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HOMMAGE
A MADAME YVONNE DE GAULLE
Par Christine ALFARGE
« Sans elle, rien de ce qui a été fait n’aurait pu l’être
»
Jusqu’à sa mort le 8 novembre 1979, celle qui aura été dans l’ombre de
Charles de GAULLE depuis leur union le 6 avril 1921 à Calais, aura su préserver
les circonstances intimes au côté du Général qu’elle a tant admiré. Dès leur
première rencontre, elle n’eut de cesse auprès de ses parents de s’exprimer sur
les sentiments qu’elle éprouvait, « Ce sera lui et personne d’autre,
disait-elle ».
Une femme d’exception.
Née d’une famille riche,
opulente et avant-gardiste, Yvonne de GAULLE était avant tout une femme ayant le
souci des autres et sur les principes, une femme du 19ème siècle dont Madame
DROMER sa collaboratrice mais aussi sa
plus proche confidente se plaît à le souligner. Elle incarnera un modèle
dans sa vie, attentive aux autres, d’une extrême gentillesse avec les gens
qu’elle recevait. Yvonne de GAULLE entretiendra une correspondance journalière
avec les sœurs de 1946 jusqu’à sa mort. En 1948, elle s’exprimera en ces termes
dans une lettre sur le drame familial vécu douloureusement « Nous donnerions tout ce que nous
avons… ».
Protocole de l’Elysée oblige, Yvonne de GAULLE exercera son rôle à
merveille. Active en matière des handicapés majeurs, son avis sera déterminent
lorsque Madame DROMER qui travaillait également avec Jean FOYER, sera chargée
par ce dernier de lui présenter le texte traitant des handicapés majeurs,
transmis quelque temps après au Conseil des ministres. Une loi en faveur des handicapés majeurs
émanera de la décision de Jean FOYER de mettre en place les tutelles et les
curatelles. Mais le grand combat d’Yvonne de GAULLE restera en faveur de
l’enfance handicapée à travers la
Fondation Anne de GAULLE au château de Vert-Cœur à Milon-la Chapelle dont elle
deviendra présidente en 1948 avec comme secrétaire général Georges POMPIDOU même
lorsqu’il exercera ces fonctions de 1er ministre. Sur la base d’une
relation de confiance, ils traiteront ensemble des affaires
quotidiennes.
Des femmes d’engagement.
Geneviève de GAULLE ANTHONIOZ et nièce du Général écrivait dans son
livre « le secret de l’espérance » : « Comment espérer garantir l’accès de tous aux
droits de tous si on ne demande pas en permanence ce qu’il advient du plus
exclu ? La confiance de beaucoup de personnes en difficulté s’est
altérée. Elles doutent de leur égale dignité d’êtres humains lorsqu’on les jette
à la rue sans relogement, lorsqu’on leur prend leurs enfants sans leur avoir
apporté le soutien suffisant pour les élever elles-mêmes, lorsque l’ouverture
d’un droit se transforme en contrôle de la vie privée, lorsqu’on les enferme
dans des emplois précaires qui ne leur permettent ni de vivre décemment, ni de
faire des projets d’avenir ». Nous ne pouvons être indifférents aux
difficultés rencontrées par les plus démunis notamment dans le domaine du
logement ou de l’accès à l’énergie. Quelle espérance si nous n’avons pas le
souci des autres en permanence sur leur devenir ? Yvonne de GAULLE était
consciente de son rôle actif dans des actions de solidarité, de lutte contre la
précarité, sa générosité allait même jusqu’à prendre sur ses deniers personnels
afin de soulager la souffrance de telle ou telle personne dont les difficultés
étaient parvenues jusqu’à ses oreilles. Son regard tourné vers les plus
vulnérables, remettra sans cesse en question le lien de confiance permanent qui
doit exister entre le peuple et celui qui a la légitimité dans l’exercice du
pouvoir, autrement dit son époux le Général de GAULLE.
Son rôle sera également déterminent sur la contraception, sujet qu’elle
abordera avec une grande tolérance. Au printemps1966, Lucien NEUWIRTH alors
député, évoque qu’au cours d’un déjeuner à l’Elysée, le Général s’adresse à
lui : « Dites donc, NEUWIRTH, il faudra que vous veniez vous
entretenir avec moi ». Il comprend à ce moment là que sa proposition de
loi autorisant la contraception orale a le soutien d’Yvonne de GAULLE et qu’il
va bientôt pouvoir plaider en faveur de ce projet de loi qui lui tient tant à
cœur. Devant la nature impressionnante du Général, Lucien NEUWIRTH ira jusqu’au
bout de son exposé, en ajoutant : « Mon Général, à la Libération,
vous avez donné le droit de vote aux femmes. Aujourd’hui, les temps sont venus
de leur donner le droit de maîtriser leur propre fécondité ». Après un
long silence éloquent lorsque la partie semble perdue, soudain le Général
s’exclame : « C’est vrai. Transmettre la vie, c’est important. Il
faut que ce soit un acte lucide. Continuez ». La semaine suivante,
l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée
nationale sera décidée en Conseil des ministres à la demande du Général de
GAULLE.
Une femme influente et déterminée.
Selon Jacques PATIN, ancien collaborateur du Général et grand admirateur
de Madame de GAULLE : « L’avis d’Yvonne pesait sur les décisions du
Général qui avait l’habitude d’étudier chez lui avant toute adoption ».
Sur le plan politique, Yvonne de GAULLE sera opposée au RPF et tentera d’influer
en vain sur son époux pendant « sa traversée du désert », elle souhaitait
plus que tout qu’il commence sa retraite à « La Boisserie », à Colombey-les-Deux-Eglises. La cohérence
dans les principes et la conduite politique incarnait la version gaullienne du
gaullisme représentant un ensemble que l’on ne pouvait pas segmenter. Dans sa
conférence de presse du 19 mai 1958, le Général déclarait : « Je suis un homme qui n’appartient à personne
et qui appartient à tout le monde ». A travers son action, la France allait
être sauvée du désastre qui l’enfonçait dans la guerre d’Algérie finissant
seulement des années plus tard.
Après la disparition du Général de GAULLE, le 9 novembre 1970, Yvonne de
GAULLE portera toujours un intérêt sur l’actualité, notamment sur les élections législatives de 1973.
Celle qui continuera d’incarner « la tradition, le respect des valeurs
morales et le sens du devoir », aura contribué par son intuition et son
courage lors de la débâcle de 1940, à aider celui qui restera le dernier héros
de notre histoire, préservant le destin de la France pour l’éternité. |