Municipales 2020 : une demi-heure de vérité avant 2022 ?

 

 

 

Par Paul KLOBOUKOFF

En Bref

J’ai conservé le titre de cet article rédigé en février malgré l’aggravation de l’épidémie du coronavirus et la décision de l’exécutif du samedi 29 après-midi de recourir au 49-3 et les vagues d’indignation qu’il soulève. Ces municipales pourraient en effet marquer un tournant sur le chemin des élections présidentielles et législatives de 2022.

L’objet de l’article était, et reste, malgré les dernières nouvelles, de faire le point sur les données disponibles relatives à la situation électorale et aux tendances décelables à quelques semaines des municipales. Ce point ne peut être que partiel car les informations sur les petites communes sont rares faute de statistiques, d’une part, et les sondages prospectifs sont essentiellement concentrés sur 40 à 50 des plus grandes villes, d’autre part. En outre, jusqu’ici, les médias audiovisuels nationaux ont eu les yeux braqués principalement sur les « évènements » du plus haut intérêt qui se déroulent à Paris. Mais Paris et une quarantaine de grandes villes ne sont pas la France. Sur les 503 305 élus municipaux (au 1er janvier 2018), 282 320 (soit 56%) le sont de communes de moins de 1 000 habitants. Et beaucoup le sont de communes de 1 000 à 3 500 habitants… que M Castaner voulait retirer aussi des décomptes des résultats des élections. Il est vrai que l’électorat macroniste se trouve surtout dans les grandes villes.

Aussi, malgré les efforts déployés par les sondeurs et les autres prévisionnistes sur des issues « locales », il faut reconnaître objectivement qu’à deux semaines des élections il n’y a pas de pronostic (accessible au public, en tout cas) portant sur l’ensemble du territoire français.

Le Ministère de l’Intérieur et le gouvernement sont évidemment mieux informés que les autres citoyens. Et il semble que les choses se présentent mal pour le parti présidentiel LREM et ses alliés, qui pourraient connaître une cuisante défaite. C’est une des conclusions qui ressortait ces derniers jours de l’examen, par les médias notamment, des résultats des sondages « urbains » récents.

D’après ceux-ci, les grands gagnants en nombres de sièges de conseillers municipaux seraient les Verts d’EELV, dont une partie des listes est commune avec le PS et/ou le PCF, les radicaux et LFI. Lorsque EELV ne fait pas liste commune avec le PS, ce serait souvent au détriment de ce dernier. Le Rassemblement national, qui, comme EELV détient peu de sièges aujourd’hui, en accroîtrait notablement le nombre. Les Républicains et leurs alliés de droite et du centre résisteraient mieux que le PS et marqueraient des points dans certaines villes. Au 1er tour, ils pourraient conserver plus de sièges que la gauche (avec ou sans EELV ?), ainsi que de mairies (dans les villes sondées). Au second tour, les résultats dépendront aussi des alliances qui seront conclues dans les jours suivant le 15 mars.

Le coronavirus et la guerre sur la réforme des retraites ont déjà largement éclipsé les élections municipales en février. L’extension de l’épidémie, avec les inquiétudes justifiées, les restrictions et les contraintes qu’elle engendre, va impacter les élections municipales. On peut s’attendre, pour le moins, à ce qu’elle affecte le niveau de la participation des électeurs, et sans doute aussi la composition des votants… si de nombreuses personnes se sentent « vulnérables », en particulier parmi les personnes âgées, et ne se rendent pas aux bureaux de vote. Le déroulement de la campagne « officielle » sera perturbé et il est possible que l’organisation des scrutins le soit aussi.

La décision de recourir au 49-3 est considérée par beaucoup de Français comme un déni de démocratie, et à lire les titres des médias, une erreur, une lâcheté, une faiblesse. D’après les sondages, une notable proportion des électeurs avait déjà l’intention de sanctionner Emmanuel Macron dans les urnes. L’usage du 49-3 « risque » de « politiser » davantage les votes, de renforcer dans leurs convictions les « mécontents » et d’accroître leur nombre. L’exécutif le sait. Il n’ignore pas qu’une majorité des Français souhaitent un remaniement du gouvernement après les municipales, le plus souvent avec un changement de Premier ministre. Il semble que le président n’en a pas cure, puisqu’il a promis à la douzaine ministres qui se sont inscrits dans les listes de candidats LREM qu’ils pourraient conserver leurs postes si « leurs » résultats s’avéraient mauvais. En même temps, sa « conduite » de la réforme des retraites montre aussi l’absence de considération qu’il accorde à l’opinion de la majorité des Français. Ce n’est pas bon pour la Cinquième République !

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Des priorités locales variées et des choix compliqués pour les électeurs

Bien sur, la priorité pour les électeurs de ces municipales est de choisir les maires et les conseillers municipaux, ainsi que les conseillers des communautés de communes et leurs présidents les plus à même de répondre à leurs attentes.  Les situations, les problèmes et les aspirations sont très variées d’une commune à l’autre. Dans l’ensemble du pays, d’après des sondages, l’amélioration de la sécurité arriverait en tête des priorités, un peu devant les impôts et la gestion des finances locales ainsi que la protection de l’environnement et la propreté des communes.

Selon les résultats du sondage BVA publié le 13 février (1), une grande partie des Français, de l’ordre de 7 sur 10, se déclarent satisfaits de leurs maires et de son conseil. La plupart envisagent de voter pour eux. Un tiers veulent changer d’équipe municipale. « Un quart (26%) souhaite sanctionner Emmanuel Macron et son gouvernement et seulement 9% le soutenir. La réforme des retraites conditionne très largement ces souhaits. Mais [malgré cela !] les enjeux locaux prévaudront sur les enjeux nationaux pour 90% des Français interrogés.

« Municipales : seule une minorité de Français sait ce qu’elle fera » a titré le document présentant les résultats d’un sondage Odoxa-Dentsu effectué les 25 et 26 février (2). On peut y lire que : - 45% des Français savent pour qui ils vont voter ; - 14% disent qu’ils n’iront pas voter ; - 32% veulent réélire l’équipe en place ; - 14% veulent sanctionner Emmanuel Macron et le gouvernement et 7% veulent les soutenir ; - 65% des Français souhaitent un grand remaniement du gouvernement après les municipales, le plus souvent avec un changement de Premier ministre (47% vs 18%).  

Quand on rapproche les réponses faites à ces deux sondages, on peut se demander si ce sont les mêmes Français qui ont été interrogés et si les électeurs peuvent être versatiles à un tel point, et/ou mettre en doute la fiabilité de ces sondages. En tout état de cause, les modes des scrutins sont complexes et des alliances « nombreuses et variées » entre partis se discutent et se nouent déjà en vue du 1er tour. On comprend donc que les électeurs soient un peu perdus et dans l’attente de clarifications.

Par ailleurs, on nous a répété depuis des mois que beaucoup de maires, de petites communes principalement, ne désirent pas se représenter. Qu’en est-il réellement ?

Il apparait possible que la composition du corps des élus municipaux connaisse des changements significatifs. Mais, les tendances dominantes (s’il y en a) ne sautent pas aux yeux et les résultats des élections sont difficiles à anticiper. D’autant plus que les infos (statistiques et sondages, notamment) sont rares sur les communes de moins de 1 000 habitants, qui sont soumises au scrutin majoritaire, et plus fournies, mais limitées à des grandes villes soumises au scrutin de listes. Sur les 503 305 élus municipaux (au 1er janvier 2018), 220 985 le sont de communes de 1 000 habitants et plus et 282 320 (soit 56%) le sont de communes de moins de 1 000 habitants. Et beaucoup le sont de communes de 1 000 à 3 500 habitants.

Derrière les choix locaux, d’importants enjeux nationaux

Ces élections locales ont aussi des enjeux nationaux, et à ce niveau, elles pourraient être une « demi-heure » de vérité sur le chemin des présidentielles de 2022 : - pour la Macronie, qui désire renforcer sa faible implantation locale et prendre la direction de métropoles et de grandes villes où elle avait fait ses meilleurs scores en 2017… et qui aujourd’hui chercherait à « sauver les apparences » ; - pour la droite, « qui voudrait montrer qu’elle existe ». Elle espère conserver nombre de ses bastions et, peut-être, des proportions substantielles des sièges de conseillers et de maires ; - pour les écologistes, annoncés comme de grands gagnants de ces élections. Ils sont presque absents des représentations locales, mais les élections européennes ont montré qu’ils ont le vent en poupe, et les sondages leur accordent des scores substantiels dans des dizaines de grandes villes ; - pour les socialistes et leurs alliés de gauche à la recherche d’un nouvel élan, pour lesquels les verts pourraient aussi être de précieux appuis… ou des concurrents ; - pour le Rassemblement national, 1er parti de France aux dernières européennes,  qui cherche à consolider ses positions limitées actuelles, à élargir son implantation territoriale et qui pourrait conserver et/ou prendre plusieurs grandes villes ; - pour les communistes et La France insoumise, opposants parlementaires très actifs sur la réforme des retraites, pour lesquels c’est une occasion de marquer des points sur le terrain local.

Ces élections peuvent être une étape sur le chemin d’une éventuelle recomposition du paysage politique de la France et, pourquoi pas, porter les germes d’une perspective autre qu’un nouveau « duel » entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron au 2ème tour des prochaines présidentielles… si elles révèlent des avancées significatives, qui seraient alors à confirmer lors des prochaines élections départementales et régionales.

 

Aux dernières élections municipales, le paysage a été marqué par une forte bipolarisation gauche / droite, avec un net avantage pour la droite, qui semble le caractériser encore aujourd’hui. Ce bipartisme « traditionnel » survivra-t-il au niveau municipal alors qu’il a éclaté aux élections nationales précédentes, présidentielles, législatives et européennes ? Si c’est le cas, dans quelles conditions ces élections locales pourraient-elles initier une reconstruction partant des territoires de l’échiquier politique national ? A cet égard, le positionnement des écologistes peut être important. Ces questions majeures sont absentes des débats.

Les sénatoriales sont proches, et ce sont les élus locaux qui en constituent la grande majorité des électeurs. Notre Constitution donne au président et à sa « majorité » à l’Assemblée nationale des pouvoirs presque absolus. Avec une majorité solide, de droite aujourd’hui, le Sénat est le seul contrepouvoir (limité) institutionnel en mesure de « discuter » avec l’exécutif, de jouer un rôle modérateur, de tenter d’infléchir des décisions paraissant excessives et/ou nuisibles. Il est vital qu’aux élections sénatoriales de septembre 2020, qui verront le renouvellement de la moitié des sièges du Sénat (178 sur 348), une majorité assez forte se dégage. Les partis politiques doivent en informer les électeurs, et particulièrement ceux de la quarantaine de départements de métropole et d’outremer dont les sièges seront renouvelés au Sénat dans six mois.

Un contexte électoral perturbé par le coronavirus et la guerre des retraites

Lors de la dernière semaine de février, le spectre du coronavirus a changé de dimensions et a franchi nos frontières pendant que les combats virulents autour de la réforme des retraites faisaient rage. Ces évènements ont attisé les craintes et polarisé les attentions. Ils télescopent et éclipsent largement les élections municipales. Cette éclipse ne contrarie sans doute pas l’exécutif, puisque ces élections « intermédiaires » voient le plus souvent le pouvoir en place critiqué, attaqué, malmené pendant la campagne et sanctionné par les électeurs.

Après deux ans de gestation souterraine opaque, le calendrier raccourci affiché depuis décembre 2019, pour « faire passer » le plus vite possible la réforme très contestée des retraites, a été perçu comme une déclaration de guerre. Dans la « procédure accélérée » imposée par l’exécutif, après son (court) passage inabouti en commission, le projet initial de réforme des retraites a été déposé le 17 février à l’Assemblée nationale (AN) pour deux semaines d’examen par les députés. Et peut-être trois semaines, avait-on entendu… alors que la date du début de la campagne du 1er tour des élections municipales est fixée au 2 mars. Pressé « d’en finir » avec la réforme, le gouvernement compte, en effet, la faire voter d’ici cet été.

Une « guérilla parlementaire », ou une « guerre des tranchées », selon les commentateurs, a été engagée contre le projet. Plus de 40 000 amendements ont été déposés. Qualifiés de surréalistes, les « débats » ont été chargés d’agressivité, d’insultes et de coups bas. Et chaque jour a été brandie la menace de l’usage du 49-3 pour écourter les débats en butte à d’inépuisables amendements. Cette arme à double tranchant a effectivement été utilisée le samedi 29 février après-midi. Malgré le bref délai imparti (24 heures), la droite et la gauche ont déposé des motions de censure. Les syndicats ont aussitôt décidé de se réunir pour réexaminer leur calendrier d’actions.  

En même temps, à la Conférence de financement des retraites, qui mobilise les « partenaires sociaux », la première réunion a eu lieu le 18 février. D’autres ont été programmées pour le 27 février, le 9 mars et le 23 mars pour les deux groupes de travail constitués. Une plénière est prévue le 6 avril. Le gouvernement attend les propositions de la Commission pour la fin avril. C’est plutôt mal parti tant les points de vue des interlocuteurs (qui étaient déjà exprimés depuis des mois) sont divergents et les « concertations » peu amènes. Mal entendues, la CGT et l’UNSA ont décidé de la quitter et de tenir leur propre conférence, avec d’autres syndicats. FO vient d’abandonner aussi.

Dans la rue, par des grèves et diverses autres actions, des opposants à la réforme de plus en plus nombreux (syndicats, organisations professionnelles des secteurs publics et privés, gilets jaunes, retraités, étudiants…) ont manifesté inlassablement leur opposition au projet et réclamé son retrait.

Seules les municipales parisiennes présentent de l’intérêt ?

Aussi, à moins de trois semaines du 1er tour, les élections municipales peinent à retenir l’attention des médias « nationaux ». Sauf en ce qui concerne Paris, où des évènements du plus haut intérêt (et croustillants, de surcroît) sont censés tenir les autochtones et les autres Français en haleine. Le duel fratricide entre les candidats Cédric Villani (dissident de LREM) et Benjamin Griveaux (proche de Macron adoubé par LREM) s’est terminé sans préavis par le retrait de ce dernier. Surprise et un instant de désarroi chez les marcheurs. Mais l’Olympe a vite réagi. Toutes affaires cessantes, laissant derrière elle avec regrets et sanglots la lutte contre le coronavirus alors en plein essor, la crise des hôpitaux et les urgences sanitaires, la défense de la PMA pour toutes, ainsi que la réforme des retraites qui met le feu au pays, la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn s’est jetée (à corps perdu ?) à la conquête de la capitale. Pendant ce temps, autre surprise, la candidate LR Rachida Dati est montée à 25% dans de derniers sondages, dépassant de 2 points la favorite socialiste Anne Hidalgo. Et le 25 février, sur actu.orange.fr, on pouvait lire « Paris, municipales 2020 : « Agnès Buzyn ment » sur la gestion du Covid-19 à Paris, selon l’équipe d’Anne Hidalgo ». A Buzyn a jugé astucieux d’introduire le coronavirus dans sa campagne et d’accuser A Hidalgo de laxisme. Le 24 février, elle a assuré que son ministère de la Santé n’avait pas eu de contacts avec la mairie de Paris et pointé l’impréparation des agents municipaux. Faux ! A Hidalgo a publié des courriers échangés avec le ministère les 31 janvier et 12 février. Dans l’un deux, A Buzyn « remercie vivement » A Hidalgo pour « sa mobilisation » et celle de ses services (3). Les médias ne se sont pas (assez) attardés sur ce comportement « exemplaire » et digne de la candidate du président. Décidément, ce combat entre un trio de femmes est passionnant, surtout pour les millions d’électeurs qui ne résident pas en région parisienne !

Peu de ministres et de députés à la tête des troupes de l’exécutif

Au Havre, la candidature du Premier ministre Edouard Philippe n’est pas inaperçue. Il y avait été élu au 1er tour des municipales de 2014 avec 52% des votes. Mais il craindrait un vote sanction. Pour des Havrais, en effet, « cette candidature est une provocation ! ». Sa campagne « publique » est perturbée. Aussi, lors de ses visites sur les lieux pendant les week-ends, la discrétion prévaut et les réunions « en famille » ont sa préférence. 

11 autres ministres se sont portés « volontaires » pour figurer dans des listes de candidats. 5 d’entre eux sont têtes de listes : Agnès Buzyn à Paris, Frank Riester (Culture) à Coulommiers, Gérald Darmanin (Comptes publics) à Tourcoing, Sébastien Lecornu (Collectivités) à Vernon, Christelle Dubos (Solidarités) à Sadirac et Marc Fesneau (Relations avec le Parlement) à Marchenoir.

Marlène Schiappa (Egalité femmes-hommes) et Agnès Pannier-Runacher (Economie Finances) sont sur des listes à Paris dans les 14ème et 16ème arrondissements. Gabriel Attal (Education) est sur une liste à Vanves, Geneviève Darrieusecq (Anciens combattants, à Mont-de-Marsan, et Jean-Baptiste Djebbari (Transports), à Limoges (4).

Leurs performances seront sans doute regardées. Mais, le président, qui n’envisage, en apparence, pas de remaniement ministériel après les élections, a promis l’impunité à ses candidats. En cas d’échec (de leurs listes), ils pourront rester au gouvernement. Malgré cela, leur petit nombre tranche avec les municipales précédentes.

Aux municipales de 2014, 17 ministres du gouvernement de Jean-Marc Ayrault avaient été candidats. Cela avait été la Bérézina pour le PS et la gauche, sévèrement battus par l’UMP, les autres partis de droite et du centre. En 2014, on ne badinait pas avec les municipales et les opinions exprimées par les électeurs. Le président Hollande avait sévi : renouvellement du gouvernement, avec Manuel Valls nommé Premier ministre… et remerciement de 8 ministres candidats. Parmi eux se trouvaient Cécile Duflot (écologiste) et Pierre Moscovici (promis à une destinée européenne). Les victimes du débarquement ont, toutefois, pu bénéficier d’honnêtes repêchages et/ou recyclages.

Aux municipales de 2008, sous Nicolas Sarkozy, sur les 33 ministres et Secrétaires d’Etat, 21 ont été candidats, dont 11 têtes de liste.

Autres temps, autres mœurs. Le cumul des mandats n’était pas interdit. Mais la combativité, les convictions et le dévouement des ministres à leur cause étaient peut-être plus entiers qu’en 2020. Et le Premier ministre n’était pas candidat (à tout hasard ?). 

Il semble également que peu de vocations de maires se réveillent chez les nombreux députés de LREM. Et il n’est pas recommandé aux candidats du parti présidentiel d’afficher ostensiblement leurs couleurs.

Démographie et professions des élus municipaux

Une représentation locale abondante dominée par les anciens

Aux municipales, en même temps que les conseillers municipaux et les maires, sont élus, parmi eux, les conseillers des communautés de communes. Au 1er janvier 2018, les conseillers municipaux et communautaires constituent la grande majorité (près de 90%) des 576 417 élus locaux. Sur les 503 305 conseillers municipaux (maires compris), seulement 12,2% ont moins de 40 ans, 50,5% sont âgés de 40 ans à 59 ans et 37,3% sont des séniors d’au moins 60 ans. Il est à noter que ces répartitions (moyennes) diffèrent peu entre les communes de plus ou de moins de 1 000 habitants. Mais la répartition par âge des 35 310 maires est très différente. 62,6% d’entre eux ont 60 ans et plus. La presque totalité des autres maires, 35,2% du total, ont au moins 40 ans. Les jeunes de moins de 40 ans semblent peu attirés par ces fonctions locales. Des répartitions analogues se retrouvent chez les 67 159 conseillers communautaires et leurs 1 256 présidents (5).

La parité femmes - hommes en ligne de mire

« La part des femmes parmi les élus locaux augmente » (6). Celle des élues aux élections municipales est montée de 33% en 2001 à 33% en 2008 et à 40% en 2014. Mais les proportions sont inférieures chez les maires, 16%, et moins encore aux présidences communautaires, 8%. Ces dernières proportions (moyennes) varient avec la taille des communes : 18% pour les communes de moins de 500 habitants, et 11% pour celles de 30 000 à 100 000 habitants. Les femmes sont aussi plus nombreuses parmi les jeunes élus locaux que parmi ceux âgés de plus de 60 ans.

 

Un collège de conseillers municipaux assez représentatif de la population française

 

La répartition par catégorie socioprofessionnelle des conseillers municipaux agrège des situations différenciées des communes de petite et de grande taille. Les représentations consistantes des agriculteurs exploitants, 10,2%, des artisans et commerçants, 6,7%, ainsi que des ouvriers, 7,5%, reflètent sans doute la proportion importante des communes de moins de 1 000 habitants. Les employés et les professions intermédiaires forment 32,9% des bataillons. Les cadres et professions intellectuelles supérieures en constituent 11,8%, et les retraités, 24,2%. Chez les maires, la proportion des retraités, 42,5%, indique qu’environ 1/3 de ceux qui ont 60 ans ou plus, exercent une activité professionnelle (5).

Les élus municipaux, partie prépondérante des élus locaux, forment ainsi une représentation intéressante des populations des territoires, nettement moins « élitiste » que celles des deux chambres du parlement et plus ressemblante à la composition de la population française.  Cette « représentativité » est un élément de taille concourant à assurer la « légitimité » du Sénat que les élus locaux sont chargés d’élire… et dont environ la moitié d’entre eux voteront en septembre 2020 pour renouveler la moitié des sièges du Sénat.

Une forte bipolarisation Gauche /Droite parmi les élus municipaux

Les dernières données d’ensemble sur la composition du corps des élus municipaux selon leurs orientations politiques sont issues des résultats des élections municipales de mars 2014 présentés par le ministère de l’Intérieur. Elles seront des points de comparaisons regardés au cours et à l’issue des municipales à venir.

Au 1er tour des municipales 2014, sur les 45,773 millions d’électeurs inscrits, 7,583 Mi l’étaient au scrutin majoritaire (SM) et 38,189 Mi au scrutin de listes (SDL). Le nombre total des suffrages exprimés avait été de 27,493 Mi, soit de 60% du nombre des inscrits. Ce taux était de 72,4% dans les communes de moins de 1 000 habitants (SM) et de seulement de 57,6% dans les communes plus peuplées (SDL).

Il n’y a pas de statistiques sur la répartition entre les partis politiques des 5 484 Mi de votes au scrutin majoritaire.

Sur les répartitions des 22 millions de votes au scrutin de listes au 1er tour des municipales et des 214 831 sièges attribués à l’issue des deux tours, les résultats sont :

. Droite parlementaire : 10,202 Mi (46,38%) de voix et 105 840 sièges. A eux seuls, les Divers droite ont obtenu 76 341 sièges, l’UMP, 11 151, l’UDI, 5 373 et le Modem, seulement 997.

. Gauche parlementaire : 8,401 Mi (38,20%) des voix et 72 624 sièges, dont 44 259 aux Divers gauche, 12 278 au PS, 333 seulement à EELV et 1 656 sièges aux communistes.

. Extrême droite : 1,073 Mi (4,88%) des voix et 1 600 sièges, dont 1 498 au Front national.

. Extrême gauche : 0,132 Mi (0,60%) des voix et 64 sièges.

. Divers : 2,191 Mi (9,96%) des voix et 34 703 sièges.

A l’issue des élections de 2014, le paysage politique municipal était ainsi  marqué par une forte bipolarisation gauche / droite, avec un net avantage pour la droite, contrairement aux municipales de 2008. Peu de places étaient occupées par l’extrême droite et pratiquement pas par l’extrême gauche. Les représentations du Modem et des écologistes étaient très modestes.

Les implantations de la droite et de la gauche dans les villes restent fortes

Aux municipales de 2014, la droite et le centre avaient gagné les mairies de 22 des 41 villes de plus de 100 000 habitants, 20 revenants à l’UMP et 2 à l’UDI. Parmi elles figuraient Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nice, Toulon, Saint-Etienne, Le Havre, Reims, Nîmes…

La gauche en avait obtenu 19, 15 revenant au PS, 2 au parti communiste (Montreuil et Saint-Denis), 1 aux Divers gauche (Montpellier) et 1 aux écologistes d’EELV (Grenoble). Parmi celles où des maires PS ont été élus, figuraient Paris, Lyon, Nantes, Rouen, Strasbourg, Dijon, Rennes…

Les cartes ont été un peu redistribuées depuis. Des déplacements d’élus de la droite et de la gauche vers le nouveau parti LREM ont eu lieu. En ce qui concerne les villes plus de 100 000 habitants, les mairies de Lyon, Montpellier et Orléans sont passées entre les mains du parti présidentiel. Parmi les 150 villes moyennes de moindre dimension, LREM a aussi « récupéré » Besançon, Digne-les-Bains, Nevers, Rodez et Valenciennes. Parmi ces 150 villes, des alliés détiennent une dizaine de mairies. Pour le Modem, ce sont Agen, Autun, Biarritz, Chaumont, Mont-de-Marsan et Pau. Pour Agir, ce sont Marmande, Melun, Quimper et Vesoul (7).

La montée des écologistes aux élections européennes et dans les sondages n’a pas encore eu de traduction dans les représentations municipales.

Aussi, à la veille des élections municipales, les mairies dirigées par des partis « de l’ancien monde » de la droite et de la gauche sont encore de loin les plus nombreuses. Mais ce ne sont que des indications partielles sur l’implantation des différents partis.

Des pronostics incertains et partiels sur les résultats des élections.

Le parti présidentiel en grande difficulté ?

Il faut remonter à un sondage Odoxa de fin janvier 2019 pour trouver des indications d’ensemble sur les « intentions » de vote au 1er tour des élections municipales de 2020… plus d’un an avant qu’elles aient lieu. Entre les listes des partis politiques, la répartition était alors : 7% pour la France insoumise, 11% pour le PS, 13,5% pour les Verts d’EELV, 18% pour LREM associée au Modem, 13,5% pour LR associés à l’UDI, 14% pour le RN, 4% pour une autre liste… et 19% pour une liste sans étiquette (8). 

Mais ces anticipations sont lointaines et ne sont plus d’actualité. Après avoir étudié les résultats des sondages « prévisionnels » (plus ou moins) récents rassemblés par les médias portant essentiellement sur une quarantaine de villes, dans un article du 29 février intitulé « Municipales 2020 : tous les résultats des sondages, LREM en difficulté » (8), l’internaute.com explique qu’ils « prédisent des intentions de vote élevées pour EELV et pour le RN, mais révèlent aussi que les partis traditionnels de la droite et de la gauche reprendront des couleurs ». Au contraire, LREM, qui n’aura des candidats que dans un faible pourcentage des villes et peine à en présenter de connus, pourrait « enregistrer des revers très significatifs ». Selon le directeur adjoint de l’IFOP, cela risque même d’être une bérézina.      Après le recours au 49-3, il est peu probable que les perspectives se soient améliorées.

 

 

 

 Des favoris des sondages au 1er tour dans des grandes villes

J’ai également fait le tour des infos sur les sondages effectués sur cette quarantaine de villes, dont 25 de plus de 100 000 habitants. Des « favoris », susceptibles de prendre la tête au 1er tour avec une avance notable sur leurs concurrents, apparaissent dans certaines villes. Mais, les scores sont souvent serrés, des alliances entre partis se sont déjà nouées et d’autres interviendront entre les deux tours. Ceci rend les « prédictions » très aléatoires, même dans des cas où le « favori » dispose d’une avance apparemment confortable sur ses concurrents. Voici les principales observations que j’ai retenues.

LREM (+ Modem) : A Paris, le parti obtiendra des sièges, mais la candidate Agnès Buzyn n’est pas la favorite des sondages. Le succès d’Edouard Philippe, d’abord donné favori, est loin d’être assuré au Havre. Le parti semble en mesure de conserver la mairie de Lyon et la métropole du Grand Lyon si les autres partis restent aussi divisés. A Strasbourg, LREM avec le Modem et Agir est en tête dans les sondages. Mais EELV, déjà associé avec le PCF pourrait faire un score supérieur s’il s’unissait avec le PS pour le second tour. La mairie LREM d’Orléans est menacée. Associé à LR et à l’UDI, LREM pourra obtenir des sièges de conseillers à Amiens et à Calais. Avec les Divers Droite, c’est aussi le cas à Beauvais. Les sondages lui ont également attribué des scores supérieurs à 12% dans une douzaine d’autres villes, dont Besançon, Grenoble, Nancy, Rouen et Tours.

PS et DVG : A Paris, entre Anne Hidalgo (PS) et Rachida Dati (LR), les pronostiqueurs sont partagés. La gauche paraît bien placée (d’après les sondages) pour conserver ou emporter les mairies de Nantes, Lille, Lens, Dijon, Clermont-Ferrand (avec le PCF et EELV) et La Rochelle. En tête à Avignon, la gauche est talonnée par le RN. Les sondages donnent aussi au PS et à ses alliés des scores supérieurs à 12% dans une douzaine d’autres villes, dont : Bordeaux (avec le PCF et EELV), Amiens et Nîmes (avec EELV, le PCF et LFI), Rouen, Reims et Montélimar (avec EELV et LFI).  

LR, DVD et UDI : Pour conserver et/ou acquérir des mairies, la droite est bien placée à : Bordeaux, Toulouse et Calais (avec LREM), Caen, Toulon, Reims, Saint-Etienne, Nice et Grasse. En tête à Marseille, LR est talonné par le RN. Par ailleurs, la droite est donnée à plus de 12% dans une vingtaine d’autres villes ayant été « sondées ».

EELV : Le plus souvent seuls, les Verts sont placés en tête des sondages dans 6 grandes villes : Besançon, Grenoble, Montpellier, Rouen, Strasbourg et Tours. Mais, en ce qui concerne la conquête de mairies, ils ne semblent pas pouvoir se passer de nouvelles alliances, sauf à Grenoble, où ils détiennent la mairie et où ils sont « favoris ». Dans plus de 15 autres villes, seuls ou associés, ils occupent la 2ème ou la 3ème place dans les sondages et pourraient éventuellement figurer au 2ème tour.  

Extrême droite : Le RN enregistre des scores d’au moins 12% dans une vingtaine des villes sondées. Il talonne LR à Marseille. A Avignon, la maire sortante PS est en tête, suivie de très près par la liste du RN. Il est largement en tête à Fréjus, dont il détient la mairie, et à Perpignan où ses chances ne semblent pas être négligeables. A Béziers, Robert Ménard, maire sortant, devance très nettement ses concurrents.   

Autres partis et Sans étiquette : Les sondages urbains laissent très peu de place ou ignorent les autres partis, dont la France Insoumise (LFI), l’UPR, le NDA…

Rappelons, pour finir que ces sondages ne portent que sur une partie des grandes villes et qu’ils ont été réalisés avant que le Covid-19 ait touché 100 000 personnes en France et avant que l’exécutif ait fait appel à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour « abréger » les débats parlementaires sur les retraites.

 

Sources et références

(1) Municipales 2020 : sept Français sur dix sont satisfaits de l’action de leur maire       lexpress.fr/actualite/politique/municipales-2020-sept…    le 13/02/2020   

(2) Municipales : seule une minorité des Français sait ce qu’elle fera    0doxa.fr/sondage/municipales-seule-une…     le 27/02/2020

(3) Paris, « municipales 2020 : « Agnès Buzyn ment » sur la gestion du Covid-19…    actu.orange.fr/municipales-2020/municipales-2020-agnes…    le 25/02/2020

(4) Municipales 2020 : qui sont les membres du gouvernement en lice ?    actu.orange.fr/municipales-2020/ municipales-2020-qui sont…     le 01/03/2020

(5) Structure par âge et par catégories socioprofessionnelles des élus locaux    Ministère de l’Intérieur + Insee, enquête Emploi 2014

(6) La part des femmes parmi les élus locaux augmente    Bulletin d’information de la DGCL N° 119 - novembre 2017

(7) Liste des maires des grandes villes françaises    wikipédia.org/wiki/Liste-des-grandes…

(8) Municipales 2020 : tous les résultats des sondages, LREM en difficulté     linternaute.com/actualite/politique/ 1728523-municipales…     le 29/02/2020

 

 

© 07.03.2020