IMMIGRATION

par Étienne Tarride

Je ne suis pas d’accord avec les thèses de notre ami Pierre Lombard et je vais m’en expliquer en toute amitié par rapport a lui que j’apprécie beaucoup. Contrairement a Pierre, je ne pense pas que l’ immigration africaine soit une menace pour notre identité nationale. La France est une vieille terre d’ immigration qui a absorbé sans dommage des vagues successives d’ immigrants, les plus diverses et les plus variées et cela depuis l’Antiquité.

Notre identité nationale ne dépend pas de la pigmentation de notre peau, de notre origine géographique, de notre religion, ou de notre absence de religion, mais de notre langue et surtout et principalement de nos valeurs qui depuis 1789 sont républicaines et qui unissent tous les citoyens français sans distinction de race, d’origine ou de religion (article premier de la Constitution de la Ve République), à savoir la liberté, l’ égalité et la fraternité. Ces valeurs étant du reste universelles et pouvant être adoptées par n’ importe quel être humain, toutes origines, races ou religions confondues. Dire que les immigres africains ou maghrébins sont inassimilables et feraient régresser notre civilisation est une peur irrationnelle non fondée ; les Africains qui ont eu de très brillantes civilisations dans le passé et dont la culture n’est nullement primitive contrairement a des préjugés stupides datant de la période coloniale, ne sont porteurs d’aucun gène les rendant inassimilables ou inférieurs aux blancs.

Faut-il rappeler qu’un noir africain, le très brillant Léopold Senghor fut membre de l’Académie française, laquelle compte également dans ses rangs la grande romancière Assia Djebar, d’origine algérienne, sans oublier François Cheng, romancier d’origine chinoise. Tous ces immigrés ont contribué de belle manière au rayonnement de la langue et de la culture françaises, en somme de notre civilisation commune ; comme le feront sans aucun doute a l’avenir, nombre de ces enfants d’ immigrés originaires du Maghreb, d’Afrique noire ou d’Asie pour peu qui ils ne soient pas victimes d’un phénomène de rejet irrationnel de la part de certains Français dits de souche. On rappellera également qu’un tiers des Français a au moins un ascendant d’origine étrangère (c’ était d’ailleurs le cas du Général de Gaulle, lequel avait des ascendants allemands et irlandais) et que les Français de souche totalement française moi-même ou Jacques Dauer ne sont eux mêmes que des métis de différentes ethnies gauloises voire d’ethnies étrangères provenant des grandes invasions (germaniques, burgondes, huns, arabes, wisigoths, etc.).

Si l’on veut que notre pays continue d’avoir un rayonnement international, cessons de vouloir l’enfermer à triple tour dans le petit hexagone et dans une identité fantasmée et imaginaire dont il faudrait protéger la prétendue pureté. C’est son ouverture au monde qui a fait la grandeur et le prestige de la France et non pas son repli frileux sur l’ hexagone.

Le texte de M. Lombard est effectivement bien intéressant, et principalement à deux titres :

 - il reproduit exactement les thèses de ce grand gaulliste que fut François Brigneau, un homme qui voyait les choses de haut ;

- il n’hésite pas à parler de l’installation des Juifs en Palestine, ce que même Brigneau n’osait pas faire, mais cela devait tenir à l’époque ;

- il illustre parfaitement la stratégie de l’actuel gouvernement, inspiré de ces deux maîtres que furent André Maginot et Ferdinand Lop : prolonger la ligne Maginot jusqu’à la mer des deux côtés. Persister dans une vision répressive de l’immigration est une ligne Maginot. Il faut se faire à l’idée que le temps des peuples séparés et des civilisations localisées est terminé. Si on voulait maintenir ce temps-là, il ne fallait pas inventer l’avion. Il faut se faire à l’idée que la terre est peuplée d’une humanité et d’une seule et qu’il sera de moins en moins possible de limiter les déplacements et les mélanges.

Penser que ces mélanges marqueront la fin de notre civilisation est un aveu; un aveu de faiblesse. Notre civilisation a vocation à être universelle. Elle a vocation à emprunter aux autres cultures non pour disparaître mais pour s’améliorer encore. Si notre culture est trop faible ou trop particulariste pour se confronter aux autres et en absorber le meilleur, alors elle ne mérite pas qu’on se batte pour elle. Se battre pour elle, c’est lui faire de nouveaux adeptes. C’est convaincre et en aucun cas réprimer, en aucun cas renoncer à un droit précieux parmi tous, le droit du sol face à l’ignoble droit du sang, en aucun cas priver pour des raisons de papiers d’identité qui que ce soit de soins, ou d’hébergement ou encore de nourriture.

C’est à partir de notre culture que nous pourrons, au lieu d’attiser les peurs, habituer très vite les enfants à vivre ensemble. Ce serait de la naïveté si les délits et les crimes n’étaient pas réprimés. Il faut qu’ils le soient, quels qu’en soient les auteurs. Mais le premier pas sera l’abrogation immédiate du délit de séjour irrégulier qui a pour seul effet de faire punir injustement ceux qui ne nuisent à personne, et de favoriser les menées de ceux qui organisent des bandes et des mafias avec ceux que cette infraction d’un autre âge livre à leurs appétits.

Alors, et alors seulement, pourra commencer à être mise en place une politique de co-développement qui est la seule vraie solution pour que les gens préfèrent vivre où ils sont nés, mais qui restera un infâme baratin tant que les Français donneront le sentiment d’avoir peur et de combattre cette peur par la répression. La confiance des autres se mérite aussi.

 
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