L’IMMIGRATION

 par Christine ALFARGE

 

Compte rendu du dîner-debat du 23 octobre 2007 en présence de M. Pierre Henry,

co-auteur avec Pascale Egre du livre Cachan, la vérité, le défi migratoire

et de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire de Cachan

Le Président de la République a fait lire dans les écoles, hier 22 octobre 2007 la lettre de Guy Môquet, il a appelé notre attention sur cette période de la deuxième guerre mondiale, de la Résistance et du Général de Gaulle. C’est notre devoir de mémoire, le travail de la mémoire qui nous donne à penser que l’histoire ne se répète pas obligatoirement sous la même forme. Le souvenir s’inscrit dans notre combat perpétuel, en référence à notre passé qui doit générer un processus dynamique et créatif qui enrichisse le présent et l’avenir afin de prévenir tous les débordements.

En évoquant l’immigration, nous associons à la fois mémoire et histoire sur un sujet essentiel et incontournable qui mérite un regard attentif et pédagogique sur la connaissance élément essentiel pour comprendre la nécessité de quelles politiques de l’immigration peut être mise en oeuvre dans notre pays.

Quelles sont les grandes phases de l’histoire de l’immigration ?

Il existe quatre aspects successifs dans la politique de l’immigration en France.

La première période va de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1930. L’événement important est la loi de 1889, qui donne la nationalité française à l’enfant né en France de parents nés en France et c’est en référence à cette loi que tous les codes de la nationalité vont être élaborés jusqu’à maintenant. À cette époque, le manque de main-d’oeuvre conduira à une vague migratoire de « proximité » venant des pays frontaliers comme la Belgique, l’Italie, la Suisse ou l’Allemagne. De nombreux Russes blancs fuiront à leur tour ainsi que des Juifs d’Europe de l’Est pour échapper aux pogroms. Des centaines de milliers de Polonais mais aussi des réfugiés politiques fuiront la montée du fascisme.

Avec la deuxième période de 1935 à 1944, l’immigration devient un enjeu dans le débat public. Il apparaît alors une politique d’immigration pensée et structurée prônant une sélection « ethnique », « professionnelle » et « sanitaire » des étrangers. Le droit d’asile pour les réfugiés ne sera pas remis en cause jusqu’à l’arrivée du régime de Vichy, qui soutiendra une politique xénophobe.

La Libération symbolise la troisième période où le contrôle de l’immigration devient une « priorité » politique. Aucune ordonnance ne prône la discrimination ethnique, le droit d’asile est maintenu et le regroupement familial est autorisé sans restriction. Les trente glorieuses qui suivront, feront apparaître une main-d’oeuvre très importante venue du Maghreb, d’Espagne et du Portugal. La dernière période qui commence en 1974 jusqu’à aujourd’hui vise à suspendre théoriquement l’immigration en dehors du droit d’asile et du regroupement familial. Les partis politiques s’affrontent à travers une multitude de lois et l’instrumentalisation qui en est faite occulte un débat qui devrait être plus serein car au regard de l’histoire, l’immigration constitue un apport constructif pour la société. France terre d’asile présidée par Pierre Henry est une organisation née en 1971, créée par un certain nombre de résistants et dont un des présidents fut Edgar Pisani. Elle agit en vertu d’un principe constitutionnel qui est inscrit dans la Constitution de 1946 repris dans la Constitution de1958. L’asile est un domaine qui est précisément codifié et qui répond à une convention internationale signée par cent quarante États dans le monde et qui donc s’impose à l’ensemble de ces États.

A travers le livre Cachan la vérité, le défi migratoire, coécrit avec Pascale Egré, les auteurs ont voulu raconter leur part de vérité sur les événements de Cachan. Selon Pierre Henry « Cachan, c’est la vérité d’un impensé migratoire, pendant quatre ans les Pouvoirs publics et les politiques publiques ont totalement hésité sur la conduite à suivre. Cachan la vérité, c’est aussi l’accumulation de misère venue du sud sur le territoire de la cinquième puissance du monde. L’immigration est un mot générique qui permet beaucoup de confusion, il n’y a pas une immigration mais il y a des migrations et il y a des migrations qui répondent à des problématiques de droit comme l’asile qui est codifié par une convention internationale mais de la même manière d’autres migrations de droit au titre du regroupement familial principe codifié par une convention internationale qui est la convention européenne des droits de l’homme, le droit de vivre en famille, également codifié par le Conseil constitutionnel dans un arrêt de 1993, prône l’égalité dans la possibilité de vivre en famille ». En appui à ces propos, le député-maire de Cachan Jean-Yves Le Bouillonnec déclare « La France a un problème avec la manière dont elle règle les choses, elle alimente les peurs et n’assume pas ».

Faut-il ouvrir ou fermer les frontières ?

Des questions sont posées autour des défis migratoires en France comme en Europe. Depuis 1974, la plupart des pays européens ont opté en principe pour la fermeture des frontières. En réalité, l’Allemagne n’en a pas fini avec ses travailleurs saisonniers comme l’Espagne, l’Italie et la France avec ses travailleurs clandestins. On assiste de temps en temps à des régularisations de sans-papiers et l’immigration continue notamment dans les secteurs où la main-d’oeuvre clandestine est la plus importante et la plus flexible, l’agriculture, la confection et le bâtiment. L’origine géographique et religieuse des migrants a changé et fragilise le modèle d’intégration à la française. Le débat actuel sur l’immigration n’est pas favorisé par les abus et les actions illégales de plus en plus nombreuses que ce soit au niveau des fausses demandes d’asile, des fraudes au regroupement familial ou du franchissement des frontières.

Face à cette situation que faut-il faire ?

La construction d’une politique européenne de l’immigration légale sera un des sujets abordés par la future présidence française de l’Union européenne. À l’instar du Canada peut-être sera-t-il proposé un système à points visant à recruter des travailleurs qualifiés en fonction des besoins professionnels et régionaux. Cela dépend aussi de la relation que l’Europe entretiendra avec les autres pays du monde. L’Union européenne doit agir efficacement en matière d’immigration et de co-développement nord-sud afin d’organiser ses flux migratoires.

Changer le regard sur l’immigration.

La société française est une société de diversité fondée sur des faits historiques et scientifiques. Depuis deux siècles, notre société s’est enrichie de toutes les cultures, les religions, les philosophies et les idées. Comme nous le rappelle Gilles Bachelier dans une citation du Général de Gaulle extraite d’une conférence de presse tenue le 31 janvier 1964, c’est un admirable plaidoyer en faveur d’une France ouverte sur le monde, cette France à laquelle nous adhérons tous et qui constitue le sens même de notre engagement. «Par-dessus tout, disait le Général de Gaulle, il se peut dans l’immense évolution du monde qu’en multipliant les rapports entre les peuples, on serve la cause des hommes c’est-à-dire celle de la sagesse, du progrès et de la paix, il se peut que de tels contacts contribuent à l’atténuation des dramatiques contrastes et oppositions entre les différents camps qui divisent le monde, il se peut qu’ainsi les âmes où qu’elles soient sur la terre se rencontrent un peu moins tard au rendez-vous que la France donna à l’univers voici cent soixante-quinze ans celui de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. »

 
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