Par
Christine Alfarge
« La vocation d’une grande nation est
d’éclairer en dépassant les limites de son temps »
Si la valeur des hommes se mesure dans leurs actes et la place qu’ils
laisseront dans l’histoire, c’est avant tout dans la fidélité à leur pays et un
engagement sans faille qu’ils puisent le refus du renoncement et de
l’asservissement de l’homme.
Aujourd’hui, le parcours d’Henri Guaino fait de
lui un des hommes politiques à porter cette authenticité, fidèle à la tradition
gaulliste pour laquelle sa connaissance exceptionnelle lui permet non sans
émotion d’entretenir inlassablement la pensée gaulliste, une histoire qui nous
parle encore et qui ne finira jamais comme il le dit lui-même : « Le
gaullisme n’est pas un catéchisme, mais une histoire ». Philippe
Séguin avec lequel il partagera des liens indéfectibles lui dira : « Vous
et moi, nous sommes nés trop tard », leur époque était moins exaltante
que pour ceux qui sont partis sur un coup de cœur. Pour Henri Guaino : « Daniel Cordier qui gardera la foi
et l’instinct de vaincre en est le plus beau témoignage », l’esprit de
résistance face à Pétain, le courage de ne pas céder, combattre en rejoignant
De Gaulle à Londres où le Général lancera à la jeunesse « Je ne
vous féliciterai pas d’être venus, vous avez fait votre devoir ».
Pour Henri Guaino : « C’est une
chose d’être résistant et une autre de reconstruire la France. Il y a chez De
Gaulle la perception du tragique en politique, chez Camus il y a la
tragédie ». André Malraux disait : « Le gaullisme
est la force du non, seul l’esclave dit toujours oui ». Tout ce qui
menace asservit l’homme.
Affronter les moments tragiques.
A la même époque, vont naître au même endroit politique et tragédie de la
deuxième guerre mondiale. « La France a perdu une bataille mais elle
n’a pas perdu la guerre dira le Général de Gaulle en s’adressant au peuple français
».
Pour Henri Guaino :« Cette perception de
la politique et de la tragédie aujourd’hui est de moins en moins forte, nous
condamne, nous saute à la figure. La vision que certains peuvent avoir de
cette catastrophe serait donc que seuls les Français auraient perdu la bataille
en 1940, mais ceux qui les ont menés, ce sont les chefs. On peut toujours
accuser le front populaire ou les congés payés, je suis frappé à quel point il
existe un petit morceau d’une droite qui veut prendre sa revanche. Le temps perdu,
ce n’est pas Blum mais Laval, nous n’en sommes pas sortis. Il faut se donner
les moyens d’affronter les moments tragiques. Avec le recul, il y a beaucoup à
dire sur l’état de nos armées, ce sont les chefs qui portent la responsabilité
du désastre français pour accuser après l’indolence française. Il ajoute : « Je
mesure la distance qui nous sépare de la conception de la politique
aujourd’hui, j’ai vécu ce moment charnière où on ne dit plus mes chers
compagnons mais mes chers amis ».
Avons-nous la volonté de dire non ?
De Camus à Malraux, c’est l’homme révolté, pour pouvoir être libre il faut
dire non. Selon Henri Guaino, « Certains
disent, il nous faut nous adapter ne veut pas dire qu’il nous faut subir, alors
que la posture gaullienne, c’est se donner les moyens d’agir. C’est d’abord
dans les têtes de ceux qui gouvernent mais que ceux qui croient soient prêts à
dire non. La France est un grand peuple mais il est gouverné par des gens qui
n’y croient plus. La France a renoncé à être la France. Jamais les désordres
n’ont été tels depuis 1945. Aujourd’hui, il n’y a pas de rationalité, on
assiste à un désordre à la fois politique, religieux, économique et financier.
Qui mesurera ce que l’on a risqué en 2008 ? Jamais nous n’avons été autant
menacés ».
Effets du dysfonctionnement de l’Europe.
Henri Guaino nous dit « A-t-on
jamais eu l’Etat aussi faible, avoir la capacité aussi faible, on prône des
choses que l’on ne tiendra pas. C’est un retour aux féodalités, l’Empire du
Moyen-âge, nous y sommes avant les Etats-nations ».
Nous assistons aujourd’hui à une idéologie de la table rase, à son époque,
le Général de Gaulle qui ne concevait la politique qu’à partir des réalités
s’exprimera avec justesse sur le renouveau français lors de sa conférence de
presse en février 1962 :
« Aujourd’hui, de nouveau, je veux dire au pays où nous en sommes et
vers quoi nous marchons. La France, au long de sa vie, a traversé des époques
où l’évolution générale requérait d’elle. Le renouvellement, sous peine de
déclin et de mort. Ce fut le cas par exemple quant au début du dix-septième
siècle, notre monarchie parvint à mettre un terme définitif à la féodalité,
parce que les conditions intérieures et extérieures exigeaient l’Etat
centralisé et l’unité nationale. Ce fut le cas quand la Révolution instaura
au-dedans la liberté et l’égalité, au dehors l’intervention parce que la
démocratie, la concurrence, le prosélytisme répondaient au caractère politique,
économique et social de la période qui commençait. C’est certainement le cas
aujourd’hui, parce que l’ère où nous nous trouvons et que marque l’accélérateur
du progrès scientifique et technique, le besoin de promotion sociale,
l’apparition d’une foule d’Etats nouveaux, la rivalité idéologique des empires,
nous imposent, au-dedans de nous-mêmes et dans nos rapports avec les autres,
une immense rénovation. La question est de l’accomplir sans que la France cesse
d’être la France ».
Ce qui arrive maintenant est assez grave dans les territoires où la haine
monte, l’oubli de notre histoire que nous pensions ne pas revoir, lié à une
part d’inculture, voire l’effondrement même de la culture. Le seul remède est
de faire passer son pays avant tout, cela dépend de la façon dont nous
présentons les choses que ce soit sur le plan moral, économique, politique et
social. Henri Guaino citant Maurice Allais : « Dans
le calcul économique, seul l’avenir compte ». Il ajoute : « On
ne doit pas sacrifier l’avenir au passé, cette politique ne règlera rien concernant
la dette, la protection, l’investissement. Il faut renouer avec la création de
richesse, remettre de l’ordre dans l’économie, préserver le capital humain, sur
le problème du chômage, ce sont les transferts sociaux qui coûtent
chers ».
Est-ce que la France pourra avoir sa place dans le
monde ?
La place de la France est celle que nous aurons la volonté de lui donner.
Pourquoi l’Allemagne serait maîtresse de l’Europe ? Difficile de faire
l’Europe sans la France. Qu’est-ce qui nous empêche de faire comme le Général
de Gaulle ? Il n’a pas cessé d’être dans l’OTAN mais il ne voulait pas
être entraîné dans des guerres qui ne sont pas les nôtres. Au sujet de la
France, le Général de Gaulle disait « Pour être elle-même, c’est-à-dire
indépendante, elle devait garder les mains libres, mais pour être fidèle à
elle-même, elle devait aussi, soutenir une grande querelle, son génie est
d’éclairer l’Univers ». Comment concilier un choix affirmé
d’indépendance et la volonté déclarée de faire participer la France dans le
concert des nations ? Comment refuser à la fois l’alignement et
l’isolement, telle est la grande question diplomatique. A ce sujet, la
politique étrangère du Général de Gaulle sera déterminante, sa célèbre formule « l’Europe,
de l’Atlantique à l’Oural » sera la pierre angulaire d’un avenir
européen pour lequel Henri Guaino partage une vision
commune avec Jean-Pierre Chevènement « un nouveau monde va
naître » et François Fillon évoquant un monde multipolaire
s’approchant de la Russie.
Les politiques n’ont pas perdu, ils ont
renoncé. La puissance du politique a été fabriquée. Les bons élèves appliquent
comme en 1940, c’était les généraux. Les décisions relèvent toujours de comment
ont été formés ceux qui les appliquent.
A cet égard, le gaullisme est une histoire
et nous apprend des choses, l’importance de notre souveraineté. Souvenons-nous
de l’histoire de la libération de Strasbourg en 1944 où le Général de Gaulle va
s’imposer face aux Américains.
Le gaullisme ne peut pas être séparé des
institutions, de la planification, de tous les moyens qui permettent à un
peuple d’écrire son histoire. Les moyens viennent quand on a la volonté. Notre
devoir est de continuer à porter cette vision politique et humaniste au service
des intérêts de la France.
« Il faut de la volonté. Il faut que
chacun travaille à sa place et que, par-delà les divergences politiques, tout
le monde comprenne qu’un effort est indispensable et que l’effort de chacun
fait partie d’un effort général ». Georges Pompidou