Par Christine
ALFARGE
« Etre français
libre, c’est prendre son destin en main »
A l’été 1940, la force de
l’engagement dans la France libre fut déterminante pour résister tant sur la
plan extérieur que sur le plan intérieur. Ne jamais se résigner à la défaite et
combattre pour libérer la France, c’est dans cette conviction instinctive que de
très jeunes gens avaient gardé l’espoir de vaincre.
Pourquoi
avaient-ils choisi de se rallier à la France libre ?
Avant tout, ces volontaires de la
France libre ne voulaient pas subir l’occupation de leur pays, par un réflexe
conditionné à un refus absolu de penser que la guerre était perdue, ils
rejoindront l’Angleterre. Les évènements de l’histoire montreront combien leurs
combats furent héroïques sur tous les champs de bataille.
Le Général de GAULLE incarnera la
pierre angulaire de cette volonté lorsqu’il lancera son célèbre appel à la radio
de Londres. Extrait de l’appel du 18 juin 1940 : « Moi, général de GAULLE,
actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se
trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs
armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes
des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui
viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive,
la flamme de la résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Demain
comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres ». Cet appel à
continuer le combat en constituant une force militaire sous le drapeau français
aura l’adhésion du plus grand nombre de civils ou de militaires qui s’engageront
dans les Forces françaises libres et porteront avec une fidélité sans faille les
armes de la France libre jusqu’à la capitulation
allemande.
Le Général
SAINT-HILLIER.
Dès lors, comment ne pas évoquer
ce grand chef , le Général SAINT-HILLIER qui fut dans la lignée militaire, une
des personnalités les plus emblématiques de cette période, dont la force de
caractère affirmé et déterminé, n’hésita pas en 1940 à s’engager derrière le
Général de GAULLE, il écrivait à sa famille : « Mon devoir est de combattre
jusqu’au bout ». Le 25 août 1941, il écrivait ces mots : « Je sais que
notre cause est juste ». Sa passion pour l’histoire le mènera à l’écriture
de ses mémoires dans « des carnets » qu’il tiendra au fil du temps, tel son bien
le plus précieux afin de perpétuer le souvenir de la 1ère Division française
libre et d’honorer la mémoire de ses compagnons disparus.
Il restera à jamais, l’aventure
extraordinaire de ces hommes d’honneur dont le Général de GAULLE écrivit le 27
février 1946 : « Ce qu’à su faire pour la France, la 1ère division française
libre, ce qu’elle a su faire par le cœur, le corps, les armes, de ceux qui en
étaient, ce qu’elle a su faire avec ses chefs, Koenig, Brosset, Garbay, ses officiers et
ses soldats, c’est un des plus beaux morceaux de notre grande Histoire, c’est un
rocher que les vagues du temps ne pourront détruire jamais, c’est, pour
toujours, un défi lancé à ceux qui doutent de la France ».
La guerre sera à
la dimension du monde.
Pour le Général de GAULLE, le 18
juin 1940 désignera son acte de naissance historique et aussi celui de la
reconnaissance d’un autre monde. La défaite de la France en 1940 entraînera
l’Indochine française dans la spirale infernale de la guerre. Le coup de force
japonais du 9 mars 1945, visant à éliminer l’armée et l’administration
françaises d’Indochine permettra au Vietminh de s’installer au Tonkin. En août
1945, après la capitulation du Japon, le Vietminh s’emparera du pouvoir à Hanoï, son chef Hochi Minh proclamera l’indépendance de la République Démocratique
du Viêtnam, le 2 septembre 1945.
Reconquérant peu à peu l’Afrique,
voulant s’affirmer au Levant, récupérant Madagascar, la Nouvelle-Calédonie ou
Tahiti, soucieuse de redevenir une puissance mondiale, la France sur ordre du
Général de GAULLE effectuera son retour dans la péninsule indochinoise par la
nomination en octobre 1945 de l’Amiral Thierry
d’ARGENLIEU en qualité de haut-commissaire ainsi que l’envoi d’un corps
expéditionnaire français commandé par le Général LECLERC pour récupérer ce que
Paul REYNAUD, ami du Général, décrivait comme le « balcon de la France sur le
Pacifique ».
La France
reconnaîtra le Viêtnam, le 6 mars 1946.
Le Général LECLERC, dont la
carrière fut toujours destinée au dur combat, fit preuve néanmoins de
discernement portant à la fois sur les limites de l’action de force et
l’authenticité du mouvement de force vietnamien. C’est sous son égide que
l’émissaire français au Nord-Viêtnam, Jean SAINTENY
conduisit à la fin de 1945 et au début de 1946 les négociations avec le Viêtnam qui aboutirent à l’accord Hochi Minh-Sainteny-Leclerc du 6
mars 1946. Il stipulait que le gouvernement français reconnaissait la République
du Viêtnam comme un « Etat libre » au sein de l’Union française et de la Fédération indochinoise ayant son gouvernement, son parlement,
son armée et ses finances. Cette convention n’empêchera pas d’aboutir quelques mois
plus tard à la rupture et à la guerre.
A partir de 1947, le Général de
GAULLE, devenu chef du Rassemblement du Peuple Français, et ses compagnons,
mèneront un combat sans merci contre la IVème
République. Il écrivait en 1951: « La guerre où nous sommes engagés en
Indochine est la guerre de la liberté … ». A partir de 1953, cette
obstination allait bientôt faire place à une idée raisonnable, celle de la
reconnaissance qu’une autre politique s’imposait en Indochine et que
l’acharnement militaire ne menait à rien. De même que CHURCHILL devait se
rallier à l’indépendance des Indes et de l’Egypte, le Général de GAULLE se
ralliait à la politique de paix en Indochine avec en toile de fond l’amorce
d’une détente internationale, car selon lui, à la fin des années quarante, le
spectre de la guerre menaçait à chaque instant. Dans cette perspective, il
estimait que la France devait être présente sur tous les terrains opérationnels.
Il désirait alors que la nouvelle « France libre » puisse davantage qu’en 1940,
trouver des points d’appui en Asie comme en Afrique ou en
Amérique.
L’évolution de la
pensée gaulliste.
Contrairement à bon nombre de ses
pairs, le Général de GAULLE n’a pas été un officier colonial. En écrivant dès
1934 : « Nous voyons naître des mouvements d’idées, de passions, d’intérêts,
dont le but manifeste est la fin de notre domination », il mesure la force
des nationalismes indigènes. Le 30 janvier 1944, son célèbre « Discours de
Brazzaville », annonce le prélude à l’autonomie et à l’indépendance de l’Afrique
noire française. Il apparaît alors que dès la fin du conflit mondial, le Général
de GAULLE pense que le mouvement de décolonisation est inéluctable.
Un vent de
décolonisation soufflait.
Revenu au pouvoir en mai 1958,
nul ne savait quelle serait sa politique algérienne, l’équivoque est totale.
Comment percer ce mystère de la politique gaullienne ? En Algérie, la guerre
avait incontestablement donné l’espoir que l’ordre colonial pouvait être
renversé. En France, la société basculait complètement, lassée par les
incertitudes de la IVème république et un conflit qui durait déjà depuis quatre ans. Le
Général de GAULLE en avait conscience et cherchait une solution intermédiaire en
prenant en compte des éléments politiques et pas seulement militaires. Déterminé
par les intérêts de la France, le Général de GAULLE mesurait la solitude
internationale voire l’isolement de la France, alors qu’il souhaitait lui
redonner une place de premier plan parmi les grandes puissances.
Discours sur
l’autodétermination de l’Algérie, le 16 septembre 1959.
La déclaration très attendue du
16 septembre 1959 va dissiper les équivoques car le Général de GAULLE énoncera
le principe fondamental de sa politique à l’égard de l’Algérie : celui de
l’autodétermination. Ainsi le chef de l’Etat proposera
de mener la pacification à son terme. Ce discours va rompre avec la politique
traditionnelle de la France, il proclamera en effet la fin du régime colonial.
Le recours à l’autodétermination, permettra pour la première fois d’envisager
l’indépendance dont le principe sera admis.
D’une solution de décolonisation
pacifique à l’indépendance totale, le Général de GAULLE n’avait cessé de
composer avec la réalité pour préserver la France, lui redonner son rang en
Europe et dans le monde, il disait : « Il m’appartient d’être, quoiqu’il arrive
le garant de l’indépendance et de l’intégrité de la France, ainsi que des
traités qu’elle a conclus ; autrement dit de son honneur ». De la France libre,
à l’Indochine et l’Algérie, le mystère de GAULLE est celui d’une France qui se
relèvera toujours.
© 07.01.2010