par
Christine ALFARGE
Est-ce
une nouvelle menace qui pèse sur l’Union européenne ?
On ne peut pas
évoquer le projet anglais de Brexit sans un détour
par l’histoire de la construction européenne et du marché unique où la même
question reste posée sur la préférence de l’Angleterre à l’Europe ou au grand
large.
Une
histoire commune
Traditionnellement,
la Grande-Bretagne a toujours entretenu une ambiguïté à l’égard de l’Europe. Le
Général de Gaulle disait « L’éternel problème est de savoir si les Anglais
veulent donner la préférence à l’Europe ou au grand large ».
L’Angleterre
toujours accrochée au rêve du Commonwealth rendra interminable la négociation
sur le Marché commun. À ce sujet, le Général de Gaulle s’exprimera après le
Conseil des ministres du 19 décembre 1962 : « Nous sommes d’autant plus
portés à être prudents que la Grande-Bretagne demande une série de dispositions
particulières qui modifieraient tout, et en particulier l’agriculture,
précisément tout ce qui est en cours de règlement. Allons-nous pour faire
plaisir à l’Angleterre, remettre en question le Marché commun et la signature
des règlements agricoles, sans lesquels nous refusons qu’il y ait un Marché
commun. Tout cela est difficile à accepter. ». Il ne manquera pas de
rappeler : « Bien sûr, je ferai un coup de chapeau à Churchill, au rôle de
l’Angleterre dans la Seconde Guerre, à mon ami Macmillan, etc. Mais je
refermerai la porte. Çà a assez duré comme ça !».
Un premier Brexit fut évité
En 1975, deux
ans après leur entrée dans la CEE, un référendum avait déjà été proposé aux
Britanniques. Dans l’opposition, les Travaillistes avaient alors combattu
l’intégration car elle aurait des conséquences négatives pour les consommateurs
britanniques avec une vie plus chère. Revenus au pouvoir en 1974,
paradoxalement ils renégocient le traité et demandent le maintien dans la
CEE. En 1988, Margaret Thatcher contre
le diktat du super-Etat exposera sa vision de l’Europe en réaction aux
propositions clairement fédéralistes alors annoncées par Jacques Delors. Elle
plaidera pour une Grande-Bretagne enracinée en Europe, attentive à ce qui se
passe au-delà du rideau de fer dans la Perestroïka de Gorbatchev et ouverte
vers les Etats-Unis. Une Europe qui
privilégiera l’efficacité de l’économie libérale et pour tout le reste, elle
préfèrera la coopération intergouvernementale à l’intégration politique. Elle
sera inflexible contre Jacques Delors.
Pour Alex Taylor, européen convaincu hostile au Brexit
: « Le Brexit est probable. Pour la première fois,
il est donné gagnant au regard d’une immigration accrue, les gens votent et
réclament le Brexit. Il va falloir faire quelque
chose. ». Selon lui, « Le mal remonte à 1950 quand les Travaillistes
n’ont pas voulu s’associer aux discussions concernant la CECA et aussi la
période Tony Blair favorable à plus d’intégration notamment lorsqu’il exprimera
pendant la présidence britannique de l’Union européenne en 1998, son désir de
voir à terme la Grande-Bretagne entrer dans la zone euro, malgré l’hostilité
de la presse europhobe. ».
Aujourd’hui,
lorsque David Cameron propose un référendum, il souhaite affaiblir le camp
eurosceptique déterminé à défendre les idées visant à réduire l’immigration et
selon le Vote Leave (proBrexit)
rendre l’économie plus prospère. David Cameron veut arracher de nouvelles
concessions à l’Union européenne, un pari risqué pour le Premier ministre qui
défend à tout prix le maintien du pays dans l’Union européenne considérant
qu’un Brexit serait « un saut dans l’inconnu
». « La campagne Vote Leave n’est pas un
gouvernement alternatif » se targue Michael Gove,
ministre conservateur de la Justice, l’une des principales figures du camp des
eurosceptiques. Alex Taylor pense que « l’Europe
des nations n’est pas contradictoire avec des compromis, j’espère que la
situation actuelle n’est pas pour sortir de l’Union européenne, cependant les
partisans du Brexit sont les plus virulents ». Il
ajoute « le rôle des médias britanniques, majoritairement Murdock, sont
extrêmement hostiles à l’Europe ».
Le
Brexit suscite aussi des inquiétudes dans les milieux
économiques
Pour le
Royaume-Uni, sortir de l’Union européenne signifierait d’abord se priver de son
premier client, et devoir négocier un accès au marché unique dont il y a fort à
parier que ses anciens partenaires ne seraient pas disposés à accorder des
conditions favorables. Place préférée des investissements directs extérieurs
dans la célèbre City de Londres, le Royaume-Uni pourrait-il le rester après le Brexit ? La sortie risquerait d’entraîner des
relocalisations d’établissements bancaires de Londres vers Paris ou Francfort
pour continuer à bénéficier d’un accès direct à l’UE.
Quel
message les Britanniques vont-ils envoyer à l’Europe
?
Quelle que soit
l’issue du vote britannique, c’est l’ensemble du projet européen qui sort
affaibli de cette épreuve. Même si une adhésion de toutes les sensibilités
existe, des conservateurs aux travaillistes eurosceptiques en passant par l’Ukip (parti europhobe de droite), miser sur le principal
thème visant à réduire l’immigration n’aura pas forcément les effets escomptés
sur l’économie anglaise notamment son niveau d’éducation, de santé, le montant
des salaires bas. Selon Alex Taylor « Le problème en Angleterre, c’est que
les Anglais ne veulent pas faire le travail que les immigrés acceptent ou
seraient prêts à accepter ». En quittant l’Union, Londres envisagerait
d’instaurer un « système à points » à l’instar du modèle australien
laissant entrer uniquement ceux dont le pays aurait besoin.
Résurgence
ou pas au nationalisme
Dans plusieurs
régions européennes, une fièvre indépendantiste est en train de surgir. À la
volonté de consolider l’avenir économique de la zone euro, s’ajoute un nouveau
risque pour l’Europe, celui de la revendication de mouvements identitaires
voire sécessionnistes. De la Catalogne, à la Flandre en passant par l’Écosse,
toutes ces régions ont un point commun face à l’actuelle crise de la dette
souveraine et les plans d’austérité, elles ont le sentiment de payer pour les
autres parce qu’elles sont plus riches avec des taux de chômage inférieurs aux
moyennes nationales. Pour l’Union
européenne, le plus gros risque est avant tout d’ordre politique. À la veille
du référendum où le peuple devra se prononcer sur le maintien ou non du
Royaume-Uni dans l’Union européenne les inquiétudes vont bon train du côté de
Bruxelles qui redoute un phénomène de contagion conduisant à une fragmentation
partielle de l’Europe et le morcellement de ces États entraînant une rupture
des grands équilibres. Dans toute son
histoire, la Grande-Bretagne a toujours recherché l’équilibre des pouvoirs sur
le continent, les partisans du Brexit jouent
également sur ce thème de souveraineté du Parlement cher aux Britanniques. Les
institutions européennes sont dirigées par des « bureaucrates sans visage à
Bruxelles » s’exprime Michael Gove, quant à Boris
Johnson, il affirme « nous sommes en train de perdre le contrôle de notre
démocratie ».
Comme
tous les Européens, les Anglais sont fiers de leur appartenance nationale et
veulent rester maîtres de leur destin, quelle que soit l’issue du référendum
nous restons au regard de l’Histoire des alliés pour une Europe des peuples
vivant en paix.