le peuple, ceux qui avaient rejoint le Général de Gaulle à Londres n’avaient pas tous la même origine sociale, ils se sont pourtant retrouvés ensemble pour défendre et servir leur pays avec le même courage, la même envie de vaincre, la même abnégation. Tout espoir est permis.

Cependant, est-il nécessaire de se revendiquer de droite ou de gauche pour servir les intérêts de la France ? Soyons tous sans concession lorsqu’il s’agit de défendre les idéaux sur lesquels s’est bâtie notre nation. A son époque, le Général de Gaulle avait compris qu’il fallait s’opposer au régime des partis dont l’existence revenait en somme à privilégier les intérêts particuliers sur l’intérêt général.

« Ce n’est que quand il fait nuit que les étoiles brillent » (Winston Churchill)

D’une manière admirative et fidèle, c’est Winston Churchill qui résume le mieux l’idée du Général de Gaulle, en évoquant : « La mystique gaulliste… », un état d’esprit qui se dégage de l’action, de la parole et de la pensée de l’homme du 18 juin 1940. Churchill voyait en de Gaulle « l’homme du destin » car il sentait que le patriotisme de cet homme était à la hauteur du sien. Leur relation sera hors du commun, avec un respect mutuel entre les deux hommes et la même vision historique. Ce n’est pas un hasard si Boris Johnson, premier ministre britannique et biographe de talent de Winston Churchill, est dépeint avec un esprit gaullien en référence au Général qui a toujours combattu pour la souveraineté de la France. Boris Johnson a été jusqu’au bout de sa logique en oeuvrant avec succès au Brexit. Difficile dans ce contexte européen de parler de souveraineté des Etats, Maastricht a ouvert la boîte de pandore aux transferts de souverainetés nationales, avec la volonté complice de diluer l’Etat-nation, au profit d’une souveraineté commune c’est-à-dire une supranationalité à laquelle le Général de Gaulle était parfaitement hostile.

L’idée politique est bien plus profonde qu’il n’y paraît, pour la Grande-Bretagne retrouver sa souveraineté, c’est retrouver à la fois la maîtrise de la loi et son destin. Aujourd’hui si les sociétés se fracturent et engendrent des divisions, à l’instar de ce qui se passe en France où se sont installées la peur, l’angoisse au quotidien, la crainte pour l’avenir des jeunes, quel pourrait être le remède à tous ces maux ?

Au regard de l’Histoire, même si comparaison n’est pas raison, une idée héritée de la tradition britannique fait son chemin, le conservatisme. Aller dans le sens du progrès de façon pragmatique pour être sûr que les changements réalisés ne dégraderont pas une situation mais au contraire l’amélioreront.

Préserver l’autonomie énergétique de la nation, protéger tous les secteurs face à la concurrence, renforcer la sécurité du territoire national et de nos frontières, faire les réformes nécessaires avec équité et bon sens, restaurer et conserver notre patrimoine, telle est l’architecture politique, culturelle, économique et sociale qui se dessine pour transformer notre pays.

Au fil du temps, l’Europe des nations voulue par le Général de Gaulle est devenue la vitrine Potemkine de sa forme politique « l’Etat-nation » au profit de la Commission européenne et ses dirigeants prenant des décisions sans en référer aux autres Etats membres.

Qui aura l’audace et le courage de s’affranchir du carcan européen pour une nation forte et indépendante, l’avenir nous le dira ?

Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.

 

 

© 02.01.2020