par Jean-Louis GUIGNARD
Il est toujours intéressant de se voir
présenté d’autres angles de vue de l’actualité plutôt qu’une vision unique et
globale qui bien trop souvent est trompeuse. Pour ce qui est de la Syrie,
l’information est de toute manière biaisée, que nous le voulions ou non,
réduisant l’équation au plus simple : la gentille coalition d’un côté avec de
nombreux pays aidés par des rebelles qui parfois sont également les plus
fanatiques, le côté sombre de la force qu’il faut absolument condamner,
l’alliance Al Assad-Russie-Iran, et enfin Daesh qu’il
faut combattre et détruire quels que soient les moyens utilisés.
Mais ce qui nous intéresse dans cet article, c’est le rôle
joué par Hillary Clinton dans le conflit en Syrie. Pour l’heure, elle est la
grande perdante des élections présidentielles américaines sans garanties que
cela soit définitif, puisque tout est fait pour que Trump
laisse la place et n’ait pas accès à la Maison-Blanche, aux dernières nouvelles
ils en viennent à vouloir abolir le collège électoral qui va sacrer Donald Trump. Qu’en est-il réellement de cette femme qui soit
disant était la solution aux maux de ce monde, et la destinée de l’Amérique? Au
vu du bilan qui en est dressé dans l’article du dessous, on ne peut que douter
de ce qu’elle peut apporter de positif à la planète…http://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/uploads/2016/11/clinton.jpg.
L’article que je vous propose est signé Jeffrey Sachs.
Jeffrey Sachs n’est pas exactement n’importe qui : c’est un universitaire de
renom qui dirige un institut à la Columbia University
(New York) et est consultant auprès du secrétaire général des Nations Unies. Eh
bien dans cet article Jeffrey Sachs balance tout sur la Syrie.
Dans le meilleur esprit complotiste,
il pointe le rôle des services secrets américains dès le début de la crise en
Syrie et il souligne l’obstination de la diplomatie américaine, de Hillary
Clinton en particulier, à empêcher tout règlement politique qui ne passerait
pas par le préalable d’une reddition du président Bachar
al-Assad quitte à aggraver et à prolonger l’effusion de sang.
Il est , je pense, une des premières signatures dans la
presse grand public américaine à relever le rôle de l’entité sioniste dans la
situation en Syrie et le partenariat entre cette même entité et deux puissances
régionales qu’il qualifie de « sunnites », la Turquie et l’Arabie Saoudite.
Hillary Clinton et le
bain de sang en Syrie
Pendant le débat de Milwaukee [avec Bernie Sanders], Hillary
Clinton s’est flattée de son rôle dans une récente résolution du Conseil de
sécurité de l’ONU pour un cessez-le-feu en Syrie :
« Mais je voudrais ajouter ceci. Vous le savez, le Conseil de
Sécurité a finalement adopté une résolution. Au cœur de cette résolution se
trouve un accord que j’avais négocié en juin 2012 à Genève qui prônait un
cessez-le-feu et la marche vers une solution politique en essayant d’amener les
parties prenantes en Syrie à se parler. »
C’est là le genre de déclarations compulsivement trompeuses
qui rendent Clinton inapte à la fonction présidentielle. Le rôle de Mme Clinton
en Syrie a été de contribuer à provoquer et à prolonger le bain de sang en
Syrie, pas d’y mettre un terme.
En 2012, Mme Clinton était l’obstacle, pas la solution, à un
cessez-le-feu qui était négocié par l’envoyé spécial de l’ONU Kofi Annan. C’est
l’intransigeance des États-Unis – intransigeance de Mme Clinton – qui avait
abouti à l’échec des démarches pour la paix de M. Annan au printemps 2012, un
fait bien connu des diplomates. En dépit de l’insinuation de Mme Clinton
pendant le débat de Milwaukee, il n’y eut (évidemment) pas de cessez-le-feu en
2012, mais seulement une escalade dans le carnage. Mme Clinton porte une lourde
responsabilité pour le carnage qui a causé la mort de 250.000 Syriens et en a
déplacé plus de dix millions.
Comme tout observateur averti l’a bien compris, la guerre en
Syrie n’avait pas tellement rapport avec Bachar alAssad, ni même avec la Syrie. C’est surtout une guerre
par procuration avec l’Iran. Et le bain de sang n’en est que plus tragique et
malheureux pour cette raison.
L’Arabie Saoudite et la Turquie, les principales puissances
sunnites au Moyen Orient perçoivent l’Iran, la grande puissance chiite, comme
un concurrent en termes d’influence et de pouvoir dans la région. La droite
israélienne voit l’Iran comme un ennemi implacable qui contrôle le Hezbollah,
une organisation militante chiite qui opère au Liban, un Etat limitrophe
d’Israël. C’est pourquoi la Turquie l’Arabie Saoudite et Israël ont tous
réclamé l’élimination de l’influence iranienne en Syrie.
Cette idée est d’une naïveté incroyable. L’Iran est présent
en tant que puissance régionale depuis longtemps – en fait depuis près de 2.700
ans. Et l’Islam chiite ne va pas disparaître comme par enchantement. Il n’y a
aucun moyen, et aucune raison, de « vaincre » l’Iran. Les puissances régionales
doivent forger un équilibre géopolitique qui reconnaît les rôles mutuels et
équilibration des pays arabes du Golfe de l’Iran et de la Turquie. Et la droite
israélienne est naïve et profondément ignorante de l’histoire pour regarder
l’Iran comme son ennemi implacable, particulièrement quand cette façon de voir
erronée pousse Israël à se ranger du côté des djihadistes sunnites.
Pourtant Mme Clinton n’a pas suivi cette voie. Elle a au
contraire rejoint l’Arabie Saoudite la Turquie et la droite israélienne pour
essayer d’isoler et même de vaincre l’Iran. En 2010, elle avait encouragé des
négociations secrètes entre Israël et la Syrie pour essayer de soustraire la
Syrie à l’influence de l’Iran. Ces discussions avaient échoué. Alors la CIA et
Mme Clinton avaient poussé avec succès en faveur d’un plan B : renverser Assad.
Quand les troubles du Printemps arabe ont éclaté début 2011,
la CIA et le front anti iranien constitué par la Turquie, l’Arabie Saoudite et
Israël y virent une opportunité pour renverser rapidement Assad et de s’assurer
ainsi une victoire géopolitique. Mme Clinton se fit la principale promotrice de
l’entreprise menée par la CIA pour un changement de régime en Syrie.
Début 2011 la Turquie et l’Arabie Saoudite mirent à profit
des protestations locales contre Assad pour essayer de fomenter les conditions
de son éviction. Vers le printemps 2011, la CIA et les alliés des États- Unis
organisaient une insurrection armée contre le régime. Le 18 août 2011, le
Gouvernement des États- Unis rendait publique sa position : « Assad doit
partir ».
Depuis, et jusqu’au récent et fragile accord de cessez-le-feu
au Conseil de Sécurité de l’ONU, les États-Unis ont refusé d’accepter tout
cessez-le-feu tant qu’Assad n’était pas écarté du pouvoir. La politique
américaine – sous Clinton et jusqu’à récemment – a été celle du changement de
régime d’abord et du cessez-le-feu ensuite. Après tout, ce ne sont que des
Syriens qui meurent. Les efforts de paix d’Annan avaient été sabotés par
l’exigence inflexible des États-Unis pour qu’un changement de régime contrôlé
par les USA précède ou au moins accompagne un cessez-le-feu. Comme l’avait
observé en août 2012 la rédaction de The Nation [hebdomadaire progressiste
américain] :
L’exigence par les États-Unis d’un départ d’Assad et de
l’imposition de sanctions avant même que débutent des négociations sérieuses,
tout comme le refus d’inclure l’Iran dans le processus condamnaient la mission
[d’Annan].
Clinton n’a pas été un acteur mineur dans la crise syrienne.
Son représentant diplomatique à Benghazi, Chris Stevens, avait été assassiné
alors qu’il s’occupait d’une opération de la CIA pour expédier des armes
lourdes libyennes en Syrie. Clinton elle-même a été à la pointe de l’organisation
des soi-disant « Amis de la Syrie » pour soutenir l’insurrection dirigée par la
CIA.
La politique américaine a été un échec massif et terrible.
Assad n’est pas parti, et il n’a pas été vaincu. la Russie est venue l’aider,
l’Iran est venu l’aider. Les mercenaires envoyés pour le renverser étaient
eux-mêmes des djihadistes extrémistes avec leurs propres agendas ? Le chaos a
ouvert la voie à l’Etat Islamique, bâti avec des officiers de l’armée irakienne
mécontents (exclus de l’armée par les États-Unis en 2003) des armes américaines
et avec le soutien considérable de fonds saoudiens.
Si la vérité devait être entièrement connue, les nombreux
scandales associés rivaliseraient certainement avec le Watergate dans leur
ébranlement des fondations de la classe dirigeante des États-Unis. L’arrogance des États-Unis dans cette
approche semble ne connaître aucune limite. Le procédé du changement de régime
fomenté par la CIA est si profondément inscrit comme un instrument « normal »
de la politique étrangère américaine qu’elle est à peine remarquée par
l’opinion publique ou les médias aux États-Unis. Renverser le Gouvernement
d’un autre pays est contraire à la charte de l’ONU et au droit international.
Mais a-t-on besoin de telles subtilités entre amis ?
L’instrument [la déposition d’Assad] de la politique
étrangère des États-Unis n’a pas été seulement en violation flagrante du droit
international mais a aussi été un échec massif et répété. Au lieu d’un coup
d’état rapide et décisif pour résoudre un problème de politique étrangère, chaque
changement de régime ourdi par la CIA a été, presque inévitablement, le prélude
à un bain de sang. Comment pouvait-il en être autrement ? Les autres
sociétés n’aiment pas que leur pays soit manipulé par des opérations secrètes
des États-Unis.
Écarter un dirigeant, même quand l’opération est un « succès
» ne résout aucun des problèmes géopolitiques sous-adjacents, et encore moins
les problèmes de nature écologique, sociale ou économique. Un coup d’état
invite à la guerre civile, du genre de celles qui secouent aujourd’hui
l’Afghanistan, l’Irak, la Libye et la Syrie.
Commentaire : Est-il nécessaire de rappeler qu’il n’y a pas
de « guerre civile » en Syrie ? Mais une guerre entre le Gouvernement syrien et
Daesh (les envahisseurs).
Il invite une réaction internationale hostile, comme celle de
la Russie en appui à son allié syrien pour faire face aux opérations dirigées
par la CIA. Nous en sommes au point où la somme des malheurs causés par es
opérations secrètes de la CIA peut littéralement remplir des volumes. Sera-t-on
dès lors surpris de voir Mme Clinton reconnaître en Henry Kissinger un mentor
et un guide ?
Et où en sont les médias de l’establishment dans cette
débâcle ? Le New York Times a fini par parler d’une partie de cette histoire le
mois dernier en présentant la connexion entre la CIA et l’Arabie Saoudite, dans
laquelle l’argent saoudien sert à payer les opérations de la CIA afin de
contourner le Congrès et le peuple américain. Après cette première
publication, il n’y a pas eu de suite. Pourtant le financement saoudien
d’opérations de la CIA est fondamentalement le même procédé que celui utilisé
par Ronald Reagan et Peter North dans le scandale Iran
Contrat des années 1980 (avec des ventes d’armes à l’Iran utilisées pour
financer des opérations secrètes de la CIA en Amérique centrale sans le consentement
ou la supervision du peuple américain).
Mme Clinton elle-même n’a jamais montré la moindre réserve ou
le moindre scrupule à mettre en œuvre cet instrument de la politique étrangère
américaine. À son actif en matière de soutien enthousiaste à des changements de
régime sous l’impulsion des États-Unis, on inclura (liste non exhaustive) :
- le bombardement de
Belgrade en 1999 ;
- l’invasion de
l’Afghanistan en 2001 ;
- la guerre contre
l’Irak en 2003 ;
- le coup de force au
Honduras en 2009 ;
- l’assassinat du Libyen Mouammar Kadhafi en 2011 et
l’insurrection contre Assad coordonnée par la CIA de 2011 à ce jour.
Libye, octobre 2011 – Pour une Hillary Clinton radieuse,
c’est comme si Mouammar Kadhafi était déjà mort.
Il faut un grand leadership présidentiel pour résister aux
malheureuses aventures de la CIA. Les présidents finissent par s’entendre avec
les entreprises du secteur de la défense, les généraux et les cadres de la CIA.
Ils se protègent ainsi des attaques venues de la droite extrémiste dure.
Ils réussissent en exaltant la puissance militaire des États
Unis, pas en la contenant. Beaucoup d’historiens pensent que JFK [John Fitzgerald Kennedy] a été
assassiné suite à ses ouvertures de paix en direction de l’Union Soviétique des
ouvertures qu’il avait faites contre les objections d’une opposition de droite
tenante d’une ligne dure au sein de la CIA et d’autres secteurs de l’appareil
d’État américain.
Hillary Clinton n’a jamais fait montre d’un iota de courage,
ou même de compréhension, dans la confrontation avec la CIA. Elle a été un
inlassable partisan de la CIA et jubilait à montrer sa fermeté en soutenant
chacune de ses opérations malavisées. Les échecs sont bien sûr constamment
dissimulés à notre vue. Clinton est un danger pour la paix mondiale. Elle doit
répondre de beaucoup de choses en ce qui concerne le désastre en Syrie.