UNE ÉCONOMIE AU SERVICE DES 1 % LES PLUS RICHES !

(Compte rendu de lecture)

par Pierre CHASTANIER

La crise mondiale des inégalités atteint de nouveaux sommets. Les 1 % les plus riches possèdent désormais davantage que les 99 % restants. Ils font usage de leur pouvoir et de leurs privilèges partout dans le monde pour imposer un modèle économique qui creuse encore plus le fossé entre eux et le reste de la population aidé en cela par un réseau mondial de paradis fiscaux qui leur a permis de cacher quelque 7.600 milliards de dollars. Comment expliquer qu’une masse si imposante (99% de l’humanité) se soumette sans rien dire à la dictature de cette oligarchie ?  

La raison essentielle tient à la très grande hétérogénéité de cette masse. Les grands bourgeois de la classe moyenne supérieure n’ont aucun atome crochu avec la majorité des plus pauvres. Ils se sentent beaucoup plus proche de cette aristocratie ploutocratique ! Quant à la classe moyenne basse certains se vont même jusqu’à se vanter de payer l’ISF sans se rendre compte qu’à l’étage au-dessus on a tous les moyens et tous les conseillers utiles pour y échapper ! Warren Buffet ne prétend-il pas être soumis à un taux d'imposition plus faible que son agent d'entretien ou sa secrétaire ?    La fortune des 62 personnes les plus riches au monde (53 hommes et 9 femmes) a augmenté de 45 % entre 2010 et 2015, soit une hausse de plus de 500 milliards de dollars, pour s'établir à 1.760 milliards de dollars.

 Depuis le début du XXIe siècle, la moitié la plus pauvre de la population mondiale (3.5 milliards de personnes) n’a bénéficié que de 1 % de l'augmentation totale des richesses mondiales, alors que les 1 % les plus riches se sont partagé 50 % de cette hausse. 

C’est ainsi que le revenu journalier des 10 % les plus pauvres augmente à peine d'1 cent par an.

Or, si les pauvres avaient bénéficié en pourcentage de la même manière que les riches de la croissance économique, 700 millions de personnes seraient sorties de l’extrême pauvreté depuis l’an 2000.

 De plus, là où les revenus sont les plus inégaux, les inégalités sont encore plus marquées entre les hommes et les femmes dans la santé, l'éducation, sur le marché du travail ou dans les représentations nationales. 

 Cette incroyable concentration des richesses et des revenus sur quelques-uns est essentiellement due à la croissance des rendements en faveur du capital, au détriment du travail. 

 Les PDG des plus grandes firmes américaines se sont augmentés de +54,3 % depuis 2009, alors que les salaires de base ont très peu évolué. 

 Les changements économiques et politiques opérés au cours des 30 dernières années (déréglementation, privatisation, secret financier et mondialisation, notamment de la finance) ont exacerbé la capacité des riches à faire usage de leur rang pour concentrer encore plus leurs richesses. 

 Les fondamentalistes de marché sont même parvenus à imposer une légitimité intellectuelle selon laquelle une fiscalité allégée pour les entreprises et les particuliers fortunés est nécessaire pour stimuler la croissance économique.    

 Paradoxalement, grâce à l’évasion fiscale, la concurrence des paradis fiscaux pousse les États vertueux à alléger leur fiscalité sur les entreprises et sur les particuliers fortunés pour tenter de les conserver s’embarquant ainsi dans un implacable « nivellement par le bas » et comme, de ce fait, l’assiette fiscale diminue, les gouvernements se tournent de plus en plus vers l'imposition indirecte (comme la TVA) qui affecte de manière disproportionnée les plus pauvres.

La pratique mondiale de l'optimisation fiscale explique que près d'un tiers (30 %) de la fortune des riches Africains, soit 500 milliards de dollars, est placé sur des comptes offshores dans des paradis fiscaux. Cela représente un manque à gagner annuel de 14 milliards de dollars qui permettrait d'employer suffisamment d'enseignants pour pouvoir scolariser tous les enfants africains. 

 Les entreprises du secteur pétrolier, du gaz et des autres industries extractives font usage de tous les leviers que leur confère leur puissance économique pour asseoir leur position dominante. Elles font pression pour bénéficier de subventions des États (sous la forme d'allègements fiscaux) et pour faire obstacle à l'émergence de solutions plus écologiques. 

 Aujourd’hui, un milliardaire sur cinq est issu du monde de la finance. Dans ce secteur, les disparités entre salaires, primes et valeur réelle ajoutée à l'économie sont plus marquées que dans tout autre domaine. Or, ce sont les pays les plus pauvres qui ont été les plus durement touchés par la crise de la dette publique découlant de la crise financière, de la remise à flot des banques et des politiques d'austérité qui ont suivi. 

 Les inégalités sont également exacerbées par les entreprises qui recourent aux monopoles et à la propriété intellectuelle pour biaiser le marché en leur faveur. Ainsi les entreprises pharmaceutiques consacrent-elles aux activités de lobbying à Washington des sommes considérables pour faire pression sur le gouvernement américain pour qu'il sanctionne commercialement les pays qui ne respecteraient pas les brevets.  

Il est donc temps d'agir pour trouver une solution, car les inégalités ne sont pas inévitables. Le modèle actuel résulte de choix politiques délibérés car nos dirigeants accèdent plus volontiers aux désirs des 1 % les plus riches qu’à l'intérêt du plus grand nombre.  L'accumulation de fortunes aussi importantes aux mains d'une minorité si infime n'a aucun sens sur le plan économique, et encore moins moral. L’humanité peut mieux faire. 

 Les décideurs politiques ne manquent pourtant pas de pistes pour mettre un terme à ce modèle économique au service des 1 % : 

° verser aux travailleurs un salaire décent et mettre fin aux écarts salariaux indécents dus aux primes vertigineuses des dirigeants ;

° promouvoir l'égalité économique pour tous, mettre fin aux écarts salariaux entre les femmes et les hommes ; 

° réformer l'environnement réglementaire, au niveau de la transparence des États, pour rompre les liens entre les grandes entreprises les mouvements politiques ;

° Partager équitablement la charge fiscale pour uniformiser les règles du jeu entre revenus du capital et revenus du travail ;

° recourir à des dépenses publiques progressives pour lutter contre la pauvreté et les inégalités au niveau national. 

 Les dirigeants mondiaux doivent s'engager plus efficacement dans la lutte contre les paradis fiscaux et contre les régimes fiscaux dommageables et s'accorder sur la création d'une organisation mondiale de la fiscalité.

 

© 27.08.2017