DE GAULLE, UNE VIE MARQUÉE PAR LA RIGUEUR
L'énergie du courage !
La force de vaincre !
L'espérance dans l'avenir !
par Christine Alfarge,
Charles De Gaulle, l'intuition en mode d'action.
Dès janvier 1940, Charles De Gaulle avait prévenu que « l’ennemi attaquera avec une puissante force blindée soutenue par l’aviation et l’armée française sera vaincue, à moins qu’elle ne rassemble immédiatement tous ses chars en plusieurs divisions blindées, autonomes, seules capables d’enrayer l’offensive allemande. » À travers ce message adressé aux personnes politiques et militaires les plus importantes, il trouvera malheureusement incompréhension et hostilité à son égard. « Là où le raisonnement s’arrête, l’intuition continue. C’est parce que l’intuition est surhumaine qu’il faut la croire, c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter, c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse » écrivait Victor Hugo.
Malgré toute cette période où le défaitisme se propage au sein du gouvernement français, Charles De Gaulle reste ferme et résolu, à aucun moment il n’évoquera une défaite ou un armistice, mais au contraire, continuer la guerre par tous les moyens possibles partout. Comme l’écrivait Churchill : « Le succès n’est pas définitif, l’échec n’est pas fatal. Ce qui compte, c’est le courage de continuer. »
La bataille est-elle perdue ?
Le 14 mai, après avoir franchi les Ardennes et la Meuse, sept divisions Panzer enfoncent les positions françaises à Sedan et Dinant, fragilisant l’ensemble des divisions françaises, britanniques et belges se trouvant au nord. Sans tarder, le président du Conseil Paul Reynaud demande du renfort d’aviation auprès de Churchill en lui adressant ces quelques mots, « Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille », ce qui décide aussitôt Churchill plus énergique que jamais de se rendre en France pour le rencontrer.
Le 15 mai, les nouvelles sont de plus en plus sombres, les Allemands approchent de Paris, tout semble perdu, Churchill lui-même ne veut pas y croire, la France ne peut être vaincue, cette armée française demeurant si invincible à ses yeux. Deux jours plus tard, Charles De Gaulle qui s’illustre à Montcornet, ignore encore que son courage sera remarqué par Churchill dont l’aide lui sera capitale pour lancer son célèbre appel. En mémoire de cette année manichéenne, le général De Gaulle dira plus tard, « L’espérance avait jailli au moment le plus critique, le plus dramatique, je dirai même le plus lugubre de notre destin. C’est à partir de là qu’elle a grandi et finit par ce que l’on a appelé la libération de la France. »
1940, année tragique.
De toutes les épreuves que la France a traversées en plus de dix siècles, 1940 est sans aucun doute la plus douloureuse, une armée décimée, des populations innombrables qui se rassemblent sur les routes de l’exode, affamées, ayant perdu leurs repères et tous leurs biens, puis très vite la débâcle du régime, c’est-à-dire les jours terribles qui précédèrent l’armistice du 22 juin, on y voit un pays sombrer dans un chaos inouï et dans l’ignorance des enjeux réels du conflit en cours, la désintégration de la République, la revanche de ceux qui ont choisi l’ennemi, le régime de Vichy avec ses monstrueuses lois raciales.
Le 10 juin, au regard de la situation, certains parlent déjà de capitulation des forces françaises, comme Weygand. Au cœur de l'abîme, d'autres hommes ont choisi de ne pas baisser les bras et se battre courageusement, à partir de là, la résistance de l'ombre va naître, parmi eux Jean Moulin, certain que le combat n'est jamais vain, « le tombeau des héros est le cœur des vivants. » écrivait André Malraux.
La France, notre pays, c’est d’abord une histoire.
« Sans doute l’histoire ne consiste-t-elle pas qu’à délivrer » disait le général De Gaulle, « elle est l’affrontement avec l’ennemi, aussi avec le destin. » Dans « l’étrange défaite », Marc Bloch écrivait « l’effort sera rude, combien il me semblerait plus commode de céder aux conseils de la fatigue et du découragement ! Un jour viendra, tôt ou tard, j’en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s’épanouir, sur son vieux sol béni déjà tant de moissons, la liberté de pensée et du jugement.
Alors les dossiers cachés s’ouvriront, les brumes, qu’autour du plus atroce effondrement de notre histoire, commencent, dès maintenant, à accumuler tantôt l’ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à peu, et, peut-être les chercheurs occupés à les percer, trouveront quelque profit à feuilleter, s’ils savent le découvrir, ce témoignage de l’an 1940 ».
On est face à son devoir comme on est face à son destin « la tragédie de la mort est en ceci qu’elle transforme la vie en destin, qu’à partir d’elle rien ne peut plus être compensé. » écrivait André Malraux.
L'épopée de la France libre de 1940 reste un magnifique exemple pour toutes les générations, De Gaulle incarnant l'homme providentiel qui s’impose comme le sursaut, l'espoir. Dans son ouvrage le fil de l'épée, ses mots raisonnent toujours : « Les armes ont détruit, mais aussi façonné le monde ; Elles ont accompli le meilleur et le pire, enfanté l'infâme aussi bien que le plus grand, tour à tour rampé dans l'horreur et rayonné dans la gloire. Honteuse et magnifique, leur Histoire est celle des hommes ».
Parce que nous avons la passion de la France, souvenons-nous des mots de Pierre Lefranc, compagnon de la libération, rappelant la grandeur de notre pays :« La France a assez souffert de sa défaite, des lâchetés, des trahisons pour qu’on n’oublie pas que grâce à De Gaulle et à ses volontaires, elle n’a pas démérité de son passé mais a été sauvée du déshonneur et rétablie sans tache dans sa vocation millénaire.
Mais qu’aurait fait De Gaulle sans Anne et Yvonne ?
Fille benjamine du Général et personnage clef de sa vie, l’influence d’Anne De Gaulle était immense. Le général De Gaulle n’était pas qu’une grande figure de l’Histoire française, c’était aussi un père de famille, un mari, il parlait ainsi « Sans Anne, peut-être n’aurais-je jamais fait ce que j’ai fait. Elle m’a donné le cœur et l’inspiration ».
Son épouse, Yvonne De Gaulle était consciente de son rôle actif dans des actions de solidarité, de lutte contre la précarité, sa générosité allait jusqu’à prendre sur ses deniers personnels afin de soulager la souffrance de telle ou telle personne dont les difficultés étaient parvenues jusqu’à ses oreilles. Son regard tourné vers les plus vulnérables, remettra sans cesse en question le lien de confiance permanent qui doit exister entre le peuple et celui qui a la légitimité dans l’exercice du pouvoir, autrement dit son époux le général De Gaulle.
Charles De Gaulle a toujours parlé de la France.
Le général De Gaulle réfléchissait et agissait sans les préoccupations inhérentes à la frénésie politique. « À quelle profondeur d’illusion ou de parti pris faudrait-il plonger, en effet, pour croire que des nations européennes, forgées au long des siècles par des efforts et des douleurs sans nombre, ayant chacune sa géographie, son histoire, sa langue, ses traditions, ses institutions, pourraient cesser d’être elles-mêmes et n’en plus former qu’une seule ? »écrivait Charles De Gaulle dans ses « Mémoires d’espoir ».
Au-delà du débat politique, il y a le pragmatisme, la réalité sur le terrain car la géopolitique n’est pas une science exacte, elle dépend toujours des relations avec les autres états. Nous vivons dans un monde imprévisible où plusieurs scénarios de conflits se profilent dans les temps futurs, marqués par de nouvelles hégémonies. À son époque, le général De Gaulle n’aura cessé de laisser une empreinte sur son action d’homme de paix et de liberté à travers de nombreuses visites à l’étranger plaçant la France au premier rang des nations démocratiques, ce qui favorisait les relations diplomatiques. Ainsi sur le plan international, ces nombreuses visites montraient surtout le réalisme du général De Gaulle, sa volonté de hisser la France au plus haut niveau dans le concert des nations. Aujourd’hui, notre devoir est de tenter de renouer avec les accents gaulliens pour porter la voix de la France à travers une politique d’équilibre et de paix.
« Un homme de l’Histoire est un ferment, une graine. » (Charles De Gaulle)
« L’important et, peut-être, pour tous les hommes qui ont été liés à l’histoire n’était pas ce que je disais, c’était l’espoir que j’apportais. Pour le monde, si j’ai rétabli la France, c’est parce que j’ai rétabli l’espoir en la France. » « La justice sociale se fonde sur l’espoir, sur l’exaltation d’un pays, non sur les pantoufles » […] « puisque tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera tôt ou tard source d’ardeurs nouvelles après que j’aurai disparu. » écrivait le général De Gaulle.
Colombey, la dernière demeure !
Le 5 mai 1969, dans une lettre, le général de Gaulle répond au Comte de Paris : « Si donc, comme vous voulez bien le prédire, monseigneur, ce qui a été fait, à mon appel et suivant mon action depuis quelque trente ans, pour rendre à notre pays, d’après les leçons millénaires de la maison de France, sa raison d’être, son rang et sa vocation universelle, doit devenir le ferment d’un nouvel essor national, je n’aurai, depuis l’autre monde, qu’à remercier Dieu du destin qu’il m’a fixé. »
Les dernières volontés du Général, le 12 novembre 1970, à Colombey.
Ce jour-là, les églises de France se joignent aux cloches de Colombey, il est 15 heures, un engin blindé portant un cercueil de chêne recouvert du drapeau tricolore sort de la Boisserie jusqu’à l’église du village.« J’entendrai toujours le grondement sourd de son moteur dans le silence. » se souvenait le fils du général, Philippe De Gaulle. Colombey pleurait, submergé par le recueillement populaire, dans le respect des dernières volontés du général De Gaulle passées à la postérité.
« Je veux que mes obsèques aient lieu à Colombey les-Deux-Eglises. Si je meurs ailleurs, il faudra transporter mon corps chez moi, sans la moindre cérémonie publique. Ma tombe sera celle, où repose déjà ma fille Anne et, où un jour reposera ma femme. Inscription : Charles de Gaulle 1890-… Rien d’autre. La cérémonie sera réglée par mon fils, ma fille, mon gendre, ma belle-fille, aidés par mon cabinet, de telle sorte qu’elle soit extrêmement simple. Je ne veux pas d’obsèques nationales. Ni président, ni ministres, ni bureaux d’assemblées, ni corps constitués. Seules les Armées françaises pourront participer officiellement, en tant que telles ; mais leur participation devra être de dimension modeste, sans musiques, ni fanfares, ni sonneries. Aucun discours ne devra être prononcé, ni à l’Eglise, ni ailleurs. Pas d’oraison funèbre au Parlement.
Aucun emplacement réservé pendant la cérémonie, sinon à ma famille, à mes Compagnons membres de l’Ordre de la Libération, au Conseil municipal de Colombey. Les hommes et femmes de France et d’autres pays du monde pourront, s’ils le désirent, faire à ma mémoire l’honneur d’accompagner mon corps jusqu’à sa dernière demeure. Mais c’est dans le silence que je souhaite qu’il y soit conduit. Je déclare refuser d’avance toute distinction, promotion, dignité, citation, décoration, qu’elle soit française ou étrangère. Si l’une quelconque m’était décernée, ce serait en violation de mes dernières volontés. »
« Hier encore, aujourd’hui, demain, nombreux seront les citoyens d’ici et d’ailleurs qui n’auront pas oublié, et, se référant au fondateur de la Vème République, chercheront en vain dans le grouillement politique des traces de sa rigueur et de sa dignité » hommage de Pierre Lefranc marquant l’éternité.
À Colombey, quand le souffle de la France s'est figé un instant entre tristesse et espérance !
*Christine ALFARGE Secrétaire générale de l'Académie du Gaullisme.
© 01.11.2024