par Marc DUGOIS
Il est de bon ton chez les intellectuels « médiatisables
» de se gausser du protectionnisme en le comparant à l’autarcie et à la Corée
du Nord. L’avenir est à la mondialisation et même le Front National se croit
obligé de parler de « protectionnisme intelligent » tellement l’idée simple de
se protéger n’a plus droit de cité en elle-même depuis que ce qu’il y aurait à
protéger est devenu si flou.
Grâce à la mondialisation des échanges et de la
communication, l’Occident a mis dans la tête des gens que le commerce
international était la modernité alors que le nivellement des goûts sur toute
la Terre au moment même où le nombre d’humains explose dramatiquement, nous
entraîne inéluctablement vers la guerre car la Terre ne pourra fournir. Tant
que certains aimaient les insectes et d’autres le bœuf, tant que chacun priait
son Dieu, on reconnaissait différentes civilisations, différentes cultures qui
inspiraient les voyages, l’étonnement, l’enrichissement, le respect, le partage
et... le repos chez soi. Depuis que l’OMC a décidé que sortir de la pauvreté
c’était vivre comme un occidental et que la laïcité était la verticale commune,
il faut faire disparaître les autres civilisations ou les mettre dans des
réserves avant de s’entre-tuer pour savoir qui aura le droit de survivre.
La République s’étant abandonnée à la fausse démocratie où
une caste achète l’affect du peuple avec de l’argent qu’elle n’a pas, il y a
une quasi-unanimité à essayer de faire croire au peuple qu’il peut alléger son
travail en faisant payer le passé par l’impôt, le futur par la dette et les autres
peuples par une balance commerciale excédentaire.
Une première difficulté est de savoir qui sont
les autres quand on ne sait plus qui l’on est soi-même ; d’où les
souverainistes, les régionalistes, les européistes et les mondialistes … plus
tous ceux qui ne se posent même plus la question de savoir qui ils sont.
Une seconde difficulté est que l’idée de « faire payer les
autres », une fois mondialisée, se retourne évidemment en « payer pour les
autres » avec ses corollaires, la concurrence et l’austérité.
Mais le pire est de voir ce qui se passe quand le système
fonctionne et le lait nous en donne un exemple remarquable. Entendu sur RTL le
30 août :
« C’est en Nouvelle-Zélande que s’est constituée la laiterie
du monde. Ce pays est à l’origine de 27 % des produits laitiers vendus sur le
marché international. Il est le premier exportateur mondial de lait en poudre,
de beurre et de fromage, devant l’Europe. La Nouvelle-Zélande collecte 22
milliards de litres de lait par an. Elle possède 6,5 millions de vaches (il y
en a plus que d’habitants).
« La plus grosse partie de la production locale est le fait
d’une seule entreprise, Fonterra. Cette coopérative
regroupe 10.000 éleveurs et réalise à elle seule le quart des exportations
totales du pays. La dépendance de l’économie néo-zélandaise à l’égard de ‘’l’or
blanc’’ est telle que, lorsque le secteur souffre, la monnaie du pays est
dévaluée.
« Comme elle est le plus gros acteur mondial, la
Nouvelle-Zélande – et plus précisément Fonterra –
fait les prix mondiaux. Ceux-ci pèsent sur les cours européens, puisque
l’Europe a démantelé tout récemment son système propre de fixation de la
production et des prix. Les laiteries normandes ou bretonnes dépendent donc en
partie de ce qu’il se passe à 19.000 kilomètres de chez nous. »
Si l’on rajoute que les prix s’effondrent à cause d’une forte
surproduction mondiale générée par des investissements colossaux faits en
Nouvelle Zélande pour satisfaire une demande chinoise qui n’arrive pas, on en
arrive à la conclusion que les éleveurs néo-zélandais n’arrivent pas à
rembourser leurs dettes parce qu’ils ont trop investi et que les éleveurs
français n’arrivent pas à survivre parce que Lactalis
applique la règle du système et achète au cours mondial.
Comment peut-on être à ce point aveugle pour se contenter de
clouer au pilori le petit-fils Besnier au lieu de vanter le protectionnisme en
laissant aux imbéciles prétentieux le soin d’y voir un repli sur soi ?
Mais le monde politico-médiatique n’est-il pas dangereusement
contaminé par l’imbécilité prétentieuse ?