Quelques aspects importants de l'avenir
énergétique
Tous les aspects de l'énergie
ne pourront pas être abordés ici dans un temps relativement court et je
parlerai principalement de l'énergie nucléaire, un peu le passé, mais surtout
ce qui se prépare dans un avenir proche. J'aborderai les techniques de stockage
de l'énergie notamment ce qui se prépare maintenant, et vous parlerai d'un
nouveau matériau, le graphène promis à un succès important dans diverses
technologies dont celles de l'énergie.
Les réacteurs
nucléaires
Quelques généralités indispensables
Notons d'abord que
l'énergie nucléaire, si décriée par certains, est présente partout dans
l'univers et c'est même l'énergie la plus répandue. On ne peut pas aborder ce
sujet sans parler de la physique de la radioactivité, mais ce thème nous
entrainerait trop loin.
Succinctement, on
distingue deux familles de réactions nucléaires, c'est-à-dire affectant le
noyau des atomes :
- les réactions de fissions de noyaux lourds (ruptures ou cassures de
noyaux atomiques par bombardements de particules, les neutrons en général) ;
- les réactions de
fusion de noyaux légers, (Hydrogène et ses isotopes).
La première famille a
conduit à la réalisation de la première bombe atomique. Les éléments fissiles
sont l'uranium 235 ou le plutonium 239. La seconde a conduit à la mise au point
des bombes dites à Hydrogène ou H, qui nécessitent pour fonctionner une amorce
- bombe à fission au plutonium 239 - amenant à très haute température les
éléments fusibles (deutérium ou eau lourde et tritium).
Les principaux
avantages de la fusion sur la fission résident dans :
- une libération
d'énergie 5 fois plus importante par réaction ;
- une réaction plus
sûre (le refroidissement du plasma arrête la réaction) ;
- un matériau à
disposition en quantité presque illimitée.
Enfin, la fission
produit beaucoup plus de déchets hautement radioactifs.
Notons aussi que les
rejets dans l'atmosphère de produits radioactifs à la suite d'éruptions
volcanique sont extrêmement importants. Le volcan islandais Eyjafjöll a rejeté
dans l'atmosphère 600 tonnes d'uranium et 1.800 tonnes de thorium ; ces rejets
sont plus néfastes que les rejets de la catastrophe de Tchernobyl en prenant en
compte l'inhalation de Cs 137. Les extraordinaires éruptions solaires, de leur
côté, sont accompagnées de flux de particules qui nous environnent mais dont le
magnétisme de la terre nous protège. La terre a été, et est encore selon
certains physiciens le siège du fonctionnement de réacteurs naturels
fonctionnant sur le principe de la fission, et le soleil est lui le siège de
réactions de fusion.
Les réacteurs
nucléaires se classent en deux grandes familles :
- les réacteurs à neutrons thermiques ;
- les réacteurs à
neutrons rapides.
L'attente de la fusion
Il
n'existe pas, en effet, pour le moment de réacteurs de puissance capables
d'utiliser l'énergie de fusion, qui constitueraient la troisième famille, même
si des expériences conduites dans des centres de recherche permettent
d'envisager dans un avenir assez lointain cette possibilité.
C'est le cas du projet ITER (International
Thermonuclear Expérimental Reactor) ou réacteur thermonucléaire expérimental
international en français, nom qui n'est plus utilisé maintenant. ITER est une
machine de type tokamak
de puissance, dont le but est de démontrer la faisabilité
d'un réacteur nucléaire basé sur le principe de fusion, et produisant de
l'électricité. Trente-cinq pays se sont associés pour la réalisation de ce
projet en cours de réalisation à Cadarache en France près d'Aix-en Provence,
projet d'un coût qui dépasse les 16 milliards d'euros. Le projet de réacteur
qui devrait suivre est appelé projet DEMO. Parmi les buts poursuivis, on peut
mentionner la recherche d'une sûreté de fonctionnement plus élevée que celle
des réacteurs que nous connaissons et la production de moins de déchets
nucléaires.
Les filières de réacteurs
Les filières de réacteurs utilisant le principe de la
fission, à neutrons thermique ou rapides, qui correspondent à ce que la
technologie a pu réaliser ou envisager de mettre au point, sont caractérisées
principalement par le type de matière fissile, le modérateur en cas de
réacteurs à neutrons thermiques et le fluide caloporteur, c'est à dire le
fluide qui permet de récupérer la chaleur obtenue par le fission des atomes
lourds. Ils utilisent le plus généralement de l'Uranium naturel, l'uranium 238,
de l'uranium 235 obtenu par enrichissement de l'uranium naturel, ou du
plutonium 239 produit dans les réacteurs et récupéré par traitement dans des
usines de retraitement d'éléments combustibles usagés.
En effet, même si d'autres processus de fonctionnement
sont envisageables (cf. plus loin le cycle du thorium) l'industrie a
produit essentiellement des réacteurs fonctionnant sur le principes du cycle de
l'uranium, surtout sur la base d'uranium faiblement enrichi en uranium 235.
Sur ce sujet il est très intéressant de noter les prises
de position de l'un des acteurs importants du développement de l'énergie
nucléaire civile, le physicien américain Alvin Weinberg qui a participé à la
réalisation du programme Manhattan - mise au point de la première bombe
atomique - et qui a ensuite dirigé le célèbre laboratoire national d'Oak Ridge.
Alvin Weinberg, qui a contribué au développement des réacteurs à eau pressurisée
que nous connaissons bien - c'est le parc français de réacteurs - pour les
besoins de la propulsion des sous-marins nucléaires, a travaillé ensuite à la
mise au point de réacteurs à sels fondus offrant beaucoup d'avantages en termes
de sûreté de fonctionnement, de rendement énergétique et de déchets nucléaires.
Bien avant l'heure, ce physicien a prôné l'utilisation du cycle au thorium de
préférence à celui de l'Uranium, notamment parce que le thorium est plus
largement répandu dans la croûte terrestre (autant que le plomb) et que
l'exploitation d'un réacteur de ce type pendant près de quatre ans l'a
convaincu que c'était une meilleure solution que celle des réacteurs à eau
légère. Les réacteurs à sels fondus fonctionnant sur le principe du cycle du
thorium sont explicités plus loin.
Le classement du Forum international Génération IV
Le Forum international Génération IV, initiative
regrou-pant au départ treize pays, a classé les réacteurs en fonction de la
date de maturité de la technologie :
- réacteurs construits avant 1970, UNGG en France, Magnox
en Grande Bretagne, PWR aux États-Unis, et en France ;
- réacteurs construits entre 1970 et 1998 REP, REB, RBMK
en Russie, VVER qui est un REP russe, CANDU au Canada ;
- réacteurs dérivés des précédents et conçus pour les
remplacer à partir de 2013-2020 : EPR d'Areva, APR 1400 de KEPCO, AP1000 de
Toshiba Westinghouse principalement ;
- autres réacteurs en cours de conception correspondants
aux 6 filières définies par le Forum International Génération IV, soit :
• réacteur à neutrons rapides à caloporteur
sodium(SFR),
• réacteur nucléaire à très haute température (VH-TR),
• réacteur à sels fondus (MSR),
• réacteur à eau supercritique (SCWR),
• réacteur rapide à caloporteur gaz (GFR),
• réacteur rapide à caloporteur plomb (LFR),
• réacteur sous critique piloté par accélérateur dédié à
la transmutation.
Nota: Phénix et Superphénix sont des
prototypes de génération IV. Astrid, leur successeur de 600 MWe (CEA) sera mis
en service en 2020.
La situation actuelle
La situation actuelle met en évidence les points suivants
(hors militaire) :
- au 1er avril 2012, 436 réacteurs de puissance
fonctionnent dans le monde ;
- en 2013, 72 sont en construction, le plus grand nombre
de mises en chantier depuis 1989, (réf. AIEA) ;
- quatre pays (États-Unis, France, Japon et Russie)
disposent de 244 réacteurs, soit 56 % du nombre total de réacteurs dans le
monde ;
- en 2030,
l'industrie nucléaire devrait avoir doublé sa capacité
de production (développement asiatique) ;
- la répartition par filière est la suivante :
• 272 réacteurs à eau pressurisée, (PWR ou REP),
• 84 réacteurs à eau bouillante, BWR ou REB),
• 47 réacteurs à eau lourde pressurisée (HWPR),
• 2 réacteurs à neutrons rapides (RNR),
• 16 réacteurs refroidis au gaz, (GCR),
• 15 réacteurs refroidis à l'eau légère et modérées au
graphite (LWGR)
Par ailleurs l'impact de l'accident nucléaire de Fukushima
se présente ainsi :
- Japon : 4 réacteurs détruits et 42 réacteurs à l'arrêt ;
- parallèlement, plusieurs réacteurs ont été mis en
service dans différents pays en 2011 (1 au Pakistan, 3 en Chine, 1 en Iran et 1
en Russie, et en 2012, 2 en Corée du Sud).
La situation est donc loin d'être ce que certains annoncent,
à savoir la disparition de l'énergie nucléaire à court ou moyen terme. Par
ailleurs, les détracteurs du nucléaire et partisans des énergies renouvelables
ne considèrent pas le problème dans son ensemble, ne font guère d'ana-lyse du
comportement des systèmes de production-distribution et oublient généralement
de mentionner la nécessité de compenser l'absence de production liée à
l'intermittence du fonctionnement de ces énergies par des énergies rapidement
disponibles, qui ne peuvent être qu'à base d'énergies fossiles et donc
carbonées.
Le résultat en est une augmentation de la production de
dioxyde de Carbone, avec les conséquences que l'on connaît sur le réchauffement
de la terre par effet de serre et les dérèglements climatiques l'accompagnant.
La situation est donc paradoxale puisque ceux qui proposent d'aller vers plus
d'énergies renouvelables décarbonées imposent de facto des solutions
carbonées. La démonstration de cette situation invraisemblable est faite par
l'Allemagne en ce moment même, laquelle se trouve prise au piège des solutions
éoliennes et photovoltaïques qui doivent être compensées par des centrales à
gaz et au charbon. L'indépendance énergétique de l'Allemagne n'y trouve
évidemment pas son compte. Le gaz russe et le charbon américain y trouvent,
eux, leur compte, le charbon américain étant bradé du fait de la production
très importante de gaz et de pétrole provenant de l'exploitation des « gaz de
schiste » aux États-Unis.
La situation aux États-Unis et en Chine, pour ne parler
que de ces deux pays est différente, mais ce sont ces deux grands pays qui
produisent le plus de dioxyde de carbone, même si des projets de recherche
importants sur les sources de production d'énergie sont en cours de
développement pour tenter de limiter les effets néfastes des politiques
actuelles en matière d'énergie.
Le cycle Thorium et les réacteurs nucléaires à sels fondus
Pourquoi nous focaliser ici sur les réacteurs de ce type ?
Ces réacteurs présentent des caractéristiques très intéressantes sur
plusieurs plans qui les rendent extrêmement attractifs, principalement dans le
cadre du cycle thorium.
Un court historique
Aux USA, sous l'impulsion du laboratoire national d'Oak Ridge, un
projet de réacteur d'avion en 1954
a fonctionné mille heures. Puis dans les années 1960 les
recherches conduites par ce laboratoire ont permis la réalisation d'un réacteur
expérimental à sels fondus (MSRE) de 7,4 MWth, pour simuler la neutronique d'un
coeur de réacteur surgénérateur au thorium intrinsèquement sûr. Critique en
1965, il a fonctionné quatre ans, avec un facteur de charge de 85 %.
Ces essais ont montré la faisabilité et le caractère attractif
d'un cycle au thorium minimisant les déchets, ceux-ci pour la plupart
ayant une durée de vie courte. Les recherches se sont provisoirement achevées
dans la période 70-76, la conception n'ayant pas abouti. En effet, les
réacteurs refroidis au sodium leur ont été préférés.
Le thorium
C'est un produit assez abondant dans la croute
terrestre, à peu près comme le plomb. Utilisé dans le cadre d'un cycle de
combustible fondé sur le thorium, les réserves connues conduisent à disposer de
quantités cinq cents fois plus importantes que celles de l'uranium 235 et
certains experts estiment que ces réserves sont suffisantes pour assurer à
l'humanité ses besoins éner-gétiques pour cinq cents ans, à consommation équivalente
à celle des États-Unis aujourd'hui. En utilisant le thorium dans un réacteur à
neutrons rapides, en surgénérateur, les réserves se monteraient à plusieurs
millions d'années.
Le concept des
réacteurs à sels fondus
Les réacteurs à sels fondus (RSF en français et MSR en anglais = Molten
salt reactor) sont caractérisés par :
- un combustible nucléaire sous forme de sel fondu (600 à 900 °C) ;
- un sel fondu qui est à la foi le combustible, le fluide caloporteur
et la barrière de confinement.
Les réacteurs peuvent être soit à neutrons thermiques, avec un
modérateur qui peut être du graphite, ou bien à neutrons rapide avec une
couverture fertile.
Les études sur ces réacteurs sont nombreuses (années 70) mais la
Chine, actuellement est le seul pays qui a un programme ambitieux pour
industrialiser cette technologie avec un premier programme de 400 M€.
Dans le principe, le sel fondu est du fluorure de lithium (LiF) et du
fluorure de béryllium (BeF2) servant de fluide caloporteur, de combustible et
de première barrière de confinement. Il est contenu dans une cuve métallique
contenant le sel à haute température mais à pression ambiante. La réaction
nucléaire est déclenchée par la concentration en matière fissile dans le
réacteur ou par le passage dans un bloc modérateur en graphite.
Le combustible est soit de l'uranium 235, soit du plutonium 239 ou de
l'uranium 233 issu de la conversion du thorium sous flux neutronique. La
surgénération peut être assurée à l'aide d'une couverture contenant l'isotope
fertile à irradier.
Il existe deux grandes familles de RSF :
- les réacteurs à neutrons thermiques à coeur en graphite modérateur.
Le liquide circule dans les canaux, devient critique au passage dans le coeur
et voit sa température croitre d'environ 100 °C. La variation de débit permet le
contrôle de la puissance. Ce type de réacteur a été testé à Oak Ridge avec
succès ;
- les réacteurs à neutrons rapides, ne contiennent pas de modérateur.
Ils ont une charge plus grande de combustible fissile. La puissance du réacteur
est contrôlée par la dilatation du sel. C'est le modèle proposé par le CNRS à
Grenoble. Il permet d'utiliser certains déchets nucléaires comme amorce
(plutonium, curium, neptunium, americium).
Ces réacteurs sont associés à une usine de traitement du combustible
en ligne séparant les produits de fission au fur et à mesure de leur
production. Il convient de noter que les réacteurs à neutrons rapides réduisent
le besoin de retraitement (moins de captures stériles).
Les cycles des combustibles Uranium et Thorium
Les cycles des matériaux fissiles, en l'occurrence uranium et thorium
sont caractérisés par les événements apparaissant dans leurs noyaux et les
noyaux de leurs descendants à la suite de capture de neutrons lors des
réactions nucléaires.
Dans le cycle uranium 235 -plutonium 239, exploité actuellement, nous
nous trouvons dans l'obligation d'enrichir généralement l'uranium 238 en
uranium 235, fissile, au prix de coûteuses opérations dans des usines d'enrichissement,
puis de retraitement dans des usines de retraitement des éléments combustibles
usagés, type La Hague, afin de récupérer le plutonium, et quelques produits de
fissions intéressant l'industrie, la recherche ou la médecine, et de stocker le
reste dans lequel on trouve des produits hautement radioactifs à vie longue et
très longue.
Dans le cycle thorium 232-uranium 233, la cascade d'événements qui se
produit au niveau des fissions et des captures neutroniques aboutit à la
disparition de la majorité des atomes fissiles, les produits de fission qui
apparaissent dans cette série d'événements ont des vies assez courtes, voire
très courtes, le seul produit transuranien de haute activité restant le
neptunium 237 (demi-vie de 2,7 millions d'années). Il est présent à hauteur de
2 à 3 % de la quantité initiale d'uranium 233. Le neptunium 237 peut d'ailleurs
à son tour s'il est « recyclé » en réacteur produire des isotopes du plutonium,
non fissiles qui à leur tour, sous flux neutronique, vont produire des isotopes
fissiles du plutonium, conduisant in fine à la production d'isotopes des
actinides mineurs américium et curium.
Les inconvénients des RSF
Ce sont principalement les suivants :
- continuer la recherche pour traiter les interrogations en suspens
(prototypes, tête de série…) ;
- spécifier l'usine de traitement chimique en continu ;
- spécifier les mesures conservatoires liées à la production de
tritium (lié au lithium) ;
- traiter le problème de maintien en température pour le sel à base de
fluor sur une longue période ;
- adapter la réglementation ;
- vérifier et confirmer le choix des matériaux ;
- démontrer la compétitivité économique à par rapport aux filières
existantes.
Les avantages des
RSF
Ce sont les suivants :
- le cycle thermique a lieu à haute température et conduit à un
meilleur rendement pour la production d'électricité ;
- les déchets du cycle Thorium sont à vie courte pour la plupart ;
- le thorium est abondant et réparti sur toute la planète ;
- les aspects sûreté sont très intéressants : les RSF sont les seuls à
présenter toutes les garanties de sûreté exigé par le Forum génération IV ;
- la sûreté ne repose pas sur des équipements mais sur des lois
physiques : gravité, conduction thermique, coefficient de vide négatif, pas
d'eau donc pas d'explosion de gaz ou vapeur ou d'Hydrogène, sels fondus à basse
pression ;
- la cuve est relativement mince car le sel fondu est à pression basse
;
- en cas de difficulté, la récupération des sels s'effectue par
gravité et le refroidissement par convection thermique. La récupération des
sels refroidis et solides est possible ;
- l'exploitation du thorium est peu onéreuse (moins chère que le
charbon minéral) ;
- ces combustibles sont des alternatives à l'uranium. Ils sont issus
du cycle thorium, en quantité cinq cents fois supérieure à l'uranium 235 ;
- les réserves estimées permettent d'assurer la totalité des besoins
énergétiques de l'humanité au niveau de celui des USA pendant au moins cinq
cents ans ;
- en surgénérateur, en spectre rapide, l'utilisation du plutonium et
de l'uranium est possible d'où des réserves chiffrées en milliers d'années, et
avec les réserves non conventionnelles (uranium marin) on atteint plusieurs
millions d'années ;
- il n'y a pas de nécessité d'enrichissement isotopique mais il faut
disposer d'uranium 233.
Les projets en cours
La Chine et les USA collaborent à la réalisation de projets en Chine.
L'Inde de son coté, qui possède de grandes réserves de thorium, s'intéresse
beaucoup à cette filière, ainsi que le Japon. En France des études sont menées
au CNRS. Des études en Norvège (combustible « THOX ») se poursuivent
actuellement. Par ailleurs, des entrepreneurs privés américains, australiens et
tchèques sont engagés dans la mise au point de réacteurs à sel fondu. Enfin, la
fondation Weinberg en Grande-Bretagne fondée en 2011, promeut la production
d'énergie à base de thorium. Ce bref tour d'horizon met en évidence à la fois
l'intérêt de nombreux pays pour les RSF et quelquefois la faiblesse des moyens
engagés.
En conclusion, le cycle thorium a des avantages liés à une sécurité
intrinsèque des réacteurs, une source de combustible importante et abondante,
et à l'absence d'installations d'enrichissement compliquées et coûteuses. Il
convient noter néanmoins que le thorium naturel n'est pas fissile mais fertile
et par conséquent il faudra disposer au démarrage d'une quantité importante
d'uranium 233 produite par d'autres réacteurs.
Le stockage de l'énergie
Certaines sources d'énergie sont stockées à l'état naturel et
nécessitent extraction, transport et transformation pour être utilisées sous
une forme purifiée, transformée ou distribuable facilement. C'est le cas du
charbon, du pétrole et de ses dérivés, du gaz mais aussi de la biomasse, de
l'hydraulique ou du nucléaire.
L'électricité produite à partir de certaines de ces sources ne peut
par contre pas être stockée commodément, alors même que cette énergie est
largement distribuée et se
développe partout compte tenu des avantages qu'elle procure. Les
énergies nouvelles ou alternatives que sont l'énergie photovoltaïque et
éolienne sont distribuées sous forme électrique et compte tenu de leur
intermittence pose un grave problème pour leur développement, indépendamment de
leurs coûts de production, lié au problème de l'envoi sur le réseau électrique
de surplus de courant pas nécessairement utiles en fonction de leur heure de
production.
Mais notons d'emblée que la distribution d'électricité nécessiterait à
elle seule une séance d'explicitations.
Les différentes techniques de stockage de l'énergie
Différentes techniques de stockage de l'énergie existent que les spécialistes
du sujet classent en :
- stockage mécanique (barrage hydroélectrique, Station de transfert
d'énergie par pompage ;
- stockage d'énergie par air comprimé, volants d'inertie ;
- stockage électromagnétique par bobines
supraconduc-trices ou supercapacités ;
- stockage thermique par chaleur latente ou sensible.
Dans la pratique, l'énergie hydraulique (celle des
barrages et des centrales au fil de l'eau) est pratiquement la seule à répondre
presque instantanément à des besoins nouveaux nécessaires au soutien du réseau
et son stockage est maitrisé par des retenues d'eau artificielles à la
technologie bien connue. En France, malheureusement, la plupart des sites
utilisables sont équipés et il ne reste pas de potentiel d'équipement
financièrement intéressant, sans compter les difficultés liées à la défense de
l'environnement.
Les batteries électrochimiques
C'est un mode de stockage bien connu, chacun a une
batterie dans sa voiture et connaît donc, par l'usage, ces matériels. Les
développements assez récents de la voiture électrique ont mis en évidence leurs
limites malgré des progrès technologiques considérables obtenus au prix de
recherches longues et coûteuses. Ces progrès continuent et l'on espère une
révolution dans ce domaine liée, notamment, à la mise en oeuvre de batteries
utilisant le graphène, matériau sur lequel je reviens un peu plus loin.
Une batterie est caractérisée par sa capacité exprimée en
A.h. L'énergie qu'elle contient s'exprime en Wh pour les éléments pris
individuellement ou en kWh pour la batterie assemblée, résultat du produit de
sa capacité par la tension qu'elle délivre, et un critère de classement très
répandu est celui de la hiérarchisation par la densité massique ou énergie
spécifique exprimées en Wh/kg. Un autre critère de classement est celui obtenu
par la densité volumique ou densité d'énergie, correspondant à la quantité
d'énergie exprimée en Wh/m³ ou Wh/dm³.
Différentes filières existent, dont les plus connues par
ordre croissant de densité d'énergie sont :
- 30-50 Wh/kg : batteries au plomb, celles assurant le
démarrage des moteurs des véhicules thermiques, celles des chariots élévateurs
;
- 90-180 Wh/kg : batteries lithium, lithium-ion et lithium
polymère, phosphate de fer lithié ;
- 100-120 Wh/kg : batteries chaudes au chlorure de
nickel-chlorure de sodium, sodium-soufre…
Actuellement, ces matériels ne permettent pas de stocker
de grandes quantités d'énergie (à l'échelle d'un réseau d'électricité d'un pays
moderne). Leur usage est néanmoins très large, des téléphone portables aux véhicules,
et partout où un secours ou un appoint en énergie électrique est exigé ou
souhaité : centraux téléphoniques, équipements électroniques, avions, bateaux,
etc.
Elles permettent de mettre « l'électricité en boîte » et
de la transporter partout où on le souhaite.
L'hydrogène,
un des vecteurs de la transition énergétique
L'hydrogène et ses développements actuels réalisés par les
chercheurs et industriels sont très intéressants pour l'avenir. Son utilisation
conduit selon ses promoteurs à un changement de paradigme dans le modèle
énergétique.
En effet, la fourniture d'énergie électrique actuelle est
la résultante d'une production régulière (centrales de puissance), à laquelle
s'associent des productions irrégulières (énergie éolienne/solaire).
L'Hydrogène de son côté est utilisé pour :
- l'industrie : usagé industriel de l'H2 ;
- la mobilité : H2 fuel, véhicules à PAC ;
- l'énergie : énergie-chaleur.
L'hydrogène est un produit utilisé massivement comme
matière première pour l'industrie. Ses ressources sont illimitées car c'est
l'élément le plus abondant sur terre. Il a une forte capacité énergétique. En
effet, 1kg H2 = 33,3 kWh soit 3 fois plus que les combustibles conventionnels.
La situation actuelle va conduire inéluctablement à
décider de valoriser les énergies renouvelables excédentaires, car produites,
par la force des choses, à des moments où elles ne sont pas nécessaires. C'est
la limite des technologies actuelles. Elles sont caractérisées par une
production irrégulière, la saturation des réseaux, l'absence de prédiction de
production. Il y a donc nécessité de valoriser les surplus, de lisser la
production et de stocker l'excédent.
L'hydrogène apparaît comme une
technologie adaptée au stockage massif de longue durée, notamment au travers du
stockage dans le réseau de gaz naturel. On estime ainsi que le stockage
pourrait atteindre environ 200 Mm3/an= 600 TWh, ce qui conduit à
valoriser les surplus d'énergie
par le réseau de gaz, ne
pas restreindre cette énergie aux sites de production, faciliter
l'interconnexion des deux réseaux d'énergie électrique et gaz en donnant plus de flexibilité et
en définitive améliorer l'efficacité globale des systèmes. Jusqu'à 6 % d'H2
peuvent être accueillis dans le réseau gaz.
A titre d'exemple, on peut citer :
- la plateforme MYRTE en Corse, objet d'une collaboration entre
l'université de Corse Pasquale-Paoli, AREVA H2GEN et le CEA, le commissariat à
l'Énergie atomique et aux Énergies alternatives. Son but est de démontrer la
faisabilité du couplage du solaire à une chaine Hydrogène vecteur énergétique
pour le stockage des énergies renouvelables ;
- le projet GRHYD à Dunkerque destiné à explorer les bénéfices de la
filière GN + H2 pour la ville durable et qui consiste à injecter de l'Hydrogène
provenant de surplus de productions électriques transformés en H2 dans le
réseau de gaz naturel d'un éco-quartier neuf, mais aussi à valoriser en hythane
carburant dans une flotte de cinquante autobus (80 % CH4 20 % d'H2).
Des perspectives intéressantes pour l'énergie apparaissent avec le
power-to-gas (P2G), qui est la résultante de deux schémas différents de
production de l'Hydrogène :
- production d'électricité - Electrolyse stockage d'H2 - utilisation ;
- capture de CO2 - méthanation - CH4 injection dans le réseau de gaz
En 2050 l'électrolyse pourrait conduire à la gestion de 25 TWh/an de
surplus de production.
>
Les bénéfices attendus du P2G sont nombreux :
- développer le service au réseau électrique (gestion des congestions)
;
- développer les services systèmes ;
- éviter une partie des investissements réseaux : évaluation de + de
100Mds €, dont une part importante due à l'accueil des capacités renouvelables
;
- décarboner le mix énergétique ;
- intégrer les EnR ;
- éviter les rejets de CO2 ;
- contribuer à une mobilité décarbonée : 10 TWh d'H2 alimentent 2,4
millions de véhicules ;
- capter et valoriser du CO2 via la méthanisation.
Ces développements devraient logiquement conduire vers ce que Joël de
Rosnay appelle ENERNET, c'est-à-dire vers une transformation du système
énergétique global.
L'intérêt du graphène
Le graphène est un cristal bidimensionnel hexagonal (monoplan) de
carbone, qui, empilé, constitue le graphite, et on le trouve à l'état naturel
dans le graphite. Il a été isolé en 2004 par un physicien d'origine russe, mais
enseignant en Angleterre, Andre Geim qui reçut le prix Nobel de physique en
2010 avec Konstantin Novoselov, pour ces découvertes.
C'est une forme allotropique du carbone constituant l'élément
structurel d'autres formes allotropiques comme le graphite, les nanotubes de
carbone, les fullerènes (sphères).
Il détient le record de conduction thermique 5300 W.m- 1.K-1, qui en
fait un matériau très intéressant partout où un phénomène thermique doit être
maitrisé, et donc les batteries électrochimiques, à la charge ou à la décharge.
Il a également une très bonne résistance mécanique.
Les applications de ce matériau sont nombreuses. On peut citer :
- électronique : transistor de graphène (mobilité électronique très
intéressante, peu d'échauffement) ;
- stockage d'énergie : support idéal pour les électrodes des batteries
: grande résistance mécanique et chimique, bonne durée de vie et faible perte
de capacité, grande surface d'échange du fait de la finesse des feuilles de
graphène, très bonne conductivité réduit les risques d'échauffement : la
capacité des batteries mettant en oeuvre le graphène est multipliée par un
facteur 10 ;
- matériaux : augmentation de la résistance mécanique et de la
thermostabilité dans les polymères.
Cette courte évocation des qualités de ce
matériau met en évidence son intérêt pour le développement futur de batteries à
grande capacité. Actuellement cher à produire, il devrait voir ses coûts de
production faiblir, avec l'augmentation des besoins de stockage, notamment pour
la mobilité et les réseaux de transport d'électricité, mais aussi par la mise
au point de techniques de production à grande échelle. ¾