LES COMBATS ASSOCIATIFS POUR LA FRANCOPHONIE,

en France et au-dehors.

Par ALBERT SALON,

I)L’HISTOIRE des luttes associatives pour la Francophonie mondiale et ses institutions internationales multilatérales

Le rôle des associations pour la Francophonie est resté longtemps méconnu, voire occulté, y compris dans les rapports au gouvernement. Il est pourtant déterminant.

Législateurs et fonctionnaires des institutions publiques tendent, notamment en France, à présenter au public seulement leur action, en taisant les apports de la société civile, pourtant indispensables pour l’historien.

Tel est le sens, de la contribution qu’Avenir de la Langue française (ALF) a jugé nécessaire d’apporter à l’histoire de la Francophonie et de ses institutions, comme elle l’avait fait en 2015 sur la politique du français en France.

En cette matière, véritable cas d’école, l’action associative a très souvent précédé l’action du législateur et de l’administration publique. Elle l’a le plus souvent inspirée*, complétée, voire dépassée à l’occasion.

Ce furent d’abord les congrégations chrétiennes et leurs « œuvres » d’enseignement et de soins, en Afrique, en Asie ; et, depuis le traité (1535) entre François Ier et Soliman le Magnifique, dans l’immense empire ottoman d’alors. Leurs effectifs furent très longtemps composés très majoritairement de religieux francophones, français, mais aussi belges et canadiens français. Elles eurent une action vraiment fondatrice de vastes réseaux d’amitiés françaises, pendant des siècles. L’influence perdure, « en sourdine » mais encore efficace.

Plus récentes, naquirent au 19ème siècle de grandes associations porteuses de l’action culturelle extérieure : Alliance Israélite Universelle (1860 à Paris), Alliance française (1883), Mission laïque française (1902) ; dans l’entre-deux guerres : l’Union internationale des Journalistes et de la Presse de langue française (UIJPLF), devenue l’Union de la Presse francophone (UPF).

Les « Sociétés de géographie », d’abord anglaises, ont porté et accompagné, au 19ème siècle et au-delà - l’expansion coloniale européenne. Des entreprises et des officiers de marine de guerre et de commerce, à l’imitation de sociétés britanniques, puis du puissant Flottenverein allemand de Guillaume II (« Unsere Zukunft liegt auf dem Wasser !»), fondèrent des sociétés d’exploration et exploitation coloniales. En France, ce fut la Ligue maritime et coloniale, plus modeste que ses modèles, mais non sans influence.

Son originalité fut de marquer un intérêt certain pour l’expansion linguistique et culturelle en écho à la découverte, en 1880 par Onésime Reclus, « géographe » et journaliste, du mot qu’il inventa et de la réalité « francophonie » qu’il révéla. Cette Ligue est d’ailleurs devenue bien plus tard l’association « Rayonnement français ».

Dans les années 1960, le Général de Gaulle régnait en France. Il était sans aucun doute favorable à un ensemble multilatéral francophone, mais, sa Communauté inscrite dans la Constitution de 1958 ayant éclaté, il tint à laisser l’initiative de la création à ses homologues africains qui la lui réclamaient.

En bilatéral, il avait lancé dès son accession une ambitieuse politique de coopération au développement des colonies émancipées. La passionnante décennie de leurs indépendances, de la « Révolution tranquille » au Québec, d’un éveil de l’Acadie, de la Wallonie et du Jura suisse, et du renouveau français, vit l’éclosion et le foisonnement en France et dans les pays francophones, d’associations dans tous domaines. Il s’agissait de développer les liens entre les pays ayant le français en partage, moins dans l’esprit de la projection de la France sur l’extérieur que dans celui de l’échange, du partage, de la coopération équilibrée, avec la déclinaison en variantes multiples de l’égalité de dignité des cultures, et du « dialogue des cultures ». Ce bouillonnement d’idées associatives généreuses a fait naître, a tiré, les institutions publiques françaises et internationales de la francophonie, et les a dotées d’un riche patrimoine intellectuel.

La Francophonie institutionnelle doit donc beaucoup à cette floraison. Quelques dizaines de grands militants patriotes français et québécois très ouverts aux langues et cultures étrangères et au partage, ont marqué ce bouillonnement. À côté ou autour du Français polyglotte Philippe Rossillon* et de son ami l’éminent Québécois Jean-Marc Léger, il faut citer les Québécois Pierre Demers, Jean-Paul Perreault, le poète Gaston Miron, les chanteurs Félix Leclerc et Gilles Vigneaux, les diplomates français Bernard Dorin, Daniel Jurgensen, Hubert Joly ; les parlementaires Xavier Deniau, Jacques Habert, Maurice Schuman, Jacques Legendre ; les universitaires et recteurs Michel Guillou, Michel et Françoise Tétu, Robert Mallet Allal El Fassi, et Gérard Bissainthe le Haïtien ; des académiciens tel Maurice Druon ; des journalistes tels Alain Decaux, Jacques Dhaussy, les Wallons Jacques Rogissart et André Libert ; ainsi que le Suisse jurassien Roland Béguelin, les Belges Lucien Outers et le baron Paul-Henry Gendebien ; les Français Hyacinthe de Montera, Philippe de Saint Robert.... Tous aiguillonnèrent leurs structures porteuses respectives beaucoup plus qu’ils ne leur obéirent.

Beaucoup d’entre eux en liaison directe avec les chefs d’État africains Léopold Sédar Senghor, Hamani Diori, Félix Houphouët Boigny, le Tunisien Habib Bourguiba, le roi du Cambodge Norodom Sihanouk, promoteurs à leur niveau du traité de Niamey créant l’Agence de Coopération culturelle et technique (ACCT), ancêtre de l’actuelle OIF, trop souvent présentée comme tombée du ciel...

Il faut souligner le rôle du groupe d’amis efficaces autour de Philippe Rossillon*, un temps directeur de la Coopération (« Rue Monsieur »), pour :

- œuvrer, en liaison étroite avec Jean-Marc Léger et les Québécois et des responsables africains, diplomates gabonais, ivoiriens et sénégalais, afin d’obtenir la première réunion interministérielle de la Francophonie : la CONFEMEN

(Conférence des ministres de l’Éducation nationale), première représentation officielle du Québec dans une conférence internationale, au titre de la compétence constitutionnelle de « la Belle Province » en matière d’éducation et de formation. La formule de « gouvernement participant » (et non d’« État ») naissait et allait pouvoir servir à nouveau pour l’ACCT au traité du 20 mars 1970, puis au premier Sommet des « chefs d’État et de gouvernement » (en février 1986, à Paris et Versailles).

- amener en 1961, avec les chevilles ouvrières Robert Mallet, recteur de Paris, Allal el Fassi du Maroc, Michel Tétu de l’université Laval, la création par de nombreuses universités francophones de l’Agence des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF), devenue avec le Recteur Michel Guillou l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), le plus grand, le plus étendu des opérateurs dépendant maintenant de l’OIF ;

- conseiller et préparer le Général de Gaulle pour son voyage triomphal au Québec en 1967 (le « coup du Colbert » pour éviter d’arriver par Ottawa ! ...) ;

- poursuivre quelques années plus tard l’action au Canada, en soutien aux minorités francophones du pays, en Acadie et dans l’Ouest, au point de conduire Ottawa à déclarer Philippe Rossillon persona non grata au Canada ;

- amener à bénéficier du programme généreux d’aide au développement, lancé par le Président de la République, de nouveaux États proches du français non issus de la colonisation française : les ex-belges Congo-Léo (RDC), Rouanda, Burundi ; l’ex-espagnole Guinée équatoriale ; les ex-britanniques Maurice et les Seychelles, Mascareignes françaises jusqu’en 1810-1814 ;

- poursuivre, après 1974 et la révolution des œillets à Lisbonne, l’agrégation à la « Coopération française », cette fois des ex-portugais : Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Cap-Vert et Sâo Tomé e Principe (Saint-Thomas et Prince).

* Sous l’égide d’Avenir de la langue française (ALF), l’essayiste historien Bernard Lecherbonnier a préparé un livre sur Philippe Rossillon, le paladin de la langue française et de la Francophonie. Aussi, avec l’OIF une histoire des institutions de la Francophonie jusqu’à l’actuelle Organisation internationale (OIF).

II) Notre génération d’associations pour le français et la Francophonie

Ces exemples des « pères fondateurs* » ont inspiré les militants actuels de plusieurs dizaines d’associations françaises, québécoises, acadiennes, belges, suisses, valdotaines et autres qui se sont habituées à travailler en synergie, dans le strict respect de l’indépendance de chacune. Ainsi de l’inscription en 2008 de la Francophonie dans la Constitution, enfin obtenue (une phrase au titre XIV, art. 87), après avoir soutenu pendant 16 ans la mobilisation de nos amis parlementaires lors de toutes les révisions constitutionnelles réalisées depuis 1992. Cette année-là, nous avions déjà fait introduire la phrase « la langue de la République est le français » dans l’article 2 de la Constitution. De 2008 à 2020, elles ont renforcé, notamment sous l’impulsion d’ALF**, leur synergie inter-associative, et lancé de grandes actions traitées dans le site et la revue d’ALF : Brexit et langues officielles de l’UE ; mise en place de l’Institut de la Francophonie à Villers-Cotterêts, après avoir en 2017, avec l’aide du député Jacques Krabal et de Stéphane Bern, convaincu l’Élysée de reprendre à son compte leur projet datant de 2001 ; préparation de la création d’un Haut Conseil du français et de la Francophonie, d’abord national, puis international.

**ALF distinguée par l'OIF : « Le président d'Avenir de la langue française (ALF) a reçu de M. Abdou Diouf la médaille Senghor de la Francophonie 2014, à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), « en hommage à ALF et aux associations qui mènent ensemble un combat exemplaire pour la langue française en France et pour la solidarité et la coopération entre les pays, communautés et collectivités locales, qui ont le français en partage « ; en somme : le coeur de la résistance linguistique française. Le 20 mars 2020, ALF et l’association COURRIEL ont publié un communiqué de presse co-signé par 20 autres, demandant un grand débat public sur la politique du français et de la Francophonie, tant de la France que de l’UE.

Publications des associations :

1)                 Revue et bulletins : revue de Défense de la langue française (DLF) : siège 222, avenue de Versailles 75016 direction@langue-francaise.org ; Bulletin quadrimestriel : « Avenir de la langue française » au siège d’ALF : 34 bis rue de Picpus 75012 avenirlf@laposte.net ; Bulletin « Fraterniphonie », bulletin de l’Association Francophonie-Avenir (AFRAV) afrav@aliceadsl.fr ; revue bimestrielle "Le Dévorant" du Cercle Littéraire des Ecrivains Cheminots (CLEC) ; revues de France-Québec, de Paris-Québec et du Ceqfran, de Francophonie Force Oblige (FFO), du Conseil international de la Langue française (CILF...)

2) Sites riches www.avenir-langue-francaise.fr ; DLF ; Observatoire européen du Plurilinguisme (OEP) ; CILF ; FFO.....

3) Une volonté française, d’Albert Salon, préface de Claude Hagège, Éd. Glyphe, Paris 2012 ;

4) Le français en partage, émission régulière de Radio Courtoisie, animée par Albert Salon, président d’honneur d’ALF, avec la participation occasionnelle de membres des associations de la synergie inter-associative, sur 95,6 Mhz ;

5) Une bibliographie complète sur la francophonie mondiale et des institutions internationales est disponible à la BNF

 

 

Cf. la thèse de doctorat d’État ès lettres d’A. Salon sur « L’action culturelle de la France dans le monde », Paris, Sorbonne 1981.Albert Salon

© 04.05.2020