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ACADÉMIE DU GAULLISME
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Par Christine Alfarge
Traité d’Aix-la-Chapelle : coopération ou intégration ?
« On n’intègre pas les peuples comme on fait de la purée de marrons »
 
(Charles de Gaulle)

Cinquante-six ans après le Traité franco-allemand signé par le général de Gaulle et Konrad Adenauer, les dirigeants des deux pays ont signé le 22 janvier à Aix-la-Chapelle en Allemagne, un traité appelé « Traité de coopération et d’intégration » s’appuyant nous dit-on sur le socle du Traité du 22 janvier 1963.
Que contenait-il à l’époque ?
Ce traité prévoyait une coopération étroite entre les deux pays dans les domaines de la défense, de l’éducation et de la jeunesse. Il instituait des cadres de rencontres et prévoyait la périodicité de ces rencontres. Dans chaque pays, une commission interministérielle devait suivre les progrès d’une telle coopération. De même étaient prévues des consultations préalables dans le domaine de la politique étrangère, notamment en ce qui concernait les affaires traitées au sein de l’Otan. Le général de Gaulle affirmait avec force et détermination « le droit et le devoir des puissances européennes continentales d’avoir une défense nationale qui leur soit propre. Un grand Etat ne pouvait confier son destin à un autre Etat. »
Que souhaitait le général de Gaulle au regard de l’Europe ?
Il est primordial de rappeler que le général de Gaulle a toujours pris des décisions ayant le souci de préserver l’indépendance de la France, n’excluant pas le respect des alliances mais attaché au prix de la liberté de son pays et sa vocation d’éclairer l’univers. « Tout système qui consisterait à transmettre notre souveraineté à des aéropages internationaux serait incompatible avec les droits et les devoirs de la république. » disait-il.
C’est lui, le résistant, artisan de la paix, qui va tendre la main pour symboliser la réconciliation franco-allemande. Evènement rare, il invitera le chancelier Konrad Adenauer qui sera le premier personnage officiel à être reçu dans sa demeure familiale de Colombey-les-Deux Eglises.
Le 14 septembre 1958, par ce geste historique, le Général de Gaulle assume ce choix personnellement en disant : « La construction européenne portera sur des coopérations dont nous avons toujours besoin pour le progrès. »
L’entente des deux principales puissances continentales européennes permet de constituer la base d’une coopération politique de l’Europe des Six complétant le Marché commun. Réunis à Paris le 10 février 1961, les Chef de gouvernement sont d’accord pour organiser une coopération politique en créant une commission avec à sa tête Christian Fouchet. Mais la vision chez certains d’une structure fédérale dirigée par un gouvernement unique va bon train. Le 19 octobre 1961, la commission Fouchet rend un rapport qui ne fait pas l’unanimité des présents. Il propose dans la ligne du général une structure indépendante de l’ingérence américaine alors que les cinq autres veulent restés fidèles aux engagements pris dans le cadre de l’Otan, sous-entendu qu’ils souhaitaient une défense coordonnée et que rien ne soit changé pour les trois communautés existantes (Communauté charbon acier, Euratom et CEE - Marché commun) alors que le texte prévoyait leur centralisation.
L’essentiel, ne jamais céder.
Il n’était pas question d’intégration mais d’entente et de coopération permanente entre les six. Malgré quelques concessions sur le deuxième rapport Fouchet le 18 janvier 1962, le général n’aurait jamais cédé sur l’essentiel, l’indépendance d’une structure politique européenne vis-à-vis des Etats-Unis ou de l’URSS, appelée la politique de la troisième voie. Il disait « Il vaut mieux l’indépendance qu’un marché commun vassalisé. Et même s’il fallait choisir entre l’indépendance et le Marché commun, il vaudrait mieux l’indépendance que le Marché commun. »
Le général de Gaulle s’efforce toutefois de resserrer les liens avec l’Allemagne, l’entente est indispensable à tout projet sur le continent, le traité franco-allemand sera signé en janvier 1963, cependant l’insertion dans le traité d’un préambule à la demande du Bundestag stipulant que celui-ci ne portait en rien préjudice à la loyauté du gouvernement fédéral vis-à-vis de l’Otan, fut ratifié le 16 mai 1963 par le parlement allemand. La crainte de l’Allemagne était bien d’assurer sa sécurité, bien que ni l’Amérique, ni la France ne se sont jamais engagés à utiliser leur armement nucléaire stratégique pour défendre l’indépendance de l’Allemagne.
Pourquoi signé un nouveau traité ?
En quoi va-t-il défendre, voire renforcer notre souveraineté comme certains le prétendent ? Grâce au général de Gaulle, le choix de la dissuasion nucléaire assure à la France la souveraineté nationale, un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies depuis 1945. L’Allemagne qui n’a pas fait le choix du nucléaire veut servir ses intérêts actuels à travers le Traité d’Aix-la-Chapelle.
On est en droit de se demander pourquoi l’Allemagne lorgne sur le Conseil de sécurité des Nations unies en proposant que la France cède son siège permanent à l’Union européenne ? « Si nous prenons l’Union européenne au sérieux, l’UE devrait également parler d’une seule voix au sein du Conseil de sécurité des Nations unies… A moyen terme, le siège de la France pourrait être transformé en siège de l’UE » ainsi s’exprimait Olaf Scholz, ministre des Finances, lors d’un discours sur l’avenir de l’Europe à Berlin en novembre dernier.
 Bien qu’une telle décision ne soit pas à l’ordre du jour, faut-il rappeler que le Conseil de sécurité compte cinq membres permanents dotés d’un veto, la France, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, leur conférant une influence tant sur la paix que la sécurité sur la scène internationale. Ils doivent cependant se mettre d’accord en votant sur toutes les décisions du Conseil de sécurité. Aucun membre ne peut prendre d’initiative sans en référer aux autres, si tel était le cas cela nuirait fortement à la diplomatie des Etats et contraire à leurs intérêts.
Chapitre 2 article 3 du Traité d’Aix : Paix, sécurité et développement.
« Les deux Etats approfondissent leur coopération en matière de politique étrangère, de défense, de sécurité extérieure et intérieure et de développement tout en s’efforçant de renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe. Ils se consultent afin de définir des positions communes sur toute décision importante touchant leurs intérêts communs et d’agir conjointement dans tous les cas où ce sera possible. »
Pourquoi faudrait-il converger seulement avec les visions et besoins allemands ? L’Allemagne est dans une logique d’intégration à tout prix avec la France, pour assurer sa propre sécurité. L’article 4 stipule « Ils se prêtent aide et assistance par tous les moyens dont ils disposent, y compris la force armée, en cas d’agression armée contre leurs territoires. »
Il est aisé de comprendre que l’Allemagne nous envie notre dissuasion nucléaire et notre autonomie militaire en Europe. Figurant depuis le 1er janvier parmi l’un des dix autres membres non-permanents du Conseil de sécurité des Nations unies pour deux ans, elle s’inscrit discrètement dans une véritable compétition avec la France pour la place de première puissance en Europe. Ainsi, le 1er mars prochain, la France et l’Allemagne assureront conjointement la présidence du Conseil de sécurité aux Nations-Unies. En mars, la France prendra la présidence du Conseil de sécurité des Nations Unies, avant de céder la place en avril à l’Allemagne.
Selon l’article 8 du Traité d’Aix Chapitre premier : Affaires européennes « Les deux Etats s’engagent à poursuivre leurs efforts pour mener à terme des négociations intergouvernementales concernant la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’admission de la République fédérale de l’Allemagne en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies est une priorité de la diplomatie franco-allemande. » Pourquoi la France, remet-elle sur la table la question de la réforme du conseil de sécurité, alors que de toute évidence, elle a le plus à perdre dans cette réforme.
Au regard de l’histoire, la place de la France est incontestable grâce au général de Gaulle et son habileté légendaire pour rétablir la position de la France dans le concert des nations afin d’obtenir ce siège permanent au Conseil de sécurité, face à Roosevelt, Churchill et Staline qui avaient même penser y installer le Brésil à l’époque. Cependant, ce n’est pas la seule clé possible, la répartition pourrait se faire en tenant compte de la géographie, de la démographie ou de l’économie.
 
Les Français sont attachés à leur indépendance et la souveraineté nationale parce qu’elle ne se divise pas, il faut interpréter avec prudence et lucidité la déclaration de l’ambassadeur français François Delattre : « Le jumelage des deux présidences vise à donner un nouvel élan au partenariat franco-allemand à New York. Il ne s’agit en aucun cas d’une fusion mais d’une coordination étroite et pragmatique. »
La question d’un siège permanent attribué à l’Allemagne est cependant évoquée en permanence. La France veut-elle s’effacer au profit de l’Allemagne, ce n’est certainement pas le sens de l’histoire !

© 15.02.2019
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