Compte rendu du dîner-débat du 30 septembre2014 présidé par

Philippe HERZOG,

APRES LES EUROPÉENNES, QUELS CHOIX POLITIQUES POUR L'EUROPE ?

« L'enjeu essentiel, c'est la paix pour l'Europe. »

 

 

par Christine ALFARGE

La crise a mis en « lumière » tous les dysfonctionnements notamment l'Europe. Le maître-mot qui régit tout à l'heure actuelle est « l'affaiblissement » qu'il soit économique, militaire ou institutionnel. Sous ces aspects, une Europe affaiblie conduit à notre propre affaiblissement et nous impose des choix stratégiques et vitaux sur nos modes de vie et de consommation en pensant à l'avenir des générations qui vont suivre.

L'épreuve de l'altérité, un passage obligé

Selon Philippe Herzog : « Dans le partage des traditions, la transmission du savoir, le défi éducatif reste fondamental. Le monde est devenu interdépendant. La chute des deux blocs percute la géopolitique du monde dans lequel apparaissent des sources de conflit qui provoquent à la fois un choc culturel majeur et un choc économique dans un monde multipolaire où l'Etat- nation est affaibli. ».

Pour la France, est-ce une fatalité à subir ce destin ?

La France traverse une crise politique et l'Union européenne connaît des résultats insuffisants pouvant mener à des risques de décomposition. Notre pays éprouve un sentiment d'impuissance face au mythe du leader effondré. Il existe une perte de sens car on ne croit plus en l'Histoire.

Cependant, il est parfaitement hasardeux d'évoquer une possible désintégration de l'Europe dont les fondements de sa construction furent avant tout d'aller dans le sens de l'union économique et politique. À son époque, la volonté européenne du Général de Gaulle représentait « une union des États », préservée de toute supranationalité, affirmant l'identité de ceux qui la composent, dont il percevait « l'ardente nécessité ». La construction européenne était indispensable à la fois pour l'influence de la France et pour la paix, une vision stratégique réunissant à la fois le progrès social et l'identité politique par rapport aux autres pays du monde.

Quel nouveau départ ?

On n'arrivera pas à imposer une Europe puissance c'est-à-dire politique par une substitution de l'Europe aux nations, mais par une prise de conscience par celles-ci des nouvelles exigences du monde et une volonté commune, déterminée et durable. Cependant, Philippe Herzog est de ceux qui pensent que « les coordinations politiques et économiques exigent un partage de souveraineté et de prendre des risques de complémentarité entre public et privé ». Cette réflexion pose le problème majeur au niveau européen de celui de la souveraineté et de la sanction. Voulons-nous aller vers plus d'intégration ? Jusqu'où peuvent aller les solidarités ? Ce n'est pas plus d'Europe au sens de dépossessions des nations, mais plus d'Europe au sens de coopérations et de politiques communes, entre elles. La mise en place volontariste d'une régulation est cependant nécessaire ainsi qu'une commission de contrôle des marchés européens et un rôle renforcé de la Banque centrale européenne (BCE).

Au regard des solidarités, la situation de l'Amérique latine est intéressante parce qu'elle nous montre que l'intégration passe moins par l'économique que par le politique. C'est la volonté politique qui prime, l'exemple de l'ALBA en est l'illustration.

Quant à la France, elle possède une dette publique importante, avec 85 % de son PIB, ainsi qu'un déficit annuel de 7 %. L'impuissance du pouvoir politique face à la dette publique est une grille de lecture très consternante surtout lorsque les plus grands économistes annoncent que cette dette publique pourrait atteindre 100 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2015. Ce que le peuple attend de ses dirigeants élus, c'est une vision stratégique, économique et financière crédible pour le pays. Face à la crise économique globale, c'est l'ensemble des réponses nationales appropriées et coordonnées qui va façonner notre avenir commun européen.

Repenser l'Europe politique par la citoyenneté

La démocratie ne se limite pas à sa dimension électorale, même si dans toutes les sociétés démocratiques contemporaines, on a pu constater une hausse très caractéristique du taux d'abstention du milieu des années 1970 à la fin des années 1990. C'est le même constat pour le taux de participation aux élections européennes qui n'a cessé de faiblir depuis les premières élections au suffrage universel direct pour le Parlement européen dans l'ensemble des États membres. Philippe Herzog préconise notamment dans son rapport d'initiative adopté en 1998 par le Parlement européen, une plus grande participation des citoyens et des acteurs sociaux au système institutionnel de l'union européenne. Cela implique de repenser une Europe politique par un engagement citoyen responsable et un vote rendu obligatoire dans tous les Etats membres.

Comment valoriser l'identité européenne qui reste pour la plupart une notion indéfinissable ? De nombreux intellectuels pensent que « l'avenir passe par l'épanouissement d'une double identité à la fois nationale et européenne, géographique et politique ». Autant l'espace local, régional, national, reste une boussole, autant l'identification semble irréalisable dans un espace à géométrie variable, dont le nombre de pays membres est passé de six à vingt-huit en quelques dizaines d'années.

L'architecture européenne connaît des limites qu'il faudra bien redéfinir, les institutions actuelles sont trop impuissantes et trop contestées. Quels sont les espaces politiques dans lesquels il est vraiment possible de traiter des questions qui préoccupent les citoyens : emploi, santé, retraite, pouvoir d'achats, école? ? Quelles institutions peuvent permettre de formuler des réponses politiques à ces préoccupations ?

La croissance européenne passe par la consolidation de la zone euro

La relance n'est pas seulement un nécessité française, elle est aussi une nécessité européenne, la zone euro affiche aujourd'hui un sous-investissement équivalent à 2 % de son PIB, soit 200 milliards d'euros. Tous les pays sont touchés par ce problème dont l'Allemagne n'est pas exclue. Selon Philippe Herzog : « Le sous-investissement est un problème majeur, investir en Europe est une question clé. »

L'Europe est spectatrice, elle doit choisir et devenir un acteur sinon elle deviendra un espace de déclin et de paupérisation. Tout produit est issu d'une chaîne d'internationalisation. Qualifiant les 25,7 millions de chômeurs du continent de « 29e État de l'Union européenne », Jean-Claude Juncker a proposé le jour même de son investiture un plan de 300 milliards d'euros sur trois ans.

Philippe Herzog s'exprime : « Que va faire Juncker ? Où va-t-il chercher l'argent ? Probablement dans les fonds structurels pour assurer un plan de relance minimum ». De même, l'un des plus influents économistes allemands, Marcel Fratzscher, s'inquiète sur l'avenir de son pays et préconise une relance sans plus d'interventions de l'État ou des dépenses publiques mais au contraire en améliorant le fonctionnement des marchés et susciter plus de compétition et d'innovation. Il dénonce le manque d'investissements et mise notamment sur la création d'un « fonds d'investissement européen » dont la mission serait d'améliorer le financement des PME.

L'euro est-il menacé ?

L'euro est clairement menacé si la Banque centrale européenne s'écroule. Cela représente à la fois le risque d'effondrement du commerce international ainsi que d'une profonde crise géopolitique, qui peut aboutir à une guerre mondiale. C'est ce qui arrive lorsque les États sont confrontés à une impossibilité d'échanger leurs marchandises, que seule une monnaie internationale saine permet.

Sur le plan économique, nous sommes toujours dans la même crise. En 2009, il s'agissait aussi d'une crise de la dette, mais privée, qui touchait des banques et provoquait leur faillite.

Aujourd'hui, la croissance n'est pas au rendez-vous et ce sont les États qui font faillite. Cette dette est devenue ingérable, elle traduit le fait que l'Occident vit au-dessus de ses moyens.

Sur le plan géopolitique, la volonté du Général de GAULLE de faire émerger une troisième voie européenne entre la Russie et les Etats-Unis est plus que jamais nécessaire face à la crise ukrainienne.

Dans son intérêt, l'Europe doit favoriser le règlement des antagonismes entre la Russie et l'Ukraine, son développement commercial et son avenir énergétique en dépendent. La France et l'Allemagne doivent travailler à l'approfondissement de leurs relations et à une écoute réciproque afin de stabiliser le continent pour une paix durable.

 



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08.10.2014
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