CROISSANCE, EMPLOI, CHÔMAGE : 

POLITIQUE INEFFICACE,  PERSPECTIVES 2016 ET 2017 INCERTAINES

par Paul KLOBOUKOFF 

Pour éviter des méprises, il est utile d'apporter des  précisions sur les définitions du chômage et ses évolutions. Car les informations qui sont livrées au public le sont tantôt en termes de nombres de « demandeurs d'emploi de catégorie A » inscrits à Pôle emploi, tantôt en termes de « taux de chômage au sens du BIT », qui ne sont forcément en concordance, et se sont plusieurs fois trouvés en contradiction. Une courte rétrospective révèle des surprises. 

Un regard sur les perspectives de croissance, d'emploi et de chômage en 2016-2017, montre qu'elles sont incertaines et changent de mois en mois dans les prévisions françaises et internationales. Pas dans le bon sens en ce début d'année. Mais, l'évolution démographique sera encore favorable à la limitation du chômage. Alors, suspense ? 

L'examen de la politique de lutte contre le chômage conduite depuis mai 2012 a pour but, ensuite, de mieux comprendre les raisons de l'inefficacité observée jusqu'ici, et de regarder ce qu'elle porte pour 2016 et 2017. 

On sait ou on soupçonne que La France ne peut avoir de stratégie de développement (agricole, industrielle...) indépendante, sur mesure, principalement en raison des contraintes qu'imposent l'Union européenne (UE) et les autres traités internationaux, ainsi que de sa dépendance des multinationales (cf. mon article précédent). Aussi, nos gouvernants ont beaucoup compté sur la croissance de l'économie mondiale pour relancer les exportations, la croissance et l'emploi. De son côté, l'UE a fait le nécessaire pour inonder la zone euro de liquidités,  « dévaluer » l'euro et maintenir de maladivement bas taux d'intérêt.  

Dans les plans et les mesures que nous allons passer en revue, les aides à l'investissement pour la croissance et la compétitivité ont été essentiellement celles du Crédit

impôt compétitivité emploi (CICE). Préférée à une franche réduction des cotisations sociales patronales, complexe, mal ficelée, s'adressant peu aux entreprises exportatrices, cette «usine à gaz» a produit peu de résultats en termes d'investissement et d'emploi. 

À côté du CICE, la politique a visé à abaisser le coût du travail et à aider financièrement les embauches par les PME et les toutes petites entreprises (réputées créatrices d'emplois). En même temps, elle a ciblé les aides sur les bas salaires et les faibles qualifications. Les entreprises ont été incitées à recruter ou à conserver leur personnel, que leurs marchés croissent, stagnent ou rétrécissent. Avec des effets d'aubaine créés, cela a conduit à soutenir surtout les entreprises tournées vers le marché intérieur, dans les services et, en particulier, dans les services à la personne. 

Les contrats aidés ont continué d'apporter leur concours aux embauches, souvent de durée limitée, surtout par les administrations et les services.  

Jusqu'au plan de la dernière chance de F. Hollande de janvier 2016, un usage trop modéré a été fait de la formation professionnelle et surtout de l'apprentissage. 

De nombreuses mesures ont été vouées à «flexibiliser» l'emploi, à fluidifier le marché du travail, à « assouplir », à libéraliser (tous azimuts), à lever des contraintes «pesant» sur les entreprises, en matière de contrats de durée déterminée (CDD), d'horaires, de salaires, d'indemnisation des salariés licenciés, d'obligations sociales et fiscales relevant de la réglementation des seuils sociaux... Des mesures contestées par les syndicats et les « frondeurs ». 

Il a été vérifié que sans croissance et dynamisme des marchés, des dispositions de ce type ne pouvaient pas entraîner une véritable relance de l'emploi.

Le changement pour le changement, ou pour effacer les traces du passage de Sarkozy ?  Ces questions ont été posées. On a pu se demander, par exemple, quel sera l'apport contre le chômage du remplacement du RSA activité et de la prime pour l'emploi par une prime d'activité, qui sera distribuée par la  Caisse d'Allocations familiales (CAF) dès 2016 et dont le montant dépendra de la composition et des ressources du foyer. Curieux mélange des genres ! 

L'instabilité, érigée en système de gouvernance, et la dispersion font partie des raisons majeures de l'échec. Un «environnement» législatif, réglementaire, économique,

social et fiscal en perpétuel changement est, évidemment, très défavorable à l'initiative, à la prise de risque, à l'embauche, à l'investissement, qu'il soit français ou étranger. Le manque de confiance s'installe, s'incruste. La dispersion d'un grand nombre de mesures, en partie de redistribution, de promotion de la concurrence et de la privatisation, dont la relation avec la création d'emplois n'est pas évidente, et l'apparente absence de vision d'ensemble ont suscité l'incompréhension et la méfiance. L'avalanche de « réformes »  polémiques a aussi pu être accusée d'entourer de brouillard l'impuissance du Gouvernement. 

Au lecteur de se faire sa propre opinion.

I - Des désaccords entre les différentes mesures du chômage

Le temps partiel, les formations et les contrats aidés ont réduit le « chômage » 

Les informations les plus rapides diffusées chaque mois sur le chômage portent sur les demandeurs d'emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi. Ces derniers sont classés en cinq catégories. Ceux des trois premières sont tenus de rechercher activement un emploi. Ceux de la catégorie A, sont sans emploi. En France métropolitaine (FM), il y en avait 3.638,5 milliers (mi) en décembre 2015. En catégories B et C sont inscrites des personnes en activité réduite, courte ou longue : 727,3 mi en cat. B (78 heures travaillées ou moins dans le mois), et 1.185,5 mi en cat. C (plus de 78 heures travaillées dans le mois). Dans les deux catégories suivantes, se trouvent des personnes non disponibles immédiatement pour l'emploi : 287 mi en cat. D, en formation, en contrat de sécurisation professionnelle ou en maladie ; 420,5 mi en cat. E, en cours de création d'entreprise ou en contrat aidé (1).   

Au total, les demandeurs des cinq catégories étaient 6.259,2 milliers en FM en décembre 2015. Pour la France entière, 335 mi personnes de plus étaient enregistrées. 

Le nombre de « demandeurs » de catégorie A est surveillé comme le lait sur le feu. Les évolutions des effectifs par classes d'âge, avec, en particulier, les jeunes et les seniors, sont observées avec attention.  

Moins connu, le nombre total des demandeurs des cinq catégories est cité surtout par des  politiciens ou des syndicalistes  pour rappeler que l'indicateur précédent est très partiel et peu « significatif ». Non sans raisons.

En France métropolitaine, entre mai 2002, début du second mandat de Jacques Chirac, et décembre 2015, le nombre de chômeurs de cat. A est monté de 2.373 mi à 3.639 mi, soit de + 53,4 %. Mais, le nombre total d'inscrits dans les cinq catégories a crû d'avantage, de 3.661 mi à 6.259 mi, soit de + 71 %... car celui des quatre catégories B, C, D, E a doublé, s'élevant de 1.288 mi à 2.621 mi en décembre 2015.   Le nombre des employés à temps partiel inscrits à Pôle emploi a atteint 1.913 mi en décembre 2015, soit 52,5 % du nombre de ceux de la catégorie A (contre  42,1% en mai 2002). En cat. B (temps partiel court), l'effectif a crû de 409 mi à 728 mi  (soit de + 77,8 %) ; en cat. C (temps partiel long), il a doublé, passant de 591 mi à 1.185 milliers.  

Parenthèse : le nombre total de personnes employées à temps partiel, dont la majorité souhaitent travailler plus et sont disponibles pour le faire, est beaucoup plus fort. En 2014, il était de 4,87 millions, soit 18,9 % des 25,8 Mi d'emplois occupés, ce taux étant nettement plus élevé chez les femmes que chez les hommes (2). 

 L'évolution des effectifs des catégories D et E, autres indicateurs (partiels) de l'engagement de l'État dans la lutte contre le chômage, montrent un effort croissant, mais limité, en faveur de la formation et une forte propension à recourir aux emplois aidés et au soutien des chômeurs pour la création d'entreprises. En, effet, de  169 mi en mai 2002 à 287 mi en décembre 2015, l'effectif de la cat. D  s'est accru de + 70 %,  tandis que celui de la cat. C a été multiplié par 3,5 passant de 119 mi à 421 mi.

Un chômeur bénéficiant d'une formation ou d'un contrat aidé quitte le chômage en  migrant de la catégorie A vers la D ou la E. Des médisants ont donc pu  imaginer que la décision de F Hollande de porter le nombre de formations de chômeurs de 200.000 à 500.000 était un subterfuge utilisé pour aider à inverser la courbe du chômage en 2016. 

Moins de « chômage au sens du BIT », et un taux de chômage moins déprimant

  Pour effectuer des comparaisons avec d'autres pays, il faut se conformer aux normes édictées par le Bureau international du travail (BIT) pour lequel un chômeur est une personne en âge de travailler (d'au moins 15 ans), sans emploi, disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours, qui a cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en a trouvé un qui commence dans moins de trois mois. Un tel chômeur ne doit pas forcément être inscrit à Pôle emploi et peut avoir un profil différent de celui de catégorie A.  

Les données sur le chômage proviennent d'une enquête trimestrielle Emploi réalisée en continu. En France métropolitaine, elle s'adresse à environ 67.000 ménages ordinaires. Elle couvre aussi les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. Les résultats en termes de nombres de chômeurs et de  taux de chômage (nombre de chômeurs/population active) sont publiés trois mois après la fin de l'enquête (3).   En France métropolitaine, les nombres de chômeurs au sens du BIT étaient de 1.998 mi au 2e trimestre (T2) de 2002, de 2.154 mi au T2 de 2007, de 2.584 mi au T2 de 2012 et de 2.941 mi au 3e trimestre de 2015.  À Pôle emploi, le nombre moyen de chômeurs inscrits en catégorie A aux mêmes trimestres T2 était de 2.384 milliers en 2002, de 2.016 mi en 2007, de 2.774 mi en 2012, et de 3.526 mi au 3e trimestre 2015.  

L'écart entre les deux sources a donc été très variable. Du 2e trimestre 2002 jusqu'au 2e trimestre 2008, le chômage de Pôle emploi a été inférieur à celui du BIT, l'écart décroissant de - 386 mi de personnes à - 50 mi. Avec la crise de 2008, l'écart s'est inversé et est monté.

Au 3e trimestre 2015, le nombre de chômeurs de catégorie A a dépassé celui du BIT de + 585 milliers de personnes. En fin d'année 2015, l'écart sera encore plus grand. 

S'agissant du taux de chômage, c'est celui qui correspond aux normes du BIT qui est choisi, diffusé, analysé et commenté. Ainsi, au 3e trimestre 2015, ce taux est de 10,2 % en France métropolitaine, et de 10,6 % en comptant aussi les DOM. Des chiffres qui nous sont devenus familiers. Si on utilisait un « taux de chômage de catégorie A », ce sont des taux compris entre 12 % et 13 % qu'il faudrait afficher. La situation apparaitrait encore plus déprimante. 

Chômage : pourquoi le « duel » Sarkozy/Hollande n'a pas de sens 

Jacques Chirac (JC), le « roi fainéant », a été notre dernier président à avoir réussi à faire reculer le chômage au cours de son second mandat de mai 2002 à mai 2007, de - 369 milliers de demandeurs  à Pôle emploi... si l'on s'en tient à cet indicateur. Mais on peut aussi dire qu'il a fait monter le chômage au sens du BIT de + 156 milliers de chômeurs.  

S'agissant du « match » Hollande-Sarkozy, d'après le BIT, Sarkozy est temporairement perdant pour avoir «créé» + 493 mi chômeurs en 5 ans, alors qu'Hollande « en est » à + 293 mi en 3 ans et 1 trimestre. Par contre, à Pôle emploi, Hollande est temporairement perdant pour avoir «produit » + 858 mi demandeurs d'emploi de catégorie A à fin 2015, soit après 44 mois de règne, alors que Sarkozy en avait fait + 758 mi en 5 ans. 

En fait, ces comparaisons n'ont pas de sens. Sarkozy, si on veut l'en rendre responsable, « a laissé » plus de chômeurs en quittant l'Elysée que n'en avait laissé J.C. Quels que soient précisément les chiffres, il a fait moins bien, ou pire, que son prédécesseur. Même chose pour Hollande, qui a « aggravé » le chômage après Sarkozy, et laissera en mai 2017 un nombre de chômeurs très supérieur à celui de mai 2012. À cet égard, une éventuelle « inversion de la courbe » ne peut plus être décisive. La courbe est montée trop haut.  

 

2 - Beaucoup d'incertitudes pour les années 2016 et 2017

Des prévisions de croissance en baisse, plutôt faibles pour relancer l'emploi 

Parmi « les principaux éléments de cadrage  économique » du PLF 2016 (projet de Loi de finances pour 2016)  élaboré  en  fin  2015, figure  une « hypothèse »  de 

croissance du PIB de + 1,5 % en 2016. Elle s'écarte peu du « consensus » des économistes et des pronostics des institutions d'alors  : + 1,4 % pour l'OCDE en septembre 2015; + 1,5 % en juillet (et en octobre ) 2015 pour le FMI, + 1,7 % pour la Commission européenne en juin 2015.

À quels oracles se fier aujourd'hui pour « deviner » les taux de croissance des prochaines années ? 

Aux extrêmes, pour l'année 2016, le curseur le plus haut est à + 1,8 % pour Mathieu Plane, économiste à l'OFCE (Office français des conjonctures économiques), grâce à un apport de + 0,8 % dû aux baisses conjuguées du prix du pétrole, de l'euro et des taux d'intérêt. Pour nombre d'économistes, sans la conjugaison de ces trois facteurs, le taux de croissance aurait été bien inférieur à + 1,1 % en 2015. Pour Marc Touati, président du cabinet Acdefi, en raison d'une pression fiscale trop forte, d'un coût du travail trop élevé et d'un marché de l'emploi trop rigide, l'hexagone ne dispose pas des structures suffisamment modernisées et réactives pour bénéficier de la planche à billets et des baisses des taux de la BCE, de la baisse des cours des matières premières ou encore de la dépréciation de l'euro. « La France restera l'une des lanternes rouges de la zone euro en 2016, avec + 0,7 % de croissance moyenne » (4).  

Suivant les « projections macroéconomiques », plus « prudentes » ou plus « consensuelles »,  de la Banque de France de décembre 2015, la croissance du PIB réel serait de + 1,4 % en 2016 et + 1,6 %  en 2017 (5).  

Pour sa part,  le FMI a présenté le 19 janvier une « mise à jour » de ses Perspectives  de l'économie mondiale» (6) d'octobre 2015. La reprise de l'économie mondiale serait plus progressive : + 3,4 % en 2016 et + 3,6 % en 2017. Pour le PIB de la France, il a abaissé ses prévisions de + 1, 46 % à + 1,3 % en 2016, et de + 1,65% à + 1,5 % en 2017. Le FMI insiste sur les risques associés au ralentissement généralisé dans les pays émergents (Chine, Brésil, Russie, pays du Moyen-Orient...), au rééquilibrage de l'économie chinoise, au repli des cours des produits de base, ainsi qu'à la sortie progressive de « conditions monétaires exceptionnellement accommodantes» aux États-Unis. « La croissance mondiale pourrait dérailler si certains écueils importants ne sont pas bien gérés », laisse craindre Mme Lagarde.   En fin février, elle a laissé entrevoir une probable nouvelle baisse des prévisions du FMI en avril prochain. 

Et, « L'OCDE abaisse ses prévisions de croissance mondiale », a-t-on pu lire le 18 février (7). Elle ramène le taux de croissance de la France à + 1,2 % en 2016. Elle souligne que la politique monétaire ne suffit pas pour relancer l'activité et, qu'en Europe, de profondes réformes capables d'apporter des gains de productivité sont nécessaires.

Des prévisions de la Loi de finances (LDF) et de celles de la Banque de France (BDF), il ressort que  le principal moteur de l'activité en France devrait être la demande intérieure. Dans celles de la LDF, les dépenses de consommation des ménages progressent de + 1,7 % en 2016, alors que le pouvoir d'achat de leur revenu disponible ne croît que de + 1,3 %, tandis que les investissements des entreprises (hors construction) augmentent de + 4,9 %, stimulées par les mesures incitatives de l'État. Dans celles de la BDF, la consommation des ménages augmente de + 1,5 % en 2016 et d'autant en 2017...  moyennant la réduction de leur taux d'épargne de 15,2 % en 2015 à 15 % en 2016 et à 14,9 % en 2017. Les investissements des entreprises croissent de + 3,4 % en 2016 et de + 3, 3 % en 2017. 

Rien de globalement positif n'est attendu des échanges extérieurs. Dans les prévisions de la LDF, un déficit de la balance commerciale (marchandises) de - 40 milliards € est anticipé en 2016. Pour l'ensemble des biens et services ainsi que des revenus et des transferts, le FMI avait prévu des déficits des échanges de - 0,4 % du PIB  en 2016 et en 2017... avant sa mise à jour, plus pessimiste, de janvier 2016. À l'exception de la poursuite attendue, non sans angoisse, de la baisse des cours du pétrole et du gaz, les facteurs externes, ne sont pas spécialement porteurs.    

Une lueur d'espoir, tout de même, sur une petite baisse du chômage ? 

Pour la BDF, en décembre 2015, le taux de chômage au sens du BIT en France était susceptible de baisser de  10,2 % en 2015 à 10 % en 2016, puis à 9,7 % en 2017. Sachant que ce taux était de 10,6 % au 3e trimestre 2015, ces chiffres peuvent paraître «optimistes», ou « volontaristes », aujourd'hui. Même observation concernant les prévisions du FMI d'octobre 2015, qui voyait ce taux décroître de 10,2 % en 2015 à 9,9 % en 2016 et à 9,7 % en 2017. 

Sous le titre « Emploi et questions sociales - Tendances pour l'année 2016 », l'Organisation internationale du travail (OIT) a publié en janvier 2016 les résultats de ses recherches et de ses calculs sur les tendances, en novembre 2015, en matière de chômage (8). On y voit le taux de chômage en France diminuer de 10,6 % en 2015 à 10,4 % en 2016 et à 10 % en 2017, et les effectifs des chômeurs baisser de 3,1 millions en 2015 à 3 Mi en 2016 et à 2,9 Mi en 2017.

Le 23 février, l'Unedic, qui gère l'assurance chômage, a fait part d'une prévision de diminution du nombre de chômeurs de catégorie A de - 25 000 en 2016, puis de  - 26 000 en 2017. Et, les prévisions de l'Unedic sont réputées fiables. La légère baisse en 2016 est liée essentiellement au plan massif de 500.000 formations supplémentaires pour les chômeurs annoncé par François Hollande. En 2017, « la baisse serait en partie atténuée par le retour en catégorie A des demandeurs d'emploi entrés en formation en 2016 ».  En revanche, le nombre de demandeurs d'emploi des catégories A + B + C, incluant ceux en activité réduite, continuerait de croître, de + 26 000 en 2016 et de  + 10.000 en 2017 (9). Plus d'emplois à temps partiel, donc.  

Retraites et population active : encore au secours du chômage en 2016 ? 

En raison des réformes du système de retraites décidées jusqu'en 2012, surtout, et des problèmes de pouvoir d'achat des personnes âgées, notamment, l'âge moyen des départs à la retraite va continuer d'augmenter. Selon les prévisions du Conseil d'orientation des retraites (COR),

il va  croître de 61,6 ans en 2015 à 61,8 ans en 2016 et à 62 ans en 2017, pour atteindre 62,3 ans en 2020 (10).  Cependant, suivant des projections de l'INSEE (11), le nombre de départs de fin de carrière restera massif entre 2015 et 2020 : 705.000 par an en moyenne. Les départs à la retraite ouvriront donc encore de larges possibilités de recrutements de remplacement, ou de limitation des licenciements.    L'INSEE a également prévu une légère diminution de la part des jeunes de 15 à 24 ans dans la population active, de 10 % en 2015 à 9,9 %. Aussi, dans la continuité de ce qui est observé depuis 2007, la population active totale ne devrait augmenter que de + 125.000 personnes par an en moyenne de 2015 à 2020. Le COR prévoit la même chose, soit + 0,4 % d'augmentation annuelle de la population active, qui avoisine 28,8 millions de personnes en 2015.   Attention, cependant. La plupart des projections retiennent des hypothèses «tendancielles» pour le solde migratoire de  + 50.000 personnes par an. Avec l'afflux des migrants de Syrie, d'Irak, de Lybie... et la chute des cours des hydrocarbures, qui frappe des pays comme l'Algérie et la Lybie, les flux migratoires pourraient être plus importants. 

3 - Un chapelet de plans et de «réformes» contre le chômage

« Resterait » à «créer» plus de 125.000 emplois supplémentaires nets. Depuis trois ans le Gouvernement déploie plans et « réformes » afin « d'inciter » les entreprises à embaucher et les chômeurs à créer leurs propres emplois, non sans chercher aussi à réduire, pendant le temps politique nécessaire, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A en recourant à la formation et de l'apprentissage. Pour le Nouvel Obs,  « Croissance, emplois... L'économie française accélère en 2016, grâce aux mesures de Hollande »...  grâce au CICE, 127.000 emplois auraient été créés en 2015 et 73.000 seraient attendus au premier semestre 2016 (12). Après l'annonce  du projet de loi Travail, Geoffroy Clavel, journaliste politique au Huffingtonpost interroge :  « Emploi : Où mène la fuite en avant réformiste du Gouvernement ? », évoquant un « tournis réformateur » (13). Les principales « réformes » sont longuement résumées ci-après. 

Le CICE, au cœur des pactes et des plans successifs pour l'emploi 

Le CICE est né dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi de J.-M. Ayrault en novembre

2012. L'idée était de donner un peu d'air aux entreprises en leur accordant une baisse de leur impôt de l'année suivante sur les bénéfices de l'année (ou une créance sur l'État). Cela permettait de décaler le coût budgétaire de cette aide. Complexe, il a été regardé comme une usine à gaz dès sa création. Il a été critiqué pour ne pas comporter d'obligation de contreparties, surtout à gauche, et  pour ne pas cibler suffisamment les entreprises exportatrices.  Mis en œuvre au 1er janvier 2013, ce crédit d'impôt était alors pour une entreprise de 4 % de la masse des salaires ne dépassant pas 2,5 SMIC. L'entreprise devait utiliser cette somme pour investir, embaucher ou conquérir de nouveaux marchés, sans que cette utilisation fasse l'objet de contrôle par l'administration fiscale (14). 

En janvier 2014, le Pacte de responsabilité est entré en vigueur, a repris le CICE et en a porté le taux à 6 %, le coût du CICE étant estimé à 13 milliards € pour 2013 et à 20 Mds € pour 2014.  

À fin 2014, ses résultats en termes de créations d'emplois, de gains de compétitivité et de soutien à la balance commerciale ont été jugés décevants, mais un bilan chiffré  n'a pas  pu  en  être  dressé. Ensuite, il  s'est  avéré  qu'en 2014, 10 Mds € ont été versés aux entreprises ou non prélevés. En 2015, le coût du CICE est monté à  24 Mds €.  

En janvier 2016, F. Hollande a annoncé un « Plan d'urgence pour l'emploi », complétant et actualisant le Pacte de responsabilité, dans lequel figure encore le CICE et se retrouvent aussi, avec quelques mesures nouvelles, des dispositions du « Small business act » de Manuel Valls décidé en juin 2015. 

Pour 2016, un supplément aux 24 Mds € d'un montant de +  9 Mds est prévu, réparti entre le CICE, des allègements de cotisations sociales, la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour une deuxième tranche d'entreprises, la suppression de la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés, ainsi qu'avec les plans pour l'investissement et les TPE - PME (15). Une dépense globale de 33 Mds € en 2016, donc. En régime de croisière, le coût annuel pour l'État annoncé de ces aides sera de 41 Mds € à partir de 2017. 

En contrepartie de ces aides, le patronat et les syndicats devaient négocier des accords sur l'emploi (et la compétitivité) dans les branches professionnelles. En ce début d'année, le ministère du Travail n'a dénombré que 24 accords signés parmi les 50 plus grandes branches suivies par ses services, tandis que le MEDEF en a recensé 24 dans ses 78 branches adhérentes.  

Et, selon les syndicats, très peu de branches ont «joué le jeu», «beaucoup des accords de branche recyclent des accords déjà dans les tuyaux» ou fixent des objectifs correspondant à leurs niveaux usuels de recrutement.  

L'INSEE ne dispose pas encore de données sur les emplois effectivement créés. il estime que, conjugué à la baisse du cours du pétrole, le Pacte a permis aux entreprises de reconstituer leurs marges. 

Mécontent du « bilan », M Valls a expliqué au Comité de suivi des aides publiques aux entreprises le 15 février que la tranche 2017 du Pacte de responsabilité pourra être amenée à évoluer. «Ces aides peuvent être conditionnées, réorientées vers d'autres entreprises et c'est ce que le gouvernement va étudier» (16). Une nouvelle évaluation des engagements aura lieu avant l'été. 

Une autre question politiquement épineuse devra aussi être examinée, celle de la transformation du CICE en baisse pérenne des  cotisations sociales  patronales, comme l'a annoncé le Président en novembre 2014 (17). Ce serait une bonne opportunité pour abandonner le crédit d'impôt au profit d'une aide plus «lisible» et de cibler les entreprises bénéficiaires en n'oubliant pas les objectifs majeurs de modernisation, de productivité, de

compétitivité vis à vis de l'extérieur et de croissance [à mon avis]. 

Un « small business act » de Valls  pour casser un peu plus les codes du travail,  du droit social et des impôts...  sans les réformer 

Favoriser les petites entreprises en créant des inégalités de traitement, ou des conditions de concurrence déloyale en leur faveur, ne date pas d'hier. Depuis janvier 2009, déjà, un statut d'autoentrepreneur, adopté sous l'égide d'Hervé Novelli, permet à ses « élus » de bénéficier d'une franchise de TVA sur leur chiffre d'affaires (CA) jusqu'à un plafond annuel de 32.900 € (aujourd'hui) pour des prestations de services et de 82.200 € pour des activités de vente, d'hôtellerie et de restauration. Avec d'autres avantages et facilités, il leur permet aussi de payer des cotisations et des contributions sociales proportionnelles à leur CA. Pas de cotisations, donc, si pas de CA. 

Cela fait des années que les petites entreprises, particulièrement dans les secteurs du bâtiment, de la restauration et des services à la personne, protestent contre ces faveurs. Maintenant, le problème redevient d'actualité avec les manifestations des taxis contre les conducteurs de VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur) sous statut d'autoentrepreneur qui, de surcroît, n'ont pas à payer des licences aux prix très élevés et ne sont pas soumis à des obligations aussi strictes que les taxis (formation, contrôles techniques et médicaux...). 

Le 9 juin 2015, M Valls a surpris les médias en annonçant, après consultation des partenaires sociaux, un paquet de 18 mesures en faveur des PME et des TPE, qu'il a baptisé « small business act » (SBA) à la française.  

Il n'a pas attaqué de front le CDI (contrat de durée indéterminée), mais a décidé de donner aux entreprises la possibilité de renouveler deux fois les CDD, contre une seule jusque-là, mais sans en modifier la durée maximum légale, 18 mois.  Ce changement, comme le suivant, ne concerne pas spécifiquement les petites entreprises (18).   

Il a décidé d'assouplir les conditions de signature des accords entre les employeurs et les salariés pour la sauvegarde des emplois dans les entreprises en difficulté en contrepartie de concessions en matière de salaire et de durée du travail. L'accord restera valide jusqu'à cinq ans (contre deux). Les salariés qui ne l'accepteront pas seront licenciés et toucheront les indemnités légales et conventionnelles, sans avoir droit à celles du licenciement économique.

Afin d'éviter toute surprise à l'employeur, en cas de licenciement individuel contesté devant les Prud'hommes, les indemnités extralégales relevant de la décision du juge devaient faire l'objet d'un barème et être plafonnées. Les plafonds devaient dépendre de l'ancienneté du salarié et de la taille de l'entreprise. Ainsi, dans une entreprise de moins de 20 salariés, l'indemnité serait de 2 à 6 mois de salaire et, si l'ancienneté était de 15 ans, le plafond de l'indemnité serait de 12 mois. Dans une entreprise  de 20 à 250 ou 300 salariés, l'indemnité serait de 4 à 12 mois et le plafond pour 15 ans d'ancienneté ou plus pourrait atteindre 20 mois de salaire (19). Cette « discrimination » a fait rejeter la mesure par le Conseil constitutionnel. Mais l'intention « d'encadrer » les indemnités persiste.  

Une prime de 4.000 € sera offerte aux entrepreneurs individuels (ils étaient 1,2 Mi ) pour l'embauche, en CDI ou en CDD, d'un premier salarié pour une durée de plus de 12 mois. Les versements auront lieu la première année et la deuxième. Pendant ces deux années, cette prime permettra d'abaisser les charges sociales de l'employeur pour un salarié au SMIC à environ 30 % du salaire brut. Ensuite, retour à plus de 40 %. Encourageant, déterminant ? 

Notre droit social a fixé des seuils réglementaires, 10, 20, 25 et 50 salariés, à partir desquels, les obligations faites aux entreprises sont plus nombreuses et contraignantes (aides au transport, formation, délégués du personnel, emploi des handicapés, réfectoire, comité d'entreprise, etc.). S'ajoutent aussi des prélèvements sociaux et fiscaux.  

Nos gouvernants pensent que ces seuils sont des freins sérieux au recrutement de salariés supplémentaires, malgré les études qui ont été faites sur le sujet par l'INSEE (20). Plutôt que de tenter de réformer cette toile d'araignée, MM. Valls et Hollande ont préféré instaurer la suspension pendant 3 ans des franchissements des seuils sociaux et fiscaux (jusqu'à 50 salariés) pour les entreprises qui recruteront. Et les seuils sont relevés, durablement, à 11 salariés au lieu de 9 ou 10. Quel intérêt ? Cela déstabilise la réglementation et ouvre une timide brèche à d'éventuels autres changements au petit coup par petit coup. 

Souvenons-nous de la crainte du « plombier » polonais et des ricanements des européistes d'alors. Depuis l'adoption de la directive de l'UE « régulant »  l'emploi des  « travailleurs détachés » en payant les cotisations sociales de leurs pays d'origine, certaines entreprises utilisent sans retenue cette possibilité. La CGPME s'en plaint. Il a donc été décidé de lutter contre les fraudes au détachement par des contrôles renforcés. Quant au problème de fond en lui-même, le Gouvernement s'est engagé à faire pression au niveau européen pour que la directive soit renégociée. La CGPME et ses adhérents peuvent donc être rassurés !  

Je ne passe pas en revue les mesures estimées moins importantes. Pour terminer ici, je renvoie à l'article d'Atlantico intitulé « Small Business Act : Manuel Valls rédige une ordonnance homéopathique quand la France aurait besoin d'un remède de cheval » (21). Cet « Act » a peu attiré l'attention. Il n'a sans doute pas été jugé fondamental, et à l'époque, la « loi Macron », qui a repris une partie des mesures du SBA, occupait bruyamment le devant de la scène.  

« Loi Macron : un texte fourre-tout  pour doper l'économie » (?) 

C'est le titre d'un article sur lesechos.fr qui, comme d'autres (22), a décrit le contenu de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Une loi qui comporte plus de 300 articles portant sur des dizaines de secteurs, qui a donné lieu à de multiples et de violentes controverses pendant près d'un an, à la présentation d'un millier d'amendements par les députés, qui a fini par passer en force à l'aide de l'utilisation par le Gouvernement de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution et qui a été promulguée le 7 août 2015. Une quinzaine de ses « mesures phares » peuvent être brièvement rappelées : 

- l'assouplissement du travail le dimanche et la nuit, les compensations salariales correspondantes... et l'institution de zones touristiques internationales ; - la « libéralisation » des professions réglementées (huissiers de justice, commissaires-priseurs, administrateurs judiciaires... et notaires) par de nouvelles règles d'installation  favorisant la concurrence  (de nouveaux arrivants, en particulier) afin de faire baisser les tarifs, ainsi que par des accords tarifaires ou la fixation des tarifs par l'État ;  - la recherche de plus d'efficacité et de rapidité des Prud'hommes en limitant les procédures d'appel, et en incitant au recours à la médiation... la fixation de plafonds et de planchers pour les indemnités des licenciés (retoquée) ; - la modification des règles de licenciement collectif, privilégiant la négociation collective et délimitant les critères de licenciement en cas de décision unilatérale de l'employeur ; - l'incitation à l'épargne salariale dans les PME de moins de 50 salariés qui passent un accord d'intéressement et de participation pour la première fois, par une baisse du « forfait social » de 20 % auquel les entreprises sont soumises ;

- la limitation des droits aux retraites chapeaux, ainsi que leur conditionnement aux performances de l'entreprise ; - l'autorisation aux entreprises dont les trésoreries sont excédentaires de jouer le rôle de banquier en prêtant, pendant moins de deux ans, à des entreprises dans le besoin avec lesquelles elles ont de liens économiques ; - l'aval donné à l'État pour la vente de 5 à 10 milliards d'euros d'actifs (participations dans des sociétés) ; - l'élévation du permis de conduire en un « service universel », avec le but de réduire de moitié le temps d'attente entre deux examens, par la « privatisation » des épreuves du code de la route, l'utilisation «d'agents publics ou contractuels» pour faire passer l'examen pratique, et la suppression de la durée minimale de 20 heures de conduite ; - la révision de la régulation des concessions d'autoroutes aux sociétés privées pour «les pousser à faire plus d'investissements sur le territoire» et pratiquer « des tarifs moins chers » (cf. Emmanuel Macron le 15 octobre 2014). Pour cela l'Autorité de régulation du rail, l'Araf, voit ses compétences étendues aux autoroutes et devient l'Arafer; - une « majoration de constructibilité » de 30 % pour les communes désirant s'agrandir ;  - la création d'une carte professionnelle dans le bâtiment pour s'attaquer aux fraudes ; - la « libéralisation » des régimes de transport par car, afin d'abaisser les coûts des transports, au bénéfice des  « familles les plus modestes, les plus précaires, les plus fragiles», selon M Valls... pour qui ceci devrait créer des dizaines de milliers d'emplois.  

 

Une des fiertés du Gouvernement affichée sur son site (23) est, d'ailleurs, que depuis la promulgation de la loi, le 6 août 2015, plus de 1.000 emplois ont été créés dans le secteur du transport en car, et qu'au moins 500.000 passagers ont été transportés dans toute la France.    

Le plan de la dernière chance pour Hollande ? 

Annoncé par F. Hollande le 18 janvier 2016, un nouveau plan, « de la dernière chance » ou « d'urgence contre le chômage » pour les médias, est venu ajouter une série de mesures destinées à « adapter notre modèle » et à « saisir les opportunités de l'économie numérique ». Il est centré sur la formation des chômeurs, la relance de l'apprentissage,  l'aide à l'embauche dans les PME et les TPE, l'extension du rôle des accords d'entreprise concernant l'organisation du temps de travail, et la simplification de la rupture du contrat de travail. Plusieurs mesures ou intentions déclarées figuraient dans les projets de lois précédents sur l'emploi. Il appartient maintenant à la ministre du Travail de préciser et de faire entrer ce « plan » Hollande dans son nouveau projet de loi El Khomri.  

500.000 formations supplémentaires de demandeurs d'emplois devront être assurées en 2016. L'État apportera 1 Md €. Il mobilisera Pôle emploi, les organismes de formation, les acteurs sociaux et les régions. Celles-ci, qui connaissent bien les besoins locaux, piloteront ce plan, en partenariat avec le patronat et les syndicats. 

500.000 jeunes devraient aussi entrer dans les dispositifs d'apprentissage (contre 400.000 actuellement), notamment pour pouvoir bénéficier de la montée de l'économie numérique.  

50.000 autres jeunes devraient bénéficier de contrats de professionnalisation (formation en alternance), contre seulement 8.000 aujourd'hui.   

Une prime « immédiate » de 2.000 € par an, pendant deux ans est promise aux entreprises de moins de 250 salariés pour toute embauche en CDI ou en CDD pendant plus de 6 mois de salariés payés jusqu'à 1,3 SMIC. Ajoutée aux autres allègements de charges procurés par le Pacte de responsabilité, en particulier, cette prime devrait, selon Hollande, compenser en totalité les cotisations sociales employeur à payer pour ces nouvelles recrues. 

Le président a assuré que le Crédit impôt recherche (CIR) « sera pérennisé dans ses formes actuelles » : possibilité de déduire de l'Impôt sur les sociétés 30 % des investissements en recherche et développement jusqu'à  100 millions € de dépenses, et 5 % au-delà. En forte hausse depuis 2008, le montant du CIR a atteint 5,5 Mds € en 2014.  

Pour la nième fois depuis 2014, Hollande a déclaré son intention de transformer le CICE en baisse définitive des charges sociales... au-delà de 2017. 

Il a de nouveau manifesté la volonté de simplifier la rupture du contrat de travail en parachevant la  « réforme » engagée par la loi Macron, « avec l'instauration d'un plafond pour les indemnités prononcées » par les Prud'hommes. 

Ces « avancées » et ces intentions ont été plutôt bien accueillies, nous le savons, par le patronat. Le patron du MEDEF a tout de même regretté que sa proposition de contrat  CDI « agile », plus aisé à rompre, n'ait pas été retenue. Sans surprise, des critiques acerbes de la part des « frondeurs » de gauche et des syndicats ont plu sur ce plan « libéral ».

La loi El Khomri sur la réforme du code  du travail : le feu aux poudres à gauche 

Le contenu du projet de loi Travail, qui vise à « instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », a été dévoilé aux médias avant d'être présenté en Conseil des ministres le 9 mars prochain. Cela permet de le tester, d'observer les réactions avant l'heure. Vu la vigueur de celles-ci à gauche (l'attaque brutale de Martine Aubry en est une illustration), il n'est pas évident que des retouches suffiront. Les propositions sur les indemnités prud'homales et sur les licenciements économiques ont soulevé un tollé. De vives critiques portent aussi sur l'ensemble du projet qui est perçu comme le geste «libéral» de trop en faveur des employeurs, qui vont gagner en « flexibilité » au détriment des salariés. À droite, on estime que la loi va dans le bon sens, mais qu'elle est déséquilibrée. Son réalisme est aussi mis en cause. 

Le projet comporte quelques nouveautés. Il «recycle» aussi des mesures qui ont déjà fait l'objet de discussions, de propositions et de décisions antérieures (24). 

Représentativité des organisations patronales : le projet de loi entérine l'accord intervenu le 5 février 2016 entre  le MEDEF et la CGPME sur la représentativité, ou  « audience », des organisations patronales. Celle-ci sera mesurée en prenant en compte pour 80 % le nombre de salariés et pour 20 % le nombre d'entreprises adhérentes (25).  

Depuis la loi un peu oubliée du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale, cette « représentativité » était sensée dépendre uniquement du nombre d'entreprises adhérentes.  Ce revirement, attribué au lobbying du MEDEF, est défavorable aux organisations représentant de nombreuses PME et TPE, telle l'UPA, qui ne décolèrent pas. Car cette audience mesure le poids de l'organisation et détermine sa capacité à signer des accords, le nombre de sièges et la répartition des crédits dans les «organisations paritaires », chargées de l'assurance-chômage et des retraites complémentaires, notamment.   

Assouplissement de la durée du travail : un accord collectif pourra porter à 12 heures la durée journalière maximale de travail (fixée à 10 heures) «en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise». En cas de «circonstances exceptionnelles», les services du ministère du Travail pourront temporairement élever à 60 heures la durée maximale de la semaine de travail (fixée à 48 heures). Si un accord collectif le décide, les salariés pourront travailler 46 heures, au maximum, pendant 16 semaines, et leur temps minimum de repos pourra être provisoirement réduit. Nous voilà loin de l'esprit des 35 heures et des RTT.  M Aubry n'a pas pu apprécier. 

Forfait-jour : ce dispositif, dérogatoire aux 35 heures, jusque-là réservé aux entreprises de plus de 50 salariés, pourra être adopté par des PME et des TPE. Elles pourront alors négocier individuellement avec leurs salariés et les rémunérer en fonction du nombre de jours travaillés par an.  

Heures supplémentaires (HS) : l'accord d'entreprise primera sur l'accord de branche. La référence restera l'obligation de rémunérer les HS au-delà de 35 heures hebdomadaires avec une majoration de + 25 % pour les 8 premières heures et de + 50 % pour les suivantes. Mais l'entreprise pourra négocier un accord interne lui permettant de réduire ce supplément jusqu'à + 10 %, même si l'accord de branche de l'entreprise prévoit davantage.  

Compte personnel d'activité (CPA) : grande réforme sociale destinée à « protéger les actifs » promise par Hollande, il englobe les comptes personnels de formation et de prévention de la pénibilité. Il vise à permettre à tous les actifs d'au moins 16 ans, employés ou à la recherche d'un emploi,  de conserver leurs droits tout au long de leur vie professionnelle, quels que soient leurs parcours et leurs statuts. Une autre usine à gaz pour les entreprises. 

Plafonnement des indemnités prud'homales : retour de cette mesure qui instaure un barème et des plafonds d'indemnisation pour licenciement abusif. Ce barème initialement établi pour les PME s'appliquera à toutes les entreprises. Ce qui est favorable aux grandes, souvent condamnées à verser des indemnités plus fortes que les PME. 

Licenciement économique (LE) : De nouveaux critères du motif économique sont définis. Les «difficultés» rencontrées par l'entreprise ouvrant droit au LE seront caractérisées « soit par une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l'année précédente, soit par des pertes d'exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Cela sera précisé par la loi ou par un a En outre, une multinationale pourra être déclarée « en difficulté » en France  tout en étant florissante à l'étranger.  Des référendums pour débloquer des accords d'entreprises : désormais, un accord d'entreprise devra être approuvé par des syndicats ayant obtenu au moins 50 % (et non plus 30 %) des suffrages lors des élections professionnelles. À défaut des 50 %, si ce pourcentage atteint au moins 30 %, une consultation pourra être organisée pour adopter l'accord ou l'invalider. Le vote des salariés primera sur la décision des syndicats.   Des accords « offensifs ou de développement de l'emploi » pourront être conclus par les entreprises pour leur faciliter la conquête de nouveaux marchés en modulant le temps de travail et les rémunérations des salariés.   Pour éviter des licenciements, des entreprises en difficulté peuvent actuellement conclure des accords de maintien dans l'emploi, ou accords défensifs, leur permettant d'augmenter le temps de travail ou de réduire les salaires.  Avec un « accord offensif », les salariés pourront travailler plus ou être payés moins si c'est pour que l'entreprise décroche un nouveau contrat. Si un salarié refuse de voir son contrat de travail modifié en conséquence d'un tel accord collectif, il pourra être licencié «pour cause réelle et sérieuse » et non pour motif économique. Dans des conditions plus défavorables pour lui.  Observations : Pour abaisser le coût du travail, le gouvernement a choisi la réduction des salaires horaires, par la diminution des salaires à temps de travail égal ou le maintien du niveau des salaires en travaillant plus + davantage de latitude pour les entreprises de moins rémunérer les heures supplémentaires. Pour « fluidifier » ou « flexibiliser », il  veut voir les accords d'entreprises primer sur les accords de branches et met en cause l'influence des syndicats dans la conclusion des accords d'entreprises. Pour inciter à l'embauche, il veut aussi modifier les conditions de licenciement économique, et  « encadrer »  l'indemnisation des salariés licenciés... notamment.  La corbeille du projet semble ainsi suffisamment remplie pour que les polémiques à son sujet durent jusqu'à l'été et menacent les primaires de la gauche... si un repli stratégique n'est pas rapidement ordonné.    

Dernière minute :  recul, négociations et pédagogie déjà au menu. 

Au cours d'un entretien au Journal du Dimanche le  28 février (26), Emmanuel Macron a déclaré, notamment :

« Le Gouvernement est à l'écoute et ne considère pas que tout est intangible »... Il faut « mener un vrai débat démocratique, de manière calme et dépassionnée »...  « Nous sommes à un moment du quinquennat où on ne peut pas tout brutaliser [allusion à l'usage de l'article 49 - 3 ?], car ce serait prendre le risque de refermer les débats pour longtemps sans avoir réglé les problèmes »... Quant aux syndicats, qui réclament le retrait du projet de loi, « il faut les entendre, les respecter, discuter et leur donner une plus grande part dans la négociation collective ».  En réponse à la contestation qui se développe sur les réseaux sociaux, le Gouvernement a ouvert un compte Twitter (@LoiTtravail) pour y faire de la pédagogie, une de ses spécialités.  Aujourd'hui 29 février, c'est M. Valls qui, du salon de l'Agriculture annonce le report de la réunion du Conseil des ministres du 9 mars, pour négocier davantage. ccord de branche. Le recours au LE sera ainsi facilité et moins contestable en justice.

Sources et références: 

(1) Demandeurs d'emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi par catégorie (A, B, C, D, E).  Source : STMT, Pôle emploi, Dares.

(2) INSEE première, n° 1569, octobre 2015 : « Une photographie du marché du travail en 2014 ».

(3) INSEE – « Taux de chômage trimestriel au sens du BIT  - Enquêtes emploi ».

(4) lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/decryptage/2016/01/06...

(5) « Projections macroéconomiques pour la France établies », par la Banque de France, décembre 2015. 

(6) FMI  - « Perspectives de l'économie mondiale » - MISE A JOUR des principales projections, 19 janvier 2016.

(7) finance.orange.fr/actualite-eco/l-ocde-abaisse-ses-prévisions-de-croissance, le 18/02/2016.

(8) OIT – « Emploi et questions sociales dans le monde - Tendances pour 2016 », le 19/01/2016.

(9) « Situation financière de l'Assurance chômage -  Prévisions pour les années 20i6 et 2017 »,  slideshare.net/Unedic... ,23/02/16  + « L'Unedic ne table que sur 25.000 chômeurs de moins cette année »,   latribune.fr/economie/france...., le 23/02/2016.

(10)  « Rapport annuel » du COR  juin 2015.

 (11) « Dans toutes les régions, des départs massifs en fin de carrière d'ici 2020 »,  INSEE Première, n° 1508, juillet 2014.

(12) « L'économie française accélère en 2016, grâce aux mesures de Hollande », telpsreel.nouvelobs.com, le 18/12/2015.

(13) « Emploi : où mène la fuite en avant réformiste du Gouvernement », huffingtonpost.fr/2016/02/23...

(14) « Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi », Wikipédia

(15) actu.orange.fr/france/ le-pacte-de-responsabilite-pour-ses-deux-ans- affiche-un-resultatmitig,  le 17/01/2016.

(16) gouvernement.fr/argumentaire/pacte-de-responsabilite-engagements-des-entreprises, le 16/02/2016.

(17) « Hollande annonce que le Cice sera transformé en baisse des charges en 2017 », lesechos.fr/06/11/2014.

(18) lepoint.fr/economie/le-small-business-act-de-manuel-valls-09-06-2015.

(19) gouvernement.fr/l-embauche-dans-ies-tpe-et-les-pme-est-la-priorite-et-l-essentiel, le 09 06 2015

(20) INSEE – Analyses, n° 2, 12/ 2011, « Les seuils de 10, 20 et 50 salariés : un impact limité sur la taille des entreprises françaises ».

(21) Atlantico.fr – « Intégration. Oh non, encore le coup du cadeau aux patrons », le 10/06/2015.

(22) « Loi Macron : un texte fourre-tout pour doper l'économie », lesechos.fr/politique/societe...    le 12/05/2015.  + Loi Macron : un texte fourre-tout et des mesures visant des dizaines de secteurs   lefigaro.fr/conjoncture/2015/07/08...  + « Ce que contient (désormais) la loi Macron »,  lemonde.fr/les decodeurs/article/2015/08/06...

(23) gouvernement.fr/action/le-projet-de-loi-pour-la-croissance..., le 16/02/2016.

(24) « Que va changer le projet de loi El Khomri dans la vie des salariés ? »,  europe1.fr/economie...  le 21/02/2016  + « Temps de travail, licenciement, prud'hommes : ce que contient le projet de loi d'El Khomri », lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/02/18...  + « Réforme du code du travail: le ‘’vrai-faux’’ du Gouvernement s'arrange avec la vérité », lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/02/23...

(25) « Loi El Khomri : pourquoi les artisans crient au scandale »,  msn.com/fr-fr/actualite...  le 23/02/2016  + « La loi El Khomri relance la bataille de la représentativité patronale », latribine.fr  le 24/02/2016.

(26) Emmanuel Macron sur la loi travail : « le texte n'est pas intangible », actu.orange.fr/politique/ macron-sur-la-reforme..., le 28/02/2016.