Compte rendu du dîner-débat du7 juin 2016 présidé

 par Alex Taylor,

BREXIT OR NOT BREXIT?

 par Christine ALFARGE

Est-ce une nouvelle menace qui pèse sur l’Union européenne ?

On ne peut pas évoquer le projet anglais de Brexit sans un détour par l’histoire de la construction européenne et du marché unique où la même question reste posée sur la préférence de l’Angleterre à l’Europe ou au grand large.   

Une histoire commune 

Traditionnellement, la Grande-Bretagne a toujours entretenu une ambiguïté à l’égard de l’Europe. Le Général de Gaulle disait « L’éternel problème est de savoir si les Anglais veulent donner la préférence à l’Europe ou au grand large ».  

L’Angleterre toujours accrochée au rêve du Commonwealth rendra interminable la négociation sur le Marché commun. À ce sujet, le Général de Gaulle s’exprimera après le Conseil des ministres du 19 décembre 1962 : « Nous sommes d’autant plus portés à être prudents que la Grande-Bretagne demande une série de dispositions particulières qui modifieraient tout, et en particulier l’agriculture, précisément tout ce qui est en cours de règlement. Allons-nous pour faire plaisir à l’Angleterre, remettre en question le Marché commun et la signature des règlements agricoles, sans lesquels nous refusons qu’il y ait un Marché commun. Tout cela est difficile à accepter. ». Il ne manquera pas de rappeler : « Bien sûr, je ferai un coup de chapeau à Churchill, au rôle de l’Angleterre dans la Seconde Guerre, à mon ami Macmillan, etc. Mais je refermerai la porte. Çà a assez duré comme ça !». 

Un premier Brexit fut évité

En 1975, deux ans après leur entrée dans la CEE, un référendum avait déjà été proposé aux Britanniques. Dans l’opposition, les Travaillistes avaient alors combattu l’intégration car elle aurait des conséquences négatives pour les consommateurs britanniques avec une vie plus chère. Revenus au pouvoir en 1974, paradoxalement ils renégocient le traité et demandent le maintien dans la CEE.  En 1988, Margaret Thatcher contre le diktat du super-Etat exposera sa vision de l’Europe en réaction aux propositions clairement fédéralistes alors annoncées par Jacques Delors. Elle plaidera pour une Grande-Bretagne enracinée en Europe, attentive à ce qui se passe au-delà du rideau de fer dans la Perestroïka de Gorbatchev et ouverte vers les Etats-Unis.   Une Europe qui privilégiera l’efficacité de l’économie libérale et pour tout le reste, elle préfèrera la coopération intergouvernementale à l’intégration politique. Elle sera inflexible contre Jacques Delors.  Pour Alex Taylor, européen convaincu hostile au Brexit : « Le Brexit est probable. Pour la première fois, il est donné gagnant au regard d’une immigration accrue, les gens votent et réclament le Brexit. Il va falloir faire quelque chose. ». Selon lui, « Le mal remonte à 1950 quand les Travaillistes n’ont pas voulu s’associer aux discussions concernant la CECA et aussi la période Tony Blair favorable à plus d’intégration notamment lorsqu’il exprimera pendant la présidence britannique de l’Union européenne en 1998, son désir de voir à terme la Grande-Bretagne entrer dans la zone euro, malgré l’hostilité de la presse europhobe. ».  

Aujourd’hui, lorsque David Cameron propose un référendum, il souhaite affaiblir le camp eurosceptique déterminé à défendre les idées visant à réduire l’immigration et selon le Vote Leave (proBrexit) rendre l’économie plus prospère. David Cameron veut arracher de nouvelles concessions à l’Union européenne, un pari risqué pour le Premier ministre qui défend à tout prix le maintien du pays dans l’Union européenne considérant qu’un Brexit serait « un saut dans l’inconnu ». « La campagne Vote Leave n’est pas un gouvernement alternatif » se targue Michael Gove, ministre conservateur de la Justice, l’une des principales figures du camp des eurosceptiques.  Alex Taylor pense que « l’Europe des nations n’est pas contradictoire avec des compromis, j’espère que la situation actuelle n’est pas pour sortir de l’Union européenne, cependant les partisans du Brexit sont les plus virulents ». Il ajoute « le rôle des médias britanniques, majoritairement Murdock, sont extrêmement hostiles à l’Europe ». 

Le Brexit suscite aussi des inquiétudes dans les milieux économiques

Pour le Royaume-Uni, sortir de l’Union européenne signifierait d’abord se priver de son premier client, et devoir négocier un accès au marché unique dont il y a fort à parier que ses anciens partenaires ne seraient pas disposés à accorder des conditions favorables. Place préférée des investissements directs extérieurs dans la célèbre City de Londres, le Royaume-Uni pourrait-il le rester après le Brexit ? La sortie risquerait d’entraîner des relocalisations d’établissements bancaires de Londres vers Paris ou Francfort pour continuer à bénéficier d’un accès direct à l’UE.  

Quel message les Britanniques vont-ils envoyer à l’Europe ?

Quelle que soit l’issue du vote britannique, c’est l’ensemble du projet européen qui sort affaibli de cette épreuve. Même si une adhésion de toutes les sensibilités existe, des conservateurs aux travaillistes eurosceptiques en passant par l’Ukip (parti europhobe de droite), miser sur le principal thème visant à réduire l’immigration n’aura pas forcément les effets escomptés sur l’économie anglaise notamment son niveau d’éducation, de santé, le montant des salaires bas. Selon Alex Taylor « Le problème en Angleterre, c’est que les Anglais ne veulent pas faire le travail que les immigrés acceptent ou seraient prêts à accepter ». En quittant l’Union, Londres envisagerait d’instaurer un « système à points » à l’instar du modèle australien laissant entrer uniquement ceux dont le pays aurait besoin. 

Résurgence ou pas au nationalisme

Dans plusieurs régions européennes, une fièvre indépendantiste est en train de surgir. À la volonté de consolider l’avenir économique de la zone euro, s’ajoute un nouveau risque pour l’Europe, celui de la revendication de mouvements identitaires voire sécessionnistes. De la Catalogne, à la Flandre en passant par l’Écosse, toutes ces régions ont un point commun face à l’actuelle crise de la dette souveraine et les plans d’austérité, elles ont le sentiment de payer pour les autres parce qu’elles sont plus riches avec des taux de chômage inférieurs aux moyennes nationales.  Pour l’Union européenne, le plus gros risque est avant tout d’ordre politique. À la veille du référendum où le peuple devra se prononcer sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne les inquiétudes vont bon train du côté de Bruxelles qui redoute un phénomène de contagion conduisant à une fragmentation partielle de l’Europe et le morcellement de ces États entraînant une rupture des grands équilibres.   Dans toute son histoire, la Grande-Bretagne a toujours recherché l’équilibre des pouvoirs sur le continent, les partisans du Brexit jouent également sur ce thème de souveraineté du Parlement cher aux Britanniques. Les institutions européennes sont dirigées par des « bureaucrates sans visage à Bruxelles » s’exprime Michael Gove, quant à Boris Johnson, il affirme « nous sommes en train de perdre le contrôle de notre démocratie ».   

Comme tous les Européens, les Anglais sont fiers de leur appartenance nationale et veulent rester maîtres de leur destin, quelle que soit l’issue du référendum nous restons au regard de l’Histoire des alliés pour une Europe des peuples vivant en paix.

 

© 01.09.2016

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