RATIONALISER ET SIMPLIFIER LE VASTE

LABYRINTHE DES PRESTATIONS SOCIALES

par Paul KLOBOUKOFF

En 2005, les dépenses des administrations publiques sont évaluées par l’INSEE à 917,9 milliards d’euros, soit à53,8 % du produit intérieur brut (PIB). C’est près de +10 % de plus qu’en 1978. En leur sein, les prestations sociales (y compris les transferts en nature) sont devenues la principale composante et représentent 23,6 % du PIB, contre 18 % en 1978. En d’autres termes, les prestations sociales ont cru de + 30 % de plus que le PIB au cours de la période. Ceci résulte évidemment de choix politiques d’une certaine persistance, et les déficits publics avec l’endettement subséquent leur sont en grande partie imputables. Aussi, maîtriser les dépenses publiques et, parmi elles, les prestations sociales, est-il devenu un enjeu majeur qui, logiquement, ne devrait pas rester absent de la campagne préélectorale en cours.

Les prestations sociales sont nombreuses et variées. Leurs critères d’attribution sont pluriels et complexes, élaborés et remodelés sans doute dans le but de faire du sur mesure. Elles sont servies par des prestataires aussi divers que les caisses de sécurité sociale, les caisses d’allocations familiales, l’ASSEDIC, les caisses de retraite et les mutuelles, le services sociaux des collectivités locales, les hôpitaux publics, des associations… Elles forment un labyrinthe sinuant et mouvant, difficile à cerner et, apparemment, à contrôler.

Les prestations dites redistributives ne comprennent pas celles correspondant à la couverture assurantielle de risques comme la santé, les accidents du travail, la vieillesse et le chômage, normalement financées par les cotisations des assurés sociaux et de leurs employeurs. Par contre, relèvent de la redistribution des prestations dont les bénéficiaires n’ont pas acquis de droits par leurs cotisations, comme les bénéficiaires de la CMU et de la CMU complémentaire (respectivement 1,7 millions et 4,7 millions en 2005), ou dont les droits acquis leur procurent des ressources inférieures aux minima sociaux, comme le minimum vieillesse par exemple. En fait, les choses se sont compliquées à cause des déficits qu’accumulent certains régimes, qui sont couverts par l’impôt (y compris la CSG) et non par les cotisations. C’est vrai pour la santé. On peut ainsi considérer que les régimes de retraite des fonctionnaires, et par conséquent, les pensionnés concernés, bénéficient de transferts redistributifs. Les bilans de la redistribution qui sont faits ne peuvent pas encore tenir compte de toutes ces composantes particulières, pourtant de plus en plus importantes.

Les allocations familiales « sans conditions », versées à 4,8 millions de familles en 2004, et mal vues des politiciens à gauche, sont pratiquement les dernières prestations de cette espèce en voie de disparition. La plupart des prestations sont attribuées sous des conditions de ressources. La tendance a été renforcée entre1998 et 2001. Ces conditions varient selon le type de prestation et d’autres critères peuvent leur être associés comme : couple ou famille monoparentale, famille nombreuse, personne âgée, étudiant, employé, chômeur, Rmiste…

Les prestations complémentaires aux allocations familiales sont au nombre de neuf, et en comptant leurs subdivisions, d’une quinzaine. Les plus distribuées (DREES – Études et résultats, n° 435, oct. 2005) sont le complément familial (0,909 million de bénéficiaires en 2004), l’allocation de rentrée scolaire (3,102 millions de bénéficiaires), l’allocation pour jeune enfant (0,703 million d’allocataires), l’allocation parentale d’éducation (0,409 million), l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (Afaema : 0,567 million), l’allocation de parent isolé (0,197 million de bénéficiaires : 551,81 euros/mois pour une femme enceinte sans enfant et majoration + 183,94 euros par enfant) et l’allocation de soutien familial (0,686 million de bénéficiaires). Les lois de décentralisation de 1984 ont consacré la compétence des conseils généraux en matière d’aide aux personnes en grande difficulté pour des raisons de vieillesse, de handicap, d’insertion et de problèmes rencontrés par les enfants. Le nombre de bénéficiaires des aides à ces titres à la fin 2005 est voisin de 1,59 million (DREES, Études et résultats, n°514 – août 2006).

La loi du18 décembre 2003 a transféré de la CAF aux départements le versement du RMI, qui est touché par 1,13 million d’allocataires. Pourquoi ce déplacement, sachant que le montant du RMI attribué à un allocataire est fonction de la composition familiale, que ce montant peut être complété par des prestations familiales versées par la CAF et par la perception éventuelle d’un allocation logement, versée par la CAF aussi ? Pour un meilleur contrôle des droits et des prestations ? Ce transfert est la principale cause de l’augmentation des dépenses

d’aides sociales départementales au cours des dernières années. La deuxième cause est le remplacement de la prestation spécifique dépendance (PSD) par l’aide personnalisée à l’autonomie (APA), aux prestations plus ouvertes et aux conditions de ressources moins serrées. Un de ses objectifs majeurs est le maintien à domicile des personnes âgées. Elle est accessible à tous… sous plafond.

Le nombre d’allocataires des différentes formes de l’APA s’est élevé à 0,92 million à fin 2005. Le nombre de personnes âgées bénéficiaires d’aides est ainsi monté à 1,08 million. Pour sa part, l’aide aux personnes handicapées, à domicile ou en établissement, a touché0,236 millions de personnes. Quant à l’aide sociale à l’enfance, ses « bénéficiaires » sont de 0,272 million en 2005. Nombre de prestations ne sont ainsi pas exclusives d’autres prestations, de majorations et d’aides complémentaires et/ou supplémentaires. C’est le cas, notamment, de certains des 9 types de minima sociaux qui bénéficient à 3,5 millions de personnes, RMI et minimum vieillesse en tête. Le secteur des logements sociaux, avec sa composante principale les HLM et ses 4,2 millions de ménages bénéficiaires de loyers « modérés », depuis de très nombreuses années pour une partie d’entre eux, ne respecte pas des règles aussi strictes. Ses bénéficiaires peuvent en outre solliciter des allocations logement tout comme les locataires du secteur privé payant des loyers au prix fort. Normal ou anomalie ? En tout cas s’il est déjà difficile de connaître les nombres des bénéficiaires de chacune des prestations prise séparément, il semble impossible, en raison des cumuls, de calculer les nombres totaux des personnes et des ménages qui reçoivent des aides, d’une part, et de savoir quels cumuls d’aides vont effectivement aux différents ménages types. C’est l’opacité. Totalement involontaire ?

Si on essaie de faire le compte des bénéficiaires d’aides au logement, par exemple, aux 4,2 millions de ménages locataires de logements sociaux (dont la moitié touchent aussi des allocations logement), il faut ajouter le tiers des locataires du secteur privé qui touchent des AL, soit environ 1,8 million de ménages, et 1 million de ménages logés gratuitement. On peut ainsi estimer à environ 7 millions le nombre de ménages locataires recevant une ou plusieurs aides au logement. C’est 28,5 % du nombre total des ménages. Nous savons que 56 % des ménages sont propriétaires de leur logement. Ainsi, c’est plus de64 % de l’ensemble des ménages qui ne sont pas propriétaires qui reçoivent des aides. Ailleurs qu’en France, un tel chiffre serait certainement considéré comme très fort et il serait porté à la connaissance du public et des électeurs.

 Chez nous, des aides sont aussi accordées aux accédants à la propriété. La raison n’impose-t-elle pas de faire mieux, et non de faire toujours plus ? Il faut également arrêter de densifier l’habitat dans les grandes métropoles urbaines et leurs banlieues. Le coût réel y est très élevé. La pollution et les nuisances y sont déjà ravageuses et la circulation est déjà impossible. Les services publics sont débordés. Il faut prévenir la mort par étouffement, au sens propre et au sens figuré.

 
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