L’IMMIGRATION

par Jacques DAUER

(introduction au dîner-débat avec M. Pierre Henry) 

Chère Madame, Cher Monsieur, Monsieur le Maire, Chers Compagnons et Amis, Ma filiation est curieuse pour l’époque : j’avais une maman croyante et un père libre-penseur et francmaçon. Ma formation ne le fut pas moins car dès l’âge de dix ans, j’avais le droit, à condition de ne pas intervenir, d’être présent lorsque mes parents recevaient. Après le départ des invités, J’avais le droit de les interroger sur certains propos que je pouvais n’avoir pas compris. C’est ainsi, qu’en 1936 je crois, j’entendis Jean Nocher déclarer : « Avec mon avion, j’irai bombarder la Chambre des députés ».

Je demandai plus tard à mon père des explications. Je me souviens qu’il me répondit : « Ne t’en fais pas, d’abord il n’a pas d’avion, ensuite il n’est pas pilote ». Les discussions étaient parfois vives, me semble-t-il. Ainsi en était-il de la violence des propos à l’égard de ceux qui prônaient l’antisémitisme. C’était un âge où ce mot était quasi inconnu. Je ne suis pas certain d’avoir bien compris alors les explications de ma mère et de mon père, mais ce dont je suis sûr c’est que c’était inacceptable.

Le jour de mes douze ans, mes parents organisèrent un dîner, présidé par ma mère, avec de chaque côté de la table douze maçons, au cours duquel papa me dit : « Jacques n’oublie jamais qu’un ouvrier entre dans un tunnel à l’âge de quatorze ans et qu’il n’en sort qu’avec la mort. Le rôle d’un patron, c’est qu’il en sorte bien avant. » Cela, je ne l’ai jamais oublié, c’est resté mon axe de vie. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours prôné une nouvelle forme de relations entre les hommes qui ferait cesser la confusion entre la liberté et l’assistance publique, confusion qui fausse trop souvent les rapports de nos contemporains. Un rêve ! mieux, une utopie. Il peut sembler que mes propos n’aient aucune relation avec notre débat à venir ! Peut-être ! J’ai demandé à notre compagnon Gilles Bachelier, dans un instant, de vous présenter, mais il me paraissait nécessaire d’espérer donner auparavant une impression dénuée de tout dogmatisme mais plutôt mue par une vie qui a, dans sa jeunesse, fréquenté l’infréquentable.

Dans l’imprimerie grand-paternelle, j’ai pu apprendre par mon père qu’il y avait des conducteurs algériens ; dans celle de mon père, j’ai pu constater la présence d’ouvriers martiniquais ou guadeloupéens ; plus tard quand je pris la succession, le « métissage » s’accrut naturellement sans aucune opposition de quiconque. Pour le personnel, comme pour les patrons, ils étaient Français. Mais pour moi, le plus important, ce furent les années d’occupation où une femme polonaise, secrétaire de mon grand-père puis de mon père, et deux hommes, hongrois, conducteur, et turc, typographe, juifs, durent porter l’étoile jaune. Je fus révolté et je le reste d’autant plus aujourd’hui que, l’un d’entre eux, prit dans une rafle, eut la fin que les nazis d’hier promettaient à ses porteurs et que les nazis d’aujourd’hui veulent nier l’évidence de la Shoa. Toute mon éducation se révolta contre de tels faits qui furent et restent inacceptables. La patience, c’est l’art de se mettre en colère lentement. Elle monte insensiblement, mais elle apparaît et je vois le moment où elle éclatera car Ceux qui vivent sont ceux qui luttent nous apprend Victor Hugo. Je vous demande alors de méditer cette phrase de Gambetta : « Ce qui constitue une vraie démocratie, ce n’est pas de reconnaître des égaux mais d’en faire ».

Le nom de votre association, cher Monsieur, est France, terre d’asile. À aucun moment, je n’accepterai que cela soit remis en cause. C’est un fait. Intangible. Cela concerne les pays où, de notoriété, des peuples sont en rébellion, en lutte armée et ou s’exerce, si j’ose dire, le totalitarisme le plus sanglant. La célèbre formule de Marc-Aurèle me révulse : « Habitue-toi à tout ce qui décourage. » Jamais. C’est une des raisons qui font que je ne saurais accepter le test ADN. De plus pour des personnes en situation régulière. On peut me dire tout ce que l’on voudra, je ne puis consentir à une telle hérésie humaine. Mme Fadela Amada a parfaitement raison de traiter cet amendement de « dégueulasse ».

Mais Terre d’asile n’a pas la même signification que Terre d’accueil. L’un, c’est ouvrir son coeur, l’autre, sa porte. On se souvient de la parole de Musset : « Frappe-toi le coeur, c’est là qu’est le génie. » La grande différence, entre la première et la seconde réflexion, c’est qu’ouvrir son coeur, c’est le don de soi-même ; dans la seconde il y a plus qu’une nuance, c’est, au mieux, une mystique dégradée. Pour autant, il y a un risque important c’est celui d’un pays communautaire, idéologie en complète opposition avec la philosophie de notre pays. Cette conception traverse trop d’esprits aujourd’hui, notamment chez les aliborons de l’ÉNA, quelle que soit leur appartenance politique. On nous parle de pays européens ayant adopté de tels principes immoraux. Certes les nations nordiques ont appliqué des lois eugéniques. La France les a-t-elle acceptées ? Que nenni, elle les a rejetées, elle s’est grandie. Quant à l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne, c’est faux, car les tests étaient encadrés et de plus extrêmement limités. Le communautarisme, de quelque nature qu’il soit, fait peur même chez ceux qui le pratiquent. Cette peur est issue, c’est l’évidence, de la lâcheté de l’ensemble de la classe politique, nationale, régionale, départementale et municipale. L’éducation que j’ai reçue m’a appris à respecter l’autre, l’Histoire, que mes maîtres m’ont enseignée, portait sur la formation du peuple français provenant de souches multiples et que le génie de ces différents peuples a préféré assimiler pour former une pensée plutôt qu’une réflexion tribale, qui n’est alors que communautarisme. Il est vrai que jusqu’il y a peu, la spiritualité, voire la philosophie, était de même nature. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Nous craignons aujourd’hui l’entrée sur notre territoire des mafias turques, kosovardes, bulgares, albanaises, russes, etc. Ces mafias qui pratiquent l’esclavagisme féminin, autrement dit le proxénétisme, pratiquent également le trafic de la drogue. Mais le pire, le plus exécrable, ce sont les trafics de « nos enfants » que ces individus exercent avec d’autres. Je vous avoue n’avoir aucune compassion pour ces gens-là. La population a peur car elle constate tous les jours dans les quartiers, dans les banlieues les méfaits de ces pratiques et que les jeunes en sont atteints ou l’appliquent. La violence des uns rejoint la violence des politiques qui votent des lois, mettent en place des résolutions, refusent de véritablement combattre les fléaux de la société. Ils se protègent comme des pleutres, des jean-foutre grâce à leur principe de précaution qui ne protège personne sauf eux-mêmes.

C’est une des raisons qui nous fait hésiter pour les uns, refuser pour les autres toute immigration qu’elle soit d’asile ou d’accueil. Malraux n’a-t-il pas raison lorsqu’il nous dit : « Juger, c’est déjà ne pas comprendre ». C’est pourquoi nous combattons le pillage de l’Afrique et l’immigration choisie qui est une conséquence de ce pillage mais qui est aussi, pour les managers-voyous un moyen de lutter contre les augmentations salariales dans leurs entreprises. Je sais que nous vivons une époque où il est très malaisé de parler beaucoup sans dire quelque chose de trop (Louis XIV). J’ai l’impression, sinon la certitude, d’entendre trop souvent Fouquier- Tinville : « Donnez-moi une phrase de n’importe qui et je me charge de le faire pendre. » Je ne saurais oublier la pensée d’Arthur Miller : « La religion inconnue de l’Amérique, c’est l’autodestruction. » Ouvrir les portes à tout va, c’est non point accepter que l’autre vive aussi bien que soi, mais permettre à l’autre de prendre votre place sans aucun respect pour les conséquences. C’est une forme d’orgueil mais surtout de lâcheté. Cette conception est une atteinte à la liberté de pensée, de croyance. Cela s’apparente au sectarisme, c’est l’ouverture vers l’intolérance, c’est la résignation contre la sagesse, c’est refuser l’idéal laïc de la France.

Je me rapporterai au président de la Convention, Rabaut-Saint-Étienne qui déclarait : « Pour rendre le peuple heureux, il faut le renouveler ; changer ses idées ; changer ses lois ; changer ses moeurs ; changer les hommes ; changer les choses ; changer les mots… Tout détruire puisque tout est à recréer. » Pour ma part, par éthique, j’ai toujours considéré qu’il était indispensable d’aller à l’essence même des choses ; par conviction, j’ai toujours estimé qu’il était nécessaire de pousser la critique événementielle ; par habitude culturelle, j’ai toujours pensé que de la confrontation de l’essence et de la critique naissaient les éléments positifs qui permettent un accord d’une part entre les hommes, d’autre part entre eux et les phénomènes d’interaction. Deux phrases du Général de Gaulle me serviront de conclusion : « Je crois que la nation française est digne de la France » ; « Quand la France réussit, tous ses enfants voient grandir leurs chances ! ».

 
HTML Web Counter