Compte rendu du dîner-débat du 19 novembre2014

INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE,

ENJEUX STRATÉGIQUES POUR LA France

 

Intervention de Philippe VUILLEMIN

 

Quelques aspects importants de l'avenir énergétique

Tous les aspects de l'énergie ne pourront pas être abordés ici dans un temps relativement court et je parlerai principalement de l'énergie nucléaire, un peu le passé, mais surtout ce qui se prépare dans un avenir proche. J'aborderai les techniques de stockage de l'énergie notamment ce qui se prépare maintenant, et vous parlerai d'un nouveau matériau, le graphène promis à un succès important dans diverses technologies dont celles de l'énergie.

 

Les réacteurs nucléaires


Quelques généralités indispensables

Notons d'abord que l'énergie nucléaire, si décriée par certains, est présente partout dans l'univers et c'est même l'énergie la plus répandue. On ne peut pas aborder ce sujet sans parler de la physique de la radioactivité, mais ce thème nous entrainerait trop loin.

Succinctement, on distingue deux familles de réactions nucléaires, c'est-à-dire affectant le noyau des atomes :

- les réactions de fissions de noyaux lourds (ruptures ou cassures de noyaux atomiques par bombardements de particules, les neutrons en général) ;

- les réactions de fusion de noyaux légers, (Hydrogène et ses isotopes).

 

La première famille a conduit à la réalisation de la première bombe atomique. Les éléments fissiles sont l'uranium 235 ou le plutonium 239. La seconde a conduit à la mise au point des bombes dites à Hydrogène ou H, qui nécessitent pour fonctionner une amorce - bombe à fission au plutonium 239 - amenant à très haute température les éléments fusibles (deutérium ou eau lourde et tritium).

Les principaux avantages de la fusion sur la fission résident dans :

- une libération d'énergie 5 fois plus importante par réaction ;

- une réaction plus sûre (le refroidissement du plasma arrête la réaction) ;

- un matériau à disposition en quantité presque illimitée.

Enfin, la fission produit beaucoup plus de déchets hautement radioactifs.

Notons aussi que les rejets dans l'atmosphère de produits radioactifs à la suite d'éruptions volcanique sont extrêmement importants. Le volcan islandais Eyjafjöll a rejeté dans l'atmosphère 600 tonnes d'uranium et 1.800 tonnes de thorium ; ces rejets sont plus néfastes que les rejets de la catastrophe de Tchernobyl en prenant en compte l'inhalation de Cs 137. Les extraordinaires éruptions solaires, de leur côté, sont accompagnées de flux de particules qui nous environnent mais dont le magnétisme de la terre nous protège. La terre a été, et est encore selon certains physiciens le siège du fonctionnement de réacteurs naturels fonctionnant sur le principe de la fission, et le soleil est lui le siège de réactions de fusion.

Les réacteurs nucléaires se classent en deux grandes familles :

- les réacteurs à neutrons thermiques ;

- les réacteurs à neutrons rapides.

 

L'attente de la fusion

Il n'existe pas, en effet, pour le moment de réacteurs de puissance capables d'utiliser l'énergie de fusion, qui constitueraient la troisième famille, même si des expériences conduites dans des centres de recherche permettent d'envisager dans un avenir assez lointain cette possibilité.

 

C'est le cas du projet ITER (International Thermonuclear Expérimental Reactor) ou réacteur thermonucléaire expérimental international en français, nom qui n'est plus utilisé maintenant. ITER est une machine de type tokamak

de puissance, dont le but est de démontrer la faisabilité d'un réacteur nucléaire basé sur le principe de fusion, et produisant de l'électricité. Trente-cinq pays se sont associés pour la réalisation de ce projet en cours de réalisation à Cadarache en France près d'Aix-en Provence, projet d'un coût qui dépasse les 16 milliards d'euros. Le projet de réacteur qui devrait suivre est appelé projet DEMO. Parmi les buts poursuivis, on peut mentionner la recherche d'une sûreté de fonctionnement plus élevée que celle des réacteurs que nous connaissons et la production de moins de déchets nucléaires.

Les filières de réacteurs

Les filières de réacteurs utilisant le principe de la fission, à neutrons thermique ou rapides, qui correspondent à ce que la technologie a pu réaliser ou envisager de mettre au point, sont caractérisées principalement par le type de matière fissile, le modérateur en cas de réacteurs à neutrons thermiques et le fluide caloporteur, c'est à dire le fluide qui permet de récupérer la chaleur obtenue par le fission des atomes lourds. Ils utilisent le plus généralement de l'Uranium naturel, l'uranium 238, de l'uranium 235 obtenu par enrichissement de l'uranium naturel, ou du plutonium 239 produit dans les réacteurs et récupéré par traitement dans des usines de retraitement d'éléments combustibles usagés.

En effet, même si d'autres processus de fonctionnement sont envisageables (cf. plus loin le cycle du thorium) l'industrie a produit essentiellement des réacteurs fonctionnant sur le principes du cycle de l'uranium, surtout sur la base d'uranium faiblement enrichi en uranium 235.

Sur ce sujet il est très intéressant de noter les prises de position de l'un des acteurs importants du développement de l'énergie nucléaire civile, le physicien américain Alvin Weinberg qui a participé à la réalisation du programme Manhattan - mise au point de la première bombe atomique - et qui a ensuite dirigé le célèbre laboratoire national d'Oak Ridge. Alvin Weinberg, qui a contribué au développement des réacteurs à eau pressurisée que nous connaissons bien - c'est le parc français de réacteurs - pour les besoins de la propulsion des sous-marins nucléaires, a travaillé ensuite à la mise au point de réacteurs à sels fondus offrant beaucoup d'avantages en termes de sûreté de fonctionnement, de rendement énergétique et de déchets nucléaires. Bien avant l'heure, ce physicien a prôné l'utilisation du cycle au thorium de préférence à celui de l'Uranium, notamment parce que le thorium est plus largement répandu dans la croûte terrestre (autant que le plomb) et que l'exploitation d'un réacteur de ce type pendant près de quatre ans l'a convaincu que c'était une meilleure solution que celle des réacteurs à eau légère. Les réacteurs à sels fondus fonctionnant sur le principe du cycle du thorium sont explicités plus loin.

 

Le classement du Forum international Génération IV

Le Forum international Génération IV, initiative regrou-pant au départ treize pays, a classé les réacteurs en fonction de la date de maturité de la technologie :

- réacteurs construits avant 1970, UNGG en France, Magnox en Grande Bretagne, PWR aux États-Unis, et en France ;

- réacteurs construits entre 1970 et 1998 REP, REB, RBMK en Russie, VVER qui est un REP russe, CANDU au Canada ;

- réacteurs dérivés des précédents et conçus pour les remplacer à partir de 2013-2020 : EPR d'Areva, APR 1400 de KEPCO, AP1000 de Toshiba Westinghouse principalement ;

- autres réacteurs en cours de conception correspondants aux 6 filières définies par le Forum International Génération IV, soit :

 

• réacteur à neutrons rapides à caloporteur

sodium(SFR),

• réacteur nucléaire à très haute température (VH-TR),

• réacteur à sels fondus (MSR),

• réacteur à eau supercritique (SCWR),

• réacteur rapide à caloporteur gaz (GFR),

• réacteur rapide à caloporteur plomb (LFR),

• réacteur sous critique piloté par accélérateur dédié à la transmutation.

Nota: Phénix et Superphénix sont des prototypes de génération IV. Astrid, leur successeur de 600 MWe (CEA) sera mis en service en 2020.

La situation actuelle

La situation actuelle met en évidence les points suivants (hors militaire) :

- au 1er avril 2012, 436 réacteurs de puissance fonctionnent dans le monde ;

- en 2013, 72 sont en construction, le plus grand nombre de mises en chantier depuis 1989, (réf. AIEA) ;

 

- quatre pays (États-Unis, France, Japon et Russie) disposent de 244 réacteurs, soit 56 % du nombre total de réacteurs dans le monde ;

- en 2030, l'industrie nucléaire devrait avoir doublé sa capacité de production (développement asiatique) ;

- la répartition par filière est la suivante :

• 272 réacteurs à eau pressurisée, (PWR ou REP),

• 84 réacteurs à eau bouillante, BWR ou REB),

• 47 réacteurs à eau lourde pressurisée (HWPR),

• 2 réacteurs à neutrons rapides (RNR),

• 16 réacteurs refroidis au gaz, (GCR),

• 15 réacteurs refroidis à l'eau légère et modérées au

graphite (LWGR)

Par ailleurs l'impact de l'accident nucléaire de Fukushima se présente ainsi :

- Japon : 4 réacteurs détruits et 42 réacteurs à l'arrêt ;

- Allemagne : 8 réacteurs définitivement arrêtés ;

- Royaume Uni : 1 réacteur arrêté ;

- parallèlement, plusieurs réacteurs ont été mis en service dans différents pays en 2011 (1 au Pakistan, 3 en Chine, 1 en Iran et 1 en Russie, et en 2012, 2 en Corée du Sud).

 

La situation est donc loin d'être ce que certains annoncent, à savoir la disparition de l'énergie nucléaire à court ou moyen terme. Par ailleurs, les détracteurs du nucléaire et partisans des énergies renouvelables ne considèrent pas le problème dans son ensemble, ne font guère d'ana-lyse du comportement des systèmes de production-distribution et oublient généralement de mentionner la nécessité de compenser l'absence de production liée à l'intermittence du fonctionnement de ces énergies par des énergies rapidement disponibles, qui ne peuvent être qu'à base d'énergies fossiles et donc carbonées.

Le résultat en est une augmentation de la production de dioxyde de Carbone, avec les conséquences que l'on connaît sur le réchauffement de la terre par effet de serre et les dérèglements climatiques l'accompagnant. La situation est donc paradoxale puisque ceux qui proposent d'aller vers plus d'énergies renouvelables décarbonées imposent de facto des solutions carbonées. La démonstration de cette situation invraisemblable est faite par l'Allemagne en ce moment même, laquelle se trouve prise au piège des solutions éoliennes et photovoltaïques qui doivent être compensées par des centrales à gaz et au charbon. L'indépendance énergétique de l'Allemagne n'y trouve évidemment pas son compte. Le gaz russe et le charbon américain y trouvent, eux, leur compte, le charbon américain étant bradé du fait de la production très importante de gaz et de pétrole provenant de l'exploitation des « gaz de schiste » aux États-Unis.

La situation aux États-Unis et en Chine, pour ne parler que de ces deux pays est différente, mais ce sont ces deux grands pays qui produisent le plus de dioxyde de carbone, même si des projets de recherche importants sur les sources de production d'énergie sont en cours de développement pour tenter de limiter les effets néfastes des politiques actuelles en matière d'énergie.

Le cycle Thorium et les réacteurs nucléaires à sels fondus


Pourquoi nous focaliser ici sur les réacteurs de ce type ?

Ces réacteurs présentent des caractéristiques très intéressantes sur plusieurs plans qui les rendent extrêmement attractifs, principalement dans le cadre du cycle thorium.


Un court historique

Aux USA, sous l'impulsion du laboratoire national d'Oak Ridge, un projet de réacteur d'avion en 1954 a fonctionné mille heures. Puis dans les années 1960 les recherches conduites par ce laboratoire ont permis la réalisation d'un réacteur expérimental à sels fondus (MSRE) de 7,4 MWth, pour simuler la neutronique d'un coeur de réacteur surgénérateur au thorium intrinsèquement sûr. Critique en 1965, il a fonctionné quatre ans, avec un facteur de charge de 85 %.

Ces essais ont montré la faisabilité et le caractère attractif

d'un cycle au thorium minimisant les déchets, ceux-ci pour la plupart ayant une durée de vie courte. Les recherches se sont provisoirement achevées dans la période 70-76, la conception n'ayant pas abouti. En effet, les réacteurs refroidis au sodium leur ont été préférés.

Le thorium

C'est un produit assez abondant dans la croute terrestre, à peu près comme le plomb. Utilisé dans le cadre d'un cycle de combustible fondé sur le thorium, les réserves connues conduisent à disposer de quantités cinq cents fois plus importantes que celles de l'uranium 235 et certains experts estiment que ces réserves sont suffisantes pour assurer à l'humanité ses besoins éner-gétiques pour cinq cents ans, à consommation équivalente à celle des États-Unis aujourd'hui. En utilisant le thorium dans un réacteur à neutrons rapides, en surgénérateur, les réserves se monteraient à plusieurs millions d'années.


Le concept des réacteurs à sels fondus

Les réacteurs à sels fondus (RSF en français et MSR en anglais = Molten salt reactor) sont caractérisés par :

- un combustible nucléaire sous forme de sel fondu (600 à 900 °C) ;

- un sel fondu qui est à la foi le combustible, le fluide caloporteur et la barrière de confinement.

Les réacteurs peuvent être soit à neutrons thermiques, avec un modérateur qui peut être du graphite, ou bien à neutrons rapide avec une couverture fertile.

Les études sur ces réacteurs sont nombreuses (années 70) mais la Chine, actuellement est le seul pays qui a un programme ambitieux pour industrialiser cette technologie avec un premier programme de 400 M€.

Dans le principe, le sel fondu est du fluorure de lithium (LiF) et du fluorure de béryllium (BeF2) servant de fluide caloporteur, de combustible et de première barrière de confinement. Il est contenu dans une cuve métallique contenant le sel à haute température mais à pression ambiante. La réaction nucléaire est déclenchée par la concentration en matière fissile dans le réacteur ou par le passage dans un bloc modérateur en graphite.

Le combustible est soit de l'uranium 235, soit du plutonium 239 ou de l'uranium 233 issu de la conversion du thorium sous flux neutronique. La surgénération peut être assurée à l'aide d'une couverture contenant l'isotope fertile à irradier.

Il existe deux grandes familles de RSF :

- les réacteurs à neutrons thermiques à coeur en graphite modérateur. Le liquide circule dans les canaux, devient critique au passage dans le coeur et voit sa température croitre d'environ 100 °C. La variation de débit permet le contrôle de la puissance. Ce type de réacteur a été testé à Oak Ridge avec succès ;

- les réacteurs à neutrons rapides, ne contiennent pas de modérateur. Ils ont une charge plus grande de combustible fissile. La puissance du réacteur est contrôlée par la dilatation du sel. C'est le modèle proposé par le CNRS à Grenoble. Il permet d'utiliser certains déchets nucléaires comme amorce (plutonium, curium, neptunium, americium).

 

Ces réacteurs sont associés à une usine de traitement du combustible en ligne séparant les produits de fission au fur et à mesure de leur production. Il convient de noter que les réacteurs à neutrons rapides réduisent le besoin de retraitement (moins de captures stériles).

Les cycles des combustibles Uranium et Thorium

Les cycles des matériaux fissiles, en l'occurrence uranium et thorium sont caractérisés par les événements apparaissant dans leurs noyaux et les noyaux de leurs descendants à la suite de capture de neutrons lors des réactions nucléaires.

Dans le cycle uranium 235 -plutonium 239, exploité actuellement, nous nous trouvons dans l'obligation d'enrichir généralement l'uranium 238 en uranium 235, fissile, au prix de coûteuses opérations dans des usines d'enrichissement, puis de retraitement dans des usines de retraitement des éléments combustibles usagés, type La Hague, afin de récupérer le plutonium, et quelques produits de fissions intéressant l'industrie, la recherche ou la médecine, et de stocker le reste dans lequel on trouve des produits hautement radioactifs à vie longue et très longue.

Dans le cycle thorium 232-uranium 233, la cascade d'événements qui se produit au niveau des fissions et des captures neutroniques aboutit à la disparition de la majorité des atomes fissiles, les produits de fission qui apparaissent dans cette série d'événements ont des vies assez courtes, voire très courtes, le seul produit transuranien de haute activité restant le neptunium 237 (demi-vie de 2,7 millions d'années). Il est présent à hauteur de 2 à 3 % de la quantité initiale d'uranium 233. Le neptunium 237 peut d'ailleurs à son tour s'il est « recyclé » en réacteur produire des isotopes du plutonium, non fissiles qui à leur tour, sous flux neutronique, vont produire des isotopes fissiles du plutonium, conduisant in fine à la production d'isotopes des actinides mineurs américium et curium.

Les inconvénients des RSF

Ce sont principalement les suivants :

- continuer la recherche pour traiter les interrogations en suspens (prototypes, tête de série…) ;

- spécifier l'usine de traitement chimique en continu ;

- spécifier les mesures conservatoires liées à la production de tritium (lié au lithium) ;

- traiter le problème de maintien en température pour le sel à base de fluor sur une longue période ;

- adapter la réglementation ;

- vérifier et confirmer le choix des matériaux ;

- démontrer la compétitivité économique à par rapport aux filières existantes.


Les avantages des RSF

Ce sont les suivants :

- le cycle thermique a lieu à haute température et conduit à un meilleur rendement pour la production d'électricité ;

- les déchets du cycle Thorium sont à vie courte pour la plupart ;

- le thorium est abondant et réparti sur toute la planète ;

- les aspects sûreté sont très intéressants : les RSF sont les seuls à présenter toutes les garanties de sûreté exigé par le Forum génération IV ;

- la sûreté ne repose pas sur des équipements mais sur des lois physiques : gravité, conduction thermique, coefficient de vide négatif, pas d'eau donc pas d'explosion de gaz ou vapeur ou d'Hydrogène, sels fondus à basse pression ;

- la cuve est relativement mince car le sel fondu est à pression basse ;

- en cas de difficulté, la récupération des sels s'effectue par gravité et le refroidissement par convection thermique. La récupération des sels refroidis et solides est possible ;

- l'exploitation du thorium est peu onéreuse (moins chère que le charbon minéral) ;

- ces combustibles sont des alternatives à l'uranium. Ils sont issus du cycle thorium, en quantité cinq cents fois supérieure à l'uranium 235 ;

- les réserves estimées permettent d'assurer la totalité des besoins énergétiques de l'humanité au niveau de celui des USA pendant au moins cinq cents ans ;

 

- en surgénérateur, en spectre rapide, l'utilisation du plutonium et de l'uranium est possible d'où des réserves chiffrées en milliers d'années, et avec les réserves non conventionnelles (uranium marin) on atteint plusieurs millions d'années ;

- il n'y a pas de nécessité d'enrichissement isotopique mais il faut disposer d'uranium 233.

 

Les projets en cours

La Chine et les USA collaborent à la réalisation de projets en Chine. L'Inde de son coté, qui possède de grandes réserves de thorium, s'intéresse beaucoup à cette filière, ainsi que le Japon. En France des études sont menées au CNRS. Des études en Norvège (combustible « THOX ») se poursuivent actuellement. Par ailleurs, des entrepreneurs privés américains, australiens et tchèques sont engagés dans la mise au point de réacteurs à sel fondu. Enfin, la fondation Weinberg en Grande-Bretagne fondée en 2011, promeut la production d'énergie à base de thorium. Ce bref tour d'horizon met en évidence à la fois l'intérêt de nombreux pays pour les RSF et quelquefois la faiblesse des moyens engagés.

En conclusion, le cycle thorium a des avantages liés à une sécurité intrinsèque des réacteurs, une source de combustible importante et abondante, et à l'absence d'installations d'enrichissement compliquées et coûteuses. Il convient noter néanmoins que le thorium naturel n'est pas fissile mais fertile et par conséquent il faudra disposer au démarrage d'une quantité importante d'uranium 233 produite par d'autres réacteurs.

Le stockage de l'énergie


Certaines sources d'énergie sont stockées à l'état naturel et nécessitent extraction, transport et transformation pour être utilisées sous une forme purifiée, transformée ou distribuable facilement. C'est le cas du charbon, du pétrole et de ses dérivés, du gaz mais aussi de la biomasse, de l'hydraulique ou du nucléaire.

L'électricité produite à partir de certaines de ces sources ne peut par contre pas être stockée commodément, alors même que cette énergie est largement distribuée et se

développe partout compte tenu des avantages qu'elle procure. Les énergies nouvelles ou alternatives que sont l'énergie photovoltaïque et éolienne sont distribuées sous forme électrique et compte tenu de leur intermittence pose un grave problème pour leur développement, indépendamment de leurs coûts de production, lié au problème de l'envoi sur le réseau électrique de surplus de courant pas nécessairement utiles en fonction de leur heure de production.

Mais notons d'emblée que la distribution d'électricité nécessiterait à elle seule une séance d'explicitations.

Les différentes techniques de stockage de l'énergie

Différentes techniques de stockage de l'énergie existent que les spécialistes du sujet classent en :

- stockage mécanique (barrage hydroélectrique, Station de transfert d'énergie par pompage ;

- stockage d'énergie par air comprimé, volants d'inertie ;

stockage électrochimique (piles, batteries, Hydrogène) ;

- stockage électromagnétique par bobines supraconduc-trices ou supercapacités ;

- stockage thermique par chaleur latente ou sensible.

Dans la pratique, l'énergie hydraulique (celle des barrages et des centrales au fil de l'eau) est pratiquement la seule à répondre presque instantanément à des besoins nouveaux nécessaires au soutien du réseau et son stockage est maitrisé par des retenues d'eau artificielles à la technologie bien connue. En France, malheureusement, la plupart des sites utilisables sont équipés et il ne reste pas de potentiel d'équipement financièrement intéressant, sans compter les difficultés liées à la défense de l'environnement.

Les batteries électrochimiques

C'est un mode de stockage bien connu, chacun a une batterie dans sa voiture et connaît donc, par l'usage, ces matériels. Les développements assez récents de la voiture électrique ont mis en évidence leurs limites malgré des progrès technologiques considérables obtenus au prix de recherches longues et coûteuses. Ces progrès continuent et l'on espère une révolution dans ce domaine liée, notamment, à la mise en oeuvre de batteries utilisant le graphène, matériau sur lequel je reviens un peu plus loin.

Une batterie est caractérisée par sa capacité exprimée en A.h. L'énergie qu'elle contient s'exprime en Wh pour les éléments pris individuellement ou en kWh pour la batterie assemblée, résultat du produit de sa capacité par la tension qu'elle délivre, et un critère de classement très répandu est celui de la hiérarchisation par la densité massique ou énergie spécifique exprimées en Wh/kg. Un autre critère de classement est celui obtenu par la densité volumique ou densité d'énergie, correspondant à la quantité d'énergie exprimée en Wh/m³ ou Wh/dm³.

Différentes filières existent, dont les plus connues par ordre croissant de densité d'énergie sont :

- 30-50 Wh/kg : batteries au plomb, celles assurant le démarrage des moteurs des véhicules thermiques, celles des chariots élévateurs ;

- 45-110 Wh/kg : batteries alcalines nickel-cadmium, nickel-métal hydrure, nickel-zinc ;

- 90-180 Wh/kg : batteries lithium, lithium-ion et lithium polymère, phosphate de fer lithié ;

- 100-120 Wh/kg : batteries chaudes au chlorure de nickel-chlorure de sodium, sodium-soufre…

 

Actuellement, ces matériels ne permettent pas de stocker de grandes quantités d'énergie (à l'échelle d'un réseau d'électricité d'un pays moderne). Leur usage est néanmoins très large, des téléphone portables aux véhicules, et partout où un secours ou un appoint en énergie électrique est exigé ou souhaité : centraux téléphoniques, équipements électroniques, avions, bateaux, etc.

Elles permettent de mettre « l'électricité en boîte » et de la transporter partout où on le souhaite.

L'hydrogène,

un des vecteurs de la transition énergétique

L'hydrogène et ses développements actuels réalisés par les chercheurs et industriels sont très intéressants pour l'avenir. Son utilisation conduit selon ses promoteurs à un changement de paradigme dans le modèle énergétique.

En effet, la fourniture d'énergie électrique actuelle est la résultante d'une production régulière (centrales de puissance), à laquelle s'associent des productions irrégulières (énergie éolienne/solaire).

L'Hydrogène de son côté est utilisé pour :

- l'industrie : usagé industriel de l'H2 ;

- la mobilité : H2 fuel, véhicules à PAC ;

- l'énergie : énergie-chaleur.

 

L'hydrogène est un produit utilisé massivement comme matière première pour l'industrie. Ses ressources sont illimitées car c'est l'élément le plus abondant sur terre. Il a une forte capacité énergétique. En effet, 1kg H2 = 33,3 kWh soit 3 fois plus que les combustibles conventionnels.

La situation actuelle va conduire inéluctablement à décider de valoriser les énergies renouvelables excédentaires, car produites, par la force des choses, à des moments où elles ne sont pas nécessaires. C'est la limite des technologies actuelles. Elles sont caractérisées par une production irrégulière, la saturation des réseaux, l'absence de prédiction de production. Il y a donc nécessité de valoriser les surplus, de lisser la production et de stocker l'excédent.

L'hydrogène apparaît comme une technologie adaptée au stockage massif de longue durée, notamment au travers du stockage dans le réseau de gaz naturel. On estime ainsi que le stockage pourrait atteindre environ 200 Mm3/an= 600 TWh, ce qui conduit à valoriser les surplus d'énergie


par le réseau de gaz, ne pas restreindre cette énergie aux sites de production, faciliter l'interconnexion des deux réseaux d'énergie électrique et gaz en donnant plus de flexibilité et en définitive améliorer l'efficacité globale des systèmes. Jusqu'à 6 % d'H2 peuvent être accueillis dans le réseau gaz.

A titre d'exemple, on peut citer :

- la plateforme MYRTE en Corse, objet d'une collaboration entre l'université de Corse Pasquale-Paoli, AREVA H2GEN et le CEA, le commissariat à l'Énergie atomique et aux Énergies alternatives. Son but est de démontrer la faisabilité du couplage du solaire à une chaine Hydrogène vecteur énergétique pour le stockage des énergies renouvelables ;

- le projet GRHYD à Dunkerque destiné à explorer les bénéfices de la filière GN + H2 pour la ville durable et qui consiste à injecter de l'Hydrogène provenant de surplus de productions électriques transformés en H2 dans le réseau de gaz naturel d'un éco-quartier neuf, mais aussi à valoriser en hythane carburant dans une flotte de cinquante autobus (80 % CH4 20 % d'H2).

 

Des perspectives intéressantes pour l'énergie apparaissent avec le power-to-gas (P2G), qui est la résultante de deux schémas différents de production de l'Hydrogène :

- production d'électricité - Electrolyse stockage d'H2 - utilisation ;

- capture de CO2 - méthanation - CH4 injection dans le réseau de gaz

 

En 2050 l'électrolyse pourrait conduire à la gestion de 25 TWh/an de surplus de production.

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Les bénéfices attendus du P2G sont nombreux :

- développer le service au réseau électrique (gestion des congestions) ;

- développer les services systèmes ;

- éviter une partie des investissements réseaux : évaluation de + de 100Mds €, dont une part importante due à l'accueil des capacités renouvelables ;

- décarboner le mix énergétique ;

- intégrer les EnR ;

- éviter les rejets de CO2 ;

- contribuer à une mobilité décarbonée : 10 TWh d'H2 alimentent 2,4 millions de véhicules ;

- capter et valoriser du CO2 via la méthanisation.

 

Ces développements devraient logiquement conduire vers ce que Joël de Rosnay appelle ENERNET, c'est-à-dire vers une transformation du système énergétique global.

L'intérêt du graphène


Le graphène est un cristal bidimensionnel hexagonal (monoplan) de carbone, qui, empilé, constitue le graphite, et on le trouve à l'état naturel dans le graphite. Il a été isolé en 2004 par un physicien d'origine russe, mais enseignant en Angleterre, Andre Geim qui reçut le prix Nobel de physique en 2010 avec Konstantin Novoselov, pour ces découvertes.

C'est une forme allotropique du carbone constituant l'élément structurel d'autres formes allotropiques comme le graphite, les nanotubes de carbone, les fullerènes (sphères).

Il détient le record de conduction thermique 5300 W.m- 1.K-1, qui en fait un matériau très intéressant partout où un phénomène thermique doit être maitrisé, et donc les batteries électrochimiques, à la charge ou à la décharge.

Il a également une très bonne résistance mécanique.

Les applications de ce matériau sont nombreuses. On peut citer :

- électronique : transistor de graphène (mobilité électronique très intéressante, peu d'échauffement) ;

- stockage d'énergie : support idéal pour les électrodes des batteries : grande résistance mécanique et chimique, bonne durée de vie et faible perte de capacité, grande surface d'échange du fait de la finesse des feuilles de graphène, très bonne conductivité réduit les risques d'échauffement : la capacité des batteries mettant en oeuvre le graphène est multipliée par un facteur 10 ;

- matériaux : augmentation de la résistance mécanique et de la thermostabilité dans les polymères.

Cette courte évocation des qualités de ce matériau met en évidence son intérêt pour le développement futur de batteries à grande capacité. Actuellement cher à produire, il devrait voir ses coûts de production faiblir, avec l'augmentation des besoins de stockage, notamment pour la mobilité et les réseaux de transport d'électricité, mais aussi par la mise au point de techniques de production à grande échelle. ¾




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07.01.2015
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