HILLARY CLINTON ou DONALD TRUMP ?

 

par Luc BEYER de RYKE

Les États-Unis vont voter. Les États-Unis votent. Ils ont commencé à le faire avant même que cette chronique fut écrite. Le système électoral autorise le vote par correspondance et même le vote électronique. Il a débuté fin septembre alors que les élections présidentielles auront lieu en novembre. Chaque État a sa propre législation qui en détermine l’organisation.   On sait aussi que le président est choisi par les grands électeurs. Il peut donc être élu par eux et battu en même temps par le suffrage universel. Ce fut le cas de George W. Bush lors de sa première élection. Al Gore avait recueilli davantage de suffrages mais en vain.   S’il est légitime pour les Français d’avoir en point de mire l’Élysée et celui ou celle qui l’occupera il va de soi sue les présidentielles américaines ont une importance mondiale. Lorsqu’on songe à ce qu’elles pourraient apporter on se prend à songer à l’invocation de Lamartine « Oh temps, suspends ton vol... ». 

Beaucoup d’Américains se détournent des deux candidats en lice. Le populisme de l’un, l’inféodation de l’autre à un establishment financier expliquent l’engouement à l’égard d’un Bernie Sanders désormais évacué du devant de la scène. 

Parmi les nombreuses interrogations qui se posent il y a celle relative à la politique extérieure des Etats-Unis. En particulier en ce qui concerne le Proche-Orient. Parmi ceux que j’ai interrogé je retiendrai Philip Golub. Cet éminent universitaire américain qui enseigne à Sciences-po occupe aujourd’hui la chaire de politiques internationales et comparatives à l’université américaine à Paris (The American University of Paris). Il a répondu à quelques-unes de mas questions lors d’un entretien conjoint avec Dominique Vidal, ancien du Monde diplomatique... et spécialiste du Proche-Orient. Une synthèse de leurs propos et des questions constitue un instrument de mesure intéressant, utile et pourtant incertain pour évaluer le rôle futur des États-Unis

L’héritage    

Pour mieux le comprendre il convient de se reporter brièvement au passé. L’arrivée de Jimmy Carter a rompu avec la politique d’Eisenhower. Ike, prudent, entendait « gérer à distance ». La doctrine Carter, elle, est interventionniste. Avec ses heurs et malheurs. Elle demeurera. Les États-Unis soutiendront Saddam Hussein même au moment où ce dernier gaze les Kurdes à Halabja. Après la chute du mur Saddam profitera de ce que les États-Unis soient « distraits », comme le relève avec humour Philip Golub, pour intervenir au Koweit. Ce qui déclenche la politique d’endiguement. Celle de Bush premier, celle plus tard de Bush second. mais en intervenant la première fois le père est approuvé par les Nations Unies dont le fils, lui, se passera. Avec les conséquences que l’on sait. Et celles à venir. Aujourd’hui l’intervention russe en Syrie constitue une réponse à celle des Américains en Irak. 

Les États-Unis rêvent d’un nouveau Moyen-Orient. Ceux que l’on nomme les néo-conservateurs prêchaient le chaos pour y parvenir. Ils sont exaucés sans qu’ils y trouvent leur compte. Au Moyen-Orient les États-nations se sont effondrés. La guerre est devenue un état permanent. Qu’il s’agisse de nous Européens ou des Américains nous nous avérons impuissants à modifier le cours des événements. Les États-Unis voient leurs alliés devenir « encombrants ». Les relations avec l’Arabie Saoudite sont de plus en plus ombrageuses. Ne parlons pas de celles d’Obama avec Netanyahou. Elles sont détestables. Les temps sont révolus où les États-Unis pouvaient influencer voire façonner les équilibres mondiaux. Qu’en sera-t-il avec Donald Trump ou Hillary Clinton ?  

L’inconnu dans la maison 

Trump paraît gérer le ministère de la Parole. Toute son argumentation tient en un constat simpliste : « Hillary était là quand les problèmes ont commencé. Ces problèmes j’y mettrai fin ». Comment ? En usant de la force partout. Avec les Mexicains, avec Daech, avec l’Iran qu’il n’aime pas. Sa seule volonté y pourvoira. Mais, comme le relève Philip Golub, « lui-même ne connaît pas sa volonté ». Seul garde-fou, les Institutions. Un président est encadré par elles. Il ne peut agir seul quelle que soit sa puissance. Or Trump trouve dans l’Administration américaine des adversaires. À commencer dans les services de sécurité. Ce qui peut atténuer les inquiétudes sans les dissiper.  

Il faut connaître l’ADN de Donald Trump. Son père durant l’entre-deux guerres était membre d’America first (isolationniste). Il appartint ensuite à la John Birch Society (extrême-droite) et « flirta » avec le Ku Klux Klan. Ce qui pourtant ne suffit pas à cerner avec exactitude le personnage de Donald Trump lui-même. Il s’est entouré de conseillers militaires très hétérogènes. Choisis un peu au hasard. Autoritaire, il les embauche et les licencie... Il ne représente pas le capitalisme transnational ni le complexe militaro-industriel. Il a diversifié ses appuis financiers. Avant de devenir l’adversaire d’Hillary il l’a fait bénéficier un temps de ses largesses. Ceux qui le détestent disent qu’avec lui on entend des « meuglements » plutôt qu’une idéologie.  

Une femme de pouvoir 

Quel portrait brosse-t-on en contrepoint d’Hillary Clinton ? Deux caractéristiques essentielles peuvent la définir. Liée à l’establishment financier c’est une interventionniste. Bien plus qu’Obama. Très proche d’Israël elle s’est prononcée en faveur de l’opération en Lybie alors qu’Obama traînait les pieds. Elle est tout aussi favorable aux opérations et bombardements en Syrie. À l’égard de l’Iran elle se montre sur la réserve et pourrait ne pas être hostile à une confrontation. sans doute a-t-elle besoin de l’électorat de Bernie Sanders mais elle paraît peu encline à prendre en compte ses desiderata.  En particulier à propos de la Palestine, Sanders se proclame sioniste, mais antisioniste si les droits du peuple palestinien sont bafoués. Ce qui semble laisser Hillary le cœur léger. Paradoxalement une partie minoritaire mais non négligeable des électeurs de Sanders pourrait se reporter sur Trump. Il s’agit de « petits blancs » anxieux de se voir appauvris et déclassés.  

Ce sont là autant de turbulences idéologiques qui accompagnent une souffrance sociale. Rien n’est joué.  

Tout est possible. Le pire, le supportable, sans que le meilleur soit au rendez-vous.

 

© 01.10.2016