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La
France sans pouvoirs publics
par
Christian Darlot
Le
Président de la République et le Gouvernement tentent de faire ratifier par le
Parlement le traité de Lisbonne, qui instituerait la suprématie de l’Union
Européenne sur les États d’Europe, malgré le rejet par le Peuple français du
traité précédent en 2005. Les partisans de cette procédure la prétendent
constitutionnelle, et allèguent l’intention avouée pendant la campagne
électorale par le président en exercice. Ces assertions sont-elles fondées ? En
démocratie, le Peuple, formé par l’ensemble des citoyens, est le seul souverain,
et le pouvoir constituant appartient à lui seul. La Constitution affirme ainsi,
en son article 2, que « le principe de la République est : gouvernement du
Peuple, par le Peuple et pour le Peuple », et en son article 3 que « la
souveraineté nationale appartient au Peuple ».
À
chaque élection législative, le Peuple souverain délègue partiellement le
pouvoir constituant à ses représentants, qui sont habilités à modifier la
Constitution, selon une procédure fixée par la Constitution elle-même. Mais
cette délégation implicite n’habilite les représentants du Peuple ni à
bouleverser la Constitution, ni à l’abroger. Or le traité que le pouvoir
exécutif tente de faire ratifier instituerait un pouvoir supérieur à celui de la
République, et un ordre constitutionnel absolument supérieur à l’ordre
constitutionnel républicain. Il ne s’agit donc pas seulement de modifier la
Constitution mais de subordonner la République à un pouvoir extérieur. Un
changement si radical ne peut être accompli par des représentants élus selon la
procédure législative ordinaire.
Deux
voies, et deux seulement, sont possibles :
-
soit le Peuple exerce directement son pouvoir constituant, par voie de
référendum ;
-
soit il l’exerce par l’intermédiaire de représentants spécialement habilités,
élus explicitement dans ce but, après une campagne électorale toute entière
passée à discuter de ce projet. L’assemblée munie d’un tel mandat est alors
officiellement constituante. Or les parlementaires à présent en exercice n’ont
pas été élus ainsi. Donc le pouvoir constituant ne leur a pas été confié, et par
conséquent ils n’en sont pas dépositaires.
Le
Président de la République « est le garant de l’indépendance nationale» et «
veille au respect de la Constitution », selon l’article 5 de celle-ci. Moins que
quiconque il ne peut donc proposer de l’altérer, encore moins de la subordonner
à un autre texte normatif. mandataire du Peuple, sa
volonté ne saurait prévaloir sur celle du souverain. Les partisans du traité
proclament eux-mêmes que ce texte a été rédigé dans les mêmes intentions que le
traité de 2005, dont il reprend toutes les dispositions principales et, presque
phrase pour phrase, les dispositions de détail, dont seul l’ordre a été modifié
et la présentation embrouillée. Semblables par le but, la substance et la forme,
ces deux textes sont essentiellement identiques.
Le
traité de Lisbonne est ainsi d’emblée caduc, puisque le Peuple souverain a déjà
décidé d’en refuser toutes les dispositions par sa libre décision de 2005. Nul
pouvoir n’étant au-dessus du Peuple, ce que le Peuple a décidé ne peut être
modifié que par lui. Prétendre que des mandataires sans mandat puissent violer
la volonté des mandants, prétexter du discours d’un seul homme, et d’un homme
qui enfreint délibérément le devoir de sa charge, pour renverser la
Constitution, c’est vouloir abolir la République et anéantir la souveraineté du
Peuple. C’est inciter au crime de forfaiture. C’est déchirer le contrat social,
détruire la foi publique, ébranler la concorde civile, ruiner les bases mêmes de
la vie commune.
Selon
l’article 4 de la Constitution « les partis et groupements politiques doivent
respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».
Toute personnalité politique qui accepterait de ratifier ce traité se placerait
donc d’elle-même hors de l’ordre constitutionnel, comme les parlementaires qui,
en1940, prétendirent accorder illégitimement, et à un seul homme, un pouvoir
qu’ils ne détenaient pas. Pis encore, cette usurpation résulterait, comme jadis,
d’une pression de l’étranger, approuvée par des groupes sociaux dominants prêts
à l’utiliser pour pérenniser leur domination.
Quiconque
ratifierait, ou tenterait de faire ratifier, ce traité perdrait donc, par ce
fait lui-même, tout pouvoir de représenter le Peuple ou d’agir en son nom. Si ce
traité était ratifié, les pouvoirs législatifs et exécutifs de la France
seraient ainsi caducs, et le pays n’aurait plus qu’un parlement, un gouvernement
et un président de fait, auxquels nul citoyen ne devrait plus allégeance,
jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel
républicain.
Vive
la République !
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