Lors de ses voeux de fin d'année à
la Curie, le pape François, outre le fait d'avoir déjà sur le dos les habits de
docteur es-théolo-gie
additionné de ceux d'expert en scolastique s'est couvert le chef du chapeau que
portaient les docteurs de la peste en détectant chez ses patients quinze
maladies.
Les mots pour qualifier les maux de ces malades qui ne
s'ignorent pas tous ont été rudes et vont rester dans les mémoires - bien que,
compte tenu de l'âge de l'auditoire on puisse avoir des doutes - à moins que
quelque malin ne s'évertue à les effacer des tablettes pontificales. Ne dit-on
pas que les voies du Seigneur sont impénétrables...
Or donc, en ce début d'année, période propice aux résolutions
les plus folles et les plus utopiques, je vous propose, non pas de disserter
sur l'incurie de la Curie, mais de nous auto-diagnostiquer.
Aussi suffit-il de changer ici ou là quelques mots du
discours papal pour nous rappeler ce que nous avons peut-être oublié et mesurer
ainsi la clairvoyance et la justesse de l'analyse.
Passons donc à la moulinette de notre mémoire ces maladies
que nous nous sommes engagés à combattre, pour beaucoup d'entre nous il y a
fort longtemps.
1. Première maladie, celle « de se penser ''immortel'',
''immunisé'' ou même ''indispensable'' » car dit le pape « une curie qui ne
fait pas son autocritique, qui ne se met pas à jour, qui ne cherche pas à
s'améliorer, est un corps malade ».
En effet, nombreux sont les pétris de leurs certitudes et ne
dit-on pas que les cimetières sont, paraît-il, pleins de gens indispensables.
Avant d'aller plus avant dans l'analyse non médicale du
docteur François, je tiens à préciser que tout rapprochement ou toute
ressemblance avec quelque parti, cercle ou organisation que ce soit serait
fortuit et n'engagerait que celle ou celui qui se prêterait à cet exercice.
2. Deuxième maladie, celle dite « du marthalisme
» (de Marthe, personnage de l'Évangile. À trop se noyer dans le travail, on ne
relève plus la tête et on passe à côté de l'essentiel).
Combien sommes-nous, combien sont-ils, à vivre dans une bulle
translucide qui empêche de voir l'évolution ou l'involution de la Société ? Les
dramatiques événements survenus il y a quelques semaines en sont la tragique
illustration.
3. Troisième maladie, appelée « de ''l'empierrement'' ou du
durcissement mental et spirituel, de ceux qui possèdent un cœur de pierre et se
perdent ''sous la paperasse'' ».
Là, le pape aurait pu ajouter « combien sont-ils à considérer
les hommes comme de simples numéros, de banales courbes statistiques ou mieux
encore des variables d'ajustements ».
4. Quatrième maladie, dite « maladie de la planification
excessive et du fonctionnarisme. Tout bien préparer est nécessaire mais sans
jamais tomber dans la tentation de vouloir renfermer et piloter la liberté de
penser ».
Là, je compatis. Le « prêt-à-penser » est une maladie
chronique chez bon nombre de nos représentants politiques et autres donneurs de
leçons, pseudo experts enfermés dans leur tour d'ivoire. À cet énoncé, nos énarques ont dû entendre le léger sifflement d'un vent venu
de l'au-delà.
5. Cinquième maladie, « maladie de la mauvaise coordination,
lorsque les membres perdent la communion entre eux et que le corps perd sa
fonctionnalité harmonieuse ».
Aucun membre, de quelque parti, de quelque syndicat ou de
quelque association que ce soit ne saurait se sentir concerné.
6. Sixième maladie, dite « maladie de l'Alzheimer spirituel
que l'on constate chez ceux qui ont perdu le souvenir de leur rencontre avec le
Principe - le pape dit Dieu - ou de ceux qui construisent autour d'eux des murs
et des habitudes en devenant toujours plus esclaves des idoles qu'ils ont
fabriquées de leurs propres mains ».
Ah ! le dieu Fric a bien des
attraits. Il vous permet de parler de la faim dans le monde chez quelque chef
étoilé, de dire doctement que le SMIC est trop élevé en sirotant quelque
breuvage enfoncé dans le cuir profond d'un fauteuil d'un grand palace tout en
surveillant la courbe de ses actions par tablette interposée. Il peut vous
aider à franchir des frontières sur un tapis volant d'or et d'argent, sans
ordre et sans trop de cahots ou de chao(zac)s.
7. Septième maladie, « La maladie de la rivalité et de la
vaine gloire, lorsque l'apparence, la couleur des vêtements et les signes
d'honneur deviennent le premier objectif de la vie ».
Là, je dois vous dire que je n'ai pas bien compris, peut-être
s'agit-il d'une histoire de décorations ou plus simplement de stylo ou de
montre.
8. Huitième maladie, celle « de la schizophrénie
existentielle : c'est la maladie de ceux qui vivent une double vie, fruit de
l'hypocrisie typique du médiocre et du vide spirituel progressif que les
diplômes ou les titres académiques ne peuvent combler. Une maladie qui touche
souvent ceux qui, en abandonnant le service de l'Homme - le pape dit Dieu -, se
limitent aux affaires bureaucratiques et perdent ainsi le contact avec la
réalité, avec les personnes concrètes. Ils créent ainsi un monde parallèle à
eux où ils mettent de côté tout ce qu'ils enseignent sévèrement aux autres et
commencent à vivre une vie cachée et souvent dissolue. Pour cette grave
maladie, une conversion est d'autant plus urgente et indispensable ».
Là non plus, je n'ai pas bien compris, peut-être s'agit-il
d'une banale histoire de scooter entre François et Marie-Madeleine finissant en
queue de lapin.
9. Neuvième maladie, appelée « maladie des bavardages, des
murmures et des commérages qui commence simplement parfois avec deux bavardages
et s'empare de la personne en faisant d'elle un ''semeur de zizanie''. C'est la
maladie des personnes peureuses qui, n'ayant pas le courage de parler
directement, parlent dans le dos des gens. Frères et sœurs, prenons garde au
terrorisme des bavardages ».
Il est des personnages et chroniqueurs médiatiques
insensibles à cette maladie. On ne sait pas bien pourquoi !
10. Dixième maladie, dite « maladie de diviniser les
chefs : c'est la maladie de ceux qui courtisent leurs supérieurs, en espérant
obtenir leur bienveillance. Ils sont victimes du carriérisme et de
l'opportunisme, ils honorent les gens et non ce qui dépasse l'Homme. Cette
maladie pourrait aussi toucher les supérieurs lorsqu'ils courtisent certains de
leurs collaborateurs pour obtenir leur soumission, leur loyauté et leur
dépendance psychologique ».
Bien entendu cette maladie est inconnue de nos « zélites », aucune d'elles ne saurait se forger d'idoles.
11. Onzième maladie, identifiée sous le nom « de
maladie de l'indifférence envers les autres : lorsque chacun pense seulement à
lui-même et perd la simplicité et la chaleur des rapports humains ».
Je suis d'accord avec vous, il est évident que cela ne
concerne aucun de nous.
12. Douzième maladie, dite « de la ''tête
d'enterrement'', de ceux qui pensent que pour être sérieux il faut se colorer
le visage de mélancolie, de sévérité et traiter les autres - surtout ceux que
l'on pense inférieurs - avec rigidité, dureté et arrogance. Un cœur empli d'Amour
- le pape dit toujours Dieu - est un coeur heureux
qui irradie la joie et devient contagieux pour tous ceux qui sont autour de
lui. Quel bien nous fait une bonne dose d'humour sain ! ». Sans « t » et
sans commentaire.
13. Treizième maladie, nommée « maladie de
l'accumulation, lorsque l'on cherche à ''combler un vide'' dans son cœur en
accumulant des biens matériels, non par nécessité, mais seulement pour se
sentir en sécurité ».
Alors là, je ne suis pas sûr que le pape ait raison... la
nature ayant horreur du vide... Et puis il peut arriver qu'une phobie administrative
et/ou une peur incontrôlable amènent à fuir les représentants de
l'Administration et contraint à l'accumulation malgré soi. Il faut être
indulgent.
14. Quatorzième et pénultième maladie, « La maladie des cercles fermés où l'appartenance
au petit groupe devient plus forte que tout ».
Attention, cette maladie est pernicieuse, elle débute
toujours avec de bonnes intentions mais à tendance à se transformer en cancer
généralisé si l'on n'y prend garde.
15. Et enfin quinzième et dernière maladie diagnostiquée par le pape, celle
appelée « maladie du profit mondain, des exhibitionnismes. C'est la maladie
de ceux qui cherchent, sans jamais se rassasier, à multiplier leurs pouvoirs et
sont capables pour cela de calomnier, de diffamer et de discréditer les autres,
jusque dans les journaux et les revues ».
Là, il me faut rassurer l'évêque de Rome, elle ne concerne
pas que les seuls ecclésiastiques. N'y voyez pas non plus une allusion à ces
auteurs de quelconques ouvrages de tête de gondole.
J'en ai terminé ; à vous de déterminer si cette révolution
franciscaine au Vatican, œuvre d'un Jésuite ne l'oublions pas, est un modèle ou
une menace.
En ce qui me concerne je forme des vœux pieux pour qu'elle
soit l'un sans être l'autre.
Quoi qu'il en soit, applaudissons le pape François, véritable
autorité morale et spirituelle, pour son courage et cette leçon d'amour.