« C’EST UNE ALLEMANDE »

 par Jean-Louis GUIGNARD

On fait semblant d'apprendre aujourd'hui que onze millions de Volkswagen sont équipées d'un logiciel informatique pour truquer les émissions des NOx, les oxydes d'azote. C'est une saleté :   - C'est lui qui donne l'odeur douceâtre caractéristique des rues polluées par la circulation automobile.

 - C'est lui aussi qui colore en jaune-orangé l'atmosphère des grandes villes les jours de pollution.  

- Quand vous regardez la lumière au bout d'un tunnel, en voiture, ou quand vous arrivez par l'autoroute à Paris les jours de chaleur, vous voyez bien ce halo brunâtre si inquiétant : c'est le dioxyde d'azote, dont l'essentiel est lâché par les moteurs diesel.

Ses effets sont nombreux : il irrite les yeux, les poumons, et favorise les problèmes cardiaques. Les enfants des grandes villes souffrent d'asthme et de problèmes ORL (bouche, nez, gorge) à cause de lui. Les personnes âgées décèdent prématurément lors des pics de pollution.  

Des normes existent aujourd'hui sur plus de cent composants présents dans les gaz d'échappement. Les « logiciels espions » sont  indispensables pour trouver le bon compromis entre consommation de carburant, performances du véhicule, prix et respect des normes. Toutes les voitures sont pilotées par de tels programmes informatiques qui fonctionnent en optimisant les paramètres d'émission en permanence. Ces logiciels sont même autorisés à tricher pour éviter des dégâts sur les voitures. Le système antipollution est provisoirement désactivé. C'est pourquoi on les appelle « defeat devices », ce que les journalistes traduisent en français par « logiciels tricheurs » mais qui veut en fait dire « systèmes de mise en échec » ou « systèmes de neutralisation ».

Les Volkswagen incriminées sont donc capables de respecter les normes environnementales américaines (ce qui est une performance). Cela leur permet de réussir les tests antipollution. Toutefois, Volkswagen a préféré programmer d'autres paramètres lorsque la voiture est en circulation normale pour  réduire la consommation de carburant de ses voitures. Les émissions de dioxyde d'azote sont la caractéristique des moteurs diesel les plus efficients : ceux qui émettent le moins de dioxyde de carbone, ceux qui font le plus de kilomètres par litre de carburant, émettent aussi plus de dioxyde d'azote. 

Pour faire des moteurs plus efficaces, il faut augmenter le taux de combustion du carburant dans les cylindres. Cela se fait en augmentant le coefficient de combustion, la température, et en laissant entrer plus d'air dans les cylindres. Votre voiture relâche moins d'hydrocarbures mal brûlés (fumée noire), elle a un meilleur couple, c'est-à-dire la force pour accélérer, elle consomme moins… mais elle produit aussi plus d'oxydes d'azote. 

Ce monoxyde de carbone avait une utilité : au contact du dioxyde d'azote, il le transforme en simple azote, un gaz inoffensif (l'air qui nous entoure contient naturellement 70 % d'azote). Les vieux diesels produisaient donc un poison (le monoxyde de carbone) qui permettait de réduire un autre poison, le dioxyde d'azote. La tricherie des ingénieurs de Volkswagen a consisté à produire des moteurs puissants produisant peu de dioxyde de carbone mais beaucoup de dioxyde d'azote, alors qu'ils prétendaient aux autorités que leur voiture faisait le contraire. Ils ont même programmé leur logiciel pour que le moteur fonctionne différemment pendant les tests et sur les routes. 

Le logiciel truqueur de Volkswagen a permis la commercialisation aux États-Unis de 500.000 voitures qui dépassent les normes d'émission de dioxyde d'azote par un facteur allant de cinq à trente-cinq. Bizarrement, les mêmes véhicules sont dans les normes quand il s'agit de l'Europe. Les normes européennes sont de qualité  mais ce sont les normes américaines qui sont impossible à respecter pour les petites voitures. Aucune marque autre que Volkswagen ne proposait de voitures diesel à quatre cylindres aux États-Unis. Le P-DG de Chrysler a même expliqué qu'il était furieux contre ses ingénieurs qui lui disaient qu'ils ne pouvaient pas produire des voitures dans les normes. « Puisque Volkswagen le fait, vous pourriez bien le faire aussi ! », leur disait-il …  Ces normes n'ont pas été fixées pour protéger l'environnement. Leur but était de nuire à l'ascension irrésistible du groupe européen Volkswagen, qui est passé en juillet 2015 au rang de premier constructeur mondial, et dont la spécialité est justement… le moteur diesel. Aujourd'hui, les autorités américaines se frottent les mains de pouvoir imposer à Volkswagen une nouvelle amende record, qui peut monter jusqu'à 18 milliards de dollars. Les politiques et médias européens emboîtent unanimement le pas aux Américains sur cette affaire, sans réaliser qu'ils sont les dindons de la farce : 

Pour respecter les normes américaines, il faut polluer plus ! 

Le résultat de ces normes absurdes est que l'automobiliste américain est obligé d'acheter un modèle diesel puissant et à forte consommation, car ce sont les seuls qui respectent les «normes ».  

Il n'y a qu'à partir d'une certaine consommation de carburant qu'il devient rentable pour l'automobiliste de disposer d'un système de catalyseur anti-dioxyde d'azote, et ainsi de respecter les normes environnementales ! Il existe en effet un système, la technologie « Ad Blue », qui injecte de l'urée dans les gaz d'échappement. Il est installé sur les camions, tracteurs, et sur les voitures diesel à grosses cylindrées. Cela réduit la teneur des gaz d'échappement en oxydes d'azote, qui se transforment en azote et en vapeur d'eau. Le taux de conversion est de 85 % et même 98 % sur certains moteurs. Cela coûte environ 1500 euros par voiture. Il faut recharger le système régulièrement. Enfin, Ad Blue réduit le dioxyde d'azote mais pas les centaines d'autres gaz émis par les voitures. 

On peut espérer que le Traité transatlantique ne verra pas le jour. Les autorités européennes et nationales doivent prendre conscience des tentations hégémoniques des grands groupes américains, avec la complicité de leurs autorités.

 
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