208 aime - Académie du Gaullisme

La Lettre du 18 JUIN Vingt- sixième année – n° 208 – juin 2018
                                   Dîners-débats de l’Académie du Gaullisme
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208 aime

par Georges AIMÉ
L’EUROPE MALADE DES EUROPÉISTES
Il aura fallu quarante-cinq ans pour que nos dirigeants, et les dirigeants européens, amènent leur peuple respectif à un repli nationaliste. Faute d’avoir poursuivie l’idée du Général de Gaulle d’une Europe des Nations qui aurait aboutie à terme, quand les habitants de chaque pays auraient été habitués à travailler ensemble, sous les mêmes règles et les mêmes législations, à une Europe unie, puissante et indépendante de toutes pressions nord-américaines, la tentation du repli sur soi a pris le dessus. Autriche, Bulgarie, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Slovaquie, la liste s’allonge ! Les dirigeants français, si prompts depuis Pompidou à dénoncer les colonialismes d’où qu’ils viennent sont peu empressés de dénoncer le colonialisme exercé par le « grand allié » d’outre-Atlantique.

TAFTA/TTIP, accord sur le nucléaire avec l’Iran, droits de douane... et l’Europe reste muette, inféodée aux diktats états-uniens. Le président Trump a au moins le mérite de faire comprendre aux ressortissants des divers pays européens que les rodomontades et autres gesticulations de leurs dirigeants n’avaient guère d’influence sur lui. Je décide, vous pliez, sinon je vous exécute ! En ce qui concerne la France, l’on peut d’ailleurs se demander si tout cela n’est pas qu’un jeu de rôle tant nos dirigeants depuis Jospin et sa certitude de « l’impuissance du politique face aux intérêts économiques » n’ont cessé de baisser les bras. L’ont-ils fait par idéologie, conviction ou plus simplement incapacité à trouver la solution ? En ce qui concerne le président Macron, il ne fait aucun doute que ce qui l’anime est l’ultralibéralisme et la financiarisation de l’économie Qu’importe soit le prix à payer pour les Français qui n’ont pas capacité à organiser leur évasion fiscale !

Faut-il s’étonner de ce retour à grande échelle du nationalisme quand on voit le peu de solidarité envers l’Italie sur qui, parce que géographiquement la plus proche, pèse le poids d’une immigration déclenchée pour des raisons mercantiles et hégémoniques et devenue incontrôlée et incontrôlable ? Le mal est profond. Depuis Valéry Giscard d’Estaing, cette « construction » européenne n’a réellement poursuivie qu’un seul but : établir une vaste zone de libres-échanges et de libre circulation des capitaux On y a rajouté la libre circulation des hommes pour mieux peser sur les salariés des États où existe une véritable politique sociale, ennemie jurée de l’ultra-capitalisme. Jamais, ô grand jamais on a cherché à faire que les peuples européens se connaissent (Erasmus mis à part pour une minorité). On nous abreuve de films américains, de chansons américaines, d’informations ayant trait sur ce qui se passe aux ÉtatsUnis, de faits-divers américains. Qu’une vache mette bas un veau à six pattes aux fins fonds du Middle-West, que tel ou tel sénateur américain soutienne la vente libre d’armes à feu, et cela fait la une.

Par contre, que le Gouvernement espagnol soit renversé, que la politique menée par les dirigeants Hongrois et/ou Polonais soit inquiétante, que ces derniers préfèrent acheter de l’armement américain plutôt qu’européen et demande à Trump d’installer de nouvelles bases sous le nez de Poutine, cela n’intéresse guère nos médias et nos représentants politiques. Tout cela ne mérite pas qu’on s’y attarde et il ne faut surtout pas en informer de Peuple ! Nous ne connaissons pas nos voisins. Nous ne connaissons pas leur culture. Nous ne connaissons pas leurs us et coutumes. Ce que nous connaissons d’eux n’a strictement aucun intérêt. Que tel pays fabrique de grosses berlines, que le club de foot de tel autre ait le meilleur joueur du monde, que le mariage d’un prince soit l’événement de l’année, etc. n’apprend pas à se comprendre et à travailler ensemble.

On ne marie pas les peuples malgré eux. Partager des cultures ne se décrète pas. Faire des solos lyriques n’apprend pas à chanter ensemble. Partager un avenir commun, c’est se retrouver dans les aspirations de tous et avoir envie de les vivre ensemble. Ce n’est pas en nivelant par le bas, en délocalisant une usine dans un pays de la zone UE, en baissant les salaires et en réduisant les avantages sociaux afin qu’ils soient « concurrentiels », que l’on y arrivera. La vieille antienne, l’Europe, c’est plus de soixante-dix ans de paix ne suffit plus. Les générations se sont succédées et ce qui pouvait être un moteur pour les grandspères, voire les pères, ne l’est plus pour les enfants et petits-enfants à qui l’on a enseigné que la réussite matérielle aboutissait au « vrai bonheur » et qu’elle ne pouvait être que personnelle et très accessoirement collective. Tous pour moi, moi pour moi ! Contrairement à ce que l’on entend ici ou là, l’Europe n’est pas décadente, elle n’a pas fini de transmettre. Il est encore temps que son passé éclaire son présent pour préparer son avenir. Il n’est pas trop tard.

Il faut ré-enchanter le rêve européen en commençant par le début... c’est-à-dire en développant l’Europe des Nations. La France dans tout ça ? Elle doit à nouveau s’affranchir de la tutelle américaine, entraîner les autres pays derrière elle, être un nouveau moteur pour une nouvelle Europe, se doter de dirigeants qui ne soient pas pétris de leurs certitudes, inféodés au grand capital et qui sachent qu’en toutes circonstances l’intérêt général doit passer avant l’intérêt particulier.

© 10.06.2018
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