UKRAINE :  COMMENT A-T-ON PU EN ARRIVER LÀ ?

  (troisième partie)

 par Paul KLOBOUKOFF

De « l'Euromaïdan » à la guerre

Emeutes de la place Maïdan et prise du pouvoir  par l'opposition « pro-européenne » 

Rappelons d'abord ici que les « promesses » d'aides financières de l'UE (et du FMI) à l'Ukraine destinées à sceller son association avec l'UE étaient dérisoires par rapport aux besoins urgents que les dirigeants de l'Ukraine avaient exprimés (20 Mds €). Aussi, le 21 novembre 2013, le Premier ministre Mykola Azarov a signé un décret ordonnant de « suspendre la préparation de l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne ».   Aussitôt, Arseni Iatseniouk (actuel Premier ministre) a déclaré: « si Ianoukovitch [le Président] refuse de signer l'accord, c'est non seulement une haute trahison, mais aussi une raison de demander sa destitution et la démission du gouvernement » (1). Et dès le 22, de la prison où elle était détenue, Ioulia Timochenko a appelé à manifester.  

Organisées par des opposants ukrainiens et étrangers au Gouvernement, les manifestations de la place Maïdan ont débuté le 24 novembre 2013. Des drapeaux ukrainiens et européens ont été brandis. « Dès le départ, on note également une forte présence de l'ancien Parti nationalsocialiste ukrainien, rebaptisé Svoboda ("Liberté") pendant la Révolution orange, dix ans plus tôt, et de ses drapeaux... » (2). Aux premiers rangs des manifestants ont aussi été remarqués les trois porte-parole du mouvement: le boxeur Vitali Klitschko (devenu maire de Kiev), Arseni Iatseniouk (devenu Premier ministre) et Oleg Tiagnibok, leader du parti Svoboda.   

L'implication « d'acteurs » de l'UE n'avait pas échappé aux observateurs. Celle des États-Unis a été confirmée par Barak Obama lui-même. « Ca y est : Obama avoue que le coup d'état en Ukraine était un travail (job) américain ». C'est le titre d'une vidéo de l'interview de Barak Obama par un journaliste de la Chaîne CNN le 1er février 2015, au cours de laquelle,  à propos de la Russie, Obama a dit que Poutine « a été pris à contre-pied par les protestations à Maidan et la fuite de Ianoukovitch après que nous ayons négocié un marché pour la transition du pouvoir en Ukraine ». Le présentateur de CNN a souligné que les USA avaient parrainé une guerre civile en Ukraine et aidé à remplacer un président démocratiquement élu par un dictateur « aligné » sur les intérêts américains (traduction de PK) (3). Pourquoi cet aveu « spontané »... tardif ? Pour montrer aux Américains la suprématie des USA et leur maîtrise de la situation en Ukraine ainsi que vis à vis de la Russie ? En fait, les États-Unis finançaient des groupes politiques « pro-européens » en Ukraine depuis l'indépendance. Le 13 décembre 2013, la diplomate américaine Victoria Nuland avait d'ailleurs indiqué que ce financement avait dépassé 5 milliards de dollars (Mds $) de 1991 à 2013 (3).  

Pour les « pro-européens », les manifestations visaient d'abord à faire pression sur Viktor Ianoukovitch qui devait se rendre (et s'est rendu) les 28 et 29 novembre au Troisième sommet du Partenariat oriental à Vilnius, où il avait été prévu qu'il signe l'accord d'association avec l'UE. Ce qu'il n'a pas fait. Le 29, nos chaînes publiques observaient cependant : « Si l'Ukraine a refusé de signer l'accord avec l'UE, le président ukrainien n'écarte pas un prochain rapprochement, à condition que les Européens prennent des "mesures décisives" en faveur du développement de son pays »(4). 

Qu'importe! Dès ce moment-là, l'objectif des organisateurs et des animateurs de l'Euromaïdan a été de renverser le président et de prendre le pouvoir. Le 30 novembre, l'occupation de la place Maïdan a commencé. La mobilisation a été importante, particulièrement le 8 décembre (des centaines de milliers de manifestants, a-t-on lu).

Il a fallu presque trois mois de confrontations et d'émeutes, continues à Kiev, épisodiques dans d'autres villes, surtout « pro-Maïdan » à l'Ouest et « anti-Maïdan » à l'Est et au Sud, avec une montée des violences à Kiev, pour que surviennent les événements meurtriers du  20 février 2014 qui ont fait plus de 77 victimes et de nombreux blessés. Quatre jours plus tôt, l'occupation de la mairie par les opposants avait cessé et 234 prisonniers avaient été libérés. Le 18 février, les affrontements avec la police  à Kiev avaient fait 26 morts (5).  

Le 21 février 2014, un accord politique a été signé par le président avec les représentants de l'opposition, Klitschko, Iatseniouk et Tyagnibok, et cosigné par les ministres des Affaires étrangères français, allemand et polonais, témoins et organisateurs des négociations, auxquelles le représentant russe, invité tard, n'a pu assister depuis le début.  

L'accord décidait le rétablissement de la Constitution de 2004, qui réduisait les pouvoirs du président, la formation d'un gouvernement d'union nationale et l'organisation d'une élection présidentielle avant décembre 2014. Une enquête sur les violences à Kiev devait aussi avoir lieu, et les « armes illégales » devaient être remises aux autorités. 

Le 22 février, la Rada (Parlement) a voté le rétablissement de la Constitution de 2004, la tenue d'élections présidentielles le 25 mai, la libération de Ioulia Timochenko, la destitution du président Ianoukovitch. Celui-ci avait quitté le pays et dénoncé un coup d'État... opinion largement partagée à l'est et au sud du pays surtout.  

En réalité, la population ukrainienne était très divisée sur l'Euromaïdan 

Le 10 décembre 2013, sur ukrinform.ua on pouvait lire (en anglais) : « L'Ukraine, divisée par Maïdan, pas prête à donner le pouvoir à l'opposition ». L'enquête du Research and Branding Group (R&B) citée indiquait, en particulier, que 48,6 % des Ukrainiens soutenaient la manifestation à Kiev et 45,2 % y étaient opposés, que, si  45,6 % des Ukrainiens étaient pour l'intégration dans l'UE, seulement 35,7 % étaient pour l'Union douanière, que 48 % des enquêtés trouvaient que le président Ianoukovitch avait eu raison de ne pas signer l'accord d'association avec l'UE  et que 34,5 % pensaient le contraire (6). Les opinions étaient très différentes entre l'Ouest et l'Est du pays. 

Le 30 décembre, Interfax-Ukraine titrait (en anglais) un bref article « La moitié des Ukrainiens ne soutiennent pas l'Euromaïdan de Kiev ». D'après l'enquête conduite en fin de mois par R&B, 50 % des Ukrainiens ne soutenaient pas Maïdan, 45 % étaient pour... et seulement 31 % pensaient que ses conséquences seraient positives (7). 

Nos médias (trop proeuropéens ?) ont ignoré ces sondages. « Ukraine : halte au manichéisme ! », avait pourtant réclamé une tribune sur le site Slate le 24 décembre. Pour ses auteurs, place Maïdan, deux blocs s'affrontaient selon des fractures économiques, sociales et géopolitiques, qui méritaient d'être examinées sans à priori (8).  

Le 12 février 2014, La-Croix.com a osé révéler : « Les manifestants qui occupent le centre de Kiev depuis le 21 novembre n'ont pas le soutien franc et massif des Ukrainiens, selon trois sondages réalisés en janvier [2014] » (9). Fin décembre 2013, l'Institut Razumkov avait chiffré les « pro Maïdan » à 50 % et les « anti » à 42 %. Le 21 janvier 2014, après les violences entre la police et les militants radicaux, l'Institut Socis voyait l'écart se réduire à 47 % pour/46 % contre. Et l'institut Rating observait que 48 % des sondés étaient contre le mouvement de contestation et 45 % pour. 

En vue d'une élection présidentielle, 8 sondages ont été réalisés (par 4 instituts) entre le 15 septembre 2013 et le 1er février 2014. À chacun d'eux, le candidat potentiel Ianoukovitch a été donné en tête, son premier « poursuivant » étant Vitali Klitschko. Aux deux derniers, qui ont eu lieu à partir du 17 janvier, Ianoukovitch recueillait un peu plus de 29 % des intentions de vote, Klitschko environ 22 %, Ioulia Timochenko 20 %... et Petro Porochenko, entre 6 % et 8 %. Un tableau des résultats de tous les sondages peut être trouvé (en cherchant bien) sur Wikipédia (10). 

Le refus de Ianoukovitch de signer le traité Ukraine-UE n'était ainsi pas le souci majeur des Ukrainiens. À leurs yeux, il restait plus « crédible » que les chefs des opposants. Pour ces derniers et leurs « soutiens » étrangers, Ianoukovitch, résistant aux manifs prolongées, était donc très encombrant. Il en fallait plus pour le faire tomber. Cela explique-t-il le durcissement des violences et les fusillades mortelles du 20 février, attribuées par certains observateurs et médias, au moins en partie, à des « snipers » à la solde de  l'opposition ayant tiré dans le dos de manifestants (11).

Répression et retrait du statut de langue officielle au russe : des erreurs fatales 

Le 22 février, le président de la Rada, Olexandr Tourtchinov, proche de Ioulia Timochenko, est devenu président de l'Ukraine par intérim. Le nouveau ministre de l'Intérieur, Arseni Avakov, a lancé des mandats d'arrêt pour « meurtres de masse » contre Ianoukovitch ainsi que d'anciens responsables, ouvert des enquêtes et engagé des poursuites.  

Le 23 février, la Rada a abrogé la loi sur les langues régionales, retirant au russe le statut de langue officielle dans les 13 régions de l'est et du sud du pays. Cela impliquait que tous les documents administratifs soient rédigés uniquement en ukrainien, que les cours soient dispensés en ukrainien dans les écoles, que les noms des villes et autre noms propres soient « ukrainisés »...  Or, de 58 % à 91 % de la population ukrainienne parle le russe dans les oblasts de Crimée, de Dniepropetrovsk, Donetsk, Mykolaev, Lougansk, Kharkov, Odessa et Zaporojie.  

Le feu aux poudres ! Dès le lendemain, des brigades d'autodéfense ont commencé à se former dans le Sud et l'Est. 

Retour de la Crimée dans le giron de la Russie  mené tambour battant 

Le 27 février, la Russie a engagé des manœuvres militaires d'envergure au sud-est de l'Ukraine. Le 28, les aéroports de Simféropol et de Sébastopol desservant la Crimée étaient sous le contrôle de combattants « cagoulés ».  Le ministre Avakov a alors dénoncé une invasion russe et alerté l'OTAN et ses autres alliés occidentaux. Le 2 mars, le Premier ministre ukrainien Tourtchinov a appelé à la mobilisation des réservistes   Entretemps, le 1er mars, le Premier ministre de la République autonome de Crimée avait sollicité l'intervention militaire de la Russie, parce que des hommes armés auraient attaqué le ministère de l'Intérieur de la République. Au 2 mars, il n'y avait plus d'opposition armée sur la péninsule. La flotte russe basée à Sébastopol était sur le pied de guerre. L'amiral Denis Berezovsky, commandant en chef de l'Amirauté ukrainienne s'était rallié à la Russie. 

 

Le 6 mars, le Parlement de Crimée a demandé à Moscou le rattachement de la Crimée à la Russie. Le 11 mars, le Conseil suprême de Crimée a déclaré l'indépendance de la République de Crimée. Le 16 mars, un référendum (au déroulement très contesté en Occident) portant sur le rattachement à la Russie a eu lieu. Le 18 mars, le traité d'intégration de la République de Crimée à la Fédération de Russie a été signé. Cette « annexion » a fait l'objet de vives réprobations internationales suivies de sanctions économiques et politiques à l'encontre de la Russie.   

Oppositions « pro-russes »  et tentatives autonomistes à l'Est et au Sud 

Des manifestations « séparatistes » massives ont eu lieu à partir du 1er mars 2014 dans des villes de l'Est et du Sud russophones: Kharkov, Odessa, Donetsk, Marioupol, Dniepropetrovsk, Mykolaev, Kherson...  La « contagion » inspirée de la Crimée s'est étendue. Le 3 mars, des manifestants ont  investi le bâtiment de l'administration régionale de Donetsk. Même chose à Odessa où, des centaines de manifestants ont réclamé un référendum sur l'instauration d'une « République autonome d'Odessa ». Le 9 mars, on a compté 10 000 manifestants à Lougansk.  

Une nouvelle vague s'est levée le 16 mars dans les villes industrielles de l'Est. À Donetsk, les sièges du parquet et des services spéciaux ont été occupés. À Kharkov, 6.000 manifestants ont tenu, malgré son interdiction, un « meeting-référendum » pour plus d'autonomie et pour la « souveraineté » de la langue russe (2). 

Le 7 avril, après s'être emparés du bâtiment du gouvernement de Donetsk, des séparatistes ont proclamé la République populaire de Donetsk et annoncé un référendum pour le 11 mai. 

Le 7 avril aussi, dans des conditions analogues, la République populaire de Kharkov a été proclamée. Échec : le lendemain, la police et l'armée ukrainiennes ont repris le contrôle du bâtiment gouvernemental. 

Le président Tourtchinov a lancé  le 6 avril « l'opération antiterroriste » (ATO) contre les séparatistes du Donbass. 

À partir du 13 avril, des hommes de la milice populaire du Donbass se sont engagés à Slaviansk contre l'ATO et ont orchestré la sécession à Lougansk. Le 27 avril, la République populaire de Lougansk a été proclamée. Le 11 mai, un référendum d'autodétermination a approuvé cette institution (12). Même chose à Donetsk. 

Le 24 mai, les deux Républiques se sont unies pour former les Etats fédérés de Nouvelle-Russie (Novorossia). Puis le 16 septembre 2014, les armées de ces deux Républiques ont décidé de fusionner. Jusqu'à ce jour, avec la Crimée, seules ces tentatives de "sécession" ont débouché, au moins temporairement. Dans les autres villes, les poussées "pro-russes" ont été réprimées et contenues. Mais les tensions y subsistent.

Signature de l'accord d'association avec l'UE, tout de suite 

Dès le 21 mars, le président provisoire a signé la partie de l'accord d'association entre l'UE et l'Ukraine portant sur les aspects politiques. La partie relative au libre-échange a été signée le 27 juin 2014, après l'élection de Petro Porochenko à la présidence. L'accord a été ratifié par le Parlement de l'UE et la Rada ukrainienne le 16 septembre. Son entrée en vigueur a été fixée au 31 décembre 2015.   

Un Président élu en mai 2014 sans l'Est et le Sud 

Les élections présidentielles se sont tenues le 25 mai 2014. La guerre dans l'Est du pays, l'impréparation et les défauts d'organisation ont réduit à 30,1 millions (Mi) le nombre des « inscrits ». Lors des présidentielles et législatives précédentes, ce nombre avait été supérieur à 36 Mi (parmi lesquels, de 1,2 à 1,3 million en Crimée).  

Les résultats officiels, que les « observateurs internationaux » se sont empressés de « reconnaître », font état d'une abstention de 40,13 %, soit de 12,080 Mi parmi les 30,1 Mi d'inscrits. En réalité, ce sont entre 18 et 17 millions d'électeurs (avec ou sans ceux de Crimée) qui n'ont pas pu ou pas voulu voter. Aussi, sur Ukraine - Wikipédia, le taux de l'abstention était chiffré à 49,2 %, ce résultat incluant la Crimée et les régions sous contrôle séparatiste (10). 

Selon les chiffres officiels, dans les 5 régions de l'extrême ouest, la participation a été supérieure à 70 %, atteignant même 78,2 % et 76,63 % dans celles de Lvov et de Ternopil. À Kiev, ce taux a été de 62,7 %. À l'opposé, la participation n'a été que de 47,9 % à Kharkov, de 46 % à Odessa, de 38,9 % à Lougansk et de 15,37 % à Donetsk.  

Petro Porochenko a été élu au premier tour, par 9,857 millions (Mi) de votants, soit 54,70 % des 18,019 Mi de votants. En seconde position, Ioulia Timochenko a recueilli 12,8 % des suffrages. Oleg Liachko (Parti radical), Oleg Tyagnibok (Svoboda) et Dmytro Iaroch (Secteur droit) ont obtenu respectivement 8,3 %, 1,2% et 0,7 % des voix. 

Là encore, les différences entre l'ouest et l'est ont été considérables. Porochenko a obtenu 69,9 % dans l'oblast de Lvov, 60,6 % dans celle de Ternopil, 71,8 % en Volhynie... 64,1 % à Kiev, mais seulement 41,8 % à Odessa, 35,3 % à Kharkov, 36,2 % à Donetsk et 33,2 % à Lougansk. 

Par rapport aux nombres officiels d'inscrits, les scores de Porochenko ont été les plus élevés à l'Ouest: 55,2 % dans l'Oblast de Lvov, 46,5 % dans celle de Ternopil et 37,4 % en Volhynie. À Kiev, il a obtenu 40,2 %. Au Centre, il a obtenu des scores « intermédiaires » : 35,8 % dans l'oblast de Tcherkassy, 35,3 % dans celle de Poltava et 30,7 % dans celle de Kirovograd. Les scores ont été très faibles dans les oblasts de l'est : 19,2 % dans celle d'Odessa, 16,9 % dans celle de Kharkov, 12,9 % dans celle de Lougansk et 5,6 % dans celle de Donetsk. Bien inférieurs en réalité (cf. ci-dessus). 

En 2004, Viktor Iouchtchenko avait été élu président grâce à 15,116 Mi de votes, devant Viktor Ianoukovitch, qui en avait recueilli 12,849 Mi. En 2010, Ianoukovitch a obtenu 12,481 Mi de votes. En 2014, Petro Porochenko, sans véritable concurrent, a mobilisé nettement moins. À l'Est et au Sud, sa « légitimité » n'a pas été validée.  

« Purification » du Parlement  et soumission au tandem Porochenko-Iatseniouk 

En août, la Rada, qui avait été élue le 28 octobre 2012, a refusé, à une courte majorité, de déclarer les Républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk comme des « organisations terroristes ». Porochenko a alors accusé nombre de députés  de constituer une « cinquième colonne » à la solde de la Russie, leur reprochant aussi d'avoir voté des lois anti-manifestations pendant l'Euromaïdan. Il a renvoyé la Rada et convoqué à des élections anticipées dans le but de « purifier » la chambre des soutiens de l'ancien président (13). 

Les élections se sont tenues le 26 octobre dans 198 des 225 circonscriptions pour élire 423 députés, sur un nombre total de 450 (27 sièges restant vacants). La participation a été faible: 52,4 % de votants. Le Bloc Petro Porochenko, dirigé par Klitschko, a obtenu 132 sièges (29,3 %) pour 21,8 % des voix. Avec 22,2 % des voix, le Front populaire de Iatseniouk a pris 82 sièges (18,2 %). Des Indépendants (?) ont eu 96 sièges, pour 21,3 % des voix (14). 

Quant aux anciens soutiens de Ianoukovitch, ils ont été balayés. Le Bloc d'opposition de Iouri Boïko n'a eu que 29 députés (6,4 %) pour 9,4 % des voix, le Parti communiste, avec 3,9 % des voix, n'a aucun député. Idem pour Ukraine forte, avec 3,1 % des voix. Cette « opposition » a été réduite au silence. Elle ne pèse pas plus que la « droite nationaliste » : ensemble, le Parti radical, Svoboda et Secteur droit totalisent aussi 29 sièges... pour 14 % des voix.  

Après un gouvernement provisoire ad hoc,  un deuxième gouvernement sur mesure 

Un gouvernement provisoire a été formé à la hâte pendant Maïdan. Les partis politiques étaient en pleine décomposition et reformation. Aussi, parmi les 20 membres du gouvernement alors « adapté » aux évènement, le « noyau dur » des vainqueurs de Maïdan comprenait 5 membres du parti « Patrie », d'Arseni Iatseniouk (au sein du Bloc Ioulia Timochenko), 3 membres du Parti « Svoboda » (ex Parti socialnationaliste) présidé par Oleg Tiagnibok,  1 membre de Notre Ukraine et 1 du Parti des réformes et de l'ordre (libéral, de droite et proeuropéen). Les 10 autres ministres étaient des « Indépendants », réellement indépendants ou qui n'avaient pas choisi leur nouveau Parti. Ce gouvernement a exercé pendant 9 mois, car la Rada a refusé sa démission en juillet 2014. 

Le  second gouvernement, approuvé par la Rada le 2 décembre 2014, est loin d'être le « gouvernement d'union nationale » pacificateur demandé lors de l'accord du 21 février. Du provisoire, avec le Premier ministre Iatseniouk, ne sont restés que le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice. Il n'y a plus que 2 « Sans parti », à

des postes exposés, les Affaires étrangères et la Défense. Le Bloc Petro Porochenko compte 9 ministres. Le Parti de Iatseniouk, rebaptisé « Front populaire » en a 5. Les 4 autres ont été répartis entre le Parti Radical, « Samopomitch » et « Patrie ».   Trois étrangers ont été recrutés par Porochenko et naturalisés Ukrainiens : l'Américaine Natalie Jaresko (ex employée du Département d'État US), aux Finances, l'homme d'affaires Lituanien Abromavicius, à l'Économie et au Commerce, et Kvitashvili, ex ministre en Géorgie, à la Santé. Ces nominations faites pour plaire aux USA et dans l'UE, et, selon les gouvernants, destinées à lutter contre la corruption et l'oligarchie (qui effectivement minent le pays), heurtent la fierté nationale d'Ukrainiens qui n'apprécient pas cette « ingérence ». Il en va de même de la nomination de l'ex président Géorgien Saakachvili, ennemi juré de Poutine, comme gouverneur de l'Oblast d'Odessa. 

Autre nouveauté d'importance: la création d'un ministère de la Politique de l'Information, « un impératif pour contrer la propagande russe ». Et on peut dire qu'il n'a pas chômé !  

Une sale guerre, sans issue possible

Le démocrate Goliath contre  le "terroriste" David

Ensemble, les Républiques séparatistes du Donbass couvraient 17.000 Km² (le 5 octobre 2014), soit le tiers des deux oblasts de Donetsk et de Lougansk, et moins de 3 % d'un territoire ukrainien de 601.300 Km² (sans la Crimée). Leur population était de 3,1 Mi de personnes, avant les départs de plus de 800.000 d'entre elles. La carte économique d'octobre 2014 ci-contre montre notamment, qu'elles sont « adossées » à la Russie, à l'est, et que les zones  industrielles se trouvent en grande partie à l'ouest et au nord, très près de la ligne de front des combats. 

Avec l'ATO (« Anti Terrorist Operation ») de Kiev, les séparatistes ont encouru les foudres de la vingtcinquième puissance militaire « conventionnelle » mondiale en 2015 : 160.000 militaires et 1 million de réservistes, 2.808 tanks, 8.217 véhicules blindés, 1.302 canons autopropulsés, 1.669 autos mitrailleuses, 625 lance-roquettes multiples, 222 avions et hélicoptères... selon  "Globalfirepower", qui suit 126 pays (15).

En fait, en février 2014 l'armée ukrainienne « officielle » disposait d'environ 130.000 hommes, dont la moitié de conscrits. D'après les Autorités, quelques milliers seulement étaient aptes au combat. Et, en effet, lors de leurs premiers  engagements dans le Donbass, des régiments commandés par des officiers soucieux de ne pas faire des victimes dans la population ont été désarmés par les séparatistes aidés par des civils. Démotivés, démoralisés, mal équipés... De plus,  les forces de l'ordre présentes à Donetsk, Odessa, Slaviansk... ont refusé de s'opposer aux séparatistes, et certains de leurs membres ont rejoint ces derniers (16).  

 Aussi, le 13 mars, le président Tourtchinov a fait voter par la Rada la constitution d'une puissante Garde nationale Ukrainienne (GNU), devant compter jusqu'à 60.000 hommes. Un corps de défense des frontières, dont la mission était de protéger le pays et les citoyens contre tous les criminels et les agressions internes ou externes. On escomptait que les manifestants motivés de la place Maïdan se précipiteraient aux portes de la GNU. 40.000 volontaires s'étaient déclarés. Mais quelques mois plus tard, le nombre des recrues était dix fois plus faible.  

Le 15 avril 2014, un premier « bataillon opérationnel » (BOP) formé de 500 volontaires de Maïdan est parti au front. En mai et juin, avec des réservistes, trois BOP de plus ont été formés. Au 19 juin, le troisième était à l'entraînement.  

Entretemps, courant avril, le ministre de l'Intérieur avait décidé de former un corps de forces spéciales de l'ordre public. À mi-juin, 30 unités régionales comptant 3.000 hommes (sur 5.660 prévus) étaient en service (17).  

Par vagues, la mobilisation des « conscrits » et des « volontaires » de l'armée régulière a été de plus de 100.000 hommes en 2014, et un nombre au moins aussi élevé a été décidé pour 2015. En Ukraine la conscription ne touche que les hommes ayant fait leur service militaire, et, la corruption aidant, « Officiellement obligatoire, des millions d'hommes y ont pourtant échappé contre quelques milliers de hryvnias depuis l'indépendance du pays en 1991 ». Des milliers de dossiers ont également « disparu » (18). En outre, la méfiance envers les habitants des régions les plus « russophones » étant de rigueur, ceux-ci ne sont pas convoqués. Les conscrits sont donc essentiellement des hommes de l'Ouest et du Centre, lancés, souvent à contrecœur, contre les « rebelles » du Donbass... après un entraînement de quelques semaines. Ce qui explique l'impréparation, l'inefficacité et la « fragilité » de nombre d'entre eux, ainsi que la quantité importante de victimes

de « tirs ami » parmi les soldats ukrainiens. Dès le début, la conscription a été critiquée par les populations, très sévèrement même, par des « mouvements anti guerre ». Au fil des mois, vu les difficultés rencontrées par l'armée et les témoignages de « rescapés » de « l'enfer de l'est », les « disparitions » (tentatives d'échapper à la conscription ou abandons de postes au combat) se sont multipliées.  

Le président Porochenko a réagi et fait adopter une loi durcissant les peines contre les « fuyards », et les contrôles ont été renforcés pour les arrêter (19).  

À côté des conscrits, des volontaires, souvent jeunes et inexpérimentés, se sont montrés plus déterminés... au moins au début. Dans un article de septembre 2014 intitulé « Ukraine, la corruption, talon d'Achille de l'armée », L'Express a présenté le témoignage d'un de ces volontaires, dénonçant notamment: les vols des approvisionnements à des unités de combat (vivres, cigarettes, argent, équipements...), l'état-major qui « vend des unités » (renseigne l'ennemi sur des opérations programmées : le prix de la trahison serait de 75.000 $), le traitement dérisoire des combattants à leur retour de guerre et le manque de reconnaissance à leur égard (20). 

Plus de trente bataillons très connus  en Ukraine, comptant plus de 20.000 hommes aguerris, ont aussi « contrôlé » des localités tentées par « l'autonomie » (telles Kharkov, Odessa, Marioupol, Dniepropetrovsk) et ont combattu les « rebelles ». Sans leurs interventions, les troupes régulières auraient perdu beaucoup plus de batailles. 

Certains se sont formés plus ou moins spontanément après Maïdan et ont incorporé d'anciens manifestants, de vétérans et de « pro-européens » ou « antirusses ». D'autres bataillons ont été constitués à l'initiative du nouveau pouvoir et/ou financés par des oligarques (devenus) pro-ukrainiens... qui défendent leurs patrimoines industriels, immobiliers et financiers autant que l'intégrité du territoire ukrainien. L'oligarque Igor Kolomoïski, nommé  gouverneur de Dniepropetrovsk en avril, qui disposait d'une armée de 2.000 hommes, a même été dénommé « l'arme secrète de l'Ukraine » par le Wall Street Journal en juin 2014 (21). Il a financé le bataillon Azov qualifié de néo-nazi, auquel des crimes de guerre sont attribués. Ce n'est pas le seul bataillon de ce type... qui a fait tache. Au point qu'il a été demandé aux centaines "d'instructeurs" américains, canadiens, britanniques... débarqués en 2015 pour former les troupes  d'élite,  de  ne   pas   dispenser   leurs   précieuses  formations à ces derniers bataillons. Un secours apporté à Porochenko que tous le Ukrainiens n'apprécient pas à la même valeur que lui, au demeurant. 

En mai 2014, le journal allemand Bild am Sonntag a affirmé qu'environ 400 mercenaires de la société Academi, ex « Blackwater US" », opéraient aux côtés des forces ukrainiennes dans l'Est (22). Une semaine plus tôt, le même journal avait  indiqué que des dizaines de spécialistes de la CIA et du FBI conseillaient le gouvernement ukrainien pour mettre un terme à la rébellion dans l'Est (23). Ces informations n'ont pas été totalement ignorées de nos médias. 

Sous le titre « L'état des forces armées de l'Ukraine » [traduction PK],  euromaidanpress.com a révélé le 27 août 2015 des propos échangés entre Yuriy Biriukov, conseiller du président Porochenko, assistant du ministre de la Défense, et un journaliste reconnu pour ses compétences sur le sujet. Il en ressort notamment que: le budget alloué à l'armée a été déterminé pour un effectif de 230.000 personnes;  le contingent en a atteint occasionnellement 200.000 (six vagues de mobilisation ont eu lieu), et fin août,  il était bien inférieur; il vaudrait mieux avoir une armée moins nombreuse, mais comptant au moins 70 % de « professionnels » pour 30 % de conscrits (qui n'iraient pas en première ligne); chaque vague avait apporté des soldats non entraînés pour remplacer des soldats non entraînés; mais maintenant plus de 70.000 soldats s'entraînent et se préparent au combat; le haut commandement et l'encadrement de l'armée, très critiqués, ont été largement renouvelés avec beaucoup de promus; l'alcoolisme chronique est un fléau, source de désordres dans l'armée (24).  

Au fil des combats,  les séparatistes ont pris des forces 

Constituées de bric et de broc autour des membres des milices populaires et de manifestants anti Maïdan qui avaient pris part aux renversements des gouvernements locaux, à Donetsk et à Lougansk, en particulier, les "troupes" séparatistes étaient disparates, comptaient peu d'hommes et étaient mal équipées lorsque l'armée ukrainienne a attaqué les villes de Donetsk, Slaviansk et Lougansk.  Elles ont alors rapidement reçu des renforts, de "volontaires" russes, notamment. Les populations sont venues grossir leurs rangs. Cela a aussi été le cas de militaires de l'armée "loyaliste", soldats et officiers... avec des véhicules blindés et de l'armement. 

Le colonel Igor Guirkine, surnommé Strelok, a organisé les milices et constitué des groupes de combattants. En fin juillet 2014, celles-ci auraient compté 2.000* hommes, selon une source ukrainienne (apparemment bien informée) qui montre un « Organigramme des terroristes » de la République populaire de Donetsk où figurent aussi les noms et les fonctions des chefs rebelles. Cet effectif,  comme ceux qui suivent (marqués ici par une *) n'est sans doute pas sous-estimé (25). Des informations complémentaires (les corroborant en partie) ont été recueillies lors d'une enquête sur les unités qui défendaient le Donbass, réalisée sur place au début d'octobre 2014 (26).  

Entre mai et juin 2014, des bataillons et des groupes de combat, plus ou moins autonomes, ont été formés, chacun ayant une spécificité et (en principe) se cantonnant à une région propre. Le bataillon de choc Vostok (2.500 hommes*) a été formé à la suite de l'incendie « criminel »  qui a fait périr 40 manifestants séparatistes réfugiés dans la Maison des Syndicats à Odessa (27). Le bataillon était dirigé par Alexandre Jodakovsky, un haut commandant du Service de sécurité ukrainien (SBU) qui a rejoint les forces de défense de Donetsk. Le bataillon Oplot (2.500 hommes*), dirigé par un ingénieur, Alexandre Zakhartchenko, a joué aussi un  rôle important dans les opérations d'envergure. Le groupe Bez, commandé par « le plus craint des chefs terroristes », Igor Bezler, surnommé le Démon (28), était crédité de  1.000* combattants. Sur l'organigramme figure encore une Armée russe orthodoxe de 350* âmes. Au total, l'effectif des terroristes était ainsi chiffré à 8.350 hommes. 

Les auteurs de l'enquête ont aussi « visité » d'autres unités : une division des mines, composée de mineurs et d'ex-mineurs bénévoles de 22 à 60 ans; les Cosaques de l'armée du Don, dirigés par le commandant Dremov, alias Bach,  comptant 1.200 hommes (au 30 septembre 2014)... un seul blindé cassé et un engin de transport de troupes (29); l'Armée du sud-est, formée par le bataillon de Prizrak de la milice (environ 1.000 hommes) et le bataillon Zarya, créée à Lougansk en mai, surtout à partir d'anciens membres des Berkut (corps de police ukrainienne d'élite); les Partisans de Kharkov, agissant en petits groupes, sabotant les voies de communications, attaquant les convois de ravitaillement, en suivant les lignes de l'armée ukrainienne. Ces forces hétéroclites comprenaient, enfin, la légion de Saint Etienne, composée de Hongrois, et les troupes Jovan Sevic, comptant 200 combattants serbes. 

La coordination n'était donc pas un souci mineur du (des) commandement(s) séparatiste (s). 

L'effectif total de ces troupes était estimé à environ 10.000 au début octobre 2014. C'est un peu plus que les 8.350* de fin juillet. C'est bien moins que les 15.000 annoncés début août par le ministre de la Défense ukrainien... tandis que « femmes, adolescents, étrangers, les prorusses cherchent à recruter pour faire face à l'offensive des troupes de Kiev dans la région de Donetsk, où la population se désespère à attendre une issue à ce conflit ». « Les forces loyales à Kiev dépassent les 40.000 hommes officiellement et le président Petro Porochenko a ordonné une troisième vague de mobilisation partielle dans le pays pour creuser la différence », a rapporté Le Figaro à ce moment-là (30).  

Peu de nos médias ont souligné à quel point il s'agissait d'une « guerre asymétrique ».  

Et les troupes russes dans tout ça ? 

Au début de l'ATO, les « forces » séparatistes étaient très peu armées et équipées... essentiellement avec l'armement des milices de Donetsk, de Lougansk et des autres localités qu'elles occupaient, ainsi qu'avec les armes apportées par des volontaires. Pas grand-chose ! La résistance aurait surement été de courte durée sans de l'aide venue de Russie et sans des « défaillances » de l'armée  « loyaliste » dès les premiers « contacts », qui ont permis aux « insurgés » de récupérer des tanks, des véhicules blindés, des équipements, des armes, des munitions... et même des officiers et des soldats qui ont choisi de les rejoindre. Certaines de ces « captures » ont été médiatisées et décrites sur Internet. Un document de référence, « Guerre du Donbass », Wikipédia (12), a été copieusement alimenté sur les faits guerriers (notamment). J'y ai puisé des informations et ai consulté pas mal de sources parmi les 377 citées.  

 

Je n'ai trouvé aucune évaluation des équipements et de l'armement des séparatistes. Les accusations et les témoignages de présence sur le sol ukrainien  de convois militaires russes, y compris « d'armement lourd » ou sophistiqué, ont proliféré. Le 29 mai 2014, déjà, le président Tourtchinov a déclaré : « Je viens de recevoir une information selon laquelle des terroristes utilisant des missiles russes antiaériens ont abattu notre hélicoptère à Slaviansk » (31). 14 morts ! Six mois plus tard, le 12 novembre, Le Temps  a titré : « L'OTAN confirme l'entrée de troupes russes en Ukraine », et a cité son commandant en chef, alors en déplacement à Sofia : « Nous avons vu  des colonnes d'équipements russes, de chars russes, des systèmes de défense antiaérienne russes, de l'artillerie russe, et des troupes de combat russes entrant en Ukraine » (32). La diplomatie russe a démenti.

Aussi, le lendemain, L'Obs a pu titrer « Menacée de nouvelles sanctions, la Russie nie avoir des troupes en Ukraine », et écrire « L'Otan a confirmé cette semaine l'entrée de troupes et matériels russes dans l'est de l'Ukraine, accréditant les accusations portées par Kiev vendredi dernier » (33). Et, plus loin : « Selon nos estimations, il y a 8.000 soldats russes, voire plus, actuellement sur notre territoire », a déclaré jeudi à l'AFP « un haut responsable ukrainien chargé de la sécurité, sous le couvert de l'anonymat ». Ce  même 12 novembre, le représentant ukrainien à l'ONU avait assuré pendant une réunion d'urgence du Conseil de sécurité que « la Russie avait aussi accumulé environ 39.000 militaires, 200 chars, 640 systèmes d'artillerie et plus de 120 avions de combats à la frontière ukrainienne ».  

« Des crématoires mobiles employés en Ukraine, les Russes essaient de cacher leur participation dans le conflit », a même affiché Defence 24 le 30 janvier 2015, citant un  communiqué du Service de sécurité ukrainien (SBU), selon lequel au moins 7 crématoires mobiles avaient été introduits dans le Donbass. Chacun d'eux pouvant incinérer 8 à 10 corps par jour, la capacité totale était donc d'au moins 1.920 corps par mois ! « Malgré la preuve évidente [le communiqué du SBU ?], Moscou nie encore l'implication de soldats Russes dans le conflit ukrainien » (34).  

En sens inverse, le 28 janvier, Fawkes News  avait titré « L'armée ukrainienne utiliserait des crématoriums mobiles pour masquer ses pertes dans l'Est ». Sa source, le Premier ministre de la république du Donbass, Alexandre Zakharenko, a déclaré que 3 mobiles de fabrication allemande étaient basés à Izyoum  sur la route entre Slaviansk et Kharkov. Il a aussi, et surtout, souligné que « le Donbass a refusé de se soumettre au coup d'État à Kiev et que Kiev a lancé une opération d'épuration ethnique dans le Donbass »(35) .  

« Le chef d'état major des armées ukrainiennes affirme qu'aucune troupe russe ne combat en Ukraine » a affiché Ihs News, le 29 janvier 2015 (36). Le rédacteur reprenait des paroles prononcées au cours d'un point presse par le général ukrainien Viktor Muzhenko « aucune troupe russe ne combat contre nous » et les sanctions contre la Russie sont basées sur des mensonges. VM a ajouté que les seuls citoyens russes qui combattent dans les régions séparatistes sont des « résidents locaux », ainsi que d'autres citoyens russes membres de « groupes illégaux armés » qui ne sont payés par aucun gouvernement mais combattent à « titre personne ». Il a ajouté que « l'armée ukrainienne ne combat pas contre des unités régulières de l'armée russe ». Ce général n'a pas été dégradé, emprisonné  ou  exécuté. En  août  2015,  il  organisait  les  recrutements sous contrat de spécialistes compétents et entraînés. Quant à nos médias, ce « scoop » ne les a pas intéressés. Allez savoir pourquoi ?   

Sur Facebook un article du 29 janvier a relayé cette info, en anglais et en partie en russe. Il a rappelé que l'OSCE (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe), le disait  depuis des mois. Selon son État-major général : « Il n'est absolument pas possible de cacher d'importantes formations militaires sur un relativement petit territoire grand ouvert aux journalistes et aux représentants de l'OSCE. ». L'auteur a rappelé que, le 21 janvie, Porochenko avait dit à Davos que plus de 9.000 militaires russes combattaient en Nouvelle Russie (Donbass)...au moment où Obama implorait le Congrès d'accorder des milliards à l'Ukraine pour combattre Poutine, et il a accepté (37). 

En Amérique, l'info s'est retrouvée sur plusieurs sites. Ainsi, le 29 janvier, Le Washington's Blog (38) a titré (dans la langue du pays) « État major d'Ukraine : Dans le Donbass pas d'armée russe », et, le 22 février, American Free Press : « Un Général en chef ukrainien admet : pas de forces russes dans son pays » (39).  

Le 25 mars 2015, le général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire, auditionné par la Commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi relatif au renseignement, avait expliqué, concernant l'OTAN et la prépondérance du renseignement américain : « L'OTAN avait annoncé que les Russes allaient envahir l'Ukraine alors que, selon les renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse - nous avions en effet constaté que les Russes n'avaient pas déployé de commandement ni de moyens logistiques, notamment d'hôpitaux de campagne, permettant d'envisager une invasion militaire et les unités de deuxième échelon n'avaient effectué aucun mouvement. La suite a montré que nous avions raison car, si des soldats russes ont effectivement été vus en Ukraine, il s'agissait plus d'une manœuvre destinée à faire pression sur le président ukrainien Porochenko que d'une tentative d'invasion. » (40). Un témoignage digne de foi...  bon pour les oubliettes.  Et trop « d'observateurs » oublient qu'au dernier recensement auquel les personnes de nationalité russe ont été dénombrées, en 2001, celles-ci représentaient  17 % de la population et étaient plus nombreuses à l'Est et au Sud. 

J'ai été un peu insistant ici pour montrer qu'il faut prendre avec des pincettes les affirmations sur « l'invasion » de l'Ukraine par la Russie. Le 24 août, Le Point a encore titré, sans bémols : « Porochenko accuse la Russie d'avoir envoyé trois convois ». Sous-titre : « Moscou a fourni aux rebelles jusqu'à 500 chars, 400 systèmes d'artillerie et 950 véhicules blindés, a également indiqué le chef de l' État ukrainien. ». Trois gros convois militaires... que l'OSCE n'a pas vus [ndla]. « Selon lui, 50.000 soldats russes sont déployés à la frontière de l'Ukraine et 9.000 responsables militaires russes font partie des 40.000 hommes qui font face aux forces ukrainiennes dans l'Est séparatiste pro-russe. » (41).  

Porochenko, politiquement très affaibli, par l'échec de l'ATO, notamment, veut « impliquer » davantage l'OTAN et  faire croire au monde que c'est contre la Russie que se bat l'Ukraine. D'où cette escalade de désinformations déraisonnables. Résultat ? Pour la première fois, le secrétaire général de l'OTAN est venu jusqu'à Kiev le 22 septembre.  Pour le rassurer ? Souhaitons qu'ils ne nous rapprochent pas plus d'un conflit « mondial ». 

Jusqu'ici, il y a deux guerres en Ukraine. Une guerre « territoriale », entre les alliés pro-européens atlantistes (l'OTAN, les USA et l'UE) et la Russie, par Ukrainiens interposés. Et celle, fratricide, d'habitants en grande majorité  d'un même pays, attisée par ces « grandes puissances » antagonistes qui soutiennent et arment un camp et l'autre, en prenant peu part directement aux combats. En Ukraine, c'est une expédition punitive de grande ampleur et sans retenue lancée par le gouvernement de Kiev contre l'Est. S'il y a des victimes (morts, blessés, handicapés...) des deux côtés parmi les combattants (pas tous volontaires), les nombreuses victimes civiles, enfants, femmes, hommes, sont toutes de l'Est. Les personnes qui échappent aux bombardements et n'ont pas fui doivent endurer la faim, la soif, le froid, l'absence d'hygiène, de soins, d'abri... et la peur. Les accords de Minsk ont, d'ailleurs, permis à Kiev d'organiser plus aisément le blocus économique et humanitaire du Donbass, ce qui a ajouté une dimension malsaine à l'ATO, a isolé les populations et les a privées de possibles secours. Sans remord, ni assistance à populations en danger de la part des gouvernements du camp occidental, de l'UE, en particulier, il faut le déplorer. 

37 convois russes d'aide pour répondre  à la « crise humanitaire » dramatique au Donbass 

Le 12 août 2014, un premier convoi humanitaire est parti de Moscou vers le Donbass. Les camions, qui ont été inspectés par le CICR, étaient chargés de 2.000 tonnes de vivres, 54 tonnes de médicaments et 69 générateurs électriques. Le 13, le CICR a indiqué que « des milliers de personnes sont privées d'accès à l'eau potable, aux médicaments et à l'électricité » en raison de l'encerclement de Donetsk par les troupes de Kiev (12). Le 14, Le Figaro signalait « Donetsk: 74 civils tués en trois jours » (43).  Sur ce, Kiev a décidé d'envoyer un convoi, qui est arrivé le 15 août à Lougansk, porteur de 240 tonnes de produits de première nécessité. Poussé par les USA et l'UE, Kiev a fait son possible pour refouler le convoi russe à la frontière, puis pour le retarder. Il a réussi à « forcer le blocus ukrainien » le 22 août. Nos médias se sont régalés des péripéties du « convoi de la discorde », de « l'étrange caravane humanitaire russe en Ukraine »... pendant que Donetsk était sous le feu ukrainien et que les familles se terraient.  

Sans « médiatisation occidentale », neuf autres convois ont suivi de septembre à décembre. En janvier et au début février 2015, il en a eu deux de plus. Au 8 février, la Russie avait livré 16.300 tonnes d'aliments, de médicaments, de matériaux et de matériels de secours. À ce moment-là, Paris Match alertait : « À Donetsk, une crise humanitaire sans précédent » (43). La représentante de l'UNICEF en Ukraine expliquait alors : « Après quelque semaines de trêve, les combats ont repris...Ils sont de plus en plus violents, offensifs, meurtriers. Presque 1 million de personnes se sont enfuies de l'Est, dont environ 130.000 enfants. Le reste vit, survit du moins, sous les bombes. Cinq mille personnes sont mortes depuis le début du conflit. Dont de nombreux enfants. En tout, 1,7 million sont affectés par la guerre. À Donetsk, des familles sont à la rue, ou dorment dans des maisons éventrées, régulièrement pilonnées. Environ 1.000 enfants ont été forcés de se cacher dans une douzaine d'abris sous terre et y vivent depuis juillet dernier. ». Puis, encore, à propos des conditions sanitaires : « Elles sont terribles ! Les abris manquent d'eau, de nourriture, de sanitaires propres et sains. Il fait froid et humide, il n'y a pas accès aux médicaments... ». Et, au sujet de l'organisation de l'aide humanitaire: difficile, « car le gouvernement a mis en place des accréditations, obligatoires pour circuler dans les deux zones, traverser les check-points. C'est un vrai problème pour les humanitaires ». Il faudrait simplifier le processus et ouvrir un couloir humanitaire pour venir en aide aux civils. Ces recommandations, faites aussi par d'autres organisations, n'ont pas été entendues. 

Le 27 août 2015, le trente-septième convoi du ministère russe des Situations d'urgence est arrivé en Ukraine. Il comprenait plus de 100 camions portant 1.100 tonnes de fret humanitaire et près de 700 tonnes de manuels scolaires et universitaires. Depuis août 2014, la Russie a ainsi dépêché 44.000 tonnes d'aide humanitaire au Donbass. À ce moment-là, sur le Portail de la solidarité internationale (44), on pouvait lire : « Ukraine: à l'ombre des obus, la crise humanitaire frappe. ».... « Outre les destructions importantes directement dues au conflit (10.000 bâtiments ont été très lourdement touchés par les bombardements et sont inhabitables), deux millions d'Ukrainiens de l'Est sont aujourd'hui réfugiés plus à l'Ouest, en Russie, en Biélorussie et en Pologne. Deux millions de personnes sur les routes et cinq millions qui vivent dans la plus grande misère entre les opérations militaires et la pénurie qui frappe. »... «  La cause principale du problème est le blocus décidé par Kiev concernant les territoires qu'il ne contrôle plus. Pour affaiblir les positions des séparatistes pro-russes, la faim est une arme pas moins efficace qu'un mortier. Mais c'est aussi une arme à double tranchant car il justifie le discours du Kremlin qui insiste sur la volonté de Kiev de frapper sa propre population car naturellement plus tournée vers Moscou que vers l'Ouest. »... « Il ne reste plus que Moscou qui multiplie les convois humanitaires... et les rares ONG indépendantes qui font le maximum. » La situation peut durer, « car Kiev n'a pas la main sur le plan militaire, et la Russie semble se contenter d'un pourrissement de la situation »... Tandis que des millions de personnes souffrent « de choix politiques plus que discutables ». 

L'hiver sera terrible pour les habitants du Donbass. Malgré les convois que la Russie ne manquera pas d'envoyer. 

C'est vraiment une sale guerre! C'est aussi pour cela que j'écris ces articles, en souhaitant qu'ils contribuent à informer et à sensibiliser ceux qui me font l'honneur de les lire.

Principales sources  (j'ai consulté de nombreuses autres sources, russes, notamment, que je n'ai pas utilisées ici) : 

 1)  liberation.fr/monde/2013/11/21/l-ukraine-renonce-a-l-accord-dassociation-avec-l-ue.

 (2)  fr.wikipedia.org/wiki/Crise_ukrainienne  +  fr.wikipédia.org/wiki/Manifestations_au_printemps_2014_en_Ukraine.

(3)  cnnpressroom.blogs.cnn.com/2015/02/01/pres-obama-on-fareedzakaria-gps-cnn-exclusive/... + news360x.fr/obama-admet-ouvertementque-les-usa-sont-intervenus-dans-la-constitution-dun- pouvoir/... + Dedefense.org: Sur le putsch de Kiev, Obama confirme Friedman le 2 février 2015 + Radio Free Europe Radio Liberty: Lavrov Claims Obama's Remarks prove US Backed Ukraine Coup  le 02 09 15 + washingtonsblog.com/2015/02/obama-america-brokered-dealtransition-power-ukraine +++  Département d'Etat des Etats-Unis, notice de Victoria Nuland du 13 décembre 2013.

(4)  MYTF1 News le 29-11-2013.

(5)  Le Courrier International, le 26-02-2014.

(6)  Ukraine divided by Maïdan, unready to give up power to opposition - R B Group/ Ukrinform  le 10.12.2013.

(7) Half of Ukrainians don't support Kyiv Euromaidan  INTERFAX -UKRAINE   le 30.12.2013.

(8)  slate.fr/tribune/81479/ukraine-halte-manicheisme   24.12.203.

(9)  la-croix.com/Actualité/Europe/En-Ukraine-la crise-politique-divise-lopinion...  le 12/2/14.

(10) Election présidentielle ukrainienne de 2014 – Wikipédia.

(11) Courrierinternational.com/article/2014/03/06/catherine-ashtonpiratee + conspiracywatch.info/Comment-la-comploshere-desinformesur-l-Ukraine-l-exemple-des-snipers-de Maïdan + agoravox.fr/actualites/international/article/morts-du-maidan-l-enquetedevastatrice-d-une-tele-allemande + zerohedge.com/news/2014-0305/behind-kiev-snipers-it-was-somebody-from-the-new-coalition + rue89.nouvelobs.com/2014/04/24/television-allemande-contesteversion-officielle-tuerie-maidan + marianne.net/Euromaidan-l-enquetequi-jette-le-trouble_a238326.html  le 27 avril 2014 + Reuters investigation exposes "serious flaws" in Maidan massacre probe --- RT News  le 10 octobre 2014 + BBC airs Maidan fighter admitting he fired on police before Kiev massacre --- RT News le 12 février 2015 + PressTV-US, Poland behind Maidan unrest :Polish MEP   le 19 avril 2015 + mediaspresse.info/false-flag-maidan-cest-notre-operation-a-reconnu-uncandidat-a-la-présidence-de-la-pologne-a-propos-des-tirs-meurtriers  le 22 avril 2015.

(12)  fr.wikipedia. org/wiki/Guerre_du_Donbass.     

(13)  fr.wikipédia.org/wiki/République_populaire_de_Lougansk. 

(14) Elections législatives ukrainiennes de 2014 – Wikipédia.

(15) Ukraine Military Strength  mise à jour au 04/01/2015  globalfirepower/ country-military-strength-detail... + lefigaro.fr/international/2014/ 03/04...  qui cite des chiffres d'IISS (International Institute for Strategic Studies).

(16) Les erreurs de Kiev: analyse du conflit ukrainien    ondesdechoc.wordpress.com/2015/03/27... 

(17) Garde nationale ukrainienne: du Maïdan aux armes anti-chars - Libération  le 18/ 03/2014 + Ukrainian National Guard   globalsecurity.org/military/world/ukraine/ng.htm.

(18) Des volontaires aux mobilisés, les visages de l'armée ukrainienne sur ijsbergmagazine.com   02/03/2015.

 (19) Ukraine: la conscription critiquée, les contrôles renforcés - europe - RFI  le 17/02/2015 + Les Ukrainiens contre la mobilisation militaire imposée par Kiev  11/02/2015  youtube.com/watch?v=veZfkvso1QQ.

(20) lexpress.fr/actualité/la-corruption-et-la-guerre_ 1576187.html

(21) Ukrain's secret weapon: Feisty Oligarch Ihor Kolomoisky   The Wall Street Journal  le 27 juin 2014.

 (22) lemonde.fr/europe/article/2014/05/11/des-mercenaires-enukraine_...

(23) lemonde.fr/europe/article/2014/05/05/la-cia-et-le-fbi-conseillentils-kiev_...

(24) The State of Ukrain's Armed Forces euromaidanpress.com/2015/08/27.

(25)  Organigramme des terroristes   ukraine2014.canalblog.com/archives/2014/07/27/30152569.html

(26) blogs.mediapart.fr/blog/segesta3756/071014/quelles-sont-lesunites-qui-defendent-le-donbass...

(27) Pourquoi le massacre d'Odessa a-t-il si peu d'écho dans nos médias?  marianne.net  le 06/05/2014.

(28) An audience with Ukrain rebel chief Igor Bezler, the Demon of Donetsk   theguardian.com/world/2014/jul...

(29) Ukraine: le "colonel" cosaque Dremov, "rebelle" parmi les rebelles   leparisien.fr  le 30/09/2014.

(30) Ukraine: les séparatistes en mal de combattants   lefigaro.fr/international/2014/08/04... 

(31) Un hélicoptère ukrainien abattu par les rebelles, 14 morts - Capital.fr source Reuters  le29/05/2014.   

(32) L'Otan confirme l'entrée de troupes russes en Ukraine - LeTemps.ch  le 12 /11/2014.  

(33) tempsrel.nouvelobs.com/monde/20141113.AFP0628/ukraine-l-onucraint-une-guerre-totale...

(34) defence24.com/news_mobile-crematoria-employed-in-ukrainerussians trying-to-hide...  le 30/01/2015.

(35) fawkes-news.blogspotNfr/2015/01/larmee-ukrainienne-utiliseraitdes.html.

(36) ihsnews.net/?p=19957  le 29/01/2015.

(37) frfr.facebook.com/republikpopulairedudonbass/posts/154942617864180 1  le 29/01/2015.

(38) washingtonsblog.com/2015/01/ukrainian-government-no-russiantroops-are-fighting-us.html.

(39) Top Ukrainian General admits: Russian Forces Not in His Nation   americanfreepress.net le 22/02/2015.

(40) assemblee-nationale.fr/14/cr-cdef/14-15/c1415049.asp   le 25/03/2015.

(41) lepoint.fr/monde/ukraine-porochenko-accuse-la-russie-d-avoirenvoye-trois-convois... le 24/08/2015.

(42) lefigaro.fr  Donetsk: 74 civils tués en trois jours  14/08/2014.

(43) parismatch.com/Actu/International/A-Donetsk-une-crisehumanitaire sans précédent... le 03/02/2015.

(44) portail-humanitaire.org/news/actu/2015-08-27-Ukraine-:-ombredes-obus-la-crise-humanitaire...

 
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