COMPTE-RENDU DU DÎNER-DEBAT DU 10 JANVIER 2017

En présence de Monsieur HENRI GUAINO

LA PLACE DE LA FRANCE EN EUROPE ET DANS LE MONDE

Par Christine Alfarge

« La vocation d’une grande nation est d’éclairer en dépassant les limites de son temps »

Si la valeur des hommes se mesure dans leurs actes et la place qu’ils laisseront dans l’histoire, c’est avant tout dans la fidélité à leur pays et un engagement sans faille qu’ils puisent le refus du renoncement et de l’asservissement de l’homme.

Aujourd’hui, le parcours d’Henri Guaino fait de lui un des hommes politiques à porter cette authenticité, fidèle à la tradition gaulliste pour laquelle sa connaissance exceptionnelle lui permet non sans émotion d’entretenir inlassablement la pensée gaulliste, une histoire qui nous parle encore et qui ne finira jamais comme il le dit lui-même : « Le gaullisme n’est pas un catéchisme, mais une histoire ». Philippe Séguin avec lequel il partagera des liens indéfectibles lui dira : « Vous et moi, nous sommes nés trop tard », leur époque était moins exaltante que pour ceux qui sont partis sur un coup de cœur. Pour Henri Guaino : « Daniel Cordier qui gardera la foi et l’instinct de vaincre en est le plus beau témoignage », l’esprit de résistance face à Pétain, le courage de ne pas céder, combattre en rejoignant De Gaulle à Londres où le Général lancera à la jeunesse « Je ne vous féliciterai pas d’être venus, vous avez fait votre devoir ».

Pour Henri Guaino : « C’est une chose d’être résistant et une autre de reconstruire la France. Il y a chez De Gaulle la perception du tragique en politique, chez Camus il y a la tragédie ». André Malraux disait : « Le gaullisme est la force du non, seul l’esclave dit toujours oui ». Tout ce qui menace asservit l’homme.

Affronter les moments tragiques.

A la même époque, vont naître au même endroit politique et tragédie de la deuxième guerre mondiale. « La France a perdu une bataille mais elle n’a pas perdu la guerre dira le Général de Gaulle en s’adressant au peuple français ».

Pour Henri Guaino :« Cette perception de la politique et de la tragédie aujourd’hui est de moins en moins forte, nous condamne, nous saute à la figure. La vision que certains peuvent avoir de cette catastrophe serait donc que seuls les Français auraient perdu la bataille en 1940, mais ceux qui les ont menés, ce sont les chefs. On peut toujours accuser le front populaire ou les congés payés, je suis frappé à quel point il existe un petit morceau d’une droite qui veut prendre sa revanche. Le temps perdu, ce n’est pas Blum mais Laval, nous n’en sommes pas sortis. Il faut se donner les moyens d’affronter les moments tragiques. Avec le recul, il y a beaucoup à dire sur l’état de nos armées, ce sont les chefs qui portent la responsabilité du désastre français pour accuser après l’indolence française. Il ajoute : « Je mesure la distance qui nous sépare de la conception de la politique aujourd’hui, j’ai vécu ce moment charnière où on ne dit plus mes chers compagnons mais mes chers amis ».

Avons-nous la volonté de dire non ?

De Camus à Malraux, c’est l’homme révolté, pour pouvoir être libre il faut dire non. Selon Henri Guaino« Certains disent, il nous faut nous adapter ne veut pas dire qu’il nous faut subir, alors que la posture gaullienne, c’est se donner les moyens d’agir. C’est d’abord dans les têtes de ceux qui gouvernent mais que ceux qui croient soient prêts à dire non. La France est un grand peuple mais il est gouverné par des gens qui n’y croient plus. La France a renoncé à être la France. Jamais les désordres n’ont été tels depuis 1945. Aujourd’hui, il n’y a pas de rationalité, on assiste à un désordre à la fois politique, religieux, économique et financier. Qui mesurera ce que l’on a risqué en 2008 ? Jamais nous n’avons été autant menacés ».

Effets du dysfonctionnement de l’Europe.

Henri Guaino nous dit « A-t-on jamais eu l’Etat aussi faible, avoir la capacité aussi faible, on prône des choses que l’on ne tiendra pas. C’est un retour aux féodalités, l’Empire du Moyen-âge, nous y sommes avant les Etats-nations ».

Nous assistons aujourd’hui à une idéologie de la table rase, à son époque, le Général de Gaulle qui ne concevait la politique qu’à partir des réalités s’exprimera avec justesse sur le renouveau français lors de sa conférence de presse en février 1962 :

« Aujourd’hui, de nouveau, je veux dire au pays où nous en sommes et vers quoi nous marchons. La France, au long de sa vie, a traversé des époques où l’évolution générale requérait d’elle. Le renouvellement, sous peine de déclin et de mort. Ce fut le cas par exemple quant au début du dix-septième siècle, notre monarchie parvint à mettre un terme définitif à la féodalité, parce que les conditions intérieures et extérieures exigeaient l’Etat centralisé et l’unité nationale. Ce fut le cas quand la Révolution instaura au-dedans la liberté et l’égalité, au dehors l’intervention parce que la démocratie, la concurrence, le prosélytisme répondaient au caractère politique, économique et social de la période qui commençait. C’est certainement le cas aujourd’hui, parce que l’ère où nous nous trouvons et que marque l’accélérateur du progrès scientifique et technique, le besoin de promotion sociale, l’apparition d’une foule d’Etats nouveaux, la rivalité idéologique des empires, nous imposent, au-dedans de nous-mêmes et dans nos rapports avec les autres, une immense rénovation. La question est de l’accomplir sans que la France cesse d’être la France ».

Ce qui arrive maintenant est assez grave dans les territoires où la haine monte, l’oubli de notre histoire que nous pensions ne pas revoir, lié à une part d’inculture, voire l’effondrement même de la culture. Le seul remède est de faire passer son pays avant tout, cela dépend de la façon dont nous présentons les choses que ce soit sur le plan moral, économique, politique et social. Henri Guaino citant Maurice Allais : « Dans le calcul économique, seul l’avenir compte ». Il ajoute : « On ne doit pas sacrifier l’avenir au passé, cette politique ne règlera rien concernant la dette, la protection, l’investissement. Il faut renouer avec la création de richesse, remettre de l’ordre dans l’économie, préserver le capital humain, sur le problème du chômage, ce sont les transferts sociaux qui coûtent chers ».

Est-ce que la France pourra avoir sa place dans le monde ?

La place de la France est celle que nous aurons la volonté de lui donner. Pourquoi l’Allemagne serait maîtresse de l’Europe ? Difficile de faire l’Europe sans la France. Qu’est-ce qui nous empêche de faire comme le Général de Gaulle ? Il n’a pas cessé d’être dans l’OTAN mais il ne voulait pas être entraîné dans des guerres qui ne sont pas les nôtres. Au sujet de la France, le Général de Gaulle disait « Pour être elle-même, c’est-à-dire indépendante, elle devait garder les mains libres, mais pour être fidèle à elle-même, elle devait aussi, soutenir une grande querelle, son génie est d’éclairer l’Univers ». Comment concilier un choix affirmé d’indépendance et la volonté déclarée de faire participer la France dans le concert des nations ? Comment refuser à la fois l’alignement et l’isolement, telle est la grande question diplomatique. A ce sujet, la politique étrangère du Général de Gaulle sera déterminante, sa célèbre formule « l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural » sera la pierre angulaire d’un avenir européen pour lequel Henri Guaino partage une vision commune avec Jean-Pierre Chevènement « un nouveau monde va naître » et François Fillon évoquant un monde multipolaire s’approchant de la Russie.

Les politiques n’ont pas perdu, ils ont renoncé. La puissance du politique a été fabriquée. Les bons élèves appliquent comme en 1940, c’était les généraux. Les décisions relèvent toujours de comment ont été formés ceux qui les appliquent.

A cet égard, le gaullisme est une histoire et nous apprend des choses, l’importance de notre souveraineté. Souvenons-nous de l’histoire de la libération de Strasbourg en 1944 où le Général de Gaulle va s’imposer face aux Américains.

Le gaullisme ne peut pas être séparé des institutions, de la planification, de tous les moyens qui permettent à un peuple d’écrire son histoire. Les moyens viennent quand on a la volonté. Notre devoir est de continuer à porter cette vision politique et humaniste au service des intérêts de la France.

« Il faut de la volonté. Il faut que chacun travaille à sa place et que, par-delà les divergences politiques, tout le monde comprenne qu’un effort est indispensable et que l’effort de chacun fait partie d’un effort général ». Georges Pompidou

 

© 04.02.2017