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CRISE FINANCIÈRE DES TIRS NON CADRÉS SUR L’AMÉRIQUE :
par Paul KLOBOUKOFF
DEC. 2007
Peut-on accuser les États-Unis d’Amérique et leurs subprimesd’avoir provoqué en Europe une crise financière plus sévère que celle qui sévit chez eux, puis
d’aggraver encore les problèmes européens à l’aide d’une baisse « massive » des taux d’intérêt de la FED ? Concernant les responsabilités dans la crise et dans son ampleur en
France et en Europe, il semble que personne n’a forcé nos banques et autres « investisseurs » à acheter de « mauvais crédits » américains. Les fautifs ont spéculé librement
sur des crédits à risques pour doper les performances de leurs fonds. À assez grande échelle. D’après Challenges, du 30 août 2007, qui se réfère à une note de la Société
Générale, du 22 août, les investisseurs européens en auraient acheté en douze mois pour335 milliards d’euros. Cela dénote un solide appétit !
Certes, la FED a abaissé de – 0,50 % son taux d’escompte le 17 août, le faisant passer de 6,25 % à 5,75 %. Un mois plus tard, elle a diminué de – 0,50 % son
principal taux directeur, qui est descendu de 5,25 % à 4,75 %. Pour sa part, inquiète des indices et des risques d’inflation avant la crise, la Banque centrale européenne
(BCE) projetait d’augmenter son taux d’intérêt directeur et de le porter de 4 % à 4,25 % (probablement). La crise étant venue, la BCE a laissé ce taux inchangé à 4 %. Son taux
d’escompte est resté à 5 %. De fortes pressions se sont exercées sur laBCE, comme à l’habitude, pour qu’elle diminue ses taux. Elle n’a pas fléchi. Les Américains ne semblent
pas impliqués dans cette décision conservatoire de la BCE. Finalement, après avoir été abaissés, les taux directeurs américains restent de + 0,75 % supérieurs aux taux
directeurs européens. Peut-on, alors, reprocher à la FED d’avoir fait plonger « massivement » ses taux pour faire chuter le dollar par rapport à l’euro ? Très peu crédible.
La longue chute et la faiblesse actuelle du dollar ne sont pas dus à de bas taux d’intérêt de la FED. Ils résultent essentiellement des dimensions et de
l’aggravation de déficits commerciaux et publics persistants, de l’endettement géant public et privé… ainsi que de l’apparente perte de compétitivité des entreprises vis-à-vis
de l’étranger, des pays émergents en particulier, malgré un dollar affaissé, effondré face à l’euro. La baisse des taux de la FED n’a, d’ailleurs, pas fait pleurer grand monde
ici. Nos « investisseurs » s’en sont aussitôt réjouit et l’euphorie, l’exubérance a embrasé à nouveau les bourses européennes et le CAC 40 qui est très vite revenu au dessus
des 5.700 points. Étonnant ? Non ! Pour deux raisons au moins. Cette baisse des taux par la FED est perçue comme une garantie contre le relèvement prochain de ses taux par la
BCE.
Aux yeux des investisseurs, elle est aussi une promesse de relance ou d’accélération de la croissance aux États-Unis, donc de progression plus vive de la demande
là-bas et, par voie de conséquence, d’opportunités de businesssupplémentaires pour nos agents économiques : exportations, d’un côté, mouvements financiers et bénéfices accrus,
de l’autre. La hauteur inattendue du rebond de la bourse française après l’annonce attire l’attention sur la « réactivité » de nos investisseurs à l’amélioration (présumée)
des perspectives économiques américaines… désormais devenues plus importantes pour eux que des lendemains plus moroses, ou moins brillants, des plus grosses économies
européennes. À cet égard, la France et l’UE sont effectivement polarisées par les États-Unis.
En France, enfin, la baisse des taux directeurs de la BCE n’entraîne pas la croissance du PIB. Rappelons ici que le taux directeur de la BCE a été abaissé à 2 %
après le 11 septembre 2001. Il a été maintenu à ce niveau jusqu’au 6 décembre 2003, puis a été remonté lentement et a touché les 3 % (seulement) le 11 octobre 2006. Cinq ans
d’argent « cadeau » pour les « investisseurs ». Le résultat se passe de commentaires : le taux de croissance moyen du PIB n’a pas dépassé 1,5 % par an depuis l’an 2000. Par
contre, cet argent bon marché est venu enrichir des « investisseurs » et est venu stimuler et accélérer les bulles immobilière et boursière que nous connaissons. Il est temps
de prendre pleinement conscience de la distance qui sépare maintenant la sphère financière de l’économie réelle et de la croissance, ainsi que de l’inefficacité de notre
pratique des bas taux sur celle-ci.
À mon avis, ce sont des sujets de méditation incontournables pour ceux qui cogitent sur la relance et le maintien de la croissance en France et en Europe. Avec la
nécessité de s’interroger, observations chiffrées à l’appui, sur les vertus réelles et les apports des mixages de politiques tant à la mode chez nous après Maastricht, qui
associent une politique budgétaire contrôlée, sinon restrictive, à une politique financière caractérisée par des taux bas, qualifiée d’accommodante dans les milieux
financiers. Et ceci, sur la durée.
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