par Christine
ALFARGE
La crise a mis en «
lumière » tous les dysfonctionnements notamment l'Europe. Le maître-mot qui
régit tout à l'heure actuelle est « l'affaiblissement » qu'il soit économique,
militaire ou institutionnel. Sous ces aspects, une Europe affaiblie conduit à
notre propre affaiblissement et nous impose des choix stratégiques et vitaux
sur nos modes de vie et de consommation en pensant à l'avenir des générations
qui vont suivre.
L'épreuve
de l'altérité, un passage obligé
Selon
Philippe Herzog : « Dans le partage des traditions, la transmission du
savoir, le défi éducatif reste fondamental. Le monde est devenu interdépendant.
La chute des deux blocs percute la géopolitique du monde dans lequel apparaissent
des sources de conflit qui provoquent à la fois un choc culturel majeur et un
choc économique dans un monde multipolaire où l'Etat- nation est affaibli. ».
Pour
la France, est-ce une fatalité à subir ce destin ?
La
France traverse une crise politique et l'Union européenne connaît des résultats
insuffisants pouvant mener à des risques de décomposition. Notre pays éprouve
un sentiment d'impuissance face au mythe du leader effondré. Il existe une perte de sens car on ne croit
plus en l'Histoire.
Cependant,
il est parfaitement hasardeux d'évoquer une possible
désintégration de l'Europe dont les fondements de sa construction furent avant
tout d'aller dans le sens de l'union économique et politique. À son époque, la
volonté européenne du Général de Gaulle représentait « une union des États »,
préservée de toute supranationalité, affirmant l'identité de ceux qui la
composent, dont il percevait « l'ardente nécessité ». La construction européenne
était indispensable à la fois pour l'influence de la France et pour la paix,
une vision stratégique réunissant à la fois le progrès social et l'identité
politique par rapport aux autres pays du monde.
Quel
nouveau départ ?
On n'arrivera pas à imposer une Europe
puissance c'est-à-dire politique par une substitution de l'Europe aux nations,
mais par une prise de conscience par celles-ci des nouvelles exigences du monde
et une volonté commune, déterminée et durable. Cependant, Philippe Herzog est
de ceux qui pensent que « les coordinations politiques et économiques
exigent un partage de souveraineté et de prendre des risques de complémentarité
entre public et privé ». Cette réflexion pose le problème majeur au niveau
européen de celui de la souveraineté et de la sanction. Voulons-nous aller vers
plus d'intégration ? Jusqu'où peuvent aller les solidarités ? Ce n'est pas plus
d'Europe au sens de dépossessions des nations, mais plus d'Europe au sens de
coopérations et de politiques communes, entre elles. La mise en place
volontariste d'une régulation est cependant nécessaire ainsi qu'une commission
de contrôle des marchés européens et un rôle renforcé de la Banque centrale
européenne (BCE).
Au regard des solidarités, la
situation de l'Amérique latine est intéressante parce qu'elle nous montre que
l'intégration passe moins par l'économique que par le politique. C'est la
volonté politique qui prime, l'exemple de l'ALBA en
est l'illustration.
Quant à la France, elle possède une
dette publique importante, avec 85 % de son PIB, ainsi qu'un déficit annuel de
7 %. L'impuissance du pouvoir politique face à la dette publique est une grille
de lecture très consternante surtout lorsque les plus grands économistes
annoncent que cette dette publique pourrait atteindre 100 % du Produit
Intérieur Brut (PIB) en 2015. Ce que le peuple attend de ses dirigeants élus,
c'est une vision stratégique, économique et financière crédible pour le pays.
Face à la crise économique globale, c'est l'ensemble des réponses nationales
appropriées et coordonnées qui va façonner notre avenir commun européen.
Repenser
l'Europe politique par la citoyenneté
La démocratie ne se limite pas à sa
dimension électorale, même si dans toutes les sociétés démocratiques
contemporaines, on a pu constater une hausse très caractéristique du taux
d'abstention du milieu des années 1970 à la fin des années 1990. C'est le même
constat pour le taux de participation aux élections européennes qui n'a cessé
de faiblir depuis les premières élections au suffrage universel direct pour le
Parlement européen dans l'ensemble des États membres. Philippe Herzog préconise
notamment dans son rapport d'initiative adopté en 1998 par le Parlement
européen, une plus grande participation des citoyens et des acteurs sociaux au
système institutionnel de l'union européenne. Cela implique de repenser une
Europe politique par un engagement citoyen responsable et un vote rendu
obligatoire dans tous les Etats membres.
Comment valoriser l'identité
européenne qui reste pour la plupart une notion indéfinissable ? De nombreux
intellectuels pensent que « l'avenir passe par l'épanouissement d'une double
identité à la fois nationale et européenne, géographique et politique ». Autant
l'espace local, régional, national, reste une boussole, autant l'identification
semble irréalisable dans un espace à géométrie variable, dont le nombre de pays
membres est passé de six à vingt-huit en quelques dizaines
d'années.
L'architecture européenne connaît
des limites qu'il faudra bien redéfinir, les institutions actuelles sont trop
impuissantes et trop contestées. Quels sont les espaces politiques dans
lesquels il est vraiment possible de traiter des questions qui préoccupent les
citoyens : emploi, santé, retraite, pouvoir d'achats, école? ? Quelles
institutions peuvent permettre de formuler des réponses politiques à ces
préoccupations ?
La
croissance européenne passe par la consolidation de la zone euro
La relance n'est pas seulement un nécessité française, elle est aussi une nécessité européenne,
la zone euro affiche aujourd'hui un sous-investissement
équivalent à 2 % de son PIB, soit 200 milliards d'euros. Tous les pays sont
touchés par ce problème dont l'Allemagne n'est pas exclue. Selon Philippe
Herzog : « Le sous-investissement est un problème
majeur, investir en Europe est une question clé. »
L'Europe
est spectatrice, elle doit choisir et devenir un acteur sinon elle deviendra un
espace de déclin et de paupérisation. Tout produit est issu d'une chaîne
d'internationalisation. Qualifiant les 25,7 millions de chômeurs du continent
de « 29e État de l'Union européenne », Jean-Claude Juncker a proposé le jour même de son investiture un plan de 300 milliards d'euros sur trois ans.
Philippe
Herzog s'exprime : « Que va faire Juncker ? Où
va-t-il chercher l'argent ? Probablement dans les fonds structurels pour
assurer un plan de relance minimum ». De même, l'un des plus influents
économistes allemands, Marcel Fratzscher, s'inquiète
sur l'avenir de son pays et préconise une relance sans plus d'interventions de
l'État ou des dépenses publiques mais au contraire en améliorant le fonctionnement
des marchés et susciter plus de compétition et d'innovation. Il dénonce le
manque d'investissements et mise notamment sur la création d'un « fonds
d'investissement européen » dont la mission serait d'améliorer le
financement des PME.
L'euro
est-il menacé ?
L'euro
est clairement menacé si la Banque centrale européenne s'écroule. Cela
représente à la fois le risque d'effondrement du commerce international ainsi
que d'une profonde crise géopolitique, qui peut aboutir à une guerre mondiale.
C'est ce qui arrive lorsque les États sont confrontés à une impossibilité
d'échanger leurs marchandises, que seule une monnaie internationale saine
permet.
Sur
le plan économique, nous sommes toujours dans la même crise. En 2009, il s'agissait
aussi d'une crise de la dette, mais privée, qui touchait des banques et
provoquait leur faillite.
Aujourd'hui,
la croissance n'est pas au rendez-vous et ce sont les États qui font faillite. Cette
dette est devenue ingérable, elle traduit le fait que l'Occident vit au-dessus
de ses moyens.
Sur
le plan géopolitique, la volonté du Général de GAULLE de faire émerger une
troisième voie européenne entre la Russie et les Etats-Unis est plus que jamais
nécessaire face à la crise ukrainienne.
Dans
son intérêt, l'Europe doit favoriser le règlement des antagonismes entre la
Russie et l'Ukraine, son développement commercial et son avenir énergétique en
dépendent. La France et l'Allemagne doivent travailler à l'approfondissement de
leurs relations et à une écoute réciproque afin de stabiliser le continent pour
une paix durable.
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08.10.2014