Par Christine
ALFARGE
« La
politique arabe du Général de GAULLE est une politique de paix, d'équilibre, de
justice »
Elle est nécessaire voire stratégique,
pour exister en tant que puissance au Proche et Moyen-Orient où il se trouve
d’autres puissances. La politique arabe de la France est un des volets de la
politique étrangère du Général de GAULLE.
Quels sont les fondements de cette
politique ?
C’est à la fin des années 1920, que le
Général de GAULLE fort de son expérience personnelle, tant pour l’avoir vu que
pour l’avoir vécu, comme il disait dans « l’Orient compliqué », s’ouvre à
lui une réalité à laquelle il était sensible par l’extrême fragilité de sa
construction résultant d’un accord diplomatique heurtant de ce fait le sentiment
national des peuples soumis à une domination étrangère. C’est en prenant contact
avec le Liban, qu’il découvre toute la complexité de cette région, il s’exprime
en ces termes : « Les liens entre la France et le
Liban s'illustrent par leur solidité et leur sincérité. Si la France est
investie d'une mission en Orient, le Liban est, de son côté, investi d'une
mission en Europe. C'est pourquoi il importe à nos deux pays de demeurer en
accord, solidaires, non seulement sur les questions d'ordre pratique, mais
également sur les questions politiques. Cette coopération peut aider à restaurer
la paix dans la région où se trouve le Liban, et contribuer ainsi à la paix dans
le monde ».
Au regard de l’Histoire, telle
l’alliance du roi François 1er avec Soliman le Magnifique dont
l’Empire s’étendait sur la plupart des pays arabes, le Général de GAULLE aura
toujours à l’esprit les liens historiques entre la France et l’Orient,
développés dans une relation particulière depuis le 15ème siècle
jusqu’à aujourd’hui. Prenant en charge toute l’Histoire de son pays, le Général
de GAULLE ne pouvait qu’en assurer la continuité.
Son expérience politique commença avec
l’analyse du rôle des pays du sud et de l’Est de la Méditerranée dans les grands
conflits mondiaux. A partir de là, cette région du monde devenait incontournable
et devait faire l’objet à l’avenir de projets et d’approches d’une politique
étrangère française. Sa politique arabe va véritablement débuter à son retour au
pouvoir en 1958.
Quel préalable à une politique
arabe ?
A cette période, la politique française
est dominée par la guerre d’Algérie qui n’en finit pas, provoquant ainsi la
rupture des relations diplomatiques de la part de plusieurs Etats du
Proche-Orient. Cela entravait naturellement tout développement des relations
franco-arabes. Dans ce contexte difficile, la France prendra quelques
initiatives vis-à-vis du Proche-Orient, notamment par la signature d’un texte le
22 août 1958 afin de régler le problème de l’indemnisation des actionnaires de
la Compagnie du Canal de Suez.
Au Proche-Orient, l’application du
principe d’autodétermination du peuple algérien prônée par le Général de GAULLE
dans son discours du 16 septembre 1959, fera son chemin dans les milieux
politiques, économiques et intellectuels qui pensent réellement à son
aboutissement. Cependant, sur les réalités nationales au Proche-Orient, le
Général de GAULLE n’a cessé de montrer la volonté de rétablir un équilibre rompu
avant lui et nous livre un véritable plaidoyer à travers ses Mémoires d’espoir,
il écrit : « Si l’existence d’Israël me paraît très justifiée,
j’estime que beaucoup de prudence s’impose à lui à l’égard des Arabes. Ceux-ci
sont ses voisins et le sont pour toujours… »
Le rééquilibrage de la position
politique française au Proche-Orient.
La crainte que les tensions soient un
terrain d’affrontements pour les grandes puissances, domine, à travers les
rencontres avec de nombreux dirigeants arabes, le Général de GAULLE lance
inlassablement un message de paix, d’équilibre et de justice comme le 19 février
1969 lors d’un déplacement en Arabie Saoudite, où il déclare
« l’équilibre au Proche-Orient est nécessaire pour
l’humanité ». En réalité, la politique arabe du Général de GAULLE ne se
sépare d’aucune manière de l’ensemble de la politique étrangère, telle la
reconnaissance de la Chine ou le rapprochement avec la Russie. Son analyse
repose sur plusieurs données essentielles, l’existence d’un nouvel ordre mondial
à travers l’émergence du Tiers Monde, l’éclatement du camp communiste, la parité
entre les puissances nucléaires. Dans cette perspective, la politique française
d’indépendance prend tout son sens signifiant une contestation des blocs
Est-Ouest, une résistance à l’hégémonie économique, stratégique et géographique,
un dialogue permanent avec toutes les puissances se réclamant de la même volonté
d’indépendance, autrement dit, du refus de l’alignement.
L’indépendance nationale ne se divise
pas.
La France incarnait un interlocuteur
privilégié, par son exemple, elle prouvait que l’on pouvait avoir avec un pays
industriel développé, des rapports qui ne soient pas de subordination ou de
nature hégémonique. Telle était la leçon que voulait donner au monde le Général
de GAULLE sur sa politique étrangère.
Le prestige du Général de GAULLE dans
le monde arabe était immense, les propos du Président égyptien NASSER très
éloquents : « l’amitié du Général de GAULLE sur laquelle on peut
compter ». Il y avait une redistribution des cartes, des contacts
étaient pris, notamment une première approche vers les pays du Golfe. Les pays
arabes soutenaient la politique du Général de GAULLE, mais cette politique était
sans doute plus ressentie par les peuples arabes eux-mêmes, les sociétés
arabes et musulmanes se ressemblent entre elles, elles sont solidaires entre
elles et ce qui les fascinait avant tout avec le Général de GAULLE, c’est
l’image de libérateur de son pays.
En France, la politique arabe n’a pas
eu le soutien d’une grande majorité qui ne comprenait pas les choix du Général
de GAULLE s’inscrivant dans une tradition d’indépendance, leçon capitale qui
jalonnera toute la politique étrangère de la Vème république. Lors de son
départ, il y aura une évolution significative concernant cette politique qui va
renouer avec les traditions et les intérêts de la France. Cette continuité n’a
de sens que si l’on admet que le Général de GAULLE a puisé ses sources dans
l’histoire ancienne des relations entre la France et l’Orient donnant à sa
politique une dimension internationale.
© 08.09.2013