UN RAPPORT ATTALI DEROUTANT

 

 

 

CHANGER LA FRANCE : POUR QUOI ?

 

Un rapport Attali déroutant, décevant, inquiétant

 

 

Par  Paul KLOBOUKOFF

 

            Les orientations du rapport ont été cadrées par le but assigné à la Commission Attali, libérer la croissance, et par le tournant résolument européiste qu’a pris notre Président Nicolas Sarkozy (NS) après son élection. Avant d’assurer la présidence tournante de l’Union européenne (UE), il a voulu imposer un traité  « simplifié » et relancer la machine, en panne depuis une dizaine d’années. Ouverture, mondialisme et intégration de la France dans l’UE sont donc de rigueur. Avec la concurrence et la recherche de la visibilité et de la compétitivité par le gigantisme. La Commission a peut être frappé plus fort qu’initialement prévu. Le choix de Jacques Attali comme président et sa composition, avec une grande majorité de patrons ou d’ex et un encadrement par d’éminentes autorités européennes de la concurrence, peuvent suffire à expliquer un tel débordement. Cette composition apparaît moins comme une force que comme une faiblesse pendant que des affaires douteuses ou scabreuses secouent le patronat (voir annexes à ces sujets), qui traverse une zone de turbulence et n’est pas en odeur de sainteté auprès du public.

 

            Déroutant, ce rapport contient 316 « décisions », souvent sommaires et de niveaux inégaux, avec plus d’affirmations que d’arguments et de justifications économiques et sociales des choix faits. L’appréciation de la faisabilité est rare. La hiérarchie et les priorités ressortent peu, et les auteurs insistent pour que les 316 décisions, qu’ils jugent toutes importantes, soient retenues. D’autre part, nombre de décisions sont déjà prises ou sont dans le pipe-line décisionnel. Des annonces de réformes sont faites presque toutes les semaines, d’autres rapports sont publiés. Tout cela ajoute à la confusion régnante quant aux intentions réelles de nos gouvernants. On imagine que le rapport Attali (RA) visait à aider ces derniers. Il semble davantage semer le doute ou la déroute et susciter la réprobation, notamment chez des élus de la majorité et chez des citoyens qui ont soutenu NS aux présidentielles.

 

            Décevant, ce rapport est trop polarisé sur deux objectifs, la concurrence et le grossissement, qui sont d’ailleurs en partie contradictoires. Il faut laisser se constituer des géants ou aider à en fabriquer, pour être plus « visibles » et plus concurrentiels vis-à-vis de l’extérieur. Les oligopoles sectoriels prolifèrent, prospèrent et écrasent, légalement ou non, la concurrence sur nos « marchés » intérieurs français, éliminant au passage les PME et les PE et creusant les écarts de dimension et de puissance avec les survivants, auxquels il ne reste plus qu’à faire l’aumône de demi-mesures, tout en incriminant leur manque de dynamisme. La mobilité, dans tous les domaines, et la flexibilité sont deux compléments prônés. Les citoyens, immobiles, timorés, doivent se bouger, dans le travail, le logement, la scolarité et les études, car ceux-ci n’arriveront pas tout cuits à proximité de chacun d’eux, surtout avec les concentrations et les regroupements prévus et recommandés. Le rapport « mise » beaucoup sur l’éducation, la formation, la recherche, les technologies de pointe, le très haut débit et la révolution numérique pour rendre attrayant l’avenir… à long terme. En attendant, vive l’importation de travailleurs étrangers pour permettre la croissance dans des secteurs qui manquent de bras, de jambes et de têtes. Positions assez patronales, somme toute.

            Ce rapport ne mérite pas la qualification de « libéral » juste parce qu’il prône la concurrence, qui, en réalité, prend surtout pour cibles les petits (propriétaires de taxis, pharmaciens et boutiquiers, infirmières libérales…). Il cherche à évincer l’Etat en tant que régulateur économique. Mais il le remplace par des lois et des règlements ainsi que par des Autorités « indépendantes » toutes puissantes chargées de faire respecter l’ordre nouveau et de châtier les contrevenants. Il ne tend donc pas à rendre l’économie, les marchés et les acteurs plus libres. Les auteurs sont trop conscients des dérives comportementales récentes, présentes et potentielles. Ils ne peuvent ignorer le divorce majeur entre les intérêts individuels, des firmes, en particulier, et l’intérêt collectif. C’est une des grandes causes de la faiblesse de notre croissance aujourd’hui, sur laquelle le rapport est muet. Pas grand-chose sur les délocalisations et sur les performances des dirigeants, sur leurs rapports qualité / prix (stock-options inclus), en quelque sorte.

            Il n’aborde pas, non plus, les problèmes cruciaux qui perturbent notre système économique et financier, le précipice qui s’est creusé entre l’économie réelle et la sphère financière, de plus en plus livrée à la spéculation, enchaînant les crises, passant de l’euphorie au désespoir, risquant d’entraîner dans l’abîme le système capitaliste dans son entier. Et avec un dollar qui titube et fait des embardées ! Peut-on faire l’impasse sur ces sujets quand il s’agit de libérer la croissance ? Peut-on glisser sur notre déficit commercial, ignorer l’explosion des importations ?

 

            Inquiétant, le rapport croque une esquisse de ce que pourrait être une France future, intégrée, dissoute dans l’UE. Pour montrer qu’elle ne disparaît pas complètement, il faut faire émerger, rendre visibles, placer dans les premiers rangs des classements internationaux une sélection de sociétés ou des groupes, industriels, commerciaux, financiers, de services, ainsi que des institutions sanitaires, de recherche, d’enseignement, Paris et quelques grandes villes avec leurs aéroports, quelques ports… ainsi que certaines activités dans lesquelles la France est déjà bien classée. Pour qu’ils soient visibles, performants et concurrentiels dans notre nouvelle patrie, l’Europe, et dans le monde, les champions doivent être gros et puissants. C’est dans la logique du système, sélective et concentrationnaire, qui est à l’œuvre et que le rapport propose d’étendre et d’accélérer. A côté de ces champions  à vocation multinationale, en large part exportatrice, il faudrait développer les infrastructures et les activités de transit, la France étant idéalement bien située pour cela, et le tourisme international. Cela fait aussi partie de la quête de l’attractivité, pour que davantage « d’investisseurs » étrangers s’installent ou passent quelque temps chez nous. En aidant les services à la personne, on maintiendrait un flux de créations d’emplois qui se renouvelle et croît avec les besoins, eux-mêmes stimulés par les progrès technologiques et le vieillissement de la population.

            C’est un territoire peuplé d’inégalités et de déséquilibres alourdis qui se découvre, avec une domination sans partage de Paris et de sa région, ainsi que d’un nombre limité de pôles, au dessus d’un grand espace promis à une plus rapide désertification. La France d’en haut se concentrerait dans le secteur moderne de grands pôles urbains performants, tandis que la France d’en bas occuperait le reste du pays, ses campagnes, ses bourgs et petits centres urbains, ses banlieues ingrates et sans projets. Pourquoi ne pas remodeler alors les structures politiques et administratives du pays, en supprimant les Départements, par exemple, pour commencer ?

            Un tel dessein technocratique, dans lequel la France perd sa personnalité, ne me semble pas correspondre aux vœux de la majorité des citoyens, auxquels des responsables politiques démocrates sont censés répondre. Son manque d’âme et de chaleur refroidit. Et la justesse du choix de la libération de la croissance par plus de concurrence entre certains acteurs  reste à démontrer… dans la France secouée, dans l’Europe déprotégée et dans l’économie mondiale frappée par une crise financière sans doute durable, malheureusement.

 

Une Commission euro patronale trop taillée sur mesure

 

 Il faut lire l’ouvrage. Pour leur en faciliter le décryptage, je conseillerais aux nouveaux lecteurs de commencer par la fin, en s’attardant sur les 36 pages où sont présentés 42 membres de la Commission et leurs points de vue personnels. Ces membres sont tous des cadres (très) supérieurs. Il y a 8 femmes et 34 hommes. La base de la Commission, si l’on peut dire, est constituée de 26 « exécutifs » du privé, soit 18 présidents ou PDG, 4 directeurs généraux plus 4 secrétaires généraux et autres dirigeants d’entreprises et d’associations. Deux sont étrangers, et deux Français travaillent à l’étranger. A leurs côtés, ont été appelés un Sous-gouverneur de la Banque de France, un écrivain, Académicien et Conseiller d’Etat, six membres classables dans les universitaires, chercheurs, économistes, démographes et sociologues, un médecin neurologue et deux journalistes éditorialistes. Viennent en assistance technique un ex Ministre italien de la Réforme de l’Etat, M. Franco Bassanini et deux célébrités ayant ciselé et dominé le marché unique et la concurrence au sein de l’UE, l’Espagnole Madame Ana Palacio, Premier Vice Président et conseiller juridique de la Banque mondiale, ex parlementaire de l’UE, et M. Mario Monti, ex Commissaire à la Concurrence. Cet « encadrement » a été renforcé par une parlementaire française de l’UE qui a été rapporteuse de la proposition de directive « Services », qu’on avait d’abord connue sous le nom de directive « Bolkestein », et par le Président du Conseil français de la concurrence, Conseiller d’Etat.

 

Vers une Europe intégrée où la France resterait « visible »

 

L’intégration européenne et la mondialisation ouvrent des opportunités inespérées à une France frileuse et conservatrice. Le développement de la concurrence n’est porteur que de bienfaits. Il conduit sans défaillir à la baisse des prix, à l’augmentation des pouvoirs d’achat des consommateurs, à la vivification de la compétitivité des entreprises, grandes et petites, et à plus de croissance. Il s’agit de combattre nos concurrents européens et des pays émergents sur leur propre terrain, celui des coûts, de l’emploi et des rémunérations qui vont avec. Bien sûr, l’éducation, la formation professionnelle, la recherche, l’innovation… sont toujours nos meilleurs atouts à long terme, et il y a beaucoup à rattraper dans ces domaines, vite. Ah, si on avait appliqué sans état d’âme la « stratégie de Lisbonne »… et toutes les recommandations de Bruxelles ! La Commission va plus loin. Elle extrapole, à sa manière. Le portrait de la France qui apparaît derrière les propositions n’est pas celui que nous connaissons de notre pays. C’est celui d’une France  que les membres de la Commission souhaitent, encastrée dans une UE telle qu’ils la désirent et la projettent. Une France sans autre personnalité que celle de l’UE, du marché unique, et dont un des desseins majeurs est de rester visible par les Français, repérable et « attractive » pour les étrangers. Ne pas disparaître de la vue. D’où la recherche d’objectifs et d’identifiants flatteurs, mobilisateurs, auxquels les citoyens puissent se référer, adhérer : faire de Paris une place financière majeure, faire de Roissy Charles-de-Gaulle le premier aéroport européen, se doter de trois ports de taille européenne : Le Havre, Marseille et Nantes (au moins deux le sont déjà), développer les services dédiés au tourisme international , dans lesquels la France est un leader mondial, constituer 10 grands pôles d’enseignement supérieur et de recherche autour de 10 campus, mettre en chantier dix Ecopolis, villes et quartiers d’au moins 50 000 habitants intégrant technologies vertes et technologies de communications… et, bien entendu, regarder d’un œil favorable, accommodant, les manœuvres financières et boursières visant à accroître les dimensions, les bénéfices et les puissances des groupes français et multinationaux sur notre territoire, gages reconnus ou présumés de leurs survies dans les compétitions européennes et mondiales. Concentration et gigantisme sont des « must », qu’on le dise clairement ou non. La grande distribution en donne un exemple, sujet de controverses persistantes, avec ses positions dominantes et ses dérives des prix répétées.

 Madame Emma Marcegaglia, nouvelle Présidente de Cofindustria, le syndicat patronal de l’Italie, dont l’économie est largement contrôlée par un Etat surendetté et influencée par des syndicats puissants, pousse au libéralisme, à la concurrence, au recul de l’Etat et aux privatisations (cf. Figaro économie [FE] du 09 avril). Elle considère, cependant, que « Dans la mondialisation, ce qui fait la différence, ce n’est pas la taille, mais le dynamisme, l’innovation et l’efficacité : ce qui caractérise les PME italiennes. » et « … il faut être innovant, s’adapter, monter en gamme de produits. La valeur ajoutée est notre force. Car on ne pourra jamais concurrencer la Chine ou la Turquie sur le coût du travail ». Elle n’a pas tout à fait la même vision du capitalisme que chez nous.

 

Pour le désengagement de l’Etat, la « flexisécurité » dans l’emploi et l’immigration choisie

 

Le credo préféré de la Commission est le désengagement de l’Etat du système productif. : privatiser ce qui reste des entreprises et des services publics, et déshabiller l’Etat en le remplaçant dans ses rôles de contrôle et de régulation par des « Autorités indépendantes » sectorielles. Le processus est d’ailleurs déjà très avancé, applaudi des deux mains par la Commission de Bruxelles. Une priorité affirmée, répétée, est la nécessaire réduction des dépenses publiques et de la fiscalité. Mais les décisions proposées sont souvent porteuses de débours supplémentaires, qu’il faille faire plus, mieux, autrement, dans les secteurs éducatifs, sociaux et culturels, notamment, ou qu’il soit nécessaire de stimuler en mettant la main à la poche. C’est le cas pour les aides et les incitations aux promotions de l’initiative privée et individuelle, du goût du risque, des PME, innovantes si possible, des activités porteuses de haute technologie (numérique, biotechnologies, nanotechnologies, neurosciences…), des professions de santé et d’aide à la personne, de la recherche en relation étroite avec des universités plus autonomes. Reviennent aussi en leitmotivs les critiques d’une bureaucratie paralysante ainsi que d’une législation complexe et pléthorique. On peut ajouter sans hésiter : mouvante. Surtout si on regarde les bouleversements en cours et toutes les nouvelles lois et les règlements qui résulteraient du rapport Attali. Sans allègement de la bureaucratie.

 

L’assouplissement de la législation régissant le marché du travail et la diffusion de la « flexisécurité » visés sont bien en ligne avec l’objectif de libération des relations contractuelles entre les employeurs et les salariés. Plus de flexibilité, de fluidité, de mobilité, cela fait des années que le patronat le réclame et qu’on en discute. Quant à la sécurité, pour ceux auxquels elle n’apparaît pas en contradiction formelle avec les trois termes précédents, elle reste un rêve inaccessible, un mirage, là où avance la précarité et se multiplient les délocalisations. Il est curieux que ces derniers mots soient si peu présents et pesants dans le rapport. Un autre rêve est proposé. Le chômeur ou le Rmiste chercheur d’emploi serait considéré et rémunéré comme un travailleur. Avec une formation adéquate en fonction des besoins du marché et un « accompagnement » (assistance-encadrement) renforcé, trouver un emploi lui serait garanti. Pour financer, il suffirait, lit-on, de redéployer les dépenses d’indemnisation chômage existantes (sans doute à la grande satisfaction des salariés qui cotisent depuis des années), ainsi que les dépenses de formation professionnelle. Il s’agirait donc de chambouler deux de nos dispositifs essentiels de formation et d’assurance chômage. Rien que ça, et sans autre forme de procès ! Fin du rêve ?

 

            Pour la Commission, fait aussi partie des rehausseurs de la croissance en France le recours à l’immigration, choisie et de haut niveau technique, comme il se doit, pour pallier les manques dans des secteurs et des spécialités où les compétences françaises font cruellement défaut. Pas question de susciter des concurrences indues pour des emplois ordinaires ; c’est aux défis des TIC, du très haut débit généralisé et de la révolution numérique, qu’il s’agit de répondre. Ni de peser sur les salaires français en important des travailleurs qui en acceptent de plus bas. Ni d’accueillir une immigration clandestine, sociale ou familiale bien plus nombreuse que celle des candidats à l’emploi. Fini tout cela. Pour preuves, les régularisations de clandestins se poursuivent (dans la restauration récemment) et « … Brice Hortefeux  a signé, lundi [25 février] avec le Sénégal, un accord ouvrant le marché du travail à 108 métiers, alors que la France se bat contre le chômage. Incohérent. » (Le Figaro du 29 février).

 

Plus pour les jeunes et davantage de services à la personne

 

Plusieurs membres de la Commission se prononcent en faveur d’une forte priorité aux jeunes pour l’emploi et les aides diverses visant à rendre leur situation  matérielle et sociale plus supportable, ou enviable, et à leur faire entrevoir ou espérer un avenir meilleur. « Jeunisse », complexe de culpabilité ou démagogie ? Aucune hypothèse ne peut être exclue. La repentance à l’égard des jeunes (comme envers d’autres) peut trouver un terrain d’élection chez des personnes qui ont « réussi », qui ont atteint des sommets pendant une longue période où les parcours professionnels et sociaux n’étaient pas encombrés, semés d’embûches et jonchés d’obstacles ou de difficultés en tous genres comme ils sont réputés l’être de nos jours. A commencer par l’obtention d’un travail. « De leur temps », la concurrence était sans doute moins vive entre les candidats à l’emploi… qui avaient pu faire des études avec succès. Qu’en était-il pour les autres, peu ou pas diplômés, plus nombreux ? Il est illusoire de penser que plus d’enseignement et de formation, même de meilleure qualité, résoudra tout ou presque en matière de chômage et que l’on ne trouvera plus de manutentionnaires, d’aides soignants ou de caissières de niveau bac + 2 ou bac + 4. Les trente ans de chômage écoulés nous l’ont suffisamment appris. Notons aussi que le taux de chômage est plus fort chez nous qu’à Chypre, en Estonie, en Irlande, à Malte et au Portugal où les niveaux de l’éducation apparaissent plus faibles qu’en France (sources : Eurostat, OCDE, in TEF - INSEE, Edition 2007).

 

Pour moi, la condition première de la réduction durable du chômage est la croissance des secteur productifs de biens et de services « échangeables », c’est-à-dire de produits pouvant donner lieu à des échanges extérieurs, permettant de majorer les exportations et/ou de réduire les importations. Il faut rechercher en priorité à promouvoir l’agriculture (compétitive et non subventionnée à mauvais escient), étranglée par les intermédiaires, l’industrie, le BTP, ainsi que le tourisme et les services soumis à la concurrence internationale. Pousser à la consommation et soutenir la production de services à la personne peut avoir des buts sociaux et de court terme, mais ne peut, sauf exceptions, être en soi un remède économique durable. C’est aussi souffler dans le sens du vent. La demande exprimée ou potentielle est en augmentation constante, notamment en raison de la hausse des niveaux de vie, du vieillissement de la population qui appelle plus de soins et d’assistance, de la réduction du temps de travail au profit de celui du temps libre ou des loisirs, de la multiplication et de l’allongement des déplacements…

 

Concurrence : des boucs émissaires exemplaires, les coiffeurs, les taxis, les avoués, les pharmaciens

 

Une augmentation du nombre de coiffeurs viendrait de l’instauration de conditions d’installation relatives aux qualifications moins exigeantes ; elle serait bénéfique pour la croissance française. Au contraire, un risque serait, suivant le dicton « une mauvaise monnaie chasse la bonne », l’éviction du marché de professionnels compétents au profit de praticiens moins qualifiés offrant des prestations moins « chères » pour se constituer leur clientèle. Des prestations seraient alors de qualité inférieure, avec des garanties de sécurité moindres, comme l’ont souligné les défenseurs de la profession attaquée. Ceci pose la question des baisses de prix véritables, c’est-à-dire à qualités de prestations égales, que l’on peut attendre sur la durée de la réforme proposée. Faibles ou nulles en moyenne, à mon avis. Autre question : une hypothétique baisse des prix des coiffeurs entraînerait-elle des suppléments de demande des clients, de chiffre d’affaires et de la VA de la profession des coiffeurs ? Aller plus souvent chez le coiffeur n’est pas le souci majeur de la plupart des personnes en quête de pouvoir d’achat. Si quelques euros sont économisés sur des coupes de cheveux, il n’est même pas assuré que les bénéficiaires vont les dépenser pour consommer quoi que ce soit de plus. En période de précarité et de doutes sur l’avenir, ces euros peuvent très bien être épargnés. En bref, il y a peu de chances que la VA de la profession augmente en valeur, et encore moins que la VA par personne employée progresse. La réforme proposée appelle presque automatiquement une baisse de la productivité (mesurée précisément par : VA / effectifs employés) du secteur de la coiffure.

 

Ces observations et ces réflexions sur le secteur des coiffeurs rappellent des limites et des risques d’une démarche visant à étendre, à répandre la concurrence pour faire baisser les prix. Surtout lorsque les agents menacés sont des entrepreneurs individuels, qui sont aussi des consommateurs. Si leurs revenus baissent, leur consommation diminuera aussi. Une grande partie des autres « privilégiés » visés que sont les avoués, les propriétaires de taxis, les pharmaciens et les petits commerçants chassés par la grande distribution sont à la fois des entrepreneurs et des consommateurs, contrairement à la plupart des sociétés et des groupes. C’est à considérer, en sus des arguments spécifiques qui ont pu être exposés pour leurs défenses. L’élimination des avoués semble, en effet, pouvoir profiter aux avocats, sans garantie que les missions des avoués seraient entièrement reprises, et sans raisons évidentes pour lesquelles les honoraires relatifs aux prestations concernées baisseraient. Les taxis ont montré qu’ils étaient attachés à leur emploi, au droit d’exercer qu’ils avaient payé fort cher, et qu’ils pouvaient utiliser les mêmes armes que les personnels des autres services de transport, publics en particulier. Quant aux pharmaciens, leurs arguments sur les compétences nécessaires à l’exercice de leur profession tiennent la route. Quant on lit les contre-indications et les précautions à prendre pour un produit aussi banal et utilisé que l’aspirine, on comprend mieux pourquoi les conseils des pharmaciens (peut-être pas assez sollicités) peuvent réduire les risques pour les « patients », qui ne sont pas des clients ordinaires capables de faire leurs meilleurs choix en libre-service. N’oublions pas, non plus, que ce sont les pharmaciens qui effectuent la saisie informatique des informations nécessaires à la Sécurité Sociale (et à beaucoup de mutuelles santé) pour les remboursements des médicaments, et qui en supportent les coûts. Les mettre en concurrence sur les médicaments non remboursés, c’est aussi décider de transférer à d’autres des parts de leurs CA et de leurs marges qui demandent le moins de labeur. Merci pour eux. Si réduire les prix et les marges des entrepreneurs individuels et des plus petits opérateurs pousse à réduire leurs revenus et leurs consommations, c’est pire si on les pousse à la faillite et au chômage. Il faut alors payer et repayer pour les réintroduire avec succès sur le marché du travail. Lorsque ce sont les prix et les marges des sociétés du CAC 40 et des grands de la distribution ou d’autres secteurs qui sont touchés, ce sont leurs bénéfices, géants encore en 2007, qui sont menacés d’être grignotés ou égratignés. C’est loin d’être équivalent, économiquement et en termes de justice sociale !

 

Vers plus d’inégalités et un aménagement du territoire concentrationnaire

 

            La « visibilité » fait partie des préoccupations majeures de la Commission. Pour mieux se faire voir en France et surtout à l’étranger, il faut que des institutions et des sociétés françaises figurent dans les premières places de classements internationaux. Pour relever les systèmes et leurs performances, par l’exemple venu d’en haut ? Pour preuves de notre dynamisme et de notre grandeur ? Pour l’attractivité de notre territoire ? Pour optimiser l’emploi de rares ressources ? La décision fondamentale (DF) 2 « Constituer 10 grands pôles d’enseignement supérieur et de recherche autour de 10 campus, réels et virtuels, fixant les conditions d’excellence de l’ensemble du système de formation supérieure et de recherche » témoigne de cette volonté. Elitisme sélectif, encouragement de la concurrence et d’une saine émulation entre régions, villes, universités et écoles… désireuses de bénéficier de la manne céleste publique qui viendra à l’aide des heureux élus ? Il y a de cela, indubitablement. Sans souci de l’égalité des chances et de la réduction des inégalités, pourtant érigées par ailleurs en finalités de la justice sociale. Une ambiguïté… et un brûlot potentiel de plus. La DF 4 « Mettre en chantier dix Ecopolis, villes et quartiers d’au moins 50 000 habitants intégrant technologies vertes et technologies de communications » fait partie de la même famille, avec un caractère expérimental et démonstratif prononcé.

 

            Relèvent du même état d’esprit l’objectif « Faire de la France un nœud majeur de communication en Europe » et deux de ses décisions subordonnées, la 105, « Faire de Roissy Charles-de-Gaulle le premier aéroport européen » et la 106, « Se doter de trois ports de taille européenne ». A part plus de nuisances et de pollution, ainsi qu’un plus grand encombrement de coûteuses infrastructures déjà souvent saturées, on ne voit pas très bien ce qu’une plus forte augmentation des trafics peut apporter de très positif à la collectivité. La France n’est pas isolée, au centre ouest de l’Europe. Le transit y est important et croît. Si l’on désire majorer la production et le PIB de la branche transports, tout en respectant plus l’environnement, d’ailleurs, plutôt que de continuer à appeler plus de trafic en développant les infrastructures (moyen dont l’UE s’est abondamment servi depuis des décennies pour « rapprocher » les pays et accroître les échanges entre eux), il est sans doute préférable de commencer par faire payer aux usagers (transporteurs routiers en premier lieu) le juste prix correspondant aux coûts réels, nuisances et pollutions comprises, d’une part, et de permettre à nos entrepreneurs d’être plus compétitifs pour conquérir, ou plus souvent reprendre, des parts de marchés à la concurrence, d’autre part. Passage par les cases tarification, fiscalité, charges sociales, recrutement et rémunération des employés de la branche, donc.

 

            La « décision » concernant l’aéroport de Paris RCDG surprend. Quelle importance que RCDG (53,4 millions de passagers en 2005, contre 67,7 pour Londres Heathrow) soit classé 1er, 2ème ou 3ème en Europe ? Pour l’image, celle de la suprématie aérienne de la France, pour la gloriole, les cocoricos, comme ceux flattant notre beau pays pour sa performance de première destination mondiale du tourisme international. En termes de flux d’arrivées de touristes aux frontières, seulement. Car au décompte des recettes de 2005, la France n’était qu’à mi-chemin des Etats-Unis et prenait du retard sur l’Espagne. Dans un cas comme dans l’autre, ce qui compte, ce sont la valeur ajoutée nationale et l’emploi conduisant à la réduction du chômage, et non à l’importation de main d’œuvre. C’est en ces termes que le retour sur investissement (public et privé) devrait être évalué en premier lieu.

Un des problèmes vivement posés il y a peu de temps était la dimension excessive que prenait RCDG, aéroport qui approchait de la saturation, dont les nuisances devenaient insupportables dans un tissus très densément urbanisé, et dont le trafic accroissait dangereusement les risques. N’oublions pas que l’aéroport de Paris Orly  compte 24,9 millions de passagers qui s’ajoutent aux 53,4. La recherche d’alternatives plus décentralisatrices avait commencé, comme la création d’un grand aéroport international en Normandie ou en Champagne-Ardenne, par exemple. Qu’en est-il advenu ? Pourquoi un tel revirement, qui conduirait à densifier davantage la région parisienne en activités, en population, en infrastructures et en flux de toutes sortes, et à creuser le déséquilibre, déjà profond et croissant, avec le reste du pays. Quelle France doit-on imposer pour libérer la croissance ?

Quelle est la relation avec l’idée d’un Grand Paris assez chère au Président Sarkozy pour que soit créé un Secrétariat d’Etat au développement de la région capitale, avec une priorité à donner au transport, notamment avec la  construction d’un métro en rocade autour de Paris (cf. Le Monde du 21 mars), ainsi qu’avec les positions différentes sur le Grand Paris de M Delanoe, maire de Paris et M Huchon, président de la Région Ile-de-France ?

 

En faveur du low-cost aérien de compagnies étrangères ?

 

            Affirmer que le low-cost aérien est un puissant levier de croissance (décision 104) et le présenter comme un moyen de transport complémentaire ouvrant des opportunités de trafic supplémentaire ne convainc pas. Le low-cost est avant tout vu par la Commission comme un concurrent du « normal-cost » aérien et du TGV. A cet égard n’y a-t-il pas contradiction à la page 101 entre l’affirmation selon laquelle il « participe au développement local en complétant la couverture du Train à grande vitesse » et celle disant que son développement « est surtout urgent pour les liaisons à fort trafic où la concurrence avec le TGV reste inexistante : Paris-Toulouse, Lyon-Bordeaux, Lyon-Toulouse et Lyon-Nantes ». Est-ce exact, et n’a-t-on pas un train de retard ? EasyJet, très présente en France, a déjà ouvert des lignes Paris-Nice et Paris-Toulouse, notamment. Cette grande low-cost avait aussi tenté à partir de 2003 la liaison Paris-Marseille, arrêtée deux ans après. Non rentable. La première compagnie low-cost d’Europe, l’Irlandaise Ryanair (50 millions de passagers), s’implante en France et prend, en quelque sorte, le relais de sa concurrente, en ouvrant début mai une liaison Beauvais-Marseille. Elle n’a pas l’intention de s’arrêter là (FE du 20 mars). Ainsi, le low-cost aérien en Europe et en France, est avant tout l’apanage de sociétés spécialisées étrangères. Et ce sont leurs activités et leurs trafics, en premier lieu, que la décision pousse à développer. Au détriment du transport par la SNCF (TGV) et par Air France-KLM, en particulier. A part l’importation de plus de produits pétroliers, qu’est-ce que la croissance française peut y gagner réellement ? On plaide que le low-cost fera naître des flux de trafic supplémentaires. Sans doute comme à l’aéroport de Marseille Provence depuis qu’une aérogare low-cost a été ouverte fin 2006 ? Quelles compagnies (françaises) en ont bénéficié ? Quels sont les coûts (investissement compris) et les recettes pour l’aéroport et pour la collectivité ? La Commission considère peut-être que l’intérêt collectif à rechercher est celui de l’UE, et non celui de la France.  

 

Quant à « l’ouverture d’un marché secondaire de créneaux » que les compagnies pourraient s’échanger entre elles, elle nous renvoie une image assez spéciale d’une concurrence loyale et non faussée friande d’ententes entre les concurrents. Cela fait aussi penser au « marché international » des droits à pollution, qui permet à de gros pollueurs d’augmenter leurs scores en rachetant les droits de pays qui n’ont pas atteint leurs « quotas ». Beau témoignage de résolution en matière de protection de l’environnement ! « Créer dans l’aéroport Charles-de-Gaulle un terminal dédié au low-cost, doté de taxes aéroportuaires réduites » revient aussi à donner un avantage pécuniaire à ce mode de transport… comme l’ont été et le sont les détaxations, les subventions et les autres compensations accordées ou qui pourraient l’être par des collectivités locales pour faire atterrir les visiteurs chez elles. Tout cadeau de cette nature, qui contribue à baisser les coûts et les tarifs de l’opérateur, vient diminuer les recettes publiques par unité de trafic, d’un côté, et faire baisser la valeur ajoutée (VA) par celle-ci, de l’autre. Car, comme les prix, la VA se mesure tous impôts et taxes compris. Par ailleurs, le low-cost est plus « bas de gamme » que son concurrent le « normal-cost ». Une part substantielle du différentiel de prix vient d’un service différent, « allégé », et d’économies sur le personnel : effectifs et probablement aussi rémunérations. En conséquence, il n’est pas évident que le remplacement d’un certain nombre de vols « normaux » par un nombre un peu supérieur de vols « allégés » conduise à augmenter sensiblement la valeur ajoutée du secteur et à accroître l’emploi de personnels résidents. 

 

Rentabilité collective ou profits des opérateurs ?

 

            Dans le domaine des transports, comme dans d’autres, pour évaluer la rentabilité « collective » d’un programme ou d’un ensemble d’actions, il faut prendre en compte les investissements, les recettes et les dépenses de tous les acteurs concernés, privés, parapublics et publics et ne pas considérer seulement et séparément les opérateurs qui se concurrencent sur les marchés. La concurrence, précisément, tend à compliquer les évaluations, notamment lorsque des acteurs sont « sortis » des marchés, entièrement ou pour une partie de leur offre, sont repris par d’autres (OPA amicales ou hostiles), ou redéployés… Les regards se polarisent sur les vainqueurs et les survivants. On oublie les investissements que les disparus, les soumis et les retaillés ont pu réaliser et les coûts correspondants. Si des sommations des investissements sont faites (rarement), c’est par défaut. Et c’est flatteur pour des rentabilités que l’on présente. Cela semble bien être le cas du bénéfice 2007 du groupe de la SNCF, affiché à plus d’un milliard (Mi) d’euros, pour un CA de 23,7 Mi (+ 8%) et des investissements nets de 1,6 Mi (cf. FE du 19 mars). Une rentabilité apparente énorme ! Le dynamisme du TGV a tiré le CA du transport de voyageurs, en hausse de +5%. Le quotidien note que près de la moitié de la croissance du CA est due à l’acquisition par Geodis (détenu à 43% par la SNCF) de Wilson, société de commission de transport de fret. Le président de la SNCF nourrit d’ambitieux projets comportant des acquisitions. L’Etat, participant majeur dans le financement des lourds investissements d’infrastructure réalisés, réclame sa part du gâteau. Les droits de passage des trains sur le réseau ferré seraient augmentés en conséquence. En réponse, la SNCF aurait menacé d’augmenter ses tarifs. Les hausses seront majorées si la SNCF est amenée à prendre en charge durablement une partie des réductions tarifaires accordées aux familles nombreuses que NS ne veut plus financer. La SNCF remplacera alors l’Etat dans cette forme de « redistribution ». Normal pour une entreprise du secteur concurrentiel ? Le personnel, lui, espérait déjà des revalorisations des rémunérations. Et le pouvoir d’achat des voyageurs, et la concurrence loyale et non faussée dans tout cela ? Une plaie n’échappe pas aux observateurs, grâce aux médias et aux manifestations organisées par les syndicats. C’est la réduction des effectifs qui suit les disparitions de sociétés et les regroupements, « imposés par la concurrence et nécessaires pour restaurer la rentabilité ». Dans le secteur des transports, « Le succès du TGV va coûter 1 000 emplois à Air France » (cf. FE des 08 et 09 mars) et une baisse correspondante des vols et de la VA. Comment sont pris en compte ces impacts de la concurrence intermodale dans l’évaluation de la rentabilité collective des investissements publics et privés du secteur ?

 

Des investissements coûteux pour plus de transit

 

Pour obéir à la décision 108, il faut « se doter de trois ports de taille européenne : Le Havre, Marseille et Nantes ». Très loin derrière Rotterdam, champion avec un trafic de 348,5 millions de tonnes (Mt) en 2005, Marseille était à la 4e place, à 93,3 Mt, stagnant depuis au moins 10 ans. Le Havre était 6e à 70,8 Mt. Dunkerque était 11e à 48,5 Mt. Nantes ne figurait pas dans les quinze majeurs. Pourquoi sélectionner Nantes parmi les ports à privilégier et non Dunkerque ? Ce dernier port serait-il inapte à accueillir les plus grands porte-conteneurs, qui sont, aux yeux de la Commission, les transporteurs maritimes de l’avenir ? Le rapport indique qu’en 2005, Le Havre et Marseille sont aux 36e et 70e rangs des ports à conteneurs dans le monde. Nantes ? ? Voilà d’importants retards à rattraper, si c’est de cela qu’il s’agit. Pour Le Havre, un projet ambitieux « Port 2000 » est déjà dans le pipe-line. Autour de chacun de nos trois ports élus, il faut construire « un réseau cohérent de transport multimodal permettant un traitement rapide des marchandises… » et « Se doter d’un schéma crédible et de long terme de mise à niveau des canaux en France ». Rien que cela ! Les trois ports autonomes publics se verraient déchargés d’activités commerciales et de la gestion des grues et des portiques par le secteur privé. A signaler qu’à l’appel de la CGT, une première grève a été lancée le 26 mars contre la réforme portuaire en cours de discussion, et plus particulièrement contre le transfert des grutiers et des portiqueurs (au nombre de 2000) par les ports autonomes au secteur privé.

            Il me paraît gênant de polariser l’attention sur trois ports et de concentrer les ressources publiques, limitées, sur et autour d’eux sans examen des perspectives concernant l’ensemble des activités économiques, des transports et des autres ports, et sans indications sur l’ordre de grandeur des coûts des réalisations très sommairement énoncées. En face de telles prévisions et de tels coûts, seraient bienvenues des estimations des contreparties des efforts publics (et privés) à consentir : activités locales qui seraient développées, PIB, emplois créés permettant de réduire le chômage (et pas outre mesure de recruter des manutentionnaires moins chers à l’étranger), recettes publiques et rentabilité collective des investissements.

            En fait, l’objectif de développement des trois ports vise visiblement à accroître la capacité concurrentielle d’activités de services de transit de marchandises par nos ports et sur notre territoire. Le but final de l’extension de l’aéroport RCDG est pour une large part de même nature, pour des passagers. A côté de leur éventuelle rentabilité économique, sont-ce des choix intéressants sur les plans de l’environnement et des modes de vie locaux ?

 

Les concentrations, les fusions-acquistions tuent les petits et la concurrence entre les plus grands

 

            Les grands prêtres de la Concurrence qui officient à Bruxelles, à Luxembourg, au MEDEF, au gouvernement et ceux de la Commission Attali n’ignorent pas que la recherche du gigantisme, les concentrations et les fusions-acquisitions tuent la concurrence. Elles se sont multipliées ces dernières années au point de devenir, avec les délocalisations, les instruments principaux des stratégies des sociétés et des groupes, de plus en plus multinationaux. Ces buts, recherchés avec persévérance, sont atteint sans conteste, par deux voies bien connues du public : l’élimination de concurrents assortie de la transformation des marchés en oligopoles et les ententes entre les plus gros, les plus forts qui restent sur les marchés qu’ils se partagent. Des précisions et des exemples se trouvent dans les deux annexes : Ententes sur les prix et positions dominantes et L’oligopoly en plein boum.

On peut retenir ici l’échec au plan collectif et sur la croissance de cette stratégie du gigantisme des firmes dont les fusions-acquisitions font grimper sans fin les dimensions et les bénéfices. Avec une obsession : devenir le plus gros et le plus puissant possible… puis envahir n’importe quel autre secteur et y éliminer, avec l’aide des banques, les « plus petits que soi ». La Commission Attali est bien silencieuse sur ce sujet majeur !

 

Les lois du marché ou celles des plus gros distributeurs ?

 

            Le public a été informé récemment, notamment grâce à des études réalisées par UFC-Que choisir et par Asterop, qu’en France, au niveau de 625 « zones de chalandise » ou de 630 « marchés locaux », existaient des monopoles ou des quasi-monopoles des quatre premiers groupes de la grande distribution. Tantôt l’un, tantôt l’autre. Ils se « partagent » ainsi le marché national avec peu de concurrence localement. Selon Asterop, sur 60% des marchés locaux (ML) une enseigne domine et dépasse de très loin le numéro deux, sur 25% des ML, deux enseignes se partagent la domination, et dans 15% des zones, la concurrence joue davantage (cf. FE du 27 février). Les lois Royer, Galland, et Raffarin ont soumis à contrôle local, à limitations et à conditions les nouvelles implantations et interdit l’abaissement des prix de vente par les distributeurs en fonction des « marges arrières » qu’ils font payer à leurs fournisseurs, et qui abaissent les coûts effectifs des produits distribués. Ces dispositions sont revues. « La loi a tué les plus petits commerçants et organisé des oligopoles à l’échelle locale. Si on sort de ce système pervers, les prix baisseront »  a affirmé M Luc Chatel, Secrétaire d’Etat à la consommation et au tourisme (cf. FE du 26 février)… en harmonie sur ces points avec la Commission. Le 1er mars, devait entrer en vigueur la nouvelle loi autorisant les distributeurs à « rendre » aux consommateurs les marges arrières, et la loi sur la modernisation de l’économie, attendue pour le printemps, réformera aussi l’urbanisme commercial.

 Mais peu de décideurs semblent troublés par le fait que l’ensemble de notre système de distribution soit dominé à ce point par un nombre restreint de groupes. La domination n’a fait que se renforcer au fil des décennies et les problèmes ne sont pas nés des lois incriminées. Le changement de lois en cours et de critères publics de décision locaux peut-il vraiment modifier les rapports de forces qui influent de façon déterminante sur les implantations locales ? On peut avoir de sérieux doutes devant l’appétit et l’opportunisme des grands de la distribution. Ils ont ouvert leurs propres magasins « discount » pour récupérer des clients à la recherche de produits aux prix plus bas, « réorganisant » ainsi la concurrence entre les hypermarchés, leurs autres magasins et le petit commerce. Ils sont devenus des holdings, des conglomérats, sortis de leur métier pour se jeter sur le crédit, sur l’assurance et le tourisme, ainsi que la vente de carburants. De plus en plus de produits sont vendus dans leurs magasins sous leurs propres marques. Ils se présentent aux clients comme des producteurs… en concurrence avec d’autres marques, dont ils vendent les produits. Sur leurs terrains, ils sont joueurs et arbitres. Ils n’ont pas attendu la nouvelle loi pour négocier, sans marges arrières, les prix avec des fournisseurs qui acceptent de ne pas afficher leur identité, et imposer ainsi plus aisément leurs conditions. De nombreuses petites et moyennes marques vont disparaître à jamais. Dommageable, grave ? Et la traçabilité dans tout cela, qui s’en soucie encore ?

 

Comment les consommateurs peuvent-ils faire jouer la concurrence entre les gros distributeurs ?

 

            La flambée des prix dans les grandes surfaces n’a pas fini de faire des vagues : + 5% entre février 2007 et février 2008 pour le produits alimentaires, d’hygiène et d’entretien, selon le DG de la concurrence et de la consommation (DGCCRF), avec une forte dérive depuis fin 2007. Rien à voir avec les marges arrières, selon toute apparence, et très au-delà de la répercussion des hausses des prix des matières premières. Ces dernières ont servi de prétexte et de paravent aux transformateurs et aux distributeurs. Un intéressant tableau de résultats de l’enquête de la DGCCRF, qui a été provoquée par ceux de l’enquête conduite par l’Institut national de la consommation (INC) associé à 60 millions de consommateurs, a été présenté dans Le Parisien du 3 mars sous le titre « Des denrées très chères avec des disparités importantes ». 20 produits en lignes, pour 6 colonnes de prix des produits dans les 80 magasins de 6 grosses enseignes, pour une colonne de totaux des prix moyens observés, ainsi que pour une colonne des prix relevés par l’INC sur les sites Internet des enseignes. La première constatation, de taille, est que les prix de ces 20 denrées sont en moyenne supérieurs sur Internet de + 15,8% à ceux relevés dans les magasins. Voilà de quoi refroidir les adorateurs du e commerce et montrer qu’il n’est pas un stimulateur automatique de la baisse des prix.

            Parmi les enseignes, Géant Casino et Carrefour affichent les prix les plus élevés pour 15 des 20 produits. Globalement, pour les 20 produits, elles sont les plus chères, Intermarché et Leclerc sont les moins chères, Auchan et Cora sont au milieu. Il importe de noter que les écarts de prix maxima pour une même denrée entre les enseignes sont supérieurs à 15% pour 12 des 20 produits et qu’ils peuvent atteindre 26,3%, 31,1%, 39,5% et 65% pour les quatre extrêmes. Interrogée à propos des résultats de l’enquête, Mme Christine Lagarde, Ministre de l’économie, a déclaré notamment « Cela dit, l’enquête de la DGCCRF fait ressortir une concurrence avérée et des différences de prix majeures entre les enseignes : j’invite les consommateurs à faire jouer la concurrence ». Je ne lis pas dans les écarts précédents une concurrence féroce entre les enseignes, qui semblent, au contraire, fixer leurs prix et leurs marges avec une grande liberté, sans contraintes. Quant à faire jouer la concurrence, il y a d’énormes différences entre la théorie et la pratique ! Qu’il s’agisse d’une ménagère ou d’un autre chaland courant prenant sa voiture une ou deux fois par semaine pour aller à « bourre-caddy », acheter de nombreux articles, il est difficile de l’imaginer se déplaçant d’un magasin à l’autre, devant trouver à se garer et faire plusieurs fois la queue aux caisses, pour profiter des meilleurs prix de chacune  des enseignes présentes à des distances variables du domicile.

 

            Il y a quatre semaines, les producteurs de laitue manifestaient leur colère et leur désespoir. « Le prix d’achat de la salade aux producteurs n’a jamais été aussi bas depuis des décennies » sous-titrait FE du 29 février. Il était compris entre 0,05 et 0,10 euro par pied (pour un coût de revient de 0,28 euro). Conditionnée, la salade partait de la station entre 0,25 et 0,30 euro l’unité… pour être vendue par les grandes enseignes entre 0,90 et 1,30 euros. Cherchons à qui profite ce grand écart ! La Fédération nationale des producteurs de légumes dénonçait aussi « le jeu pervers des intermédiaires qui font rentrer des productions portugaises et italiennes pour écrouler le marché et ainsi relever leur niveau de marge ». Le même genre de scandale s’est produit pour la viande de porc, alors que les éleveurs subissent une crise sans précédent et sont obligés de vendre très en dessous de leurs prix de revient. Ces problèmes et ces comportements des intermédiaires ne sont pas nouveaux. Ils s’aggravent et s’intensifient sous l’empire des positions dominantes de la grande distribution. Que peut-on faire de concret et de réaliste pour libérer la croissance des producteurs agricoles, des petits en particulier ?

 

            « Distribution : faut-il imposer le démantèlement des leaders ? » interrogeait La Tribune du 12 mars. Elle citait M Francis Kramarz, professeur à l’Ecole polytechnique et membre de la commission Attali (il ne fait pas partie des 42 membres présentés dans le rapport ; peut-être est-il le 43ème ?). L’intéressé renvoie la décision au Conseil de la concurrence, qui devrait pouvoir, en toute indépendance, imposer des cessions à des groupes qui ont des positions « trop fortes » localement. Mme Valérie Segond (forum de La Tribune) considère que le démantèlement des monopoles locaux est une urgence. Elle écrit aussi « Dans un pays où l’intérêt des grands acteurs a toujours prévalu sur la concurrence, au nom du chantage à l’emploi et de l’idéologie des champions nationaux, l’intervention publique peut être nécessaire pour mettre fin aux monopoles locaux ». Je fais état de ces prises de positions parce qu’elles ne sont pas dominantes et parce qu’elles sont proches de mon point de vue, qui est assez dubitatif sur les impacts à attendre des aménagements législatifs et réglementaires en cours et prévus.  

 

Et les causes ainsi que les conséquences de la crise financière sur la croissance ?

 

            Observant avec gourmandise que « l’industrie » financière (ce tertiaire devient secondaire ?) a crû depuis 2001 trois fois plus vite en Europe que le PIB, le rapport retient l’objectif de faire de Paris une place financière majeure. Il affirme que ce secteur « joue un rôle déterminant dans la croissance en raison de son poids dans l’économie et en tant qu’organisateur du financement de l’ensemble des secteurs ». Il faut donc le développer. Pourtant, le fait que le PIB augmente trois fois moins vite que le secteur financier révèle une faible efficacité de ce dernier sur la croissance globale et non un rôle moteur puissant. En France, il représente 4,5% du PIB et 730 000 emplois. Il ne représente que 10% du secteur financier en Europe et a perdu sa 10ème place mondiale en 2007. Parmi ses atouts, la France disposerait de « champions nationaux en position de leaders mondiaux sur des segments à haute valeur ajoutée ». Nous pensons aussitôt au Crédit Lyonnais, devenu LCL, dont les contribuables ont payé très chèrement le maintient en vie et le désendettement, ainsi qu’à la Société Générale, réputée championne des contrôles… défaillants, menacée d’OPA par BNP Paribas ou par une étrangère. Nous voyons la fragilisation et le repli sur soi du secteur financier, la méfiance régnante entre les banques, le tarissement du crédit interbancaire, venus avec la crise ouverte par les « subprimes ». Une crise qui a encore de l’avenir, dit-on dans les milieux intéressés. Et les taux d’intérêt ont été relevés, laissant moins de marges bénéficiaires potentielles aux banques et moins de motivations pour continuer la course aux financements de LBO juteux. Nous devons aussi constater que la banque française est restée, au contraire des autres secteurs, à l’écart des mouvements européens et mondiaux de regroupement des « champions », sous les yeux bienveillants, accommodants, de nos gouvernants. Depuis le rachat du Crédit commercial de France (CCF) par HSBC Holdings en 2000, rien à signaler (RAS). Il faudra bien y repenser, cependant, un jour ou l’autre, si les affaires reprennent. Et nous savons que peu de fusions se passent de restructurations et de réductions d’effectifs. Alors, profil bas probable sur cet objectif pendant plusieurs années ?

 

            Regrettons que le rapport n’ait pas explicité les apports effectifs du système bancaire et de la bourse dans le financement de l’économie, et analysé leurs faiblesses, car c’est bien le système financier national et international qui pose ou exacerbe le plus les problèmes, de croissance en particulier. Certains vont jusqu’à craindre une répétition de la crise de 1929. Au lieu de s’adonner honnêtement et loyalement à leur finalité première d’intermédiation financière, ainsi qu’au financement de projets rentables et d’activités viables, de trop nombreuses grandes banques et des compagnies d’assurance ont versé dans la spéculation pour démultiplier leurs profits. Derrière la titrisation et des instruments financiers complexes et opaques qui les ont dépassés, leurs dirigeants ont pris, plus ou moins consciemment, des « risques » insupportables. Pas des risques pour eux, pas pour ceux qui, quoi qu’il arrive, gardent leurs privilèges de dirigeants supérieurs, tombent des nues ou descendent des cieux avec des parachutes dorés. Des risques d’abord pour les petits porteurs et, en même temps, pour l’économie dans son ensemble. Les grandes banques et les opérateurs financiers ont également concouru de façon décisive, à l’aide de crédits à bas coûts, au financement d’opérations (et non pas forcément de réels investissements) visant avant tout à la mainmise de groupes ou de sociétés sur d’autres. Les fameux LBO et les autres formes de fusions-acquisitions ont fleuri. Sans pour autant conduire à l’augmentation des productions sectorielles, du PIB et de l’emploi en conséquence. En termes de croissance, le dévoiement des ressources a entraîné  l’inefficacité. Des économistes commencent à considérer que l’argent disponible en abondance et à bas prix a poussé à ignorer les critères de rentabilité économique (collective, surtout), à faire de mauvais choix et à commettre des « imprudences ». Cette prise de conscience est encourageante, mais ce n’est qu’un début. Comment sortir de la crise ? Question cruciale, mais difficile, même pour M Dominique Strauss-Kahn (DSK), DG du FMI (cf. FE du 03 avril). « Cette crise a commencé comme une crise de liquidité. Mais elle devient une crise de solvabilité » et de confiance dans le système, ajouterais-je. « Le problème est global. Il faut une solution globale. Nous y travaillons énormément ». « D’une manière ou d’une autre, il faudra bien permettre aux banques de repartir de l’avant pour débloquer un système aujourd’hui totalement gelé ». « Si la crise venait à atteindre le crédit à la consommation [aux Etats-Unis], les conséquences sur l’activité seraient considérables. Le FMI travaille sur ce qui nous paraît aujourd’hui le plus important, c’est-à-dire les canaux de transmission entre la sphère financière et la sphère réelle ». Ces quatre courts extraits de l’interview de DSK illustrent bien, à mes yeux, la perception par le FMI de la problématique de la crise et l’intensité des efforts qu’il fait pour trouver une solution.  

 

L’UE ne pousse-t-elle pas aux entorses à la concurrence ?

 

            Quant aux fusions-acquisitions, si elles ont un peu ralenti après l’explosion prolongée des années précédentes, c’est en raison de la crise financière, qui n’autorise pas tous les emprunts des « investisseurs ». Mais le mouvement, qui a gonflé artificiellement les bénéfices et les cotes boursières des sociétés avant les récentes chutes, reprend et les intentions demeurent. Les croissances externes sont appelées au secours des croissances propres, d’avance jugées insuffisantes. La plupart des gros du CAC 40 ont des « projets » et lorgnent sans vergogne sur des proies potentielles. C’est le sport à la mode, encouragé par nos gouvernants, pour lesquels seuls les groupes en surpoids  financier peuvent affronter la mondialisation, et par l’UE, qui met en joue quelques monopoles, mais laisse s’installer dans tous les secteurs, sur tous les « marchés », des oligopoles qui réduisent la concurrence. On peut presque dire que l’Union et ses options de base (marché unique, mondialisme et gigantisme) poussent aux entorses à la concurrence, légales ou non. Cela donne d’autant plus de « travail » et d’autorité à la Commission de Bruxelles et à la Cour de justice européenne, très attachées à leurs missions fondatrices de promouvoir « leur » concurrence et de sanctionner les contrevenants. Ce sont des faits majeurs et une contradiction sur lesquels la Commission Attali aurait dû exprimer un avis argumenté… de personnalités expérimentées en la matière. Du rapport, il ressort que la Commission approuve et soutient les options pratiquées. Visiblement, aussi, ressortent deux niveaux d’appréhension de la concurrence. Haro sur les privilèges des coiffeurs, des propriétaires de taxis, des avoués, des infirmières libérales, des pharmaciens, des boutiquiers, des petits épargnants… Respect, révérence et traitement spécial pour les gros, les puissants, qu’il ne faut surtout pas mettre dans le même panier.

            On irait même jusqu’à faire protéger des entreprises stratégiques…européennes. Pas nationales. Nuance ! « Il sera important d’obtenir que l’Union européenne se dote des instruments de protection des entreprises stratégiques de l’Union, sans en définir explicitement la liste » stipule la décision 316 « Renforcer l’Agence des participations de l’Etat ». Nos « fleurons » français ne seraient « protégés » que s’ils étaient stratégiques pour l’UE. On ne définit pas «l’entreprise stratégique » et on déconseille d’en « définir explicitement la liste ». Pour plus de clarté, sans doute. Comme d’habitude avec l’UE, aux pieds de laquelle on se jette ici. Rassurant !

 

Des stratégies de sociétés et de groupes en divorce avec l’intérêt commun national

 

Les sociétés du CAC 40 font d’inouïs bénéfices, en incessantes progressions, tandis que le PIB augmente peu. Parce que les bénéfices sont réalisés à l’étranger, a-t-on affirmé. Sans le démontrer, d’ailleurs. Pourquoi, alors, les impacts sur les exportations et les transferts de revenus sont-ils décevants et la balance des opérations avec l’extérieur, très négative, continue-t-elle à s’aggraver ? Des sommes considérables sont « investies » à l’étranger où des activités sont délocalisées sans espoir de retour et où des entreprises concurrentes des nôtres sont financées. Notre « modèle », inconsidérément ouvert aux influences et aux concurrences de toutes sortes, ne semble procurer des profits qu’à des groupes mobilisant une part importante de l’épargne nationale à des prix qui n’ont rien de commun avec la rentabilité financière que ces prix bas autorisent. Des conditions que les autorités européennes et françaises approuvent et que les lobbies patronaux revendiquent. La rentabilité collective des « investissements » de ces gros est  plus faible et ne peut que continuer à décliner. C’est dans la logique d’un tel système. Les gouvernants chinois chez lesquels on va investir désirent que les échanges avec leur pays soient gagnants gagnants… pour eux, et ils l’imposent aisément. Cela conduit notamment à délocaliser plus vite la fabrication de produits que l’on exporte vers la Chine, comme celle de parties d’avion, par exemple. En outre, il faut accepter que nos marchés soient envahis de vêtements, d’électronique, de jouets chinois… Quant aux droits de l’homme en Chine et au Tibet, les JO de Pékin ne manqueront pas de les restaurer.

 

            En France, les stratégies des sociétés ne visent plus la croissance de la production, du PIB et, en conséquence, de l’emploi, ainsi que des revenus des salariés. Le rachat et les OPA les remplacent. La réduction des coûts passe plus par l’élagage des branches les moins profitables et les licenciements que par la créativité et le dynamisme industriel et commercial. Pour accroître la compétitivité des entreprises, la décision fondamentale 11 demande de transférer une partie des cotisations sociales vers la CSG et la TVA. Ce type de proposition n’a pas été retenu jusque là. La gauche est réservée sur le sujet. Même l’instauration de la TVA sociale, que le président de la Commission des finances du Sénat continue de réclamer (cf. FE du 26 mars), ne passe pas.

 

On incrimine assez facilement nos PME, auxquelles on reproche des performances à l’exportation très inférieures à celles des PME allemandes, sans en expliquer précisément les causes. Maintenant, il faut les soutenir, avec des « guichets uniques », pour grouper leurs démarches, et encourager leurs clients (Etat et collectivités locales compris) pour qu’ils réduisent leurs délais de règlement des factures des PME. Qui se fait des illusions à ce sujet ? Quels moyens de pression peuvent s’exercer dans un milieu où « le client a toujours raison » s’il est important, sinon vital, pour le fournisseur ? Le rapport n’évoque ni l’intérêt qu’il y aurait à reconquérir notre marché intérieur français que les grosses sociétés ont tendance à abandonner aux concurrents étrangers, dont les parts de marchés progressent rapidement, ni la part que pourraient prendre les PME dans cette reconquête « de proximité » pour limiter les importations. C’est normal ! Peu importe d’importer, d’Europe surtout ! Pour les sociétés, seul le profit guide les choix. Et mieux vaut chercher l’ivresse dans la grande exportation !

 

            Le rapport s’étend peu sur les faiblesses et les fragilités de nos grands secteurs exportateurs. Nos vins perdent de leur attrait tandis que montent en quantité et en qualité sur « nos marchés » les ventes de producteurs qui ont des avantages comparatifs redoutables (pays du nouveau monde, de l’Europe de l’Est, d’Asie), où des « investisseurs » français vont d’ailleurs faire de prometteurs placements et des transferts de technologies. L’UE peut alors financer l’arrachage de vignes ici, avec de l’argent des contribuables des pays membres. Par ailleurs, les gros contrats d’armement, de ventes d’avions, de trains à grande vitesse, de construction d’usines, de centrales, d’infrastructures et de génie civil sont dans une large mesure « politiques » et par conséquent « volatils » comme on dit dans les milieux initiés. Ce n’est pas par hasard que le Président Sarkozy a repris le flambeau de M Chirac et ne se déplace plus à l’étranger sans une suite de patrons de grosses sociétés. C’est plus exceptionnel pour les PME. A côté de ces flèches, il y a encore l’automobile, la pharmacie et le luxe. Non sans que certains groupes se tirent des balles dans les pieds, comme Renault, avec sa Logan produite par l’usine Dacia en Roumanie qui dévore des parts de marchés plus importantes que prévu et dont, en outre, les employés réclament de fortes augmentations de leurs faibles salaires (comparés aux moyennes européennes), « mettant en péril » la rentabilité de l’affaire.

 

            Les plongeons à records successifs du dollar par rapport à l’euro et leurs conséquences, assez absents du rapport, constituent aux yeux du patronat, des syndicats et de bien d’autres des motifs majeurs d’inquiétude, lorsque ce n’est déjà de pertes. Ce serait l’émoi chez EADS, Areva, Alstom, et d’autres industriels exportant en dollars. Les prix du vin et des produits cosmétiques vendus aux Etats-Unis y connaîtraient de fortes hausses. Une raison de plus pour déspécialiser et rendre moins fragiles nos exportations en les redéployant et en les orientant davantage vers le marché intérieur de l’UE, où notre balance commerciale est déficitaire. Une raison de plus, également pour développer nos productions de substitution aux importations en France et, peut-être, de demander ou de suggérer à nos grands distributeurs de chercher davantage à vendre français en France. Si cela n’est pas présumé xénophobe, déloyal et hérétique vis-à-vis de l’UE ou de l’OMC, bien entendu.

 

Réduire les dépenses publiques, il ne suffit pas de le « décider »

 

            En fait, il semble qu’il n’y ait jamais eu un tel divorce entre les intérêts du milieu des affaires (industriels, distributeurs, monde financier) et ceux de la collectivité. Cela explique en bonne partie pourquoi la croissance de notre PIB est si molle et pourquoi les dirigeants politiques qui se succèdent sont poussés à miser autant sur la progression de la demande intérieure et, pour la soutenir indéfiniment, sur l’endettement. Vu les niveaux des déficits et de la dette publique, c’est l’endettement privé que l’on pousse, en allant chercher à l’étranger des exemples, des modèles, où il est plus fort que chez nous, pour être plus persuasifs. Ceux qui empruntent pour consommer, quelquefois à des taux proches de l’usure, sont souvent pauvres. Ils paient plus cher leurs achats que les autres clients et doivent réduire leurs dépenses ultérieures pour rembourser. Ils s’exposent au risque de surendettement. Le rapport Attali ne se prononce pas explicitement sur ce sujet à la fois économique et social.

 

Par contre, il prône (cf. DF 20) la réduction des dépenses publiques de – 1% par an à partir de 2009 et vise ainsi à ramener la dette à 55% du PIB en 2012. A chacun de trouver comment. Pour les collectivités locales (CL) (cf. pages 226 et 227), la « rationalisation » des échelons administratifs et électoraux (avec la suppression des Départements) et la désindexation des transferts de l’Etat vers les CL permettront une réduction sensible des coûts… à long terme. Traduction : la diminution des ressources fera baisser les dépenses… plus tard. La logique est ressemblante pour la Sécurité sociale (SS) avec la mise en place de crédits limitatifs pour la maladie, « une franchise proportionnée aux revenus restant à la charge des assurés », et « la mise sous conditions de ressources des allocations familiales ». Pas très original, ni franchement social. M Lionel Jospin s’était déjà essayé en 1998 à la suppression des AF non soumises à conditions. Il avait vite fait marche arrière. Quant à l’Etat, il doit poursuivre ses efforts de productivité, ne pas remplacer deux fonctionnaires sur trois partant à la retraite (NS a décidé que ce serait un sur deux, non sans réactions immédiates), supprimer des niches fiscales, rationaliser les aides aux entreprises, à la ville, au logement et à la formation professionnelle. Ces changements de morceaux du système français d’aides et de subventions destinés à entraîner des économies paraissent peu compatibles avec des objectifs énumérés page 25 dans « La France de 2012 », qui sont porteurs de dépenses publiques supplémentaires notables. Il s’agit de : - la construction de 2 millions de logements et de la rénovation de 2 autres millions de logements (pour info. le nombre de ménages locataires est de 11,5 millions en 2005) ; - la réduction de 7 millions à 3 millions du nombre de Français (ou personnes résidant en France ?) vivant sous le seuil de pauvreté (nouveau seuil fixé à 60% du revenu médian), qui exigera qu’on augmente les ressources publiques consacrées aux personnes aux revenus les plus faibles ; - même chose pour réduire d’un an l’écart de l’espérance de vie entre les « plus favorisés » et les plus défavorisés ; - la création de 10 000 entreprises dans les quartiers (difficiles) et les banlieues, qui réclamera aussi des subventions et des détaxations, ainsi que des volontaires, qui désirent plus de sécurité ; une sécurité qu’il faudra payer aussi ; - la mise au travail de plus de partants à la retraite ne peut s’accommoder ni de demi-mesures fiscales et de formation professionnelle, ni des nombreuses préretraites dans les plans sociaux ; - davantage d’encadrement dans le premier cycle de l’enseignement supérieur n’est pas gratuit, évidemment, pour clore la liste.

 

            L’agriculture est une grande absente du rapport. Pourtant, des décisions seraient utiles pour la croissance ou pour la survie d’exploitations vouées à certaines productions végétales, à l’élevage, à la pêche, ainsi que pour l’environnement, l’emploi, l’équilibre et la  justice sociale. Pas touche, la PAC s’en occupe ? Un projet français de nouvelle « PAC simplifiée » (ça ne vous rappelle rien ?) est en cours de promotion auprès des partenaires de l’UE, et la négociation devrait débuter le 20 mai (cf. FE du 3 avril), après que les commissaires aient adopté le document détaillé (400 pages) qui servira de « feuille de route ». Le projet officiel devrait être validé en novembre, pendant la  Présidence française de l’UE. Notre Président est attaché à la réforme des aides, aux plus fragiles notamment, et à la « préférence communautaire », sur laquelle l’accord est loin d’être unanime. Les questions relatives aux OGM ne manquent également pas de nourrir des polémiques. Du grain à moudre pour les prochains mois, donc.

 

Paul KLOBOUKOFF                                            Académie du Gaullisme                                         Le 10 avril 2008

 

 

             ANNEXES

 

Et la morale dans tout ça ?

 

L’affaire des « fonds secrets » de l’UIMM (Fédération de la métallurgie), des « prélèvements suspects » de 19 millions d’euros qui auraient été utilisés par l’ex président Denis Gautier-Sauvagnac (DGS) « pour fluidifier » le dialogue social (au bénéfice de syndicats ?), de l’indemnité de remerciement de 1,5 millions d’euros que Michel de Virville (membre de la Commission Attali) a généreusement  négociée pour l’UIMM, ainsi que les luttes et les soubresauts au sein du MEDEF que ces évènements ont suscités ou réveillés, tombe très mal. Après d’autres affaires médiatisées récemment : - celle de la Société Générale, dont le PDG reste à son poste ; - celle d’Alcatel, dont le président opérationnel est devenu Président n°2 du Conseil d’administration du nouveau groupe Alcatel-Lucent et touche 8,2 millions d’euros (dont une indemnité de 5,67 millions pour changement de fonctions) malgré les mauvais résultats pendant sa présidence ; - l’affaire en gestation de Thomson, qui a fait des pertes en 2007, dont l’action est en chute libre et dont le président encourt le « risque » d’une éviction… avec un « parachute contractuel » de 1,7 millions d’euros. L’affaire EADS n’est pas non plus effacée des mémoires. Le Parisien Economie du 3 mars (principale source des données précédentes) a consacré presque toute sa première page à une photo avec cette question : « Bouton, Forgeard, Tchuruk  ET LA MORALE DANS TOUT ÇA ? » Le quotidien montre aussi plusieurs présidents « modernes », qui renoncent à leurs stock-options, qui prévoient la suppression de ces rémunérations ou désirent leur encadrement.

Malgré des succès personnels dans les affaires (et des échecs retentissants à la tête de certaines sociétés), les « grands patrons » n’apparaissent pas les mieux placés pour orienter les politiques de la France objectivement et dans l’intérêt général.  De sérieux coups sont aussi portés au dialogue social, dont le rapport Attali a voulu faire une de ses pierres angulaires... en dépit de la maigreur de la représentation syndicale, qui n’a pas de raisons visibles de se remplumer significativement dans les prochaines années. M. de Virville, qui était devenu récemment Président de l’Unedic, a dû démissionner de son poste… au moment où s’effectue la fusion de l’Unedic et de l’ANPE… et que le MEDEF et l’UIMM sont en désaccord sur sa succession. Pendant ce temps, le « bras droit » de DGS, Dominique de Calan (DDC), devenu Président de l’Agirc (Organisme de gestion des retraites des cadres) en février, a été mis en examen dans l’affaire UIMM et placé en garde à vue. Sa démission intervient alors que l’année sera  décisive pour les retraites. Dans l’article intitulé « Agirc et Assedic décapitées », Le Figaro économie du 4 mars notait aussi que DDC représentait à lui seul le MEDEF dans une quinzaine d’organismes où se retrouvent des « partenaires sociaux ». Dure perte pour le patronat et le dialogue social !?

 

Ententes sur les prix et positions dominantes

 

            « Une centaine d’enquêtes sont en cours aujourd’hui en France soit pour des ententes sur les prix, soit pour des abus de position dominante. » et « En 2007, le Conseil [de la concurrence] a prononcé 24 sanctions dans des domaines aussi divers… » (cf. FE du 13 mars). Tantôt ce sont les géants du poulet qui sont épinglés. Cinq « acteurs du marché », porteurs de marques renommées (Loué-Le Gaulois, Père Dodu-Malvoisine, Gastronome, Fermier d’Ancenis, Maître Coq et Ronsard), totalisant 4,25 milliards d’euros de chiffre d’affaires (CA), se seraient entendus sur les prix minimum de vente au consommateur. Plusieurs magasins des distributeurs Auchan, Carrefour et Leclerc sont aussi cités dans cette affaire. Les enseignes en profiteraient pour majorer leurs marges. Le 27 février, le même quotidien révélait que neuf géants étaient suspectés d’entente sur leurs tarifs en France et que les marques les plus connues de produits d’entretien (Procter & Gamble, Henkel, Sara Lee, Unilever, Colgate-Palmolive, SC Johnson, Reckitt Benckiser) étaient touchées par une enquête du Conseil de la concurrence. Le CA total de ces multinationales avoisine 143 milliards d’euros, dont presque 99 pour les deux « hyper gros » Procter & Gamble et Unilever. Non seulement la concurrence est réduite avec le grossissement des plus boulimiques et l’élimination de leurs concurrents, mais, en outre, la situation oligopolistique créée facilite les ententes et les magouilles diverses entre un nombre plus réduit d’interlocuteurs voraces. Depuis le 25 mars, les médias annoncent que quatre banques mutualistes, les Banques populaires, le Crédit Agricole, les Caisses d’épargne et le Crédit mutuel, sont soupçonnées de s’être entendues en 2005 sur des tarifs de crédits immobiliers aux ménages et font l’objet d’enquêtes de la Direction de la concurrence. Dans la construction aérienne, Agusta, rival italien d’Eurocopter devrait payer prochainement une lourde amende et rembourser au moins 500 millions d’aides publiques illégales (cf. FE du 26 février). De nouveaux soupçons d’ententes dans le transport aérien sont signalés (cf. La Tribune du 12 mars). Après les sanctions de British Airways et de Virgin Atlantic, des transporteurs européens, Lufthansa, KLM, (Air France ?) et Alitalia, ainsi que nippons se seraient entendus sur les prix de billets entre l’Europe et le Japon. Le nombre et l’importance de ce type d’affaires croissent avec la prolifération des oligopoles sectoriels.

 

            Car le monopoly et l’oligopoly sont les jeux de sociétés en vogue. Dans l’aérien, Air France-KLM tente de reprendre Alitalia, au bord du dépôt de bilan. Davantage de concurrence en vue dans le ciel ? Les syndicats refusent le projet d’accord qui prévoit la suppression de 2 100 emplois (Le Parisien du 29 mars). La température continue de monter autour de la fusion prévue de Suez et de GDF, Bruxelles poussant toujours les futurs associés à céder SPE, 2ème fournisseur d’électricité en Belgique, et Distrigaz, société gazière du groupe Suez que convoitent plusieurs géants de l’énergie, l’allemand E.ON, l’Italien ENI et EDF. On peut se demander pourquoi avoir cassé en deux EDF-GDF et ce que cela a apporté à la France. « Suez et Gaz de France poursuivent leur expansion tous azimuts » a-t-on pu lire dans Le Figaro économie du 27 février. Voilà de quoi nous rassurer. La logique et l’ordre vont régner, en toute concurrence, dans le secteur. Lequel, au fait ? On lit aussi qu’Areva, groupe français leader (= monopole ?) du nucléaire veut doubler de taille d’ici 2012 (CA objectif de 20 milliards). Pour lutter à armes égales avec son plus gros rival Toshiba-Westinghouse et ses suivants, bien sur. Il s’agirait donc de privatiser partiellement le nucléaire et de se rapprocher de Bouygues et d’Alstom, par exemple, pour former un groupe géant « rassemblant toutes les compétences d’un chantier nucléaire : génie civil, turbines et construction de l’îlot nucléaire ». Vous ne pensiez tout de même pas qu’Areva entendait accroître sa production avec ses seuls moyens propres ! Pourquoi la Commission Attali ne se pose-t-elle pas la question de l’efficacité et des apports réels de ce type de gigantisme macrophage ? Notons encore qu’il y a peu de temps, la mode était de se redéployer « en se concentrant sur le cœur de son métier ». Aujourd’hui, il s’agit surtout de former de très grosses bonnes à tout faire. Et après ?

            Dans l’automobile, Porsche est prêt à mettre plus de 10 milliards d’euros dans le capital de Volkswagen (VW) pour donner naissance à un groupe géant. VW vient de dépenser 2,9 milliards pour prendre le contrôle du constructeur de camions « suédois » Scania (cf. FE du 4 mars). La concurrence n’en sortira sans doute pas grandie, quoi qu’on en dise. Les automobilistes doivent-ils se réjouir que Vinci Park soit devenu numéro un mondial du stationnement, à la suite d’OPA en série, et contrôle la moitié du secteur privé en France (cf. Le Parisien du 11 mars) ? Normal pour une saine concurrence ? M Antoine Zacharias, ex président du groupe de construction Vinci, évincé par le Conseil d’administration en 2006, avec une indemnité de 12,9 millions d’euros (tout de même) réclame devant le tribunal de commerce de Nanterre une indemnisation de 81 millions d’euros, pour avoir été privé d’une partie de ses stock-options (cf. Le Parisien du 29 mars). J’espère que le MEDEF et les médias donneront à cette affaire toute l’attention et la publicité qu’elle mérite.

            L’agonie de ce qui reste de notre sidérurgie est attristante et affligeante. L’aciérie et le train à billettes de Gandrange vont être fermés par ArcelorMittal. 525 emplois seront supprimés sur le site. Des reclassements et 140 départs en préretraite sont prévus. On se moque du trou des retraites, malgré toutes les déclarations faites.

            Au rayon plus modeste des jouets, sur décision de justice du 3 mars, le groupe Smoby-Majorette est démantelé. Smoby (jouets en plastique) est repris par le groupe allemand Simba qui  ne conserve que 401 salariés sur 1080 en France (cf. FE du 4 mars). Le PDG de Smoby, soupçonné de détournements de fonds est mis en examen. Majorette (véhicules en métal) est reprise par la société MI29, perdant 23 emplois sur 78 en France

            Dans les domaines des télécoms et d’Internet, Neuf Cegetel (3,2 millions d’abonnés haut débit) était devenu le deuxième fournisseur français d’accès à Internet par ADSL en 2007 après le rachat de Club Internet, devancé seulement par Orange (France Télécom) et précédant Free (Iliad). Neuf Cegetel est aussi en lice pour racheter Alice, opérateur Internet de Télécom Italia. SFR, que l’on connaît surtout pour ses mobiles, principal actionnaire de Cegetel avec 40,5% du capital, va en prendre le contrôle en rachetant 28,5% des parts, et la marque Neuf est appelée à s’éteindre. Un de chute, de plus ! Vu la puissance d’Orange, l’opération ne poserait pas de problème de concurrence dans les télécoms, pour les intéressés (cf. La Tribune du 12 mars). De son côté, la Commission européenne trouve les prix élevés en France dans le mobile. Elle déplore que seuls trois opérateurs en France (Orange, SFR et Bouygues Telecom) aient acquis (à des prix considérés comme exorbitants), ces fameuses licences pour la technologie de 3ème génération UMTS. Elle pousse à accepter  un quatrième élu dans l’oligopole.

            Faute de combattants à la hauteur, on ne peut être aussi « exigeant » en face de Microsoft, dont les positions dominantes font, par amendes et autres pénalités successives, les choux gras des instances de concurrence, européennes en particulier. Le groupe offrait 41,4 milliards de dollars pour acquérir Yahoo, portail et moteur de recherche sur Internet, concurrent performant de Google (cf. FE du 19 mars). Une seule question : paiement en cash ou partiellement en titres. Rien que de très bénéfique pour les internautes, donc.

Ce ne sont que quelques exemples d’un jeu trop souvent à somme nulle ou négative lors des opérations.

 

Paul KLOBOUKOFF                                      Académie du Gaullisme                                               Le 10 avril 2008

 

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