Par Christine
ALFARGE
« La politique
étrangère gaullienne est avant tout celle de la
légitimité »
Ce qui inspirait le
Général de GAULLE, dans son action extérieure comme dans sa vision du destin
historique de la France, c’était la certitude que la seule réalité, dans
l’histoire et les sociétés, c’est la nation. Il avait la conviction profonde
qu’il y avait un intérêt national, qui ne peut se confondre avec des intérêts particuliers, supérieur
aux intérêts de groupes, qu’ils soient professionnels ou politiques, dont se
compose la nation. C’est ainsi qu’il ne voyait dans les idéologies que
l’instrument des ambitions nationales, cependant les intérêts nationaux devaient
l’emporter. Il savait par expérience que les partis ont une réalité politique
exprimant des valeurs positives dans leur principe. Lorsqu’il écrit dans ses Mémoires de
guerre : « Qu’il y en eût (des partis), c’est inévitable. A mon
sens, d’ailleurs, nos malheurs étaient venus, non de leur existence, mais du
fait qu’à la faveur d’institutions de décadence ils s’étaient abusivement
approprié les pouvoirs publics… N’ayant plus de clientèle à flatter, de
combinaison à pratiquer, de portefeuille à marchander, ils croyaient et
donnaient à croire qu’ils retournaient aux nobles sources d’où ils étaient
originaires : volonté de justice sociale, culte des traditions nationales,
esprit de laïcité, flamme chrétienne ».
Si l’intérêt général
n’apparaît pas toujours clairement en politique intérieure, il est incontestable
dans les relations internationales. Il résulte des contraintes géographiques et
des devoirs de l’histoire. Il transcende les querelles pour mettre en place une
voie plus nécessaire.
La conception gaullienne
du rôle international de la France.
La décolonisation et
l’indépendance de l’Algérie marquent le commencement de la politique étrangère
gaullienne, tant que durait le conflit algérien, le Général de GAULLE ne pouvait
mener une grande politique internationale. Il souhaitait ardemment une politique
qui assure en permanence « l’indépendance », ayant à l’esprit, l’existence d’un nouvel
ordre mondial à travers l’émergence du Tiers Monde, l’éclatement du camp
communiste, la parité entre les puissances nucléaires. Désormais, la France
devait se faire l’ardent défenseur de toutes les indépendances, telle serait la
nouvelle politique française. Le Général de GAULLE qui était avant tout
pragmatique, savait adapter ses orientations politiques selon les circonstances.
La vocation qu’il reconnaissait à la France, le conduisait dans deux directions.
Il disait : « Pour être elle-même, c’est-à-dire indépendante, elle
devait garder les mains libres, mais pour être fidèle à elle-même, elle devait
aussi soutenir une grande querelle ; son génie est d’éclairer
l’Univers ».
Comment concilier le
choix d’indépendance et la volonté de faire participer la France au concert des
nations ?
Cette politique initiée
par le Général de GAULLE se situe dans le contexte de la guerre froide pour
lutter contre l’hégémonie des deux super puissances. Cela n’empêche pas la France de
s’émanciper de la tutelle américaine tout en restant son allié lors de la crise
de Cuba en 1962. Elle joue un rôle charnière allant de la construction
européenne aux affaires du monde, basée sur la reconnaissance et la défense des
identités nationales. Le Général de GAULLE non aligné était cependant
profondément européen. Il disait : « Pour moi, j’ai de tout temps,
mais, aujourd’hui plus que jamais ressenti ce compte en commun, des nations qui
peuplent l’Europe, toutes de même race blanche, de même origine chrétienne, de
même manière de vivre, liées entre elles depuis toujours, par d’innombrables
relations de pensée, d’art, de science, de politique, de commerce… ».
Après le long et douloureux processus de décolonisation en Algérie, la France
bénéficie notamment d’une grande écoute dans le Tiers Monde. Elle incarne un
mélange d’histoire et d’évènements politiques et une vision du monde où sa voix
doit pouvoir se faire entendre. Dans ses Mémoires d’espoir, le Général de GAULLE
écrivait au sujet de l’action internationale de la France : « Il
est indispensable que ce que nous disons et ce que nous faisons, le soit
indépendamment des autres ».
La force de dissuasion
instrument de la politique extérieure.
Pour le Général de
GAULLE, la coexistence des blocs n’assure pas la paix, pour lui, les blocs sont
par nature hégémoniques. Ils contribuent à l’asservissement ou à la dépendance,
d’où toute idée de contestation de bloc à l’Est comme à l’Ouest. Dans ce
contexte, la politique militaire française a été élaborée comme un instrument au
service de la politique extérieure de la France. La France se devait d’assurer
sa propre défense en utilisant les forces nucléaires opérationnelles pour une
stratégie de dissuasion.
Deux objectifs
essentiels caractérisent la politique étrangère du Général de GAULLE. Le premier
basé sur la création d’un système international à plusieurs pôles, permettant la
formation d’un groupe de pays européens indépendants dans l’ensemble de
l’Europe, pouvant s’exprimer concernant les affaires internationales incarnant
une troisième puissance mondiale. Le deuxième but pour le Général était
d’acquérir pour la France, un rôle prépondérant en Europe. La France devait
selon lui redevenir la première puissance militaire européenne. Ainsi, la pensée
du Général de GAULLE peut se résumer de cette manière : « Les
Etats-Unis sont la seule puissance capable de défendre l’Europe, mais les Alliés
européens doivent conserver leur indépendance et son élément essentiel, la
défense nationale, tout en prenant leurs responsabilités pour une défense
commune ».
Sans le développement
de la stratégie nucléaire, la France ne pourrait pas aujourd’hui peser de tout
son poids sur les relations internationales et serait de fait, plus dépendante
des grandes puissances. La politique
étrangère du Général de GAULLE, qui, a, de son vivant, divisé, réconcilie
quarante ans après sa disparition ; elle contribue au consensus
français.
© 10.03.2008